Samedi, 5 décembre 2015

  • Vayéchev
Editorial

 Nos rendez-vous

« Les hommes se rassemblent naturellement autour de la lumière » a-t-on l’habitude de dire. Et c’est là un fait observable dans la vie quotidienne. Lorsqu’il fait sombre, que la nuit tombe, il suffit de créer un point de lumière pour que tout ce qui vit vienne s’y retrouver. Il est inutile de rappeler ici l’obscurité des temps. Quand les règles élémentaires de la civilisation semblent avoir disparu chez certains et ne plus apparaître comme allant de soi chez d’autres, quand les forces de la vie se ressentent, chez certains, comme assiégées, on peut dire, sans exagération, que les ombrent montent. C’est en de telles périodes que la lumière revêt sa pleine puissance et que l’homme, que la facilité a déshabitué à la regarder, réapprend son caractère précieux.
Le 19 Kislev – l’anniversaire de la libération de prison de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi dans la Russie tsariste, signe matériel de la libération du sens profond de la Torah pour une vie spirituelle renouvelée – suivi de ‘Hanoucca, la si bien nommée « fête des lumières », constituent toujours des accents toniques mis sur le déroulement des jours. Cette année, ils sont d’authentiques jours où brille la clarté de la conscience. Ils sont aussi des moments de retrouvaille, avec soi-même et avec tous. Car il faut dire au monde que la lumière qui se répand ainsi est invincible. Il faut affirmer que, sachant ce que nous sommes, nous apportons la meilleure et la plus grande des réponses. Le 19 Kislev donne à l’âme la lumière de la compréhension profonde de la Torah et ainsi les clés de la liberté. ‘Hanoucca éclaire le monde d’une lumière que rien ne peut éteindre et chasse ainsi toute oppression. L’un et l’autre attestent que l’esprit est plus fort que la barbarie, aussi violente soit-elle.
Nous sommes les acteurs de cette illumination si nécessaire. Saisissons-nous de ces instants. Ne les laissons pas simplement passer comme des fragments de temps anodins. Vivons-les, ils sont en résonance avec le meilleur de ce que nous sommes. C’est sans doute quand le monde paraît vaciller qu’il faut retrouver ses points d’ancrage. Ils sont devant nous : nos rendez-vous.

Etincelles de Machiah

 La lumière du Machia’h

Le texte de la Torah nous rapporte (Genèse 38:28-30) la naissance de deux frères, Pérètz et Zara’h, dont l’envergure spirituelle traversera les temps.
Le Midrach précise au sujet de Péretz : « Avant que naisse le premier oppresseur – le pharaon – le premier libérateur est né », Pérètz dont le Machia’h sera un descendant. Dans les termes du Midrach, dès ce moment, D.ieu fait apparaître « la lumière du Machia’h » et ainsi « il fait précéder la plaie de sa guérison. » Cela donne la force au peuple juif, même en exil, de briser tout ce qui le limite dans le service de D.ieu et d’amener ainsi, très bientôt, la Délivrance.
Extrait d’une Si’ha de Chabbat Parachat Vayéchèv 5751

Vivre avec la Paracha

 Vayéchev

Résumé de la Paracha
Yaacov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaacov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’un manteau multicolore, ce qui soulève la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.
Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de plutôt le jeter dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaacov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.
Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zara’h.
En Egypte, Yossef est vendu à Poutiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Poutiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Ce qui est oublié.
Après que Yossef eut été jeté en prison sur de fausses accusations, il va y dépérir pendant onze ans. Le Pharaon s’est providentiellement irrité contre son maître échanson et son maître panetier et les incarcère également en prison.
Ces deux officiers font des rêves dérangeants. Yossef interprète favorablement le rêve du maître échanson, lui annonçant qu’il retrouvera sa position auprès du Pharaon.
Après avoir délivré son interprétation, Yossef demande au maître échanson une faveur : celle d’intervenir en sa faveur auprès du Pharaon.

La place de la nature
Nos Sages nous enseignent que Yossef fut puni de cette requête et sa libération en fut repoussée de deux années.
Pourquoi fut-il puni ? Parce qu’il cherchait, en la personne du maître échanson, un intermédiaire à travers lequel D.ieu lui enverrait sa libération.
Cependant, cette réponse nous interpelle et soulève une question : on nous enseigne de ne pas compter sur des miracles. C’est donc pour cette raison que Yossef rechercha un moyen qui permettrait à D.ieu de l’aider, dans le cadre de l’ordre naturel des choses.
Qu’y avait-il de négatif dans cette approche ?
La plupart d’entre nous sommes tentés de répondre : «rien» ! Mais Yossef se situait sur un autre plan que la plupart des gens. D’une manière générale, D.ieu établit Sa relation avec l’humanité en fonction des lois de la nature. Et il est vrai que dans cet ordre de choses, il nous faut chercher un moyen approprié et créer un réceptacle naturel pour que soient comblés nos besoins.
Cependant, il y a des occasions où D.ieu ne Se lie pas à l’individu selon ce mode naturel.
Dans ce cas précis, il lui est demandé un plus haut degré de confiance. Il ne doit rien faire d’autre que d’avoir foi en D.ieu, de croire que D.ieu va, de façon certaine, l’aider de manière appropriée.
Yossef était d’une stature telle que D.ieu établissait Sa connexion avec lui à un niveau qui transcende la nature. C’est pourquoi il était attendu de lui qu’il adopte un comportement exprimant ce niveau optimum de foi.
Ces concepts nous concernent également bien que nous n’ayons pas atteint un tel niveau d’élévation spirituelle. Il est, bien sûr, nécessaire que nous recherchions des moyens naturels ou que nous adoptions une conduite naturelle qui nous permettront d’obtenir notre subsistance, notre santé et tous nos autres besoins matériels. Cependant, ces intermédiaires naturels ne doivent pas, à nos yeux, revêtir d’importance par eux-mêmes. Nous devons savoir qu’il ne s’agit rien de plus que d’intermédiaires et que seul D.ieu est la source des bénédictions dont nous sommes l’objet.

Perspectives
Ces concepts s’appliquent au microcosme comme au macrocosme. Quand un homme rencontre des obstacles et des difficultés dans l’observance de la Torah et de ses Mitsvot, il doit réaliser que l’élimination de ces obstacles ne dépend que de lui et de sa conduite. S’il possède une foi absolue en D.ieu, la confiance que D.ieu l’aidera et fera en sorte que la situation s’améliore jusqu’à lui permettre de parvenir à la sérénité et la tranquillité d’esprit, cette foi portera ses fruits. Il est inutile de répéter qu’il doit, pour sa part, aussi faire tout ce qu’il peut, dans l’ordre naturel des choses, pour surmonter ces obstacles. Mais c’est sa foi qui dirigera le débit naturel. Et il verra alors la réalisation de la promesse : «Pense bien et tout ira bien».
De la même façon, et cette fois-ci pour l’ensemble de notre peuple, il est dit à propos de la sortie d’Egypte : «C’est par le mérite de (leur) foi (en D.ieu) que les Juifs furent sauvés d’Egypte». Il en va de même en ce qui concerne la Rédemption de notre présent exil. Nos Sages déclarent en effet : «Les Juifs méritent la Rédemption en récompense de leur espoir (de Rédemption) simplement».
La confiance du peuple juif dans la promesse : «Ma délivrance doit arriver bientôt» sert de puissant catalyseur pour que cette promesse devienne une réalité tangible.

Le Coin de la Halacha

 Quand dit-on Tal Oumatar ?

A partir de samedi soir 5 décembre 2015, on ajoute « Tal Oumatar » dans la prière de la Amida.
Cette prière pour « la rosée et la pluie » précise que ceci doit être « Livra’ha », pour la bénédiction.
Celui qui a oublié « Tal Oumatar » et s’en souvient avant d’avoir commencé la bénédiction suivante (« Teka Bechofar ») le rajoute alors. S’il a commencé « Teka Bechofar », il rajoute dans la bénédiction « Choméa Tefila » : « Vetène Tal Oumatar Livra’ha Ki Ata Choméa Tefilat Kol Pé... »
S’il l’a encore oublié mais s’en souvient avant « Retsé », il le dit alors. S’il a commencé Retsé et s’en souvient avant d’avoir reculé de trois pas à la fin de la Amida, il reprend à partir de « Barè’h Alénou » et continue la suite de la Amida. S’il a oublié après avoir reculé de trois pas, il reprend toute la Amida.
Il convient de louer et remercier le Créateur « pour chaque goutte de pluie » bénéfique, en son temps, qui apporte la bénédiction pour les récoltes, en particulier en Erets Israël.

(d’après Séfer Hatodaah)

Le Recit de la Semaine

 La Menorah du maire en pyjama

Une année, nous avons décidé de procéder à un allumage public de la Menorah dans la ville de White Plains. Je soumis une requête en ce sens aux autorités et le maire, M. Delfino nous accorda bien volontiers sa permission. Nous avons érigé la Menorah dans le centre-ville, à côté de Main Street, la rue principale. J’invitai le maire (qui n’est pas juif) à allumer le Chamach, la lumière qui sert à allumer les autres.

Le maire arriva pour la cérémonie avec toute une délégation : le député, les officiers de police et d’autres notables. Très content de leur présence, je les accueillis avec empressement et leur expliquai le programme de la soirée. Il me demanda combien de Menorah je comptais allumer sur la voie publique dans la région et je répondis qu’il y en avait dix-huit, disséminées un peu partout. Il s’étonna : comment parvenais-je à procéder à 18 allumages en une seule soirée ? J’admis que c’était difficile et que cela me prenait deux heures chaque soir : « Je m’y rends en voiture : je sors de la voiture, mets la prise électrique qui allume le chandelier, retourne dans la voiture et me rends à l’endroit suivant. Dans certains quartiers, j’ai des amis qui allument la Menorah pour nous mais c’est moi qui procède à la plupart des allumages ».

Le maire se tourna alors vers M. Arne Abramowitz, député chargé des parcs et jardins et lui proposa de m’aider. Curieux, Arne demanda en quoi il pouvait m’être utile. M. Delfino expliqua qu’il devrait chaque soir venir mettre la prise de la Menorah, ce qui me ferait gagner vingt-cinq minutes. Il accepta et je le remerciai, ainsi que le maire.

Le dernier jour de ‘Hanouccah, je réfléchis : « Aujourd’hui, c’est le dernier jour de la fête. Je voudrais tellement trouver comment le célébrer dans l’apothéose pour causer du plaisir au Rabbi ! Par exemple en procédant à un allumage là où il n’y en a jamais eu ! Oui, c’est cela, il faudrait trouver un endroit très fréquenté mais aussi obtenir l’autorisation… ». En l’espace d’un seul jour, cela semblait vraiment irréaliste quand on connait les lenteurs de l’administration !

Je téléphonais au bureau du maire, parlais avec le secrétaire et lui demandais de me passer immédiatement le maire pour un sujet très important. Quand M. Delfino prit la communication, j’expliquais que j’avais besoin d’une faveur très spéciale de sa part.

- Bien sûr, Monsieur le Rabbin ! De quoi s’agit-il ?

- Voilà ! Je voudrais procéder à un allumage devant la mairie. J’apporterai la Menorah, vous nous adresserez un discours et ainsi, nous célébrerons ‘Hanouccah avec le personnel de la mairie !

L’idée lui plut et il promit d’inviter tous les employés de la mairie à assister à l’allumage durant la pause du goûter.

Effectivement, ce fut une bonne centaine de personnes qui se pressèrent devant la mairie pour cet événement : le maire alluma le Chamach, j’allumai les huit lumières et M. Delfino s’adressa à la foule, plus particulièrement à son adjoint :

- Arne, je vais parler et il est important que vous m’écoutiez !

Étonné, je regardai Arne qui avait l’air très embarrassé. Très sérieux, le maire continua :

- Samedi soir, j’ai regardé par ma fenêtre qui donne sur la Menorah de Main Street. J’ai remarqué que la lumière de ce soir n’avait pas été allumée. J’ai compté et recompté les lumières : il en manquait bien une ! C’était une nuit froide, il neigeait. J’ai réveillé ma femme et l’ai prévenue : « Je descends dehors quelques minutes et je reviens bien vite, ne t’inquiète pas ! ».

Il était tard et le maire était déjà en pyjama. Il mit un manteau chaud sur son pyjama et descendit, en pantoufles, pour traverser la rue en direction de la Menorah. Il commença à fouiller parmi les fils électriques enchevêtrés pour trouver celui qui était destiné à allumer la lumière de ce soir particulier. Soudain il entendit une voix aboyer derrière lui :

- Ne bougez pas ! Les mains en l’air !

C’était deux policiers. Ils l’interrogèrent rudement et voulaient savoir pourquoi il tentait de saboter l’installation électrique de la Menorah. Il expliqua qu’il était le maire mais ils ne le crurent évidemment pas : un homme en pyjama et en pantoufles alors qu’il gelait à l’extérieur… Il ne ressemblait pas au maire mais à un malfaiteur ! Au bout de quelques minutes, ils réalisèrent leur erreur et se confondirent en excuses. Mais ils ne comprenaient toujours pas ce qu’il avait eu l’intention de faire dehors en pyjama à cette heure tardive… Il expliqua :

- J’ai promis au rabbin que, chaque nuit, nous allions allumer la Menorah. Quand on promet, on doit tenir sa parole ! Et c’est pourquoi je suis sorti quand j’ai réalisé que nous avions failli à notre engagement !

J’ai entendu cette histoire de la bouche du maire et j’ai pensé : Il n’est pas juif mais il a parfaitement compris l’importance du message. Si, grâce à la demande du Rabbi, il y a une Menorah à White Plains, alors, même s’il fait froid dehors, qu’il est une heure du matin et que vous êtes en pyjama et en pantoufles, peu importe ! Vous êtes un soldat ! Sortez allumer la Menorah !

 Rav Velvl Butman – Westchester County, New York

Traduit par Feiga Lubecki