Editorial
Au rendez-vous de l’avenirAvec la régularité des événements incontournables, voici la saison du Congrès international des Chlou’him. Ces représentants du Rabbi de Loubavitch, présents partout dans le monde, se réunissent cette semaine à New York. Venus d’Europe, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie ou d’Océanie, quelles que soient les turbulences générales de la période ou celles, particulières, de leur région de résidence, ils se rassemblent à présent : rien n’aurait pu les retenir. Ils savent que cette réunion est importante. Plus qu’un bilan, plus encore que la mise en commun d’expériences et le partage des idées, elle est la source d’une énergie, d’une puissance que chacun des participants sent monter en lui comme une formidable unité.
Parfois, la régularité d’un congrès engendre la monotonie. Parfois, de telles réunions ont un caractère presque desséché. Cela paraît tant faire partie des inévitables rendez-vous auxquels l’habitude et la structure des choses contraignent. Voici pourtant un congrès différent car il incarne une avancée incessante, un enthousiasme jamais démenti et un engagement de poursuivre l’œuvre entreprise et, par nature, inachevée tant que le monde n’est pas parvenu à sa perfection.
C’est qu’ici les enjeux sont importants. Voici des hommes de tous âges qui, toute l’année, se trouvent aux quatre coins du monde et qui connaissent, de ce fait, toutes les vicissitudes de celui qui n’a pas choisi de vivre dans un milieu protégé. Voici ceux qui assument, avec plus de force et d’opiniâtreté, la mission de notre temps : faire partager à tous la connaissance du judaïsme et le bonheur de la vie juive afin de réaliser le but pour lequel ce monde a été créé. Pour cette raison, c’est à la fois un sens manifeste des responsabilités et une joie profonde qui imprègnent ce congrès des Chlou’him. Dès l’ouverture de ses travaux, ceux-ci le savent : ils en sortiront avec un dynamisme nouveau, avec des idées renouvelées et une inspiration encore plus grande. Ils savent aussi que cette réunion n’est qu’une étape sur le chemin et que celui-ci continue jusqu’au moment où la venue de Machia’h proclamera son aboutissement.
Etincelles de Machiah
Quelle Techouva pour quel Tsadik ?Le Zohar (III, 153b) enseigne que «Machia’h viendra pour faire faire Techouva aux Tsadikim». Au-delà de l’explication qui veut que, la Techouva étant une forme à part entière du service divin, elle doit exister à tout instant et chez chacun, il en existe une autre plus profonde.
Au temps de Machia’h, une révélation divine infinie apparaîtra. Pour D.ieu, qui est désigné comme (Rachi sur Berechit 18:28) «le Tsadik du monde», cette révélation sera une forme de «Techouva» pour avoir retenu cette lumière pendant toute la durée de l’exil.
(d’après Or Hatorah, Vayikra, p. 235) H.N.
Vivre avec la Paracha
la disparition du fiancéDans la Paracha de ‘Hayé Sarah (Beréchit 23 :1, 25 :18) nous lisons le mariage de Its’hak et Rivkah. Puisqu’il s’agit là du premier mariage relaté en détails par la Torah, nous pouvons en attendre des enseignements essentiels concernant l’essence de la relation qu’il engendre.
L’un des aspects, dans la relation entre Its’hak et Rivkah, qui nous interpelle, est que pendant les trois années qui précédèrent le mariage, Its’hak disparaît littéralement. En effet, un résumé des années de sa vie nous laisse avec un vide de pratiquement cette durée. Ainsi, la Torah nous dit qu’il était âgé de soixante ans lorsque naquirent ses jumeaux, Essav et Yaakov (Beréchit 25 :26). Néanmoins, selon le Midrach, le grand-père des jumeaux, Avraham, qui est mort à cent soixante-quinze ans (Ibid.), quitta ce monde le jour où ils atteignirent treize ans (Midrach Rabbah Beréchit 63 :10 et 63 :12). Puisqu’ au moment de la naissance de Its’hak, Avraham avait cent ans (Beréchit 21 :5), cela voudrait dire qu’Essav et Yaakov naquirent presque soixante-trois ans après la naissance de Its’hak. En d’autres termes, quand Its’hak atteignit soixante ans, environ soixante-trois ans s’étaient écoulées depuis sa naissance. Il a, en quelque sorte, «perdu» trois ans de sa vie.
L’une des explications que nous offrent nos Sages est qu’avant son mariage avec Rivka (à l’âge de quarante ans), Its’hak passa trois ans au Gan Eden. Pendant ces années, il mena une existence exclusivement spirituelle, de sorte que ces années ne sont pas comptées comme faisant partie intégrante de sa vie physique.
Bien que très peu d’entre nous puissions entreprendre d’imiter l’exemple de Its’hak dans son sens ultime, les implications sont claires : un pré-requis à la relation du mariage est qu’il faut d’abord consacrer une certaine période de temps exclusivement à des fins spirituelles en s’impliquant le moins possible dans les aspects matériels de la vie.
L’édifice impossible
Le mariage en lui-même apparaît exactement comme le contraire : c’est un moment où l’on s’immerge dans le matériel. C’est alors que l’on commence à s’engager dans le plus physique des penchants humains. C’est aussi le temps où l’on doit commencer à s’activer sérieusement pour gagner sa vie, bien souvent au détriment de quêtes plus élevées. En fait, le Zohar considère le mariage comme la seconde naissance de l’individu. Tout d’abord, l’âme entre dans le corps et assume une existence matérielle. Et puis, plus tard dans la vie, elle «descend» encore plus bas dans le monde matériel par le mariage. Néanmoins (et en fait, nous le verrons, à cause de cela), le mariage est le cadre dans lequel l’aspect le plus divin du potentiel humain se réalise.
La bénédiction traditionnelle donnée au marié et à la mariée est qu’ils méritent de construire «un édifice éternel». A partir du mariage vient la création de la vie humaine, la vie avec le potentiel de produire encore une nouvelle génération de vie, qui à son tour en donnera une autre, et cela à l’infini. La force de reproduction nous confronte à une impossibilité qui va contre toute logique : comment une entité finie peut-elle contenir en elle un potentiel infini ? En fait, nos Sages ont dit : «Il y a trois partenaires dans la création de l’homme : D.ieu, son père et sa mère». D.ieu, le seul Qui soit réellement infini a réalisé l’impossible : il a attribué à l’homme fini une qualité infinie. Dans le mariage, deux créatures finies et soumises au temps établissent un édifice infini et éternel.
Il n’est pas fortuit si la qualité par laquelle l’homme imite le plus son créateur ne se réalise que par une «descente» dans le matériel. Car il en va de même avec D.ieu Lui-Même : la nature infinie de Sa force s’exprime de la façon la plus puissante par Sa création de l’univers physique. Un être réellement infini n’est limité par aucune définition, par aucun paramètre : on peut le trouver partout et n’importe où, même dans les environnements les plus cachés et les plus corporels. La création de D.ieu de mondes sublimes et abstraits ne peut porter l’infinie étendue de Sa force de la même manière que Sa création et Son implication constante dans notre existence finie et «inférieure».
La même chose est vraie de la force de création investie dans l’être humain.
A cause de sa nature divine infinie, il peut trouver sa réalisation dans le domaine le plus «physique» de la vie humaine et c’est ce qu’il fait.
Un prélude spirituel
L’homme a reçu le libre-arbitre. Ainsi, quand un homme et une femme joignent leurs vies, il leur incombe de faire ce qu’ils veulent du don divin de la procréation. Ils peuvent choisir de l’ignorer dans une relation vide d’un contenu significatif, une relation où ils s’immergent de plus en plus dans leur existence matérielle. Ou ils peuvent entreprendre de construire un édifice éternel, bien plus que dans le sens le plus élémentaire, biologique. Ils peuvent entreprendre de construire une relation altruiste et généreuse, et un foyer et une famille impliqués dans les valeurs illimitées que leur présente le Créateur de la vie.
C’est là la leçon de la disparition de Its’hak du monde physique avant son mariage. Pour pouvoir assurer que la «descente» dans le mariage s’ouvrira sur les résultats escomptés, il doit être précédé d’une période de préparation spirituelle. Bien que la mission dans la vie de l’homme soit le développement positif du monde matériel, il lui faut pénétrer l’arène de la matérialité bien équipée de la vision spirituelle du dessein divin et du courage spirituel de l’accomplir.
Le Coin de la Halacha
L’homme a-t-il l’obligation de se marier ?Le but du mariage est d’établir une nouvelle génération. Ceci constitue une obligation de la Torah (Mitsva) ainsi que D.ieu a enjoint Adam et ‘Hava (Eve) : «Fructifiez et multipliez-vous, emplissez la terre et faites-en la conquête».
Cet ordre fut répétée deux fois, à Noa’h (Noé) et ses enfants. Rachi explique que la première fois, c’est une bénédiction et la seconde, c’est un ordre.
Nos Sages affirment que puisque cet ordre n’a pas été répété sur le mont Sinaï, cela signifie qu’il ne s’applique, en tant que commandement, qu’aux Juifs. D’ailleurs, il ne figure pas au nombre des sept lois Noa’hides, les lois universelles des enfants de Noé (ne pas tuer, ne pas voler etc…).
De plus, nos Sages expliquent que la Mitsva s’applique aux hommes et non aux femmes. Il est cependant évident que la femme prend une part active dans l’accomplissement de cette Mitsva.
Dès l’âge de dix-huit ans, l’homme est considéré comme apte à se marier. Auparavant, il doit se consacrer à l’étude de la Torah.
Nos Sages préconisent de procéder au mariage dès que possible : «Celui qui ne se consacre pas à la Mitsva de mettre au monde des enfants est considéré comme s’il versait du sang», car il empêche la venue d’âmes et il amoindrit ainsi le nombre de «représentations de D.ieu» («Tsélem Elokim») dans ce monde.
Celui qui a déjà un fils et une fille capables de se marier et d’avoir des enfants a accompli la Mitsva, même s’il sont morts de son vivant (que D.ieu nous en préserve) mais qu’ils ont eu eux-mêmes des enfants : un enfant issu du fils et un autre de la fille.
Rambam (Maïmonide) écrit : «Même si l’homme a accompli la Mitsva, il ne doit pas se considérer comme quitte mais continuera à l’accomplir car quiconque ajoute une âme est considéré comme s’il construisait un monde».
Celui ou celle qui, pour une raison ou pour une autre, ne peut avoir d’enfants aidera les autres autour de lui à élever les enfants en se consacrant, par exemple, à l’éducation juive et en contribuant financièrement aux frais de cette éducation.
F. L. (d’après Rav Yosef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
La dernière bougie de ChabbatAvec un ami de la Yechiva, j’ai effectué une tournée d’été dans des endroits isolés afin d’y rencontrer des Juifs qui n’ont sans doute que très peu de contact avec des communautés organisées. Pour cela, nous avons loué les services d’un pilote des lignes aériennes d’Alaska pour nous amener dans certains villages, en particulier à Bethel où on ne peut se rendre qu’en avion.
Nous avons reçu la permission des autorités de visiter une école publique pour y parler aux enfants esquimaux des Juifs et du judaïsme, dans le cadre de l’ouverture au monde autour d’eux.
Devant des élèves attentifs, j’ai exposé les grandes lignes de notre religion, l’une des plus anciennes, en insistant sur ses valeurs morales et son message éthique : les sept lois des enfants de Noé (ne pas blasphémer, ne pas pratiquer l’idolâtrie, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas manger d’un membre d’un animal vivant, mener une vie de famille normale et établir des cours de justice pour faire respecter les règlements).
Je demandai aux enfants s’ils avaient déjà rencontré un Juif. Une petite fille de dix ans leva le doigt : «Oui ! Ma mère ! D’ailleurs elle est ici présente puisqu’elle enseigne dans cette école !»
A la fin de mon discours, la fillette et sa mère demandèrent à me parler. La jeune femme me raconta son histoire : née et élevée dans une famille juive traditionaliste à Los Angeles, elle s’était sentie irrésistiblement attirée par la nature à l’état brut et le mode de vie des esquimaux. C’était pour cela qu’elle s’était installée en Alaska où elle vivait maintenant – en harmonie avec les éléments – avec son mari esquimau et leur fille.
Les larmes aux yeux, elle déclara : «Vous êtes le premier rabbin que ma fille a jamais rencontré. Quand j’étais petite, j’appréciais beaucoup nos traditions que je trouvais particulièrement belles. Je vous en prie, comme j’ignore quand nous aurons à nouveau la possibilité de rencontrer un rabbin, donnez à ma fille un message qu’elle n’oubliera jamais !»
Comment enseigner toute la Torah à une fillette de dix ans en quelques minutes ? me demandai-je tout en réfléchissant fébrilement. Je devais sur le champ lui donner un aperçu concret du judaïsme dont elle se souviendrait toute sa vie !
Qu’avait dit le Rabbi dans une telle situation ? Son message aurait été clair, direct et concret. Oui, le Rabbi a pensé à toutes les petites filles juives, même celles qui habitent si loin.
Selon l’expression du Talmud, c’est «sur un pied» que je dus expliquer en quelques minutes un sujet très important : le Chabbat. Un jour sacré dans la semaine, un jour où chaque Juif se rapproche de D.ieu en évitant certaines activités profanes et en augmentant l’aspect spirituel de son existence par la prière, le chant, l’étude de la Torah… J’insistai sur le fait que c’était la femme et la fille juives qui introduisaient le Chabbat dans leurs foyers en allumant les bougies avec la bénédiction.
- Et sais-tu, toi qui a appris la géographie, quel est le premier endroit dans le monde où on allume les bougies le vendredi après-midi ?
- Oui, répondit-elle avec assurance. L’Australie ou la Nouvelle-Zélande.
- Et, d’après toi, quel est le dernier endroit dans le monde où une fille juive peut allumer sa bougie avant le coucher du soleil ?
- En Alaska bien sûr ! déclara-t-elle avec un sourire, ravie d’être ainsi mise en valeur.
- Amanda, concluai-je très sérieusement, tu es la dernière petite fille qui peut allumer sa bougie de Chabbat. Quand Chabbat a déjà été accueilli partout dans le monde et que le monde a besoin d’encore un petit peu de lumière et de paix, tout dépend de toi ! C’est toi qui peut allumer la dernière bougie qui fera entrer la paix du Chabbat pour le monde entier !»
Depuis ce jour, Amanda et sa maman ont allumé leurs bougies chaque Chabbat et jour de fête juive…
Rav Avraham Berkowitz
Directeur de la Fédération des communautés juives de C.I.S.
traduit par Feiga Lubecki