Comme nous le savons, le Baal Chem Tov a mis l’accent sur le principe que tout ce qu’une personne voit ou entend a pour but de la faire avancer dans son service divin.

Observons donc la leçon spécifique de la Paracha de cette semaine. Et portons tout d’abord notre attention sur son nom : Chela’h.

L’explication littérale du mot Chela’h est « envoie » : D.ieu commande à Moché d’envoyer des explorateurs pour inspecter la Terre d’Israël. Cependant, une question se soulève immédiatement : quelle leçon positive peut-on tirer de ce commandement quand on en connaît les conséquences désastreuses, non seulement pour les explorateurs eux-mêmes mais pour l’ensemble du Peuple juif ?

Et la question devient encore plus difficile. Rachi interprète l’ajout qui paraît superflu du mot « Le’ha », « pour toi », comme signifiant qu’il revenait à Moché lui-même de prendre ou non la décision d’envoyer des explorateurs.

Ainsi deux questions se posent.

Tout d’abord, nous savons que la Torah est très attentive à ne pas parler de façon irrespectueuse de quelque créature que ce soit, y compris d’un animal impur. Pourquoi nous informe-t-elle donc que Moché prit une décision si malencontreuse ?

De plus, comment la Torah peut-elle tirer une leçon éternelle de l’erreur de Moché Rabbénou ?

La force de ces questions nous conduit à la conclusion que le fait d’envoyer les explorateurs était une initiative positive (comme le mentionne Rachi : « ils étaient honorables, à cette période »). Mais parce qu’ils appartenaient à « une génération au caractère envahissant », ils transformèrent et altérèrent les intentions premières de Moché.

Cependant, cette idée reste encore quelque peu obscure. Quelle était l’intention de Moché en les envoyant explorer la terre de Canaan ? Il était conscient des promesses de D.ieu : « Je vous conduirai dans cette terre », « une terre bonne et vaste où coulent le lait et le miel ».

Même si les explorateurs étaient restés fidèles, quel intérêt y avait-il à les envoyer ?

Et pourquoi, de surcroît leur dit-il : « Soyez forts et prenez des fruits de la terre » ? D.ieu avait déjà promis qu’Israël ruisselait « de lait et de miel ».

La réponse à cette question réside dans le principe de la Torah : « Ne compte pas sur les miracles ». Pour pouvoir découvrir la meilleure stratégie pour conquérir Israël, selon l’ordre naturel des choses, Moché Rabbénou envoya ces explorateurs. Bien qu’il eût une confiance absolue dans la promesse de D.ieu d’y conduire le Peuple juif, il envoya des hommes pour découvrir les méthodes concrètes les mieux à même de réaliser cette promesse. Pour encourager tout le Peuple juif et lui donner l’enthousiasme de conquérir Israël, Moché ordonna aux explorateurs de revenir avec certains fruits d’Israël. Ils montreraient ainsi l’importance et la beauté de la terre et les motiveraient à cette conquête, touchant même ceux qui seraient plus sensibles aux fruits du pays qu’à sa sainteté.

Les Juifs eux-mêmes venaient de quitter l’Égypte (décrite comme une société corrompue) où ils avaient passé des centaines d’années d’esclavage. Soudain, dans un très bref délai, on leur disait de se préparer à entrer sur une terre et de conquérir le pays de Canaan. On leur enjoignait de le faire de telle manière que non seulement ils ne soient pas affectés par l’impureté ambiante mais, de plus, qu’ils la transforment en Terre d‘Israël, une terre sur laquelle « toujours, les Yeux de l’Éternel ton D.ieu sont posés ».

Confronté à la fois à la nécessité et la difficulté de cette tâche, Moché chercha un moyen de l’atténuer et c’est pour cela qu’il envoya les explorateurs.

Et puisque le Peuple d’Israël avait la responsabilité de conquérir et de transformer la terre d’Israël par ses propres efforts, il n’y eut pas de commandement spécifique d’envoyer des explorateurs et D.ieu laissa Moché prendre lui-même la décision.

Il voulut rendre la tâche plus facile. Il choisit les Nessiim, les chefs de chaque tribu, l’homme le plus élevé et le plus raffiné de la tribu, celui qui était parfait pour cette mission. Dans leur entrée dans le pays et leur comportement là-bas, ils devaient se montrer « forts », pour frayer le chemin et accomplir les premières étapes, les plus ardues.

Cette explication trouve son application concrète dans la vie de chaque Juif.

Même lorsqu’en observant le monde qui nous entoure, nous prenons conscience qu’il ressemble à la terre de Canaan, autrement dit qu’il se trouve spirituellement impur, nous devons savoir que D.ieu nous a chargé de la mission de faire du monde une résidence pour Lui.

Mais l’on peut s’inquiéter : comment réussir ? Nous sommes « le plus petit parmi les peuples ». Nous avons été chargés d’une mission difficile : faire de notre environnement, notre ville et de chaque lieu que l’on peut atteindre une résidence divine, un lieu où « toujours, les Yeux de l’Éternel ton D.ieu sont posés ».

La Torah nous donne donc le conseil : « envoie des explorateurs, un chef de chaque tribu ».

Le Juif doit trouver le niveau de son âme qui correspond à un chef (c’est-à-dire la force de la foi, la plus grande force qu’il possède) et l’utiliser pour transformer le monde autour de lui.

Cette foi est présente dans chaque Juif. C’est un héritage de nos Patriarches. Un Juif possède la foi, qu’il le veuille ou non. Il possède également le libre-arbitre. Il peut choisir de ne pas utiliser la force de sa foi. Mais elle n’en reste pas moins présente en lui. S’il choisit d’exercer son pouvoir, alors la foi, « le chef des forces de l’âme », contrôle et dirige tous ses autres sens et facultés.

Alors, non seulement n’est-il pas affecté par l’impureté et l’immoralité ambiantes (son Canaan personnel) mais au contraire, la conscience qu’il appartient au peuple saint lui permet de transformer en objet de sainteté tout objet avec lequel il entre contact. Par la sainte Torah, il établit le lien entre tout ce qu’il rencontre et D.ieu.