Au rendez-vous de la lumière
Même si les années passent et que l’expérience en a bien souvent été faite, la surprise est toujours au rendez-vous. On se réveille un matin et c’est dans un monde lumineux que l’on se retrouve. Brusquement, l’obscurité de la veille a disparu. La vie rayonne de toutes parts et l’espoir a tant grandi qu’il ne laisse aucune place à un autre sentiment. C’est ‘Hanouccah et nous sommes comme immergés dans un océan de lumière. Nous le savions, nos calendriers l’avaient de longue date annoncé et nous avions même fait les préparatifs rituels. Nous avions satisfait aux normes prescrites et pouvions penser avoir tout accompli de la meilleure manière. Mais la fête entre dans le monde et lui donne un nouveau souffle. Ce qui paraissait suffisant hier ne l’est plus aujourd’hui : la vague de lumière et de joie a tout emporté sur son passage, bousculant les certitudes pour ouvrir des chemins nouveaux.
La lumière est donc bien là, pourtant il reste à s’en saisir. De fait, en particulier ces temps derniers, chacun observe que l’obscurité a paru grandir. C’est une certaine forme de grossièreté, de pesanteur qui a pu envahir les choses, alourdissant ainsi les consciences, rendant presque les gestes des hommes plus difficiles. La saison pousse à l’hibernation et celle-ci peut aussi prendre une signification spirituelle. Mais l’être humain est ainsi fait qu’il préfère et recherche la vie, toujours puissante, toujours grandissante. Voici ‘Hanouccah et l’occasion nous est à présent donnée de concrétiser la recherche.
‘Hanouccah, c’est ce moment prodigieux où, alors que le monde entier plie devant la force des puissantes armées héritières d’Alexandre le grand, ou parfois se laisse séduire par sa culture si brillante et sophistiquée, le peuple juif garde ce qu’il a de plus précieux : sa mémoire, sa sagesse, sa fidélité. Il combat et obtient la victoire mais surtout, il envoie à tous un message : l’obscurité ne peut pas durablement vaincre. La lumière a seule vocation à indiquer le chemin à suivre, elle est la pure expression de la liberté, du meilleur de l’être humain. Quand, en notre époque, nous célébrons ‘Hanouccah, ce n’est pas à des héros du passé que nous pensons mais bien à tous ceux qui construisent le monde jour après jour : chacun d’entre nous, qui savons voir la lumière qui monte et qui faisons de la vie le plus beau des biens. La lumière arrive, rejoignons-la dès à présent.
L’œuvre urgente
En ce temps des « talons de Machia’h », qui précède immédiatement sa venue, chaque Juif a l’obligation de rechercher le bien de son prochain, qu’il soit jeune ou vieux.
Chacun doit éveiller l’autre au retour à D.ieu enfin qu’il ne sorte pas de la communauté d’Israël et mérite la Délivrance complète.
(D’après Hayom Yom 18 Sivan)
Miketz - ‘Hanouccah
La grandeur de la Paix
En conclusion de sa discussion sur les lois de ‘Hanouccah, le Rambam (Maïmonide) écrit :
« Si (un homme n’a les moyens d’accomplir qu’une seule des deux mitsvot) : allumer pour sa maison (c’est-à-dire les bougies de Chabbat) ou allumer une lampe de ‘Hanouccah, ou bien une lampe pour sa maison ou la sanctification du jour (le Kiddouch), c’est à la lampe pour la maison qu’est donnée la priorité puisqu’elle crée la paix dans le foyer… »
La paix est importante. En fait, toute la Torah n’a été donnée que pour apporter la paix dans le monde.
Dès lors, se soulève une question : pourquoi le Rambam explique-t-il l’importance de la paix dans la partie du Michné Torah relative aux lois de ‘Hanouccah ? N’aurait-ce pas été plus approprié d’enseigner ces lois dans Hil’hot Chabbat, lois relatives au Chabbat ? Et de fait, la loi relative au Kiddouch qu’il cite n’a aucune relation avec les lois de ‘Hanouccah. Enfin, donner cette loi dans Hil’hot Chabbat ne l’aurait pas empêché d’ajouter sa conclusion concernant l’importance de la paix !
Deux fréquences de lumière
Le problème peut être résolu en expliquant quelques-unes des différences entre les lampes de la Menorah (Candélabre) du Beth Hamikdach (le Temple de Jérusalem) et les lampes de ‘Hanouccah.
Les lampes de la Menorah étaient allumées à l’intérieur du Sanctuaire alors que celles de ‘Hanouccah sont allumées à l’extérieur de l’entrée de la maison.
De plus, les lampes de la Menorah étaient allumées pendant le jour alors que celles de ‘Hanouccah le sont après «le coucher du soleil», avec l’intention qu’elles brûlent dans la nuit.
Les lampes de la Menorah étaient allumées dans un lieu où la sainteté se révélait ouvertement, dans le Beth Hamikdach. Là n’apparaissait pas la dissimulation de la Divinité qui caractérise notre monde matériel. C’est la raison pour laquelle, lorsque les Grecs introduisirent l’impureté dans le Temple, tous les éléments du service sacerdotal, et notamment l’allumage de la Menorah, furent invalidés.
Les lumières de ‘Hanouccah ont un autre but. Elles ont pour fonction d’illuminer notre environnement et d’éclairer l’obscurité de la nuit, c’est-à-dire de l’exil. Elles ont, en réalité, le potentiel d’annuler les forces du mal. Cela est évoqué dans la déclaration de nos Sages qui précisent qu’elles doivent brûler jusqu’à ce que «les pieds des Tarmoudaïm quittent le marché» (Chabbat 21b). Le mot hébreu Tarmoud a les mêmes lettres hébraïques que le mot morédèth, «le rebelle» et se réfère aux forces du mal.
Cela nous indique que les lumières de ‘Hanouccah possèdent une dimension supérieure à celles de la Menorah du Temple.
Cela apparaît également dans le commentaire du Rambam qui explique que les lumières de la Menorah furent annihilées par l’influence des Grecs qui profanèrent la sainteté du Beth Hamikdach.
Les lumières de ‘Hanouccah ne sont, quant à elles, jamais annihilées. Elles continuent à briller même en exil, dans une période de grande obscurité.
Cela correspond à la supériorité que possèdent les Baalé Techouvah, ceux qui reviennent vers D.ieu, sur les Tsadikkim, les Justes (Bera’hot 34b). Le Juste n’a aucun lien avec le mal. Un Baal Techouvah, par contre, a goûté au mal, mais par sa Techouvah, il a trouvé la force de transformer son passé. Même ses transgressions intentionnelles peuvent être transformées en mérites. Le mal lui-même devient bien.
Fusionner deux dynamiques
Les Baalé Techouvah possèdent un avantage sur les Justes : ils attirent un niveau supérieur de lumière. Il va sans dire, toutefois, que les Tsaddikim possèdent également une supériorité sur les Baalé Techouvah : ils n’ont rien à voir avec le mal. Leur Service Divin n’implique que du bien et ils ont le privilège d’expérimenter une plus grande révélation de la Lumière Divine.
C’est pour cette raison que le sommet du Service Divin implique la fusion des deux approches. C’est ce qu’accomplira la venue de Machia’h qui «motivera les Juste à se tourner vers D.ieu dans la Techouvah». Cette fusion n’est rendue possible que par une lumière qui les transcende tous deux et peut donc les réunir.
La fusion de ces deux approches dans le Service Divin se perçoit également dans les lumières de ‘Hanouccah.
Leur but est d’éclairer l’obscurité de l’exil mais elles ont leur origine dans les lampes du Beth Hamikdach. En effet, leur allumage fut institué pour commémorer le miracle qui eut lieu à propos des lumières de la Menorah et elles perpétuent cette lumière.
La relation entre ‘Hanouccah et la Paix
Sur la base de ce qui vient d’être dit, nous pouvons désormais comprendre pourquoi le Rambam relie l’idée de la grandeur de la paix avec ‘Hanouccah. La paix se réfère à l’établissement de l’unité entre deux dynamiques opposées.
Et cela renvoie tout particulièrement au fait de faire régner la paix entre les époux. Bien que les hommes et les femmes aient des approches opposées, ils se complètent et s’assistent mutuellement.
L’allumage des bougies de Chabbat fut institué pour apporter la paix. En fait, elles ont même pour but d’apporter un niveau supérieur de paix : la paix entre l’obscurité (l’époque où sont allumées les lumières de ‘Hanouccah) et la lumière, entre l’ordre naturel et la lumière qui transcende l’ordre naturel.
Cela trouve son application en termes de notre service divin. Les lumières de ‘Hanouccah ont deux dimensions.
Elles expriment la dimension de la Techouvah, c’est-à-dire qu’elles illuminent l’obscurité, établissant la paix entre des entités qui appréciaient leur égo et D.ieu. Mais elles exercent également la fusion du service de la Techouvah avec le service du Tsaddik de sorte que la lumière qui transcende l’ordre naturel brille à l’intérieur de ce même ordre.
Tel est le but ultime.
Cependant, quand quelqu’un n’a pas suffisamment de ressources, sa priorité doit aller vers la démarche d’établir la paix dans son foyer et non d’illuminer son environnement.
C’est pourquoi le fait d’allumer les bougies de Chabbat, de faire régner la paix, prend la préséance.
(D’après une Si’hah du Rabbi, Chabbat Parachat Vayéchèv, 5722)
Comment allume-t-on les 4 lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 19 décembre 2014 ?
Il convient, avant l’allumage, de faire d’abord la prière de Min’ha. On ne peut allumer qu’à partir de 16h 03 (horaire de Paris).
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamine Hahème, Bizmane Hazé ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 4 godets (ou d’avoir prévu 4 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 17h 50 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ».
Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité)) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 37 (heure de Paris) le vendredi 19 novembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.
Le train de la liberté
Chaque année, ‘Hanouccah arrive quand on en a le plus besoin. Quand les jours sont les plus courts et que les nuits sont insupportablement longues, la Ménorah enveloppe un peuple avide de lumière.
En 1938, le monde tout entier se trouvait plongé dans l’obscurité la plus profonde que le monde moderne ait connue. S’il y avait jamais eu besoin d’une lumière pour montrer le chemin, c’était bien en cette froide soirée de décembre en Allemagne, alors que commençait la huitième et dernière journée de ‘Hanouccah.
La famille Geier avait pris place dans le compartiment de seconde classe du train se dirigeant de Berlin vers la Hollande et contemplait le soleil d’hiver qui se couchait à l’horizon. Depuis la terrible Nuit de Cristal en novembre, quand de nombreux commerces et synagogues avaient été détruits et de nombreux Juifs tués ou déportés, cette famille Geier avait réussi à obtenir de toute urgence des visas pour les États-Unis et devait - pour en profiter - transiter par la Hollande. Il ne restait plus qu’à prier pour franchir la frontière sans problème en route pour la liberté.
Yehouda et Régina Geier et leurs deux enfants, Arnold et Ruth, passèrent la durée du voyage à regarder par la fenêtre, à grignoter des sandwichs, à lire et à somnoler, tentant de se conduire comme si le monde autour d’eux était normal. Mais, contrairement à la plupart des autres passagers, la famille Geier restait vigilante, consciente des dangers qui la guettaient à l’approche de la frontière germano-hollandaise. Là, les Nazis, la police allemande et des officiers de la Gestapo seraient présents pour un dernier contrôle des passeports et autres documents de voyage.
Pour Yehouda Geier, il y avait un autre problème qui pesait lourdement sur son cœur : c’était un Juif orthodoxe, un cantor et toute sa vie était basée sur le respect scrupuleux des règles de la Torah. Et là, la nuit tombait et il aurait dû allumer les huit lumières de ‘Hanouccah mais était forcé de rester assis à ne rien faire sinon contempler l’ampoule qui répandait une lumière blafarde dans le compartiment. Entouré d’étrangers, il avait peur de craquer une allumette et de réciter les bénédictions, attirant ainsi l’attention et la suspicion de ses voisins de voyage. Régina, ressentant le chagrin de son mari, tenta de le calmer en l’assurant que D.ieu, qui sait tout, comprendrait la situation et lui permettrait certainement de célébrer joyeusement d’autres fêtes de ‘Hanouccah.
Yehouda hocha la tête mais soupirait néanmoins. A cette époque de tant d’obscurité spirituelle, il lui semblait que la lumière de ‘Hanouccah était plus importante que jamais – surtout la huitième nuit qui représente le sommet de la fête, quand toutes les bougies sont allumées sur le chandelier pour proclamer le miracle de la survie du peuple juif. Dans de telles circonstances, comment pouvait-il allumer la Ménorah ? Mais aussi comment pouvait-il ne pas l’allumer ?
Yehouda réfléchissait encore et encore, analysant la situation sous tous ses angles quand le train s’arrêta justement à la frontière pour dix minutes, les dix minutes les plus éprouvantes de sa vie : la Gestapo allait vérifier ses papiers et il sentait sa femme et ses enfants pétrifiés devant l’imminence du danger. Une réponse de travers, un regard nerveux, une hésitation trop longue pouvaient signifier la différence entre la liberté ou l’emprisonnement, une vie nouvelle ou une mort certaine.
Et c’est alors qu’arriva le miracle. Un miracle de ‘Hanouccah à la frontière, juste au bon moment.
Tout à coup, sans prévenir, toute la gare et tout le train furent plongés dans l’obscurité la plus totale. Au même instant, toutes les lumières s’éteignirent, laissant tous les passagers et les policiers tâtonner maladroitement.
Sans hésiter, Yehouda profita de l’occasion et saisit dans la poche de sa veste un petit paquet. Avant que quiconque ait pu réagir, il craqua une allumette avec laquelle il fit fondre la base de huit bougies qu’il fixa ainsi sur le bord de la fenêtre. Il murmura les bénédictions en haletant et, devant sa famille stupéfaite alluma une à une les huit bougies. Il plaça la neuvième de côté, en guise de Chamach et, silencieusement, continua la prière ancestrale : « Ces bougies, nous les allumons pour commémorer les miracles… ». Son visage rayonnait de joie et de soulagement, pour la première fois depuis de longs mois.
Apercevant la lumière inattendue à la fenêtre d’un wagon, les officiers nazis se précipitèrent vers le compartiment éclairé. Le son de leurs bottes sur le pavé de la gare se faisait menaçant mais Yehouda se concentra sur la beauté des lumières de ‘Hanouccah, bien que son cœur batte au rythme fou des pas des ennemis de son peuple.
Ils ouvrirent la porte avec fracas ; Yehouda était prêt pour le pire mais au lieu d’hurler de rage devant cette démonstration de foi juive, au contraire ! Les Nazis avaient compris l’avantage qu’ils pouvaient retirer de ces lumières bienvenues à cet instant fatidique. Ignorant sans doute qu’il s’agissait d’une pratique juive, ils étaient heureux de pouvoir continuer avec efficacité la vérification des papiers qu’ils pouvaient maintenant bien déchiffrer à la lumière des bougies. Avec une efficacité toute germanique, ils se mirent au travail en saluant de façon obséquieuse les passagers – tous les passagers. Avant de sortir du compartiment, le chef des officiers se tourna même vers Yehouda, claqua des talons et le remercia personnellement pour avoir eu l’idée d’emporter des bougies de voyage !
Pendant tout ce temps, les membres de la famille Geier restèrent silencieux, comme fascinés par les petites flammes qui dansaient sur le rebord de la fenêtre. Alors qu’au bout d’une demi-heure, elles semblaient sur le point de s’éteindre, les lumières de la gare se rallumèrent brusquement.
Encore sous le choc de ce qui venait de se passer, Yehouda passa le bras sur les épaules de son fils et, les larmes aux yeux, murmura : « Souviens-toi toujours de cet instant, mon fils ! Comme au temps des Maccabim, « un grand miracle est arrivé ici ! ».
Arnold Geier – www.chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki