Samedi, 7 décembre 2024

  • Vayétsé
Editorial

 En mémoire

Alors que nous nous préparions au congrès international des délégués du Rabbi, qui s’est tenu à New York à la fin de la semaine dernière, et que chacun anticipait la puissance des émotions qui seraient ressenties à cette occasion et celle des décisions prises alors qui retentiraient sur toute la surface du globe, nous avons été, encore une fois, frappés par la tragédie. Le Rav Tzvi Kogan, délégué du Rabbi dans les Emirats arabes unis, disparu pendant deux jours, a été assassiné et son corps retrouvé après des recherches actives.

A l’heure où cet éditorial est écrit, les circonstances précises du drame ne sont pas encore connues, mais les réactions sont nombreuses et bouleversantes tant en Israël, où Rav Kogan était né et où ses parents vivent toujours, que dans les Emirats ou dans le monde en général. Ainsi, un de ces héros du quotidien, qui délaissent le confort communautaire pour la diffusion du judaïsme et le service de tous, est tombé à son poste. Comme un soldat qui, sur le front, accomplit son devoir sans jamais baisser les bras ni renoncer.

Ce terrible événement rappelle à quel point la mission confiée à chacun, et en particulier à chaque délégué, est essentielle. Elle est le chemin pour mener le monde à son accomplissement, et cette vision accompagne tous ceux qui s’y consacrent. Rav Kogan était connu, rapportent ceux qui l’ont approché, pour sa gentillesse, sa bonté, son ouverture et sa disponibilité. Il savait répondre présent autant que cela était nécessaire. Pour toutes ces raisons, son assassinat a retenti avec la force d’un coup de tonnerre dans un ciel d’été.

Mais, pour toutes ces raisons aussi, cela doit nous conduire à intensifier encore nos actions. Car les assassins, par cet acte, voulaient inspirer la terreur, faire que le judaïsme et les Juifs n’osent plus manifester leur présence. Ils voulaient que le mouvement Loubavitch choisisse de leur abandonner le terrain. Nous savons déjà que leur projet a échoué et que les délégués du Rabbi, dans le monde entier, continueront leur tâche avec ardeur, grandeur et enthousiasme. Puisse le souvenir de Rav Kogan être pour chacun un exemple dans l’action. Puisse son sacrifice apporter à tous ses proches la paix et la bénédiction. Puisse-t-il être le digne avocat du Peuple juif auprès de D.ieu et amener très rapidement la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Une nouvelle Torah ?

Il nous est enseigné (Vayikra Rabba 13 : 3 paraphrasant Isaïe 51 : 4) qu’au temps de Machia’h « une nouvelle Torah émanera de Moi ». Il est pourtant clair que la Torah, Sagesse de D.ieu, ne changera jamais. Du reste, les textes soulignent : « Cette Torah-là ne sera jamais changée ». Dès lors, que signifie cette « nouvelle Torah » ?

Aujourd’hui, la Torah nous apparaît sous la forme de récits comme ceux de Lavan ou de Bilam. Lorsque le Machia’h viendra, les secrets cachés dans ces récits se dévoileront. Il se révèlera alors comment ce qui semble être de simples histoires parle profondément de D.ieu. C’est ce que signifie les mots « sortira de Moi » : il apparaîtra comment toute la Torah est une manière de dire la Divinité.

(d’après Kéter Chem Tov, sec. 84, 242)

Vivre avec la Paracha

 Vayetsé

Yaakov fuit Beer Sheva et se dirige vers ‘Haran. En chemin, il se trouve face à « l’endroit », y dort et rêve d’une échelle qui relie le ciel et la terre, des anges y montent et y descendent. D.ieu lui apparaît et lui promet que la terre sur laquelle il se trouve sera sienne. Au matin, Yaakov fait de la pierre, sur laquelle il a reposé sa tête, un autel, priant pour qu’il devienne la Maison de D.ieu.

A ‘Haran, il va devenir le berger du troupeau de son oncle Lavan, pour obtenir la main de sa fille cadette, Ra’hel. Mais Lavan le trompe et le fait épouser sa fille aînée, Léa. Yaakov épouse Ra’hel une semaine plus tard en échange de sept années de travail supplémentaires.

Léa donne naissance à six garçons : Réouven, Chimone, Lévi, Yehouda, Issa’har et Zevouloun et à une fille, Dina. Ra’hel, quant à elle, reste stérile. Elle offre alors à Yaakov d’épouser sa servante Bilha et deux fils lui naissent : Dan et Naphtali. Léa en fait de même avec sa servante Zilpa qui donne naissance à Gad et à Acher. Finalement, D.ieu répond aux prières de Ra’hel et elle met au monde Yossef.

Yaakov veut quitter ‘Haran, après ces quatorze années, mais Lavan le persuade de rester en échange de troupeaux. Malgré les efforts de Lavan pour le tromper, Yaakov s’enrichit et part subrepticement au bout de six années supplémentaires. Menacé par D.ieu s’il le poursuit, Lavan abandonne son intention de nuire et conclut une alliance avec Yaakov.

Yaakov se dirige vers la Terre Sainte où il est accueilli par des anges.

La Réprimande de Yaakov aux bergers et l'arrivée de Ra’hel

Dans la Paracha de cette semaine, la Torah relate comment Yaakov se rendit à ‘Haran pour un double objectif. Tout d'abord, il fuyait la colère de son frère qui lui reprochait d'avoir « volé » les bénédictions paternelles. En second lieu, il s'y rendait afin de trouver une épouse parmi sa famille maternelle.

Les événements relatifs aux Patriarches et Matriarches ne sont ni privés ni éphémères. « Les actes des pères sont des signes pour les enfants », affirment nos Sages, suggérant que tout ce qui leur est arrivé est en lien avec notre existence et influence notre vie. En termes clairs, cela signifie que nous devons tirer des leçons de tous les événements concernant les Patriarches et les Matriarches, même ceux qui semblent insignifiants.

À son arrivée à ‘Haran, Yaakov remarque que les bergers tardent à abreuver leurs moutons et leur dit : « Voici, le jour est encore long ; il n'est pas encore temps de rassembler le bétail ; abreuvez vos moutons et allez les nourrir". Les bergers répondent : « Nous ne pouvons pas avant que tous les troupeaux ne soient rassemblés ; on roulera alors la pierre de sur l'ouverture du puits et nous abreuverons le bétail ». C’est à ce moment-là que Yaakov rencontre Ra’hel pour la première fois, marquant ainsi le début de la formation d'une famille juive qui deviendra le noyau du Peuple juif.

On peut se demander pourquoi ces deux événements apparemment disparates (le dialogue entre Yaakov et les bergers ainsi que l'arrivée de Ra’hel) sont liés.

Un Juif ne peut rester inactif

À un niveau simple (mais non simpliste), l'inquiétude manifestée par Yaakov pour les moutons ainsi que son aversion pour l'oisiveté sont caractéristiques du leader juif et, par extension, de chaque individu juif.

Un Juif ne peut tolérer la souffrance d'autres moutons (au sens figuré comme au sens littéral) et exprimera son indignation, même en tant que visiteur récemment arrivé. Lorsqu'il est témoin d'injustice ou d'un manque de soin envers l'une des créatures divines, le Juif ne peut rester silencieux. Et un Juif ne peut demeurer inactif, tout simplement parce que chaque instant compte et chaque seconde de vie nous a été donnée comme une ressource destinée à agir en faveur du reste du monde.

Le secret du mot « Hèn » : singularité

Une autre réponse à la question susmentionnée repose sur l’utilisation du mot introducteur « Hèn » (« voici ») par Yaakov. Les commentateurs s'interrogent sur l'utilité de ce terme. N'aurait-il pas pu commencer sa phrase par : « Le jour est encore long » ? Bien qu'on puisse argumenter qu'il s'agissait simplement d'une figure de style ou qu'elle ait été ajoutée par Yaakov pour souligner son propos, chaque mot, lettre et nuance dans la Torah possède une signification plus profonde.

L'une des explications avancées concernant l'utilisation du mot « Hèn » repose sur le fait que ses deux lettres - la lettre hébraïque « Hé » et la lettre « Noun » présentent une anomalie. Les lettres hébraïques correspondent également à des valeurs numériques : «  » représente cinq tandis que « Noun » équivaut à cinquante (il n'existe pas de lettre correspondant à cinq cents). Si nous prenons le chiffre un et le combinons avec neuf, nous obtenons dix ; il en va de même pour deux avec huit ou trois avec sept produisant également dix, etc. Le seul nombre sans paire associée au total de dix est cinq ; il ne peut être associé à aucun autre nombre pour atteindre ce résultat identique. Il en va également ainsi pour cinquante, en relation avec cent.

Le prophète païen Bilaam a déclaré dans ses paroles prophétiques : « Voici un peuple qui habitera seul et ne sera pas compté parmi les nations ». Ici encore, la prophétie établissant l'isolement du Peuple juif ainsi que son incapacité réelle à s’assimiler est précédée par le mot « Hèn ».

En entamant son dialogue menant à son mariage avec Ra’hel ainsi qu'à l’établissement du Peuple juif par le mot « hèn », Jacob voulait établir un ton pour l'avenir. Même lorsque nous sommes dispersés parmi les nations en exil – « le jour est encore long ; il n'est pas encore temps que le bétail soit rassemblé » - même lorsqu'il est prématuré pour la nation juive d'être délivrée de l'exil, néanmoins nous ne devons pas perdre notre singularité.

Unité juive

Le terme « Hèn » véhicule également un message crucial concernant l'avenir du Peuple juif ainsi que sa rédemption ultime après l'exil. Le prophète Yirmiyahou (Jérémie) déclare : « Séh Pezoura Israël » : « Israël est une brebis égarée ». Nous avons été dispersés au sein du monde tout en attendant l'avènement du Machia’h qui nous rassemblera et mettra fin à l’exil. Le mot introducteur « hèn » nous indique que les conflits internes constituent un obstacle au rassemblement des brebis éparpillées.

Nous pouvons interpréter cet indice comme un appel pressant à l'unité juive tout en appliquant cette notion au verset suivant contenant la réponse des bergers à Yaakov : « Nous ne pouvons pas avant que tous les troupeaux soient rassemblés, on soulèvera alors la pierre […] ; et nous abreuverons le bétail ». En substance, ils affirmaient que la seule manière de satisfaire les besoins des moutons réside dans l'unité entre nous.

Le Coin de la Halacha

 Quand dit-on « Tal Oumatar ? »

A partir de mercredi soir 4 décembre 2024, on ajoute « Tal Oumatar » dans la prière de la Amida – jusqu’à la fête de Pessa’h.

Cette prière pour « la rosée et la pluie » précise que ceci doit être « Livra’ha », pour la bénédiction.

Celui qui a oublié « Tal Oumatar » et s’en souvient avant d’avoir commencé la bénédiction suivante (« Teka Bechofar ») le rajoute alors. S’il a commencé « Teka Bechofar », il rajoute dans la bénédiction « Choméa Tefila » : « Vetène Tal Oumatar Livra’ha Ki Ata Choméa Tefilat Kol Pé… »

S’il l’a encore oublié mais s’en souvient avant « Retsé », il le dit alors. S’il a commencé Retsé et s’en souvient avant d’avoir reculé de trois pas à la fin de la Amida, il reprend à partir de « Barèkh Alénou » et continue la suite de la Amida. S’il a oublié après avoir reculé de trois pas, il reprend toute la Amida.

Il convient de louer et remercier le Créateur « pour chaque goutte de pluie » bénéfique, en son temps, qui apporte la bénédiction pour les récoltes, en particulier en Erets Israël.

(d’après Séfer Hatodaah)

Le Recit de la Semaine

 L’essentiel et l’accessoire

En quelques secondes, la vie d’Ayala a basculé pour toujours. Elle habitait avec son mari, son bébé et sa belle-mère dans le Kibboutz Béeri. Le 7 octobre au matin, les terroristes envahirent sa maison, tuèrent son mari et sa belle-mère. Ayala courut, saisit son bébé mais, tandis qu’elle courait, les terroristes la poursuivirent en lui tirant dessus. Son bébé de cinq mois mourut dans ses bras et elle-même fut blessée.

Après cette tragédie, Ayala dut déménager chez sa mère avec ses deux enfants qui avaient survécu au massacre ; elle tenta de recoller les morceaux de sa vie brisée. Le mouvement Loubavitch mit tout en œuvre pour l’aider et, quand elle put emménager dans un nouvel appartement, nous l’avons aidée et lui avons fourni les meubles dont elle avait besoin.

- J’ai aussi une Mezouza pour vous, lui rappelai-je.

- Oh, ce n’est pas nécessaire, répondit-elle distraitement. Nous n’en avions pas au Kibboutz, donc je ne vois pas pourquoi j’en aurais besoin maintenant.

Je n’ai pas voulu insister alors qu’elle était si perturbée mais lui ai rappelé qu’elle pouvait toujours me téléphoner si elle changeait d’avis. Il est écrit dans les textes sacrés que la Mezouza protège la maison et ses habitants même quand ils ne se trouvent pas à l’intérieur ; cependant, je n’ai pas voulu la brusquer alors qu’elle avait été tellement éprouvée.

Quelques semaines plus tard, Ayala m’appela :

- J’entre aujourd’hui dans mon nouvel appartement, une de mes amies est venue m’aider. Quand nous avons terminé d’arranger tous les meubles, elle a bien regardé tout autour et a conclu : il te manque quelque chose. Je me demandai de quoi elle parlait et elle m’a répondu : une Mezouza ! Au fait, j’en ai une ici, je te la donne !

Monsieur le rabbin, je sais qu’on est vendredi et que vous êtes très occupé mais vous aurez peut-être le temps de passer et de m’aider à la fixer à la porte ?

- Bien sûr ! ai-je répondu, trop heureux de pouvoir enfin remplir cette mission. J’arrive !

Quand j’arrivai dans son nouvel appartement, elle me montra avec fierté la Mezouza que son amie lui avait donnée.

- N’est-ce pas qu’elle est magnifique ? s’enthousiasma-t-elle.

- Effectivement, c’est un très bel étui, vraiment une œuvre d’art ! Voyons ce qui en est du parchemin…

Comme je m’y attendais hélas, je constatai qu’il ne s’agissait que d’un étui, superbe il est vrai mais vide…

- Il manque la partie la plus importante, déclarai-je de façon aussi diplomatique que possible. Vous savez, Ayala, une Mezouza consiste en un étui (tout simple ou plus artistique) et surtout, un parchemin où sont écrits à la main, par un Sofer (scribe), les versets du Chema Israël. J’en ai apporté un justement ; nous allons le rouler puis l’introduire dans ce très bel étui et clouer le tout sur le linteau de votre porte.

Ayala et son amie n’avaient jamais entendu parler de ce « détail » et acceptèrent volontiers de donner le dernier coup de marteau en fixant la Mezouza à la porte.

Quelques jours plus tard, Ayala me téléphona :

- Monsieur le rabbin, je ne comprends plus rien ! Depuis le 7 octobre, je n’ai plus réussi à dormir correctement. Les cauchemars se succèdent et je me réveille plusieurs fois par nuit en hurlant et pleurant. La nuit où vous avez fixé la Mezouza à la porte est la première où j’ai réussi à dormir paisiblement. Pour la première fois, je ressens que j’ai la force de continuer et de repartir dans la vie !

- Ce n’est pas moi ! répondis-je tout aussi surpris et heureux. C’est D.ieu qui est avec vous, qui vous protège et vous a sauvée. Certainement, Il va continuer à vous aider à passer cette terrible épreuve et vous réservera encore des joies. Quoi qu’il se passe, sachez que D.ieu est avec vous !

Rav Mena’hem Kutner - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki