Le verset Chela'h 13, 31 dit que : «les hommes(1) qui montèrent avec lui(2) déclarèrent : nous ne pourrons pas monter vers le peuple, car il est plus fort que nous(3)». Puis, le verset 14, 8 ajoute : «Si l'Eternel nous désire, Il nous fera venir vers ce pays, Il nous le donnera, un pays où coulent le lait et le miel»(4).

S'il est envisagé à une dimension plus profonde, ce texte présente un dialogue conceptuel, tendant à déterminer la meilleure voie du service de D.ieu. Les explorateurs s'opposaient énergiquement à l'entrée en Terre promise et ils considéraient qu'il fallait rester dans le désert. Dans cet endroit, soulignaient-ils, c'était le Saint béni soit-Il Lui-même qui satisfaisait tous leurs besoins matériels. Ils pouvaient ainsi se séparer du monde extérieur et servir D.ieu(5), sans tracas et sans obstacle(6).

L'entrée en Terre sainte devait donc instaurer un ordre nouveau(7), faire disparaître les miracles successifs(8) et le retrait de la matière. Là-bas, il serait effectivement nécessaire de conquérir(9), de travailler la terre, d'assujettir et d'affiner la matérialité. Pourquoi, dès lors, fallait-il «descendre» dans ce pays ? N'est-il pas préférable de demeurer dans le désert et de poursuivre son élévation morale(10) ?

En outre, poursuivirent ces explorateurs, comment serait-il possible de vaincre les habitants de ce pays(11) ? Dans le désert, en effet, il était possible d'écarter tout contact avec la matière du monde et de vivre dans l'île déserte de la sainteté. A l'inverse, dans ce pays, en se trouvant en contact direct avec tout ce qui est matériel et profane, on perdrait cette révélation céleste au point de s'introduire dans la matérialité, car les lois de la nature s'appliqueraient pleinement, l'aide divine disparaîtrait(12). Dès lors, il n'y aurait plus aucune chance, «il est plus fort que nous»(13).

C'est donc contre ces explorateurs qui se trompaient et qui trompaient les autres que se dressèrent Yochoua et Kalev, des Justes qui proclamèrent : «si l'Eternel nous désire, Il nous fera venir vers ce pays». Le Saint béni soit-II veut que les enfants d'Israël transforment la matière du monde en sainteté(14), qu'ils descendent dans le monde et qu'ils y révèlent une grande Lumière(15).

De fait, puisque telle est la Volonté de D.ieu, ce monde redoutable ne doit inspirer aucune crainte. D.ieu, accorde à chacun la force de se confronter aux difficultés qu'il impose, de se battre et, au final, de vaincre la matérialité grossière, de l'affiner, contre toute attente, jusqu'à lui permettre de trouver sa place dans le domaine de la sainteté.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 4, page 23)

Notes :

(1) Les explorateurs.
(2) Avec Kalev.
(3) Ou même, selon l'interprétation que donne Rachi de ce verset : «Il est plus fort que D.ieu».
(4) C'est la réponse de Yochoua et Kalev aux autres explorateurs.
(5) Telle était donc la conception du service de D.ieu qu'avaient les explorateurs. La matérialité étant, par nature, dangereuse pour l'homme qui souhaite s'élever vers D.ieu, il était préférable de rester dans le désert et de se couper du monde, dans toute la mesure du possible. C'est le même raisonnement qui conduisit les fils de Yaakov, à l'exception de Yossef, à devenir bergers. Toutefois, ces derniers vivaient avant le don de la Torah, alors qu'à l'époque des explorateurs, elle avait déjà été donnée.
(6) Imposés par le monde matériel.
(7) Une introduction au sein de la matière.
(8) La manne, le puits de Myriam, les colonnes de nuée.
(9) D'introduire son effort personnel.
(10) C'est la suite du raisonnement de ces explorateurs.
(11) Les sept peuples de Canaan.
(12) C'est pour cela que l'effort des hommes est nécessaire.
(13) Il n'est pas concevable que, dans un tel contexte, les hommes puissent prendre le dessus
(14) C'est la mission qui leur est confiée ici-bas.
(15) En transformant les objets matériels en instruments du service de D.ieu.

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