Samedi, 18 novembre 2017

  • Toledot
Editorial

 40 ans

En route pour le congrès ! C’est évidemment du congrès international des délégués du Rabbi qu’il s’agit ; il se déroule cette semaine à New York et voit se rencontrer, comme chaque année, de ces milliers de responsables de communautés juives aux quatre coins du monde, si différents par leurs expériences, si semblables par la force de leur conviction et si unis par leur conscience du but à atteindre. De fait, le congrès est un événement régulier et, d’année en année, il apporte son lot de retrouvailles inespérées, d’histoires individuelles extraordinaires et un grand souffle pour l’avenir, comme un vent nouveau qui soulèverait les montagnes. Qu’en dire qui n’ait déjà été dit ?

Pourtant, cette année est différente. Il y a tout juste quarante ans, en 5738 – 1977, le Rabbi eut une grave crise cardiaque à la fin des fêtes de Tichri, pendant les réjouissances de Chemini Atsérèt. Son bureau fut transformé en unité de soins intensifs et il ne le quitta plus pendant de nombreuses semaines. Certes, il ne cessa pas pour autant son œuvre. Il continua de parler, d’enseigner… mais depuis son bureau, sans apparaître en public. Cette situation, dont chacun peut imaginer comme elle fut difficile pour tous, se poursuivit jusqu’au Roch ‘Hodech Kislev, le début du mois. Ce jour-là, le Rabbi rentra chez lui et les ‘hassidim laissèrent alors éclater leur joie et leur soulagement. C’est la date fixée annuellement pour le congrès des émissaires.

Mais ce jour ne marqua pas uniquement la guérison du Rabbi, il fut aussi comme un nouveau départ. Celui qui se retourne sur ces années se rend compte à quel point elles furent pleines et riches de projets et de réalisations. C’est dans cette période que le Rabbi lança de nombreuses et nouvelles campagnes, c’est aussi là que des centaines de délégués prirent leur fonction dans le monde entier. L’arrêt n’avait pas été un ralentissement mais bien un élan donné à l’action.

Nous sommes quarante ans plus tard et, aujourd’hui, tout cela continue et s’amplifie jour après jour. « C’est après quarante ans qu’on arrive à la pensée de son maître » disent nos Sages. Après un tel laps de temps, un nouveau rapport s’établit entre la pensée et le penseur, entre le maître et le disciple. Puissions-nous donc être pénétrés de cette pensée, en saisir avec une intensité profonde toute la portée et la mettre en œuvre pleinement. N’est-ce pas la clé de notre Délivrance ?

Etincelles de Machiah

 La plus grande pitié

La grande pitié que l’on éprouve pour le peuple juif, du fait qu’il est toujours en exil, est bien supérieure à toute pitié que l’on puisse concevoir. C’est pourquoi nous demandons à D.ieu : « Dans Ta grande miséricorde, aie pitié de nous ».

Du point de vue de « Ta grande miséricorde », du point de vue de D.ieu Qui sait la vraie dimension de la pitié, il n’existe pas la moindre explication de la longueur de l’exil !

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –

Chabbat Parchat Vayigach 5746)

Vivre avec la Paracha

 Toledot

Au bout de vingt ans, les prières d’Its’hak et de Rivka pour avoir un enfant sont exaucées. Devant les difficultés de Rivka, D.ieu lui annonce : « Deux nations sont en ton giron et la plus jeune prévaudra ».

Essav naît le premier, suivi de Yaakov qui le tient par le talon.

Essav devient un « chasseur rusé, un homme des champs » alors que Yaakov est celui qui réside « dans les tentes de l’étude ».

Yaakov préfère Essav et Rivka est plus proche de Yaakov.

Essav, épuisé et affamé après une partie de chasse, vend son droit d’aînesse à Yaakov en échange d’un plat de lentilles rouges.

A Grar, terre des Philistins, Its’hak présente Rivka comme sa sœur de peur d’être tué par quelqu’un qui convoiterait sa beauté. Il cultive la terre et creuse une série de puits. Les deux premiers suscitent des affrontements avec les Philistins qui finissent par le laisser jouir tranquillement des eaux du troisième.

Essav épouse deux femmes ‘Hitites.

Its’hak vieillit et devient aveugle. Il désire alors de bénir Essav, avant de mourir. Profitant de l’absence d’Essav, parti chasser, Rivka revêt Yaakov des habits de son frère, prépare le plat qu’Essav destinait à Its’hak et envoie Yaakov le lui offrir. Yaakov reçoit alors les bénédictions de son père pour « la rosée du ciel et le gras de la terre » ainsi que celle de la domination sur son frère. A son retour, Essav découvre la supercherie et Its’hak le bénit alors pour pouvoir survivre par son glaive et prendre la suprématie lorsque son jeune frère faiblira.

Yaakov s’enfuit de ‘Haran pour échapper à la colère d’Essav et trouver une épouse dans la famille du frère de sa mère, Lavane.

Essav épouse une troisième femme, Ma’halat, la fille d’Ichmaël.

Chaque partie de la Torah s’offre à de multiples explications. On distingue généralement quatre niveaux d’interprétation, depuis celle du Pchat, le sens littéral, pour aboutir au Sod, le sens cabalistique.

Et pour chacun de ces quatre niveaux, nos Sages affirment qu’il existe 600 000 explications. Dans certains passages, le sens simple de la Torah est le plus clair. Cependant, malgré le fait qu’en règle générale, le sens cabalistique soit le plus complexe, dans certains cas, il permet d’apporter un sens plus clair sur le passage. Et c’est effectivement le cas, dans la Paracha de cette semaine, Toledot.

Il y est relaté que dans son âge avancé, Its’hak voulut bénir son fils Essav et non Yaakov. Pourquoi voulut-il bénir Essav à la place de Yaakov ? Il savait qu’Essav était impie. Et bien que nos Sages affirment qu’Essav essayait constamment de berner Its’hak, nous savons, d’après ce passage précis, qu’Its’hak savait que quelque chose n’allait pas chez Essav. Quand Yaakov revêtit les habits d’Essav et l’imita pour obtenir la bénédiction, il mentionna le Nom de D.ieu. Et Its’hak douta immédiatement de son identité. En effet, seul Yaakov mentionnait sans cesse le Nom de D.ieu. Nous déduisons de ce passage qu’Its’hak savait qu’Essav n’était pas un homme qui craignait réellement le Tout Puissant. Il apparaît donc troublant qu’il ait voulu donner la bénédiction à Essav plutôt qu’à Yaakov.

Le AriZal, cité dans la philosophie ‘hassidique, apporte une explication à cette interrogation.

Il explique que chaque existence matérielle dans ce monde possède une source spirituelle dans le royaume spirituel. Mais plus encore, plus l’objet tombe bas dans ce monde, plus élevée est sa source spirituelle. La métaphore donnée est celle d’un mur qui s’écroule. Plus les pierres sont en hauteur, plus elles tombent bas et loin de l’emplacement initial du mur, alors que les pierres du bas se retrouvent plus proches du mur originel. Par le même ressort, quelque chose de très bas, dans ce monde, possède une source très élevée dans le monde spirituel et quelque chose qui paraît très élevé ici-bas a une source spirituelle moindre.

Ce principe s’applique également à Yaakov et Essav. Bien que dans ce monde Yaakov parût le plus saint et Essav l’impie, lorsqu’il s’agit de leurs sources spirituelles, par certains aspects, Essav était plus élevé que Yaakov. Dans le langage de la Cabale, la source spirituelle d’Essav émanait du monde de Tohou et celle de Yaakov du monde de Tikoun.

Its’hak ne se trompait pas sur la nature d’Essav telle qu’il lui apparaissait mais il savait que sa source spirituelle était extraordinaire et celle-là même qu’il aspirait à révéler par sa bénédiction. Il est sûr que Yaakov était réellement un saint homme mais Its’hak voyait le potentiel d’Essav, ce qui d’ailleurs se révélerait, au fil du temps, par les illustres convertis qui allaient rejoindre le rang des dirigeants du peuple juif : Rabbi Méir, Chmaya, Avtalione, Ovadia, Onkeloss… tous ceux-là contenus dans l’âme d’Essav. Et si Its’hak voulait donner cette bénédiction à Essav, c’était pour révéler toute cette sainteté dans le monde. Le problème était que la sainteté d’Essav, profondément enfouie dans son âme, ne se révélait que dans sa source, dans les dimensions les plus élevées du monde spirituel. Mais dans le monde matériel qui est le nôtre, elle ne pouvait se dévoiler.

C’est ce à quoi il est fait allusion dans un récit que relatent nos Sages à propos d’une bataille qui se livra lors de l’enterrement de Yaakov. La conséquence en fut la décapitation d’Essav. Et sa tête fut enterrée aux côtés d’Its’hak. Comment une telle chose est-elle possible ? Cet homme était vil et un homme vil ne peut être enseveli aux côtés d’un Tsaddik ! Mais ce que nous avons vu nous indique que dans sa source, Essav était saint. Sa tête, siège de l’aspect le plus élevé de son âme, avait donc sa place dans ce lieu.

Mais la femme d’Its’hak, Rivkah, elle, vit que c’était Yaakov qui avait la capacité de faire descendre la sainteté dans ce monde et c’est la raison pour laquelle elle l’encouragea à arracher la bénédiction à son frère.

La bénédiction attribuée à Yaakov ne lui permit pas seulement de révéler la sainteté de son âme, dans ses sources spirituelles à lui, mais aussi de purifier Essav et dévoiler sa sainteté, d’élever son niveau. Non seulement releva-t-il sa propre source et celle d’Essav mais il parvint à un niveau encore plus haut qu’eux deux.

Le Coin de la Halacha

 Pourquoi met-on du sel à table ?

Nos Sages comparent la table à l’autel sur lequel on offrait des sacrifices dans le saint Temple de Jérusalem. Nos repas sont donc comparés aux sacrifices qui étaient mangés en état de pureté et sainteté. Or, il était obligatoire de saler tous les sacrifices (en offrant un sacrifice, le Juif consacrait aussi bien le règne animal que le règne végétal – avec des libations de vin – et le règne minéral – avec le sel). C’est pourquoi il est d’usage de mettre du sel à table.

D’autre part, quand des Juifs sont assis et attendent que tous les convives aient lavé les mains avant de commencer le repas, ils ne sont occupés à aucune Mitsva et il se pourrait que des mauvaises influences les accusent. Il convient donc à ce moment de rappeler qu’une alliance a été conclue entre D.ieu et les Juifs, « Une alliance de sel (donc éternelle) » et c’est elle qui les protège contre toute accusation.

Selon la Kabbale, on commence le repas en trempant une tranche de pain trois fois dans le sel. Le maître de maison, qui tranche le pain, est le premier à en manger après avoir récité la bénédiction « Hamotsi ». Ensuite il distribue du pain à tous les convives, sans le donner directement dans la main (de façon à ne pas faire honte car c’est à des mendiants qu’on donne directement dans la main). On ne jette pas le pain en direction des convives mais on le pose dignement.

A la fin du repas, on se rince les doigts et on les passe sur la bouche pour enlever toute trace du « sel de Sodome », très fort et potentiellement dangereux car susceptible de causer la cécité si on le passe sur les yeux. C’est aussi une façon d’éviter d’être contaminé par la philosophie des habitants de Sodome qui étaient « aveugles » aux besoins des autres et refusaient de pratiquer l’hospitalité.

 (d’après Rav Chalom Dov Ber Blau - « Assadère Lisseoudata »)

Le Recit de la Semaine

 Une dette enfin remboursée…

Notre fils Mendi étudie dans une Yechiva à Natanya. Auparavant, cette Yechiva était située à Hadéra. Malheureusement, le bâtiment était très vétuste et dans un état de délabrement difficile à imaginer. Au point que les jeunes étudiants étaient obligés d’acheter ou de confectionner des pièges contre les nuisibles qui y pullulaient. Alertée, la mairie obligea l’établissement à fermer ses portes, sous prétexte que la cuisine ne satisfaisait pas aux normes d’hygiène élémentaires. Le bâtiment fut condamné et l’ordre de destruction ne tarda pas.

La Yechiva fut transférée à Natanya dans un bâtiment prêté par un autre mouvement ‘hassidique. Mais cette solution ne s’avéra guère plus réjouissante car les conditions étaient loin d’être idéales. Bien entendu, la direction affirma que ce n’était qu’une question de temps, le temps d’encaisser des chèques, n’est-ce pas, pour obtenir des locaux plus fonctionnels.

Les mois passèrent puis les années…

Toujours pas d’argent.

Le directeur de la Yechiva, Rav Horenstein tenta d’économiser sou après sou pour acquérir un nouveau bâtiment. Effectivement, au milieu de l’année dernière, la Yechiva emménagea dans une nouvelle structure, bien qu’elle ne fût pas entièrement terminée. Rav Horenstein procéda à un appel d’offres pour décider de l’entreprise la plus apte à effectuer les derniers travaux. Bien entendu, il choisit celle qui proposa le meilleur devis et un ouvrier se présenta. Il était orné d’une multitude de tatouages mais travailla très soigneusement, sans relâche, durant trois jours.

Quand il eut terminé, il signala à Rav Horenstein qu’il y avait encore beaucoup de finitions à entreprendre, ce que ce dernier savait bien sûr mais… comme vous l’avez deviné, il manquait les fonds nécessaires. L’ouvrier renchérit :

- Pourquoi attendre ? Laissez-moi faire ! Vous voyez bien que je suis le moins cher !

- D’accord ! accepta Rav Horenstein.

L’homme travailla encore plusieurs jours, boucha les fissures, passa un coup de peinture ici et là, arrangea la plomberie, posa du carrelage dans les salles d’eau, vérifia les serrures… puis présenta la note : 200 000 Chekalim (près de 50 000 euros). Rav Horenstein soupira :

- Je peux payer en combien de mensualités ?

L’homme regarda le Rav quelques minutes en silence. Puis, d’un coup de stylo, barra la facture d’un grand signe : PAYÉ !

- Je… Je ne comprends pas ! balbutia Rav Horenstein.

- C’est une dette que je dois au mouvement ‘Habad, expliqua l’homme tatoué. Il y a de nombreuses années de cela, je vivais en Inde. J’y vivais même très bien : du trafic de drogue ! J’étais un dealer très doué. Et bien sûr, j’étais aussi un consommateur. Un jour, on m’a arrêté et j’ai été condamné à une très lourde peine de prison, je l’avais bien mérité. Mais c’était très dur...

Une nuit, alors que je désespérais dans ma cellule, un gardien ouvrit la porte et chuchota à mon oreille : « Tu as deux minutes pour déguerpir ! ». J’ai demandé : « Pourquoi ? Que se passe-t-il ? ». Il me montra un homme qui m’attendait au bout du couloir et qui confirma : « Sors vite de là ! ». J’ai pris mes jambes à mon cou et, dehors, j’ai rencontré un jeune rabbin que je ne connaissais pas. Il m’a tendu un billet d’avion : « Prends ce taxi et file à l’aéroport. L’avion pour Israël décolle bientôt ! Et ne reviens plus jamais ici ! ».

Je lui ai demandé combien je lui devais et il a répondu : « Rien ! Tu ne me dois rien ! Si ce n’est la promesse de ne plus recommencer et, quand tu en auras l’occasion, tu rembourseras à des Loubavitch ! ».

J’ai appris plus tard qu’il s’agissait de Rav Gabriel Holtzberg qui fut assassiné avec son épouse et trois autres Juifs dans une terrible attaque terroriste le 28 novembre 2008 à Bombay. Maintenant je peux rembourser l’immense dette que j’avais envers lui ! Que son souvenir soit béni !

‘Hanni Dunin

Traduite par Feiga Lubecki