Mots en « té » hantés
Le langage a parfois des traits étonnants, qui cessent d’attirer notre attention simplement par un effet d’habitude. Par exemple, avez-vous remarqué comme ils sont nombreux les mots en «té» qui renvoient à des valeurs positives : bonté, liberté, solidarité, fraternité, égalité etc. ? Certes, il y aussi « méchanceté » mais il fait bien pâle figure à côté de la richesse des termes cités. Car, dans tous ces mots, il y a comme un esprit qui souffle et qui rime avec «humanité» – peut-être est-ce du reste cela qui nous impressionne. Il y a en eux comme un appel, une exigence, quelque chose qui nous dit que l’on n’est totalement, véritablement humain que si on les met en œuvre.
De fait, nous vivons un temps de relative prospérité matérielle. Il est vrai qu’évoquer «la crise» est devenu une figure rhétorique quasi obligatoire. Pourtant, si on avait décrit à nos ancêtres – et pas si éloignés que cela – les conditions dans lesquelles se déroule notre existence, ils auraient probablement crié à l’impossible ou à la réalisation des prophéties messianiques ! Dans un tel contexte, la misère des autres devient comme plus insupportable. Qu’elle soit matérielle ou spirituelle, qu’elle apparaisse au plus près de nous ou dans des lieux que nous ne verrons jamais, elle a cessé d’être admissible à nos yeux. Et la question se soulève d’elle-même : que faire, quelle part pouvons-nous prendre au rétablissement d’un équilibre que chacun appelle de ses vœux ? Au-delà de la conscience élémentaire, existe-t-il une action utile ? C’est sans doute à ce point de la réflexion que ces mots en « té » nous hantent car les notions qu’ils renferment sont trop précieuses pour qu’elles soient laissées sans usage.
Et si tout commençait justement par un autre terme – toujours en «té» : la responsabilité. C’est un beau et grand mot que celui-là. Il dit l’espoir et le pouvoir d’agir. Il dit l’aspiration et la conscience. Il dit le sens des autres et le refus de tout ce qui se limite à soi. Et résonne, comme en arrière-fond, l’antique leçon : D.ieu a créé l’univers et l’a confié à l’homme. Celui-ci en est, à la fois, le gardien, le porteur et l’acteur. Il est donc celui qui façonne les choses, qui modèle la vie et qui conduit l’univers au plus haut de son potentiel. Il est enfin celui qui le fait parvenir à son accomplissement.
Une contradiction absolue !
Quand un Juif se trouve en exil, même quand il accomplit le service de D.ieu qui lui incombe de « faire pour D.ieu une demeure ici-bas », il ne peut pas être satisfait car il est en exil !
«Juif» et «exil» sont deux notions radicalement contradictoires ! Il s’ensuit que, quand un Juif est en exil, il est dans un état où «il languit après la maison de son père».
D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parchat Vayétsé 5746 H.N.
Toledot
Beaucoup d’encre a été versée sur la polémique qui oppose le libre choix au déterminisme. Quel contrôle avons-nous réellement sur nos actions ? Certains semblent être naturellement bons et d’autres doivent lutter contre de mauvais traits de caractère ou des perversions menaçantes. Sommes-nous responsables de nos erreurs ? Tout n’est-il pas question de gènes et d’environnement ?
Les jumeaux en compétition
Depuis le giron maternel, Essav et Yaakov, les jumeaux de Rivkah et d’Its’hak semblaient destinés à emprunter des chemins différents dans la vie. Rivkah, nous indique la Torah, eut une grossesse tumultueuse : «les enfants se battaient en elle». «Quand elle passait devant une maison de prières», explique le Midrach, «Yaakov se battait pour sortir… et quand elle passait devant une maison d’idolâtrie, Essav se battait pour sortir». Et également, «ils se battaient l’un contre l’autre à propos de l’héritage des deux mondes (c’est à dire Olam Hazé, le monde d’ici-bas, le matérialisme, et Olam Haba, le monde futur de la perfection divine)».
D.ieu dit à Rivkah : «il y a deux nations dans ton giron ; deux peuples qui se sépareront de tes entrailles». Quand les enfants mûrirent, Essav se développa en «un chasseur rusé, un homme des champs» alors que Yaakov grandit en «homme saint, résidant dans les tentes de l’étude». Les descendants de Yaakov devinrent la nation d’Israël, choisie par D.ieu comme Son «royaume de prêtres et peuple saint». Essav engendra Rome et sa culture d’effusion de sang, de cruauté, d’avidité et de perversion.
Ce récit présente plusieurs aspects intrigants :
- L’on se réfère fréquemment à Essav comme le «mauvais» alors qu’est louée la droiture de Yaakov. Mais avaient-ils eu le choix ? Leur sort semblait prédéterminé depuis le giron maternel.
- D’où venaient les mauvais «gènes» d’Essav ? Il était le jumeau de Yaakov. Tous deux étaient issus des mêmes saints parents, tous deux avaient été conçus, élevés dans la même «bonne maison juive». Pourquoi fut-il attiré par l’idolâtrie dès le début ?
- En fait, il existe un Midrach qui révèle clairement qu’Essav s’engagea, au début, dans la voie juste et que ce n’est que plus tard qu’il se perdit par ses actes. Cela ne contredit-il pas les Midrachim précédemment cités ?
- Pourquoi «ils se battaient l’un contre l’autre à propos de l’héritage des deux mondes» ? Essav voulait le matérialisme du monde et repoussait tout ce qui était spirituel alors que le contraire était vrai à propos de Yaakov. Quel était donc l’objet de la querelle ?
Le sommet et l’ascension
Dans les célèbres «Huit chapitres» d’introduction à son commentaire sur les Maximes de nos Pères, Maïmonide décrit deux sortes de personnalités : «le juste parfait» et celui qui «conquiert ses inclinations». Le juste parfait méprise le mal et ne désire que le bien. Puisque le mal ne l’attire pas, le travail de sa vie ne consiste qu’à accroître et augmenter le bien en lui et dans le monde. Par contre, «le conquérant» doit se battre avec les aspects négatifs de sa personne et de son environnement et considère ce combat lui-même comme sa mission dans la vie.
Nous pouvons à présent comprendre le «phénomène Yaakov-Essav». Chaque homme a reçu le don divin du libre arbitre absolu. Quand bien même les cartes sont jouées, quand bien même les démons envahissent son cœur, il a reçu suffisamment de ressources spirituelles pour tout surmonter. De la même façon, chaque fois que nous devons relever un défi, nous possédons en nous la force de le faire. Le fait qu’Essav eut une forte inclination vers le mal, innée, ne signifiait pas pour autant qu’il était destiné à mener une vie corrompue. Cela signifiait qu’il devait aborder une posture de «chasseur rusé», d’«un homme des champs», d’«un conquérant» qui combat la matérialité et le monde. Cela signifiait que, contrairement à Yaakov, en qui le bien était «naturel», Essav possédait le potentiel pour éradiquer ses mauvais penchants.
Its’hak, comme «père fondateur du Peuple Juif» incorporait en lui-même le potentiel des modes de vie du «juste parfait» et du «conquérant». Ses fils jumeaux représentaient ces deux aspects du service divin du Créateur. Bien sûr, Essav possédait le libre arbitre, tout comme chaque homme (le juste parfait lui-même peut régresser ou ne pas réussir à réaliser tout son potentiel), mais il ne l’exerça pas adéquatement. Mais cela se produisit plus tard, dans sa vie. Le fait que dans le giron de sa mère, il était déjà attiré par des incitations à l’idolâtrie, le fait qu’intrinsèquement il était un chasseur rusé dans l’arène de la matérialité ne l’empêchèrent pas de grandir spirituellement avec son frère Yaakov. «Les enfants mûrirent», chacun dans son champ d’action, Yaakov dans les tentes de l’étude et lui, Essav, dans les défis du monde matériel.
Le moyen et la fin
Si Yaakov représente «le juste parfait» et Essav le «conquérant» potentiel, nous pouvons à présent comprendre la raison de leur querelle à propos des deux mondes.
Olam Haba, le monde parfait de Machia’h, n’est pas une réalité déconnectée de notre existence présente. C’est le résultat de nos efforts quotidiens dans notre approche du monde matériel et son perfectionnement. Le monde de Machia’h représente la réalisation ultime du potentiel divin investi dans la création, l’ère où se révèlera tout le bien inhérent à l’homme et à toute existence créée. Ainsi le monde présent est-il, à la fois pour «le juste parfait» et «le conquérant», le moyen et le monde futur, le but.
Le «juste parfait» a également besoin de l’existence matérielle comme véhicule qui mène à la perfection ultime. Quant au «conquérant», il voit lui aussi la perfection comme le but où le mènent ses efforts. Car bien que le but de la vie se définisse par le processus lui-même, chaque processus significatif doit avoir un but.
Donc tous deux réclament les deux mondes comme part de leur mission dans la vie, mais leurs priorités sont inversées.
Pour les «Yaakov» du monde, le monde matériel est un outil, un moyen d’arriver à une fin. Pour les «Essav», les implications de l’homme dans la matérialité et les combats que cela implique constituent l’histoire de la vie. Si une vision future est nécessaire, ce n’est que comme point de référence (comme moyen) qui sert à donner de la cohérence et une direction au «véritable» travail de la vie (la fin).
La tension qui les oppose quant à leur vision différente des «deux mondes» n’est pas négative. C’est le résultat de deux perspectives, toutes deux positives et nécessaires, toutes deux composants indispensables de la mission de l’homme dans la vie.
Qu’est-ce que Roch ‘Hodech ?
Roch ‘Hodech est la tête, le début du mois hébraïque, calculé d’après le renouveau de la lune. Des calculs très précis, basés sur l’observation des phénomènes célestes mais aussi sur leurs incidences au niveau pratique, président à la fixation du calendrier juif (qui a été fixé définitivement par Hillel l’Ancien, au 4ème siècle de l’ère commune).
Roch ‘Hodech peut compter un ou deux jours : dans ce dernier cas, le premier jour de Roch ‘Hodech est, de fait, le dernier et trentième jour du mois précédent (comme c’est le cas cette année pour Roch ‘Hodech Kislev – dimanche 3 et lundi 4 novembre 2013).
Il est permis de travailler Roch ‘Hodech ; cependant, dans certaines communautés, les femmes s’abstiennent dans la mesure du possible de tous travaux de couture, repassage, lessive… et c’est une bonne coutume. En effet, les femmes n’ont pas participé à la faute du veau d’or et ont refusé de donner leurs bijoux pour la confection de l’idole. D.ieu les récompense donc en leur donnant une sorte de demi-fête chaque Roch ‘Hodech. Cependant, si ces travaux constituent la source de leur Parnassa (le seul moyen de gagner leur vie), elles peuvent les effectuer Roch ‘Hodech.
On évite de se couper les cheveux et les ongles Roch ‘Hodech.
Il est interdit de jeûner ce jour et il est d’usage d’augmenter la quantité et la qualité des repas de Roch ‘Hodech.
F.L. (d’après Pinat Hahala’ha - Rav Yossef Ginsburgh)
Féministe avant l’heure
En ce qui me concerne, le Mouvement de libération de la femme juive a été initié par le Rabbi.
Quand, enfant, j’habitais dans le quartier ‘hassidique de Williamsburg, à Brooklyn, qu’y avait-il de prévu pour les jeunes filles ? Si un Rabbi tenait un rassemblement pour hommes, les filles ne s’y rendaient pas, quelle que soit la communauté à laquelle elles appartenaient.
C’est le mouvement Loubavitch, sous la direction du Rabbi, qui a été le premier à prendre des initiatives en ce sens alors que la plupart des gens ne comprenaient pas la révolution qui se mettait en marche.
Les femmes Loubavitch ont été libérées bien avant les autres et nous n’avons même pas eu besoin de combattre pour cela. Le Rabbi combattait pour nous et nous mettait sur un piédestal et nous n’avons même pas eu besoin de demander un piédestal.
Il est évident que le Rabbi anticipait les défis que devraient affronter les femmes juives de notre époque. Il réalisait que si les femmes ne s’impliquaient pas dans le judaïsme, elles s’impliqueraient dans d’autres domaines.
Quand le Rabbi envoya des émissaires répandre le judaïsme dans le monde, il n’envoyait pas un mari et sa femme, il envoyait un couple et confiait à chacun des deux une mission à accomplir.
Mon mari et moi-même avons été envoyés à Milan en Italie en 1958, quand il n’y avait aucune vie juive organisée digne de ce nom. Mon mari avait toujours envie de retourner à New York pour prendre conseil auprès du Rabbi.
Je me souviens du jour où mon mari obtint finalement du Rabbi la permission de voyager : nous avions envoyé un télégramme au Rabbi – à l’époque tout se passait par télégrammes – et nous avons reçu une réponse du secrétaire du Rabbi : «Si votre épouse est totalement d’accord avec votre souhait et que vous êtes sûr d’obtenir un visa pour retourner en Italie, alors vous pouvez venir à New York !».
Quand mon mari arriva à New York, il eut un entretien avec le Rabbi qui, entre autres, lui demanda quelque chose de très intéressant ou, plutôt, de très étrange : le Rabbi lui demanda de mettre par écrit la relation que nous avions ensemble. Je suppose que le Rabbi était étonné qu’un jeune homme originaire de Russie (comme mon mari) et une jeune fille originaire des États-Unis (comme moi) puissent bien s’entendre. Avec le défi supplémentaire d’être envoyé en Chli’hout, en mission dans un pays étranger dont la langue nous était inconnue.
Bien sûr, mon mari écrivit au Rabbi et ne manqua pas d’ajouter au passage des compliments sur moi. A la fin de son texte, il s’excusait presque : «Je n’aurais peut-être pas dû être aussi prolixe en décrivant ses qualités !». Quand le Rabbi lut cela, il barra les mots «ne pas» et souligna le mot «prolixe» avant de rendre la «rédaction» à mon mari.
Telle était l’attitude du Rabbi.
Venons-en à la suite : avant que mon mari ne rentre à la maison, il décida de m’acheter quelques gâteaux à la crème, sachant combien je les appréciais, surtout qu’il n’y avait pas encore de pâtisserie cachère à Milan.
Puis Rav Hodakov, le secrétaire personnel du Rabbi, l’appela : «Vas-tu acheter un cadeau à ton épouse ?»
- Oui, bien sûr ! répondit-il.
- De quoi s’agit-il ?
- Je lui ai acheté des gâteaux.
- Elle appréciera les gâteaux mais ce n’est pas un cadeau ! Tu dois lui acheter quelque chose en or !
Ils se mirent d’accord sur une montre en or. Rav Simpson – qui se lançait dans la bijouterie à ce moment-là – fut appelé à la rescousse ; il apporta tout un choix de montres. Mon mari, Rav Hodakov et, si je ne me trompe pas, Rav Groner également examinèrent les différentes montres pour décider laquelle ferait l’affaire. Finalement, Rav Hodakov prit tout le plateau de montres pour demander l’opinion du Rabbi !
Le Rabbi prit son temps pour décider et déclara : «S’il y a le temps, il faudrait prendre ce bracelet et l’attacher à ce cadran ; s’il n’y a pas de temps, il faut choisir cette montre !»
Puis le Rabbi prit un Ma’hzor (livre de prières des jours de fêtes) qui venait d’être publié et annonça : «Et ceci est mon cadeau pour elle !»
De nombreuses années ont passé avant que je ne raconte cette histoire en public et, avant de le faire, j’en ai demandé la permission à mes enfants. Vous savez, les enfants sont parfois embarrassés quand les parents racontent en public ce qui se passe dans la famille…
Certains de mes enfants étaient déjà mariés et ils répondirent à l’unanimité : «Maman ! Tu dois raconter cette histoire ! Combien de fois sommes-nous si impliqués dans notre travail communautaire que nous en oublions que notre relation avec notre conjoint est fondamentale, même et surtout pour tout ce que nous devons accomplir ensemble dans la communauté !»
Une bonne relation entre époux est essentielle, pour la maison bien sûr mais aussi pour l’extérieur. La compréhension, l’amour, le respect, la considération que les époux doivent avoir l’un envers l’autre quand ils sont en Chli’hout doivent être bien plus importants que s’ils n’étaient pas des émissaires du Rabbi.
En y réfléchissant, je ne pense pas que le message du Rabbi à moi et mon mari était d’ordre privé. Je pense plutôt que je devais montrer l’exemple. Racontez-moi quelle relation vous avez l’un envers l’autre et je vous dirais quel genre de succès vous pouvez espérer dans tous les domaines de votre vie !
Rabbanite Bassie Garelik – www.chabad.org
Traduite par Feiga Lubecki