La voie éternelle
Après le 19 Kislev et la lumière essentielle qu’il incarne, il nous appartient, à présent, de nous préparer à un autre rendez-vous lumineux. Et cette fois, la lumière qui grandit est aussi matérielle : ‘Hanouccah est notre horizon immédiat. Dès que ces quelques mots sont dits, ce sont des images d’un joyeux éclat qui apparaissent à l’esprit. La joie s’impose d’elle-même et l’illumination est d’une évidence croissante, soir après soir lorsque nous allons allumer le chandelier de la fête. Il faut cependant en percevoir le sens et la grandeur. Car l’allumage du chandelier n’est pas simplement le rappel d’une histoire héroïque : le combat victorieux entre les armées du puissant empire grec héritier d’Alexandre-le-grand et le petit groupe de Maccabées qui osa les défier. En fait, ces lumières nous conduisent beaucoup plus loin.
Elles nous parlent d’un temps où l’obscurité règne sur le monde. Comme souvent, la culture dominante est celle du plus puissant matériellement. L’empire d’Antiochos est celui-là. Il entend imposer par la force à tous les peuples conquis son propre mode de vie. Et certains, y compris au sein du Peuple juif, s’y laissent prendre. N’y a-t-il pas quelque chose de séducteur dans ce qui semble être une sophistication nouvelle, plus « moderne » dirait-on aujourd’hui ? N’est-ce pas là une offre intellectuelle qu’il faut accepter ? se demande-t-on. Même si elle se présente accompagnée par la contrainte des armes… Et voici qu’une poignée d’hommes, qui ne recherchent ni la guerre ni la gloire, finissent par accepter la première et obtenir la seconde car ils incarnent ceux qui refusent de disparaître, qui restent persuadés que nul ne doit être obligé de renoncer à ce qu’il est pour devenir ce que d’autres veulent qu’il soit.
Aujourd’hui, au-delà de la noblesse des faits rapportés, chacun peut entendre ici des échos de ce qu’il nous est donné de vivre quotidiennement. Quand la tendance générale est à l’unification des modes de vie et de pensée, rester soi-même, fidèle à l’héritage du passé et engagé dans les enjeux d’aujourd’hui et aussi de demain est véritablement une affaire de choix. Ne pas céder à la pression ambiante mais porter en soi sa vision est toujours une voie qui sembler plus difficile. ‘Hanouccah nous rappelle aussi à quel point elle est plus lumineuse.
Se plonger dans la ‘Hassidout
Celui qui désire Machia’h et chaque jour, quand il dit la prière de la Amida, dit ces mots avec concentration et avec tout son cœur et s’attache à ces mots et ne les dit pas superficiellement, montre qu’il veut de tout son cœur et toute son âme mériter d’accueillir Machia’h. Tout le sens de sa vie est de dire : « Quand ce jour arrivera-t-il ? » Pour cela, il méritera de se réjouir avec la venue de Machia’h.
(Yalkout Méam Loez)
Vayéchèv
Yaakov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaakov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’une tunique multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.
Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de plutôt le jeter dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaakov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.
Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda, se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.
En Égypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises dans la maison de Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Mais il oubliera de le faire.
La sagesse, l’eau et la vérité
« Quand Yossef s’approcha de ses frères… ils le prirent et le jetèrent dans un puits ; et le puits était vide, il n’y avait pas d’eau à l’intérieur. » (Beréchit 37 : 23-24)
Le Midrach explique le sens profond du puits asséché dans lequel Yossef fut précipité par ses frères :
« Le puits était vide » : le puits de Yaakov était vide. « Il n’y avait pas d’eau à l’intérieur » : il était vide de paroles de Torah qui sont comparées à de l’eau, comme il est écrit : « La Torah dit : ‘Si un homme est découvert en train d’enlever l’un de ses frères et de le vendre [il est sûr qu’il sera mis à mort]’, et toi tu vends ton frère ! »
Et pourtant, nos Sages affirment que les frères de Yossef, qui étaient tous des hommes pieux et érudits, étaient convaincus que leur acte était justifié et même rendu obligatoire par la loi de la Torah. A leurs yeux, Yossef s’était rendu coupable de crimes pour lesquels la Torah prescrit la punition qu’ils voulaient lui infliger. Ainsi, ce n’était pas de connaissance ou d’érudition qu’ils manquaient mais de l’aptitude à atteindre la vérité de la Torah, de la capacité de l’interpréter et de l’appliquer aux circonstances, en faisant abstraction de leurs préjugés et de leur subjectivité.
C’est la raison pour laquelle la Torah est ici comparée à de « l’eau ». Les prophètes et les Sages utilisent de nombreuses autres métaphores pour la Torah : le pain, l’huile, le lait, le miel, etc. Chacune se réfère à un aspect ou une caractéristique de la Torah, à la façon dont elle nourrit l’âme. L’ « eau » exprime l’élément le plus crucial dans la perception individuelle de la Vérité divine. Lisons les paroles du Talmud :
« Pourquoi la Torah est-elle comparée à l’eau ?... Parce que de la même manière que l’eau renonce au sol d’en haut et gravite vers le sol du bas, ainsi les paroles de Torah ne supportent qu’un esprit humble. » (Taanit 7a)
Sans humilité, il nous est impossible d’atteindre la vérité de la Torah. Le Talmud déclare : « même dans un rêve, on ne peut voir un éléphant passer à travers le chas d’une aiguille ». L’éléphant tout comme l’aiguille ont des tailles déterminées. Simplement, le premier est plus grand que le second. Néanmoins, il est impossible qu’un éléphant passe par le chas, tellement impossible que même nos rêves (où nous voyons de nombreuses choses impossibles) n’évoquent pas de telles images.
Dès lors, combien est-il encore plus improbable que l’esprit humain limité puisse appréhender la sagesse infinie du Créateur !
C’est ainsi que chaque matin, avant même d’étudier un seul mot de Torah, nous exprimons notre gratitude à l’égard du Tout Puissant avec la bénédiction : « Béni sois-Tu D.ieu Qui nous donne la Torah ». Notre réussite elle-même, dans l’étude de la Torah, est un don divin, quelque chose à quoi nos outils intellectuels ne pourraient accéder tout seuls. C’est un cadeau, enveloppé dans les habits de la raison, que notre esprit doit s’efforcer de découvrir.
Mais l’essence de la Torah, la vérité absolue est inaccessible même aux esprits les plus perspicaces. Nous n’assimilons cette vérité que parce que D.ieu choisit de nous la donner, chaque fois que nous nous mettons à étudier Sa sagesse, en reconnaissant Sa divinité et en nous engageant à respecter Ses objectifs.
Aucun intellect humain n’a le pouvoir d’atteindre une véritable compréhension de la Torah si, au préalable, il ne reconnaît pas son incapacité intrinsèque à comprendre la Sagesse de D.ieu. Sans l’ «eau» de la Torah, même s’il croit progresser dans son étude, l’essence divine de la Torah lui échappe.
Plus on est érudit, plus on progresse dans la Torah, plus on doit faire preuve d’humilité pour aller à l’encontre de l’arrogance naturelle de l’intelligence humaine et pour atteindre la vérité divine.
C’est là que réside l’erreur des frères de Yossef. Le puits de leur sagesse « était vide. Il n’y avait pas d’eau à l’intérieur ». Il leur manquait l’humilité requise pour des esprits d’un tel calibre. Et puisqu’il n’y avait pas d’eau à l’intérieur, leur Torah était désormais vulnérable et sujette à leur subjectivité et à leurs préjugés.
Le lien avec ‘Hanouccah
L’histoire de Yossef et de ses frères est étudiée et lue à proximité de la fête de ‘Hanouccah. Cela implique qu’il existe un lien entre la fête et la lecture hebdomadaire de la Torah.
Selon les paroles du Chlah Hakadoch :
« Ces trois Parachiot [Vayéchèv, Mikets et Vayigach] relatent l’histoire de Yossef et de ses frères… et sont toujours lues avant, durant ou après la fête de ‘Hanouccah. Puisque « à chaque chose il y a une saison et un moment propice » (Ecclésiastes 3 :1), il est sûr que l’organisation des fêtes de l’année, qui sont « la saison pour D.ieu », tout comme les fêtes et les jeûnes institués par les Sages, ont tous un lien bien particulier avec les Parachiot des semaines où elles tombent, tout étant orchestré par D.ieu. Aussi, l’histoire de Yossef est-elle destinée à se répéter avec la famille royale des Hachmonéens, à l’époque des Grecs…
Et de fait, la leçon de la Torah des frères de Yossef manquant d’eau constitue une composante importante de l’histoire de ‘Hanouccah.
Dans la prière « Al Hanissim » qui décrit les événements de ‘Hanouccah, nous lisons :
« A l’époque du Grand Prêtre Matityahou le ‘Hachmonaï et de ses fils, quand l’impie régime helléniste se dressa contre Ton Peuple Israël pour leur faire oublier Ta Torah et violer les décrets de Ta volonté… »
Ce n’était pas la Torah elle-même que le régime helléniste visait à arracher au peuple d’Israël mais Ta Torah. Les Grecs étaient un peuple cultivé qui respectait infiniment la quête de savoir. Ils étaient tout à fait prêts à accepter et même à adopter la Torah, comme la philosophie, comme la sagesse collective d’un peuple studieux. Mais ce qu’ils ne pouvaient pas tolérer était l’ « eau » de la Torah, l’humilité de l’esprit devant une plus grande vérité de source divine. Leur guerre contre la Torah était une guerre contre « Ta Torah », contre la Torah comme la soumission humaine devant D.ieu infini et irrationnel.
C’est ainsi que le Talmud relate que lorsque les Grecs envahirent le Saint Temple de Jérusalem, ils « souillèrent toute l’huile dans le Sanctuaire. » Il s’agissait de l’huile utilisée pour allumer la Menorah (le Candélabre) symbolisant la Lumière divine qui émanait du Saint Temple et illuminait le monde entier. Les Grecs ne détruisirent pas l’huile de la Menorah, pas plus qu’ils ne la répandirent sur le sol. Mais ils la souillèrent intentionnellement, la rendant inadéquate à l’utilisation, selon les lois irrationnelles de la pureté. Cela reflète également le fait que les Grecs n’objectaient pas au service du Temple en tant que source de lumière pour le monde. Mais ils ne cherchaient qu’à le priver de son élément divin et irrationnel.
En revanche, les ‘Hachmonéens savaient qu’une Torah vidée de son « eau » devient rapidement une zone de reproduction pour les serpents et les scorpions ; qu’une sagesse dépourvue de son essence divine ne mène pas à la vérité mais à la rationalisation des instincts humains et des préjugés les plus bas. Ils combattirent donc pour faire sortir de Jérusalem l’idolâtrie grecque de la raison humaine et rallumer la Menorah avec la sagesse réceptive à la Vérité divine.
Comment allume-t-on les 6 lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 23 décembre 2022 ?
Il convient, avant l’allumage, de procéder à la prière de Min’ha. On peut allumer à partir de 16h 11 et jusqu’à 16h 39 (horaire en Ile-de-France).
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 6 godets (ou d’avoir prévu 6 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h 21 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ». On ne pourra pas déplacer la Ménorah durant tout le Chabbat.
Avant 16h 39, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsedaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.
Puis, en se couvrant les yeux de leurs mains, elles réciteront la bénédiction :
« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 39 (heure de Paris) le vendredi 23 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.
A l’issue du Chabbat, on prononcera la Havdala avant l’allumage de la septième bougie.
Retrouvailles
C’est un récit émouvant que j’ai entendu directement de son protagoniste (que je remercie d’avoir pris de son temps précieux pour le partager avec nous) : Rav Mendel Kaplan, émissaire du Rabbi à Thornhill (Toronto - Canada). Quand le corona frappa si fort qu’il mit toute la planète en confinement, Rav Mendel reçut un appel d’un homme se présentant comme Yonathan Weiss qui demanda la permission de rejoindre sa communauté : en effet, jusqu’à présent, il avait l’habitude de se rendre en voiture dans une synagogue assez éloignée de chez lui mais maintenant il aurait préféré aller à pied et donc plus près de son domicile.
C’était assez étonnant car, à l’époque, le virus était si grave que même les fidèles habituels préféraient éviter de venir mais ce Yonathan se révéla être un personnage hors du commun. Il devint un membre à part entière de la communauté : c’est un homme joyeux, très sociable, qui sait trinquer Le’haïm et adresser des mots gentils. Mais ce qui est le plus remarquable, c’est la façon dont il a progressé dans la découverte et la pratique de son judaïsme.
Bien que sa famille ne soit pas intéressée par les Mitsvot et que sa femme continue de fréquenter une synagogue libérale, il avance, participe à toutes les activités et nous a même accompagnés lors de nos voyages au Ohel (le cimetière Montefiore où est enterré le Rabbi) à New York : il envisage sérieusement de cesser de travailler le Chabbat et de s’engager encore dans d’autres domaines comme la cacherout.
Puisque nous sommes dans l’année du Hakhel (rassemblement à toutes les occasions et en tous lieux), Rav Kaplan décida d’organiser un maximum de réunions ‘hassidiques – en particulier le jour de Roch ‘Hodech Kislev (jeudi soir 24 novembre), cette fois-ci dans la maison de Yonathan. La réunion se prolongea jusque tard dans la nuit : petit à petit, les participants qui étaient une cinquantaine au début s’éclipsèrent et, vers minuit, il ne resta plus que cinq personnes. Yonathan qui avait trinqué plusieurs fois Le’haïm et était encore plus joyeux que d’habitude prit la parole et se mit à raconter sa vie.
« Qu’est-ce qui me motive ? Pourquoi ai-je décidé de rejoindre une synagogue orthodoxe ? Pourquoi ai-je choisi de mieux respecter Chabbat ? Tout cela, c’est grâce à un souvenir d’enfance qui ne me laisse pas tranquille. Je suis né il y a soixante ans à Montréal. Mon père quitta la maison et abandonna ma mère avec trois enfants en bas âge. J’aurais pu me retrouver dans la rue mais un enfant de mon âge me prit sous son aile : je me souviens qu’il s’appelait Yeina (c’est ainsi qu’on prononce le nom Yona en yiddish) et qu’il s’entêtait à m’emmener à la synagogue. Il venait me réveiller Chabbat matin et nous marchions ensemble. Son père m’avait donné un Siddour (livre de prière) en cadeau. Yeina avait un autre camarade, de notre âge qui, lui, s’était mis en tête de m’offrir une récompense si je mémorisais par-cœur le verset : « Torah Tsiva Lanou Moché Moracha Kehilat Yaakov » (« La Torah que Moïse nous a ordonnée est un héritage pour toute la communauté de Jacob »).
Les années ont passé et nous nous sommes perdus de vue ; mais ces marches vers la synagogue chaque Chabbat ne quittent pas mon esprit et j’y repense souvent. A un moment de ma vie, j’ai fait connaissance d’une jeune fille non-juive et nous avions l’intention de nous marier. Au dernier moment, quelque chose m’en a empêché et nous avons mis un terme à cette relation. Finalement je me suis marié avec une jeune fille juive ! Comme je l’ai déjà signalé, elle fréquente une autre synagogue que moi.
Le fait est que ces souvenirs d’enfance me hantent et c’est par fidélité à tout ce que Yeina m’a enseigné à l’époque que je préfère fréquenter une synagogue orthodoxe. Malgré toutes les difficultés que j’ai rencontrées dans la vie, il y a un objet que j’ai conservé quoi qu’il arrive : le Siddour que le père de Yeina m’avait offert. Il est là, sur une étagère et il représente mon espoir dans toutes les situations.
Ce qui me préoccupe constamment, c’est la question : Où est Yeina ? Qu’est-il devenu ? Depuis l’année 1977, c’est-à-dire depuis 45 ans, je ne l’ai plus revu et je n’ai aucune nouvelle de lui !
Rav Kaplan ne connaissait qu’un seul Yeina : Rav Yona Shur, directeur d’une des écoles juives de Toronto. Il était minuit mais Rav Kaplan n’hésita pas à prendre le téléphone pour lui demander à brûle-pourpoint :
- Rav Yeina, avez-vous connu un jour à Montréal un garçon qui s’appelait Yonathan Weiss ?
- Comment ? Yonathan ? Mais bien sûr ! Oh que de bons souvenirs ! Mais cela fait 45 ans que je ne l’ai plus revu ! Avez-vous des nouvelles de lui par hasard ?
Il ne fallut que dix minutes en pleine nuit à Rav Yona Shur pour arriver à la maison de Yonathan et se joindre à la joyeuse réunion ‘hassidique de Roch Hodech Kislev : qui peut décrire les retrouvailles de deux amis qui ne s’étaient pas revus depuis 45 ans ? La chaleur de cette rencontre inespérée aurait pu réchauffer toute la ville de Kiev !
Nous avons aussi retrouvé l’autre garçon qui avait pris en main l’éducation de Yonathan Weiss : il s’agit de Rav Mendel Gurary qui est actuellement Chalia’h (émissaire du Rabbi) à Anvers en Belgique.
On peut oublier beaucoup d’éléments dans la vie. Mais il est impossible d’enlever à un adulte le sentiment de réconfort, d’amitié désintéressée de deux enfants marchant ensemble vers la synagogue tout en apprenant des bases du judaïsme. Les mains qui ont tenu le Siddour et la bouche qui a répété le verset « Torah Tsiva Lanou Moché » s’en souviennent encore - même 45 ans plus tard !
Traduit par Feiga Lubecki