Quand la vie foisonne
La marque caractéristique de la vie est, sans doute, le mouvement ou, plus largement, la croissance. Ainsi, l'arbre mort a perdu définitivement toute capacité de développement et ne peut plus que tendre vers le ciel ses branches désespérées. En revanche, vivant, il ne cesse de grandir. Il s'élance ainsi toujours à la conquête de l'espace qu'il n'a pas encore atteint, certain de parvenir au but fixé au terme de l'effort. La vie est ainsi faite : elle construit, jour après jour, des lendemains plus beaux, plus chatoyants, meilleurs.
Cette semaine, se déroule à New York, comme chaque année, le Congrès International des Chlou'him, ces émissaires du Rabbi aux quatre coins du monde qui, d'Alaska en Afrique du Sud et de Chine en Uruguay en passant par l'Europe et l'Océanie, donnent fierté et enthousiasme à la vie juive. Tout a été dit sur leur dynamisme, leur amour de l'autre, leur cœur ouvert à tous et leur volonté d'agir. Tout a été dit également sur la force qui les anime et qui leur permet, dans des circonstances parfois difficiles, alors qu'ils se trouvent loin de tous les centres de la vie communautaire, de poursuivre leur œuvre sans relâche. Cette force porte un nom : l'enseignement du Rabbi. Celui-ci les accompagne, ils le portent en cœur et en tête et il guide tous leurs pas.
Lorsque les Chlou'him se réunissent ainsi, c'est l'heure du bilan et des résolutions, au-delà de l'enrichissant échange d'expériences. C'est alors que chacun se rend compte que, pendant l'année écoulée, le grand arbre a encore grandi, que de nouveaux Chlou'him sont déjà à pied d'œuvre et que le monde continue de changer sous leur impulsion. Les racines bien ancrées dans l'enseignement qui les nourrit, ils continuent leur avancée. Peut-être déjà le ciel est-il à leur portée…
Décidément, le vie est grande, belle et puissante et les lendemains de bonheur à notre porte. Pas à pas, les Chlou'him en ouvrent le chemin. C'est là leur objectif ultime : la venue de Machia'h. Bonne réussite au Congrès !
La plainte d'une figue
Le Midrach Tehilim (fin du chapitre 73), parlant du temps de Machia'h, annonce : "Dans le temps futur, quand un homme sera sur le point de cueillir une figue pendant le Chabbat (ce qui est alors interdit - ndt), celle-ci criera : "C'est Chabbat !"
La réaction de la figue n'est pas seulement un prodige qui traduit le fait qu'une nouvelle ère a commencé. Elle est la marque qu'en ce temps, le monde lui-même ressentira et témoignera que rien d'autre n'existe dans le monde que le D.ieu Un
(D'après Likouteï Si'hot, vol. XI, p. 69)
Toldot : un héritage de rire
Avraham nomma le fils…, que Sarah lui avait donné, Yits'hak
("Rire").
Et Sarah dit: "D.ieu a fait rire à mon propos; tous ceux qui entendront riront pour moi". (Genèse 21:3,
Alors nos bouches seront pleines de rire et nos langues de chants. (Psaumes 126,2)
La Torah se divise en 54 Paracha (sections ou portions), chacune d'entre elles étant étudiée et lue en public à la synagogue, durant les semaines de l'année. Chaque Paracha possède un nom dérivé de ses premiers versets ; et pourtant aucune loi précise ne détermine quel doit être le mot (ou les mots) choisi pour l'identifier. On peut observer, par exemple, les sections qui commencent par les mots "Et Kora'h prit" et "Et Balak vit" qui sont nommées respectivement Kora'h et Balak ; mais la section commençant par "Et Yaakov sortit" est appelée Vayétsé (et il sortit), et celle commençant par "Et Yehouda s'approcha de lui" est nommée: Vayigach (et il s'approcha) plutôt que Yaakov et Yehouda .
Les Maîtres de la 'Hassidout expliquent que le nom de chaque Paracha renferme un enseignement lié à l'ensemble de la Paracha et d'un enseignement éternel pour chaque génération. Aussi, chaque Paracha reçoit-elle le nom qui lui est le plus approprié et qui intensifie son importance dans notre vie.
L'on peut observer ce fait dans la Paracha de cette semaine, appelée Toldot ("chroniques" ou "progéniture"), selon ses mots d'ouverture: "Et voici les chroniques de Yits'hak". Mais il y a cinq semaines nous avons lu une section commençant par "Et voici les chroniques de Noa'h" et cette Paracha était appelée Noa'h. Il est bien évident que deux Paracha ne pouvaient pas recevoir le même nom. Mais si le choix du nom Toldot ne devait se justifier que parce qu'il était le premier mot adéquat dans l'ouverture de la Paracha, c'est la section de Noa'h, la plus antérieure, qui aurait du le porter et notre Paracha s'appeler Yits'hak pour s'en distinguer. Il est donc clair que quelque chose dans les chroniques de Yits'hak justifie que le nom de Toldot est plus adéquat que pour celles de Noa'h.
Le commencement et la fin
Car "toldot" n'est pas un simple mot: c'est un terme qui embrasse l'univers, traverse toute l'histoire et décrit notre mission dans la vie. Après le récit de la Création du monde par D.ieu en six jours et Sa désignation d'un septième jour de repos, la Torah entame l'histoire de l'homme par les mots: "Voici les 'toldot' du ciel et de la terre au moment de leur création…".
Dix-huit livres et trois mille ans plus tard, la Torah conclut le livre de Ruth par les versets suivants :
"Et voici les 'Toldot' de Perets:Perets engendra 'Hetsron, 'Hetsron engendra Ram, Ram engendra Aminadav, Aminadav engendra Na'hchon, Na'hchon engendra Salmah, Salmah engendra Boaz, Boaz engendra Yichaïet Yichaï engendra David".
Dit le Midrach :
Le mot "toldot" apparaît partout dans la Torah avec une orthographe élidée (c'est-à-dire qu'il lui manque la lettre "vav"), à l'exception de deux occurrences: "voici les chroniques de Perets" et "voici les chroniques du ciel et de la terre au moment de leur création". Pourquoi manque-t-il le "vav" partout ailleurs? A cause des six (la lettre vav a une valeur numérique de six) choses prises à Adam: sa luminosité, sa vie, sa stature, le fruit de la terre, le fruit des arbres et les luminaires… Car bien que le monde fût créé parfait, ces choses furent ruinées par le péché d'Adam et ne sera restauré que par la venue du (Machia'h) descendant de Perets.
L'histoire de l'homme est le voyage de "toldot" en "toldot", depuis le monde parfait que D.ieu créa jusqu'à la perfection qui sera restaurée à l'époque de Machia'h. Selon les mots simples de Rachi:"Les 'toldot' des Justes sont leurs bonnes actions".
Noa'h et Yits'hak
Les accomplissements de l'homme s'expriment de deux façons: les "chroniques" de Noa'h et les "chroniques de Yits'hak".
Le nom "Noa'h" signifie "la tranquillité" ; "Yits'hak" signifie "le rire". Nombreux sont ceux qui rêvent de tranquillité et consacrent leur vie à sa recherche, dans le chaos et les luttes qui définissent l'existence présente,. En fait, "la Torah fut donnée pour apporter la paix au monde", pour transformer ses différentes forces et luttes en un miroir harmonieux de l'harmonie parfaite de Son Créateur.
Mais l'on peut également rétorquer qu'une existence des plus tranquilles n'est pas une existence; que si le but de la Création avait été la tranquillité, ce but aurait été également (voire mieux) servi en ne créant pas du tout de monde. Il est donc peu étonnant que bien peu de gens ne trouvent de satisfaction durable dans la tranquillité. Nous voulons plus de la vie que l'absence de discorde. Nous voulons la joie, nous voulons le rire dans notre vie.
C'est là que réside l'intention ultime de la Création : faire de notre monde une source de joie pour l'homme et pour D.ieu.
Ainsi, si une Parachah de la Torah s'appelle "Toldot", ce sont les "toldot" de Yits'hak plutôt que de Noa'h. S'il est une "chronique" qui retrace la saga de l'homme et une "progéniture" qui résume le fruit de ses labeurs, c'est une chronique de joie et une progéniture de rire.
Père et fils
Voici les chroniques de Yits'hak le fils d'Avraham ; Avraham engendra Yits'hak. (Beréchit 25:19)
De nombreux commentateurs s'interrogent sur la phrase répétitive de ce verset : si la Torah identifie Yits'hak comme "le fils d'Avraham", qu'ajoute l'information qu'"Avraham engendra Yits'hak" ?
L'un de nos Rabbis propose l'explication suivante :
Souvent nous sommes confrontés à ce que nous appelons "le fossé des générations", les parents et les enfants se trouvent en situation conflictuelle parce qu'ils ont une vue différente du monde et basent leur vie sur un système de valeurs différent. Parfois, l'opposition et le mépris sont réciproques. Dans les formes moins sévères, cela ne peut se révéler que d'un côté: les parents peuvent être fiers des accomplissements de leurs enfants alors que ces derniers dédaignent le "primitivisme" et le côté "vieux jeu" de leurs parents.
A l'opposé, les enfants peuvent révérer leurs parents et ce qu'ils représentent alors que ceux-là sont vivement déçus de leurs enfants et honteux de leur comportement.
La Torah nous dit que, dans le cas des deux premières générations de Juifs, il n'y avait pas de "fossé": Yits'hak n'avait aucune réserve quant au fait d'être "le fils d'Avraham" et Avraham n'était pas moins prêt à être identifié comme le père de Yits'hak . Malgré le fait qu'ils représentassent deux approches de la vie différentes, Yits'hak sentait que tout ce qu'il était et tout ce qu'il avait, il le devait à Avraham et Avraham voyait en Yits'hak l'accomplissement et la réalisation de son moi profond.
Combien de bougies allume-t-on en l'honneur du Chabbat ?
Même si, selon la loi stricte, on est quitte de la Mitsva en n'allumant qu'une seule bougie, la coutume est que, dès son mariage, une femme allume au moins deux bougies car il est écrit à propos du Chabbat : 1) " Souviens-toi " (Exode 20. 8) et 2) " Garde le jour du Chabbat " (Deutéronome 5. 12).
L'expression " Souviens-toi " inclue toutes les Mitsvot positives du Chabbat comme le Kiddouch, les repas et le repos de tout travail tandis que l'expression " Garde le Chabbat " inclue toutes les interdictions du Chabbat (ne pas écrire, fumer, travailler, conduire, cuire, trier etc…).
Nos Sages font remarquer que tout ce qui concerne Chabbat est " double " car dans le désert, les enfants d'Israël recevaient une double portion de manne le vendredi pour n'avoir pas besoin de sortir récolter la manne le samedi. C'est pourquoi on pose deux 'Hallots (pains) sur la table de Chabbat. Le sacrifice offert le Chabbat consistait en deux génisses. Et le cantique du Chabbat est introduit par les deux mots : " Mizmor Chir (Leyom Hachabbat) ".
Les deux bougies représentent aussi la femme et son mari : l'homme possède 248 organes et la femme 252, soit en tout : 500 qui représente la valeur numérique du mot " Ner " (bougie). C'est pourquoi, après la naissance d'un enfant, les femmes ont l'habitude dans de nombreuses communautés d'allumer une bougie supplémentaire ; surtout parce qu'il est dit par ailleurs que la femme qui est attentive à la Mitsva des bougies de Chabbat mérite d'avoir des fils et des gendres qui seront des érudits dans la Torah.
La mère continue d'allumer des bougies pour ses enfants même après leur mariage.
Une petite fille dès l'âge de trois ans et une jeune fille n'allument qu'une seule bougie.
Par le mérite de l'allumage de la bougie de Chabbat, une petite fille et une jeune fille éclairent leur " Mazal " et se marieront comme les dignes filles de nos Matriarches Sara, Rivka, Ra'hel et Léa.
F. L. (d'après Rav Yossef Guinzburg)
Une bougie, des bougies…
" A l'âge de trois ans, Rivka (Rébecca) alluma les bougies de Chabbat "
En 1974, le Rabbi de Loubavitch lança une campagne internationale pour encourager femmes et jeunes filles juives (dès l'âge de trois ans) à allumer les bougies du vendredi soir. Immédiatement, la branche féminine du mouvement organisa une campagne de publicité sur les ondes de la radio. Le message mentionnait que chaque auditrice qui enverrait un dollar au département " bougies de Chabbat " du Bureau Féminin Loubavitch au 770 Eastern Parkway à Brooklyn recevrait un kit avec deux bougeoirs et deux bougies.
La réaction fut immédiate : des milliers de lettres arrivèrent effectivement au Bureau Féminin mais certaines lettres furent, par erreur sans doute, adressées directement au Rabbi.
C'est ainsi qu'un vendredi après-midi, le Rabbi reçut dans son courrier une lettre d'une femme qui habitait sur Ocean Parkway à Brooklyn. Le Rabbi demanda à l'un de ses secrétaires de téléphoner à Mme Esther Sternberg, responsable de cette campagne en lui demandant de tout mettre en œuvre pour que cette femme puisse allumer ses bougies le soir-même.
Mme Sternberg n'était pas femme à traiter à la légère une demande directe du Rabbi. Il ne restait que 45 minutes avant Chabbat… Elle tenta de téléphoner à la femme mais son numéro ne se trouvait dans aucune liste. Elle réalisa alors que l'adresse indiquée n'était pas très lointaine et résolut de s'y rendre elle-même : si jamais la femme n'était pas là, elle déposerait le kit chez une voisine.
Elle prit ses deux filles avec elle dans la voiture. Elle trouva l'appartement, sonna, frappa encore et encore mais personne ne répondit. Finalement une femme qui habitait un appartement voisin apparut et expliqua que, oui, elle connaissait la femme qui avait demandé les bougeoirs mais celle-ci était âgée et entendait mal. Elle n'avait sans doute pas entendu la sonnette.
Alors Mme Sternberg, ses deux filles et la voisine frappèrent encore, toutes ensemble, et la vieille dame finit par ouvrir la porte. Elle était ravie d'avoir de la visite et encore plus contente en apprenant qu'elle pourrait allumer ce soir-là les bougies de Chabbat.
Madame Sternberg était heureuse d'avoir pu donner des bougeoirs et des bougies à cette dame mais était étonnée : pourquoi n'avait-elle pas allumé les bougies auparavant alors qu'elle semblait être originaire d'Europe de l'est où cette Mitsva avait été si populaire ? " Ne possédez-vous pas des bougeoirs ? " demanda-t-elle.
" Bien sûr ! Venez, je vais vous les montrer ; ils sont dans la cuisine ! " Effectivement deux magnifiques chandeliers en argent trônaient en haut d'un élément. " Quand mes enfants m'ont aidée à emménager dans cet appartement, ils ont placé les chandeliers tout là-haut. Ni moi, ni mes voisines, nous ne sommes parvenues à les descendre. Et c'est pourquoi je n'ai pas allumé mes bougies toutes ces années ! " (Apparemment cette femme - comme beaucoup d'autres - pensait qu'on ne pouvait allumer des bougies que dans des chandeliers rituels).
Une des filles de Mme Sternberg monta sur une chaise et réussit à attraper les chandeliers. C'est ainsi que, grâce à la tenacité du Rabbi et de Mme Sternberg, cette femme eut la possibilité dorénavant d'utiliser ses propres chandeliers pour allumer ses bougies de Chabbat.
* * *
Une autre fois, le Rabbi reçut une lettre d'un homme habitant Bowie dans le Maryland. Il demandait qu'on envoie des chandeliers pour sa fille. C'était encore un vendredi et le Rabbi fit à nouveau téléphoner à Mme Sternberg - 20 minutes avant Chabbat ! Mme Sternberg téléphona immédiatement à un émissaire du Rabbi dans le Maryland : mais celui-ci ne pouvait humainement pas se rendre à Bowie avant Chabbat car il y avait deux heures de route.
Mme Sternberg entreprit alors énergiquement de trouver le numéro de téléphone de la famille. Ce fut la mère qui décrocha : oui, son mari avait demandé des bougeoirs ; elle-même n'était pas intéressée mais elle avait pensé que ce serait bien pour sa fille. Mme Sternberg l'assura qu'elle lui ferait parvenir des bougeoirs dès la semaine prochaine mais, en attendant elle lui expliqua comment fabriquer des chandeliers provisoires avec du papier aluminium pour sa fille mais aussi pour elle. Elle n'eut pas besoin d'argumenter très longtemps et la mère s'engagea avec plaisir à allumer elle aussi les bougies de Chabbat. Elle nota sur un papier en phonétique le texte de la bénédiction et se conforma aux instructions de son interlocutrice de New York. Celle-ci lui demanda alors si sa fille n'avait pas des amies qui seraient elles aussi intéressées à allumer les bougies de Chabbat. La dame répondit qu'effectivement sa fille avait plusieurs amies juives qui seraient sûrement très contentes et d'ailleurs elle-même connaissait plusieurs dames qui apprécieraient aussi certainement de recevoir des bougeoirs pour allumer des bougies.
Le vendredi suivant, Mme Sternberg reçut un nouveau coup de fil du secrétariat : le Rabbi désirait savoir ce qui s'était passé avec la jeune fille de Bowie. Elle appela alors la dame : oui, elle et sa fille avaient allumé les bougies juste avant le Chabbat précédent, oui elles avaient reçu les bougeoirs qu'elles avaient distribué autour d'elles ; toutes leurs amies avaient été ravies. Toute la ville ne parlait plus que de cela.
D'ailleurs d'autres femmes étaient intéressées : Mme Sternberg pouvait-elle… ? Oui, bien sûr, elle pouvait et elle envoya dès le début de la semaine suivante encore un plus grand paquet de bougeoirs à Bowie.
Le 3ème vendredi, elle n'attendit pas le coup de fil du Rabbi et appela d'elle-même sa nouvelle amie de Bowie. Les amies de ses amies voulaient aussi recevoir des bougeoirs et souhaitaient rencontrer ces dames de New York qui se souciaient tant de leur faire connaître le Chabbat.
On organisa un " Chabbat plein " : plusieurs femmes et jeunes filles de Crown-Heights (Brooklyn) se déplacèrent à Bowie pour un Chabbat, Chabbat durant lequel elles évoquèrent de nombreux autres aspects du judaïsme qui touchèrent les cœurs des habitantes juives de Bowie.
Une seule bougie peut allumer de nombreuses autres bougies… et illuminer la vie de nombreuses familles.
Rav Eliahou et Malka Touger
Si'hos in English
Traduit par Feiga Lubecki