Chaque matin, les Juifs remercient D.ieu de «ceindre Israël avec force». Selon le Talmud, cette bénédiction est prononcée au moment où l’on met notre ceinture. Elle est associée à la force. Ainsi dans les Psaumes, le Roi David décrit D.ieu comme «ceint avec force». En tant que guerrier, il envisageait très certainement le ceinturon comme un accessoire qui renforce la colonne vertébrale et porte l’arme du soldat.

Mais la tradition juive donne à cette ceinture une dimension autre, plus spirituelle. Elle entoure le corps entre le cœur et le torse, séparant symboliquement les parties inférieures et plus basses de l’homme de son cœur et de son esprit. En fait, de nombreux Juifs, et tout particulièrement les ‘hassidim, portent une ceinture particulière (que l’on appelle gartel) durant la prière, pour se rappeler de bannir les pensées inappropriées.

C’est ainsi que dans nos prières du matin, nous remercions D.ieu de nous ceindre avec la force de caractère qui nous donne la possibilité de nous attacher exclusivement à tout ce qui est saint et divin.

En fait, l’un des premiers commentateurs de la liturgie juive, l’Aboudahram, lie cette bénédiction au verset de Yirmiyahou (Jérémie) : «Ainsi qu’une ceinture entourant le torse humain, ai-Je attaché toute la Maison d’Israël à Moi». Cette ceinture était habituellement portée sur des habits trop larges et était le seul accessoire qui serrait étroitement le corps. Lorsque nous nous ceignons ainsi, nous prions pour que D.ieu nous attache à Lui. Et par là-même, nous nous rappelons que ce lien demande à la fois la pureté de l’esprit et la force de caractère.

Aussi, quand D.ieu dit à Job : «Ceins ton torse comme un guerrier», nous comprenons cette phrase à deux niveaux. Le sens littéral implique que D.ieu conseillait à Job : «prépare-toi à résister à tes afflictions». Mais dans une acception plus profonde, D.ieu lui disait également de renforcer ses relations avec Lui, se référant ainsi à ses forces physiques et spirituelles. Comme l’explique un commentateur, chez un Juif, la force spirituelle se traduit en force physique car D.ieu protège Ses enfants quand ils suivent Sa voie.

Cela nous ramène à la ceinture portée par les Cohanim (les Prêtres) dans le Temple qui nous est décrite dans Tetsavé. Ils la portaient sous le cœur, ce qui amène le Talmud à commenter que cette ceinture avait pour fonction d’écarter les pensées impures du cœur.

Nous avons ici l’amalgame parfait des deux dimensions de cette ceinture : ceindre fortement le buste du Cohen purifie également le cœur, l’attachant à des pensées plus élevées, saintes et reliées à son service divin.

Attacher la ceinture sacerdotale

Un débat talmudique fascinant discute de l’ordre dans lequel Moché attacha les ceintures sur le Grand Prêtre, Aharon, et sur ses fils, le jour inaugural du service.

La Torah présente le récit de ce jour à deux reprises, la première, lors des instructions qu’adressa D.ieu à Moché et à nouveau lorsqu’elle relate ce qui se passa concrètement en ce jour. Cependant une différence apparaît entre les deux récits. Dans le livre de Chemot (l’Exode), D.ieu instruit d’abord Moché d’habiller Aharon, le Grand Prêtre, de ses habits sacerdotaux puis d’habiller ses enfants. En tout dernier lieu, Il lui commande d’attacher les ceintures autour du torse de chacun. Dans le livre de Vayikra (le Lévitique), nous lisons, dans la description des cérémonies inaugurales, que Moché revêtit Aharon de ses vêtements et de la ceinture puis il en fit de même pour ses fils.

Le Talmud assume que Moché ne s’écarta pas des instructions de D.ieu. La question est simplement de savoir pourquoi la Torah rapporte de façon différente la manière dont Moché s’en exécuta.

Comme à l’habitude, dans le Talmud, se soulèvent deux opinions. L’une veut que Moché attachât toutes les ceintures en même temps. La Torah indique qu’elles furent ceintes séparément pour nous enseigner que la ceinture du prêtre était fabriquée à partir d’un tissu particulier et ne pouvait être mélangée avec les ceintures des simples prêtres. Bien qu’attachées en même temps, elles n’étaient pas semblables.

La seconde opinion indique que Moché attacha les ceintures séparément. La Torah implique qu’elles devaient être attachées ensemble pour nous enseigner qu’elles étaient fabriquées à partir du même tissu et donc étaient interchangeables.

La discipline parentale

En quoi ces événements vieux de plus de 3300 ans nous concernent-ils ?

Nous avons vu que la ceinture représente à la fois la force physique et la pureté du cœur. Quand nous élevons nos enfants, nous devons parfois faire montre de comportements sévères et de stricte discipline. Mais nous devons également conserver notre amour et la pureté du cœur. Nous devons nous rappeler que le but de nos efforts n’est pas d’exercer le contrôle sur notre foyer et certainement pas d’avoir le dessus sur nos enfants. Il s’agit de les élever pour qu’ils deviennent des membres de la société équilibrés et productifs.

Aharon portait sa ceinture, son symbole de force, à côté de ses enfants parce ce que sa propre force les inspirait pour être, eux-mêmes, forts. De la même façon, nous disciplinons nos enfants, non pour les briser mais pour les renforcer. En être conscient assure que notre discipline sera efficace et emprunte d’amour.

Les deux opinions talmudiques tombent d’accord sur le fait que nous devons combiner force et amour. Leur différence réside dans le fait de savoir si nous devons révéler notre amour au moment de la discipline.

Selon la première opinion, il y avait un moment où Aharon se tenait devant ses enfants dans ses vêtements flottant librement, ce qui représente l’amour librement exprimé, sans mention de discipline, et puis, il attachait sa ceinture devant eux. Ainsi, même alors, ils savaient qu’ils étaient aimés. Cela nous enseigne que les parents doivent exprimer leur amour à leurs enfants même lorsqu’ils les disciplinent.

La seconde opinion ne va pas dans le même sens et exprime qu’il y a un temps pour tout : un temps pour l’amour et un temps pour la discipline. Quand il est nécessaire d’exprimer l’amour, il est désastreux de vouloir montrer à l’enfant la stricte discipline. Et inversement, quand on fait preuve de discipline avec une douceur emprunte d’amour, le message est dilué et l’enfant en est confus.

Il ne faut en aucun cas faire preuve de sévérité sous l’emprise de la colère et en oublier notre amour. Un mot dur ou une action suscitée par la colère ne peuvent jamais être retirés et, pire encore, peuvent affecter l’enfant à vie. La discipline ne doit s’exercer qu’avec amour. Cet amour peut trouver son expression au premier plan, comme le veut la première opinion, où à l’arrière-plan, ce qui va dans le sens de la seconde opinion, mais il doit toujours être présent.

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