La Paracha Vaéra décrit les sept premières des Dix Plaies, les cataclysmes que D.ieu produisit pour montrer aux Juifs, aux Egyptiens et au monde entier que Lui seul est le Maître de la création et de toutes ses forces. Dans ce contexte, le terme Vaéra («et J’apparus») s’applique également à tout le contenu de la Paracha : D.ieu «sort de sa cachette», pour ainsi dire, et manifeste Sa force surnaturelle, miraculeuse, aux yeux de toute l’humanité.
Néanmoins, rappelons que les mots qui ouvrent cette Paracha font partie de la réponse à la question accusatrice que Moché avait posée à la fin de la Paracha précédente : «Ô D.ieu, pourquoi as-Tu maltraité ce peuple ?». Bien que, dans une perspective plus large, Moché ne questionnât pas la justice de D.ieu par ses paroles, il n’en reste pas moins que dans le contexte littéral, il Lui pose cette question. Ainsi, les mots qui ouvrent la Paracha constituent-ils la réprimande qu’adresse D.ieu à Moché. D.ieu reproche à Moché de mettre en question Sa justice. C’est intéressant, mais cela doit également être pertinent sinon la Torah n’aurait pas relevé un incident qui semble constituer un certain dénigrement de l’attitude de Moché.
Nous pouvons tirer un enseignement de ces faits en observant le contexte de la question de Moché. Moché avait été élevé dans la maison d’Amram, le fils aîné du plus âgé des fils de Lévi, dont la tribu s’était dévouée avec abnégation à préserver les enseignements et les traditions des Patriarches. Aussi, Moché avait-il été très certainement bien guidé, dans sa jeunesse, inviter à imiter les Patriarches et leur foi inconditionnelle en D.ieu, foi qu’ils avaient maintenue même soumis à des épreuves terribles.
Mais il savait aussi que D.ieu est un D.ieu de Bonté et de Miséricorde, que les Juifs sont Son Peuple et que leur souffrance dépassait toute justification rationnelle. C’est la raison pour laquelle, en toute candeur, il pleura, cria et supplia : «Ô D.ieu, pourquoi as-Tu maltraité ce peuple ?»
Le fait que D.ieu immortalisa ce cri de désespoir, en l’inscrivant dans la Torah, implique que la plainte de Moché n’était pas une plainte contre D.ieu mais plutôt autre chose.
D.ieu dit à Moché qu’omettre cette «autre chose» est la raison pour laquelle Son reproche commence par les mots : «Je suis D.ieu et Je suis apparu» ou littéralement ! «Et J’ai été vu». Bien sûr, il est impossible de voir D.ieu car D.ieu ne possède pas de forme matérielle qui puisse être captée par notre sens de la vision. Mais en énonçant Sa révélation en ces termes, D.ieu indiquait qu’il est possible d’être certain de Sa réalité comme nous le sommes de ce que nous voyons avec nos propres yeux.
Le fait de voir quelque chose suscite sur nous une impression très profonde : nous croyons ce que nous voyons. C’est pour cela que quelqu’un qui assiste à un événement, qui sera porté devant une cour de justice, ne peut être le juge de ce cas. Sa mémoire de ce qu’il a vu le rend imperméable aux arguments des parties qui ne peuvent réussir à changer sa version des événements. (Par contre, quand l’on ne fait qu’entendre quelque chose de quelqu’un, un autre peut contester la véracité de ce que nous avons entendu, voire réussir à nous faire changer d’avis).
Ainsi, D.ieu dit-Il à Moché : «Bien sûr, tu crois en Moi. Tu as absorbé les enseignements de ta famille et tu ne doutes pas de Moi. Mais tu dois nourrir ta foi davantage encore, jusqu’à ce qu’elle soit si concrète que tu puisses virtuellement Me voir dans la création, jusqu’à ce que tu sois si sûr de Ma réalité que rien ne puisse ébranler ta conviction. Alors, tu ne seras plus troublé par les contradictions entre ta foi et ce qu’affirme ta raison».
Oui, D.ieu désire que nous utilisions nos capacités intellectuelles pour établir une relation avec le monde et avec Lui. Et quand cet intellect affirme que quelque chose semble contraire à la voie dans laquelle D.ieu dirige le monde, nous ne devons pas occulter la vérité de ce que nous voyons. Nous devons nous exclamer vers D.ieu : «Pourquoi as-Tu maltraité ce peuple ? Pourquoi nous permets-Tu de souffrir ? Ne sommes-nous pas Ton Peuple Elu, Ton aîné ? Où est ta Compassion ? Où est ta Justice ?»
Mais en même temps, ces questions ne peuvent et ne doivent pas porter la moindre atteinte à notre foi absolue et inébranlable en la Vérité et la Bonté de D.ieu. Plus précisément, elles ne doivent pas interférer dans notre travail d’accomplissement de nos obligations dans les termes de la volonté divine et de notre mission sur terre. Notre cri véhément et angoissé et les accusations que nous proférons à l’encontre de D.ieu doivent coexister avec notre empressement enthousiaste à accomplir Sa volonté et avec notre profonde gratitude pour l’occasion de l’accomplir.
Il est ainsi significatif que cette Paracha, tout au long de laquelle le Peuple Juif est plongé dans les profondeurs de l’exil égyptien, soit appelée Vaéra, «J’ai été vu». La leçon que nous devons en tirer est que nous devons refuser, avec entêtement, de nous réconcilier avec l’idée de rester, même une minute encore, en exil, et en même temps, nous devons refuser, avec entêtement, de laisser le fait que nous sommes en exil interférer avec ce que nous avons à y faire dans l’instant.
D’où devons-nous alors tirer la force de croire en D.ieu de façon si entière, comme si nous Le voyions réellement, alors que nous sommes dans les plus sombres moments de l’exil ? D.ieu répond à cette question dans Ses paroles qui suivent : «Je suis apparu à Avraham, Its’hak et Yaakov». Les Patriarches possédaient cette foi que rien ne venait ébranler et étant leur progéniture, nous en avons hérité. Selon les lois d’héritage de la Torah, l’héritier n’a pas besoin de montrer quelque qualité particulière pour pouvoir hériter. Il hérite pleinement et entièrement par le simple fait qu’il est l’héritier.
Notre foi profonde et infinie en D.ieu est l’héritage que nous devons réclamer. Tout ce que nous avons à faire est de la nourrir et nous aussi verrons virtuellement D.ieu. Cette foi nous permettra de vivre les derniers moments de notre exil en implorant pour sa fin, tout en optimisant notre utilisation des moments restants. Par ce mérite, nous serons les témoins de l’accomplissement de la promesse divine : «La gloire de D.ieu sera révélée et toute chair la verra, ensemble» avec la Rédemption finale amenée par Machia’h.

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