Samedi, 28 décembre 2024

  • Mikets
Editorial

 Quand ‘Hanouccah nous parle…

Les fêtes juives sont sans doute des jours étonnants. Ils se rattachent à des événements historiquement du passé et pourtant ils semblent s’adresser à notre temps. ‘Hanouccah est déjà là et cette arrivée confirme avec éclat une telle idée. De fait, de quoi est-il ici question ? A cette interrogation, il serait facile de simplement répondre : d’une victoire obtenue miraculeusement dans une antiquité de plus en plus lointaine. Un combat contre l’empire héritier d’Alexandre le grand, qui se solde par une libération inespérée et le rallumage de la Menorah dans le Temple de Jérusalem rendu au culte de D.ieu, cela mérite évidemment d’être rappelé. Pourtant, si la célébration se limitait à cela, sa portée ne pourrait être, par la force des choses, que très strictement limitée. Depuis, cette époque, bien des choses ont changé et l’empire des Séleucides qui voulait s’emparer de la Terre d’Israël n’existe plus que dans quelques pages des livres d’histoire. La ferveur et la joie qui caractérisent ‘Hanouccah, cette attente si sensible de sa venue ne peuvent s’expliquer uniquement par elle.

C’est que ‘Hanouccah nous parle en même temps de nous-mêmes et de ce que nous vivons au quotidien. Il n’est pas nécessaire de réfléchir ou d’observer autour de soi longuement pour avoir le sentiment diffus d’une ombre qui monte. Alors qu’il y a encore si peu de temps nous vivions, malgré quelques soubresauts, dans une relative sérénité, nous sommes aujourd’hui confrontés à une forme générale d’inquiétude : que sera demain ? Devant les tumultes et les bouleversements que nous recevons jour après jour, il est légitime de se poser quelques questions existentielles. Pourtant, nous ne pouvons pas nous contenter de cette attitude d’attente et le fait d’en être conscient ajoute probablement à l’inquiétude de fond.

Voici donc que ‘Hanouccah revient et il nous raconte cette ancienne histoire et celle-ci nous dit que, décidément, aussi puissant soit le monde alentour, aussi impressionnantes puissent paraître les forces adverses, nous avons un pouvoir immense, celui de la lumière. Concrétisé par les flammes qui s’élancent au sommet de la Menorah, il dit que nous sommes ces porteurs de clarté, ceux qui pouvons chasser la nuit des âmes et des cœurs et faire advenir la plus belle lumière des matins de paix et d’éternité.

‘Hanouccah est présent. A nous d’agir pour en faire l’aube d’une humanité plus grande et plus belle, et le crépuscule de tout ce qui s’y oppose. Joyeux et lumineux ‘Hanouccah à tous !

Etincelles de Machiah

 Etre libre même en prison

« Et ce fut à la fin de deux années » (Gen. 41 : 1) : ce verset ouvre l’histoire de la libération de Yossef de la prison où il avait été jeté en Egypte. Le mot traduit ici par « fin » – en hébreu « Kets » – renvoie aussi à l’idée de limitation imposée. Le verset signifie ainsi que, même en prison, le lieu de toute limitation, Yossef resta libre dans son âme, jamais soumis à la coercition. Car la Torah qu’il avait étudiée ne cessa jamais de l’accompagner. C’est la raison pour laquelle son état de prisonnier fut temporaire et il put devenir vice-roi d’Egypte à peine libéré.

La prison de Yossef symbolise aussi ce monde où l’âme doit se revêtir dans un corps. Le sentiment de vivre une existence restreinte, comme en prison, est particulièrement éclatant en temps d’exil. C’est alors que l’histoire de Yossef prend tout son relief et son importance : la situation « limitée » n’est que transitoire ; elle n’a pour but que d’éclairer le monde par la Torah et ses commandements ; très bientôt elle se terminera et s’ouvrira enfin le temps de la Délivrance.

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch  – Chabbat Parachat Mikèts 5751)

Vivre avec la Paracha

 MIKETS

L’emprisonnement de Yossef prend fin lorsque le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches chétives puis de sept épis de blé pleins avalés par sept épis maigres. Yossef interprète ces rêves comme signifiant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine et il conseille au Pharaon d’engranger des provisions durant les années de plénitude. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur de l’Egypte. Yossef épouse Asnat, la fille de Poutiphar et ils ont deux fils, Menaché et Ephraïm.

La famine se répand dans la région et seule l‘Égypte possède de la nourriture. Dix des frères de Yossef viennent s’approvisionner en grains en Égypte. Le plus jeune frère, Binyamine, reste à la maison, Yaakov craignant pour sa sécurité.

Yossef reconnaît ses frères mais ce n’est pas réciproque. Il les accuse d’être des espions et exige qu’ils reviennent accompagnés de Binyamin, pour prouver la véracité de leurs dires. Il garde Chimone en otage. Plus tard, les frères découvrent que l’argent payé pour leurs provisions leur a été mystérieusement restitué.

Yaakov accepte d’envoyer Binyamin à la condition que Yehouda en prenne la responsabilité personnelle et éternelle. Cette fois-ci, Yossef les accueille chaleureusement, libère Chimone et les invite à un festin chez lui. Mais alors, il cache son gobelet en argent, censé avoir des pouvoirs magiques, dans le sac de Binyamine. Quand les frères se mettent en route pour repartir, le matin suivant, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés quand le gobelet est découvert. Yossef leur offre la liberté en échange de Binyamine qu’il gardera comme esclave.

Le lien entre ‘Hanouccah et Mikets

‘Hanouccah se déroule au cours d’une période de l'année où nous lisons la Paracha Mikets. Chaloh, une œuvre du XVIIème siècle, reconnue pour son autorité en matière de loi juive et de Kabbale, soutient qu'il existe toujours un rapport entre une Paracha spécifique et toute fête qui coïncide avec elle.

Il n'est pas nécessaire d'explorer longuement pour établir un tel lien. En effet, au commencement de la Paracha, la Torah évoque les rêves du Pharaon dans lesquels il voit sept vaches et sept épis de blé. Le miracle de ‘Hanouccah, comme nous le savons tous, découle du miracle qui s'est produit dans le Temple où la Menorah à sept branches fut allumée - et a miraculeusement perduré huit jours - grâce à la seule fiole d'huile trouvée. Ce lien semble être très superficiel, se limitant à une connexion apparente, centrée sur le nombre sept.

La Menorah et les tiges

Cependant, en approfondissant notre analyse, la situation se révèle plus complexe. Dans sa description des sept épis de blé, la Torah déclare : « Sept épis de grains sains et bons poussaient sur une tige ». L'expression hébraïque désignant « une tige » - « baKané haE’had » - n'apparaît qu'à un autre endroit dans les Cinq Livres de la Torah, précisément dans l'Exode (37 : 19), en référence à la Menorah du Temple. Quelle signification revêt donc ce terme : « sur une tige » en relation avec la Menorah ? Les sept branches de la Menorah étaient toutes reliées à la branche centrale. [Il convient de noter que le mot hébreu pour branche, « Kané » (tige), implique qu'elles n'étaient pas des demi-cercles mais des lignes droites, comme l'expliquent Rachi et Maïmonide. La représentation semi-circulaire de la Menorah trouve son origine dans l'Arc de Titus. Cette interprétation de la Menorah est totalement incompatible avec celle fournie par la Torah et les écrits talmudiques.]

Approches multiples

Cette réflexion souligne une leçon fondamentale et d’une grande portée. Chaque branche de la Menorah est perçue comme symbolisant une approche distincte du service divin. La kabbale nous enseigne que l'âme se compose de sept traits émotionnels, ce qui implique qu'il existe sept manières émotionnelles possibles pour illuminer le monde par la Lumière divine. Toutefois, toutes ces branches sont connectées à la « tige » centrale. Aucune des divisions ne peut représenter la multiplicité en D.ieu ; elles doivent toutes être révélatrices de l'Unique D.ieu et de l'unique Torah, qui peuvent se manifester sous sept formes différentes.

Deux leçons significatives

En premier lieu, à quel moment nos différences peuvent-elles être considérées comme légitimes ? Elles ne le sont que lorsque ces divergences se limitent aux diverses émotions humaines. Cependant, pour qu’elles soient jugées légitimes, toutes ces émotions doivent toutes être ancrées dans les principes fondamentaux du Judaïsme qui gravitent autour de l'Unité de D.ieu. Si la pratique juive d'un individu venait à s'écarter de ces fondements, il en résulterait que la Menorah ne serait pas appropriée pour une utilisation dans le Temple de D.ieu.

En second lieu, malgré les disparités qui persistent au sein de notre communauté, il est essentiel qu'il existe un sentiment d'une unité spirituelle plus profonde qui transcende nos divisions.

Le cœur du conflit avec les Grecs

Cette unité constituait le noyau de la lutte entre les Greco-Syriens et le Judaïsme. Leur vision du monde était intrinsèquement divisée. Leur principale objection au Judaïsme ne se trouvait pas dans sa culture ou sa littérature, mais dans la prémisse fondamentale selon laquelle tout provient d'un D.ieu Unique. Bien qu'ils aient profané diverses parties du Temple, l'interdiction d'utiliser la Menorah constituait un point de focalisation particulièrement intense. Il est possible que ce message d'unité ait été insupportable pour eux. 

D’où émerge cette mentalité grecque ? Ses origines peuvent être retracées jusqu'au rêve du Pharaon, car nos Sages enseignent que tous les exils qui ont suivi ont été modelés sur l'exil égyptien.

Les rêves du Pharaon : fondement de la pensée grecque

Les rêves du Pharaon - la manière dont un Pharaon perçoit le monde - se présentent ainsi comme des symboles de l'exil imminent ainsi que de tous les exils qui suivront. Dans son rêve, il aperçoit un monde unifié représenté par les sept épis qui se développent sur une seule tige. Cependant, sept épis fins engloutissent les sept épis sains, annihilant toute trace des originaux. Il convient de noter que dans la description des sept épis fins, il n'est pas précisé qu'ils poussent tous sur une seule tige. Cela s'explique par le fait que, selon la perspective du Pharaon, l'unité spirituelle est considérée comme un défaut tandis que la multiplicité païenne est valorisée comme une vertu. Un Pharaon ultérieur proclame donc : « Je ne connais pas Dieu ».

La transformation des rêves de Pharaon par Yossef

Yossef, quant à lui, transforme la dimension négative du rêve de Pharaon en un message positif. Le véritable défi d'évoluer au sein d’un monde divisé réside dans la capacité à rétablir cette diversité vers un état d'unité. Yossef a su tirer parti des sept années d'abondance, symbolisées par les sept épis de blé sains et unifiés, afin d’atténuer les conséquences des sept années de famine, représentées par les sept épis de blé maigres et disjoints. 

Les actions de Yossef ont ainsi permis aux générations futures de Juifs de restaurer la Menorah du Judaïsme, véhiculant son message de Lumière divine et d'Unité. 

Le message de ‘Hanouccah demeure aussi pertinent aujourd'hui qu'il l'était autrefois. La lumière de ‘Hanouccah devrait nous inciter à abandonner une mentalité d'exil, caractérisée par la division et la séparation, pour adopter une théologie fondée sur l'Unité divine - la croyance essentielle en Machia’h, moment où, comme l’a déclaré le prophète : « D.ieu sera Un et Son nom sera Un ».

Le Coin de la Halacha

 Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?

Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne.

Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quitte, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.

Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?

Normalement on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.

On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.

Cependant, celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.

Comment doivent agir les élèves d’un internat ?

Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir la « Kavana », l’intention de ne pas se rendre quitte et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.

D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent a priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.

Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quitte de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.

Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?

De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.

Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.

 (d’après Rav Yossef S. Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

 Le diamant caché

Ces dernières années, dans le centre commercial d’Anvers (Belgique), nul ne peut ignorer l’imposante ‘Hanoukia dressée dans l’entrée avec une grande affiche expliquant le sens de la fête et ses différentes implications. Chaque soir de ‘Hanouccah, nombreux sont ceux qui se réunissent tout autour pour procéder à un allumage officiel en présence des autorités civiles et rabbiniques. Musique, discours, beignets et danses autour de la ‘Hanoukia réchauffent l’atmosphère de la capitale mondiale du diamant. Et pour au moins une personne dans l’assemblée, cet événement a changé la vie.

Tout a commencé il y a quelques années. Les Chlou’him (émissaires du Rabbi de Loubavitch) dans la ville avaient sollicité un rendez-vous avec le président de ce centre commercial, Jacques Hapkamf pour lui demander la permission d’ériger une grande ‘Hanoukia devant les magasins scintillants en cette fin d’année civile. A leur grande surprise, le directeur accepta immédiatement la proposition sans demander davantage d’explications et, de lui-même, suggéra de poser à côté de la ‘Hanoukia une grande affiche explicative.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Cet homme habitué à diriger de nombreux employés demanda que ceux-ci réservent une place de choix pour cet événement, au meilleur endroit, pour poser l’affiche expliquant l’histoire de ‘Hanouccah et ses messages de lumière, de paix et de progrès social. Les nombreux passants s’arrêtaient pour lire ces explications et assister, le soir, à l’allumage public. « Ce fut une ambiance très spéciale, avec beaucoup d’émotion » résume Rav Chabtai Slavaticki, émissaire principal à Anvers depuis tant d’années.

A la fin de la fête, Rav Slavaticki entra dans le bureau de Jacques pour le remercier de son implication à toutes les étapes de ce processus.

- Vous et moi connaissons l’histoire du miracle de ‘Hanouccah, remarqua Jacques, mais la plupart des clients du centre commercial n’en étaient pas conscients. J’ai voulu qu’eux aussi connaissent ces épisodes importants de l’histoire juive.

Cette façon de parler interpela évidemment Rav Chabtaï :

- Vous êtes juif ? s’étonna-t-il.

- Moi ? Non ! Pas du tout ! se défendit Jacques. Moi je ne suis pas juif mais la mère de ma grand-mère oui. Elle était juive, s’était convertie au christianisme. Elle s’est mariée à l’église. Comme d’ailleurs ma grand-mère, ma mère et moi-même…

Rav Slavaticki respira profondément afin de choisir soigneusement ses mots avant de lâcher sa « bombe » :

- Puisque tel est le cas, M. Jacques, vous devez apprendre que, dans le judaïsme, la religion se transmet par la mère. Si la mère de votre grand-mère maternelle était juive - et même si elle a franchi le pas de la conversion à une autre foi - elle a transmis la judaïté à sa fille qui l’a transmis à sa fille et qui vous l’a transmis ! Ce qui signifie que vous êtes aussi juif que moi ! Vous êtes un descendant d’Avraham, Yits’hak et Yaakov !

Hébété, le directeur le fixa intensément et balbutia d’une voix faible :

- Vous êtes sûr de cela ?

- Absolument !

Depuis ce jour, un lien très profond se tissa entre les deux. La même année, Rav Slavaticki invita Jacques à célébrer, pour la première fois de sa vie, un Séder de Pessa’h communautaire. Pendant la soirée, Rav Chabtai demanda à Jacques de raconter sa vie et le tournant dramatique qu’avait représenté pour lui la fête de ‘Hanouccah. Les larmes aux yeux, l’homme raconta son histoire et s’engagea devant tous les convives à ériger l’année suivante une ‘Hanoukia encore plus belle, plus grande et plus impressionnante à l’entrée de son centre commercial.

Effectivement, l’année suivante, l’événement public de la Fête des Lumières attira un nombre considérable de passants mais aussi de personnalités municipales et gouvernementales.

Jacques ne fut certainement pas le seul à éprouver la fierté d’être juif.

Un diamant de valeur brille maintenant dans la ville d’Anvers.

Mena’hem Cohen – Si’hat Hachavoua N° 1666

Traduit par Feiga Lubecki

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