La prêtrise peut-elle être une récompense ?
La Paracha de cette semaine commence ainsi : « Pin’has, fils d’Elazar… a calmé Ma colère contre les Enfants d’Israël en défendant avec zèle Ma cause auprès d’eux… C’est pourquoi… Je lui ai accordé une alliance de paix. Lui et ses descendants posséderont une alliance éternelle de prêtrise parce qu’il a agi avec zèle au nom de son D.ieu ».
Une question se soulève : l’acte de Pin’has, l’exécution de Zimri, comme il est décrit à la fin de la Paracha de la semaine dernière, demandait du courage et du sacrifice. Il est sûr qu’il méritait d’être loué et récompensé. Cependant, il est curieux que Pin’has reçut « une alliance éternelle de prêtrise » comme gratification. Car la prêtrise ne peut s’obtenir par des entreprises humaines. Elle ne dépend en aucun cas d’accomplissements spirituels.
Comme le commente Rachi, tout comme l’on ne peut changer le matin en soir, l’on ne peut altérer la définition de la prêtrise. Puisque Pin’has n’était pas, auparavant, un Cohen, comment sa conduite, aussi vertueuse qu‘elle ait pu être, lui fit mériter cette distinction ?
Un service sans limite appelle une réponse sans limite
Pour répondre à cette interrogation, il nous faut comprendre la qualité de Pin’has dont la Torah fait l’éloge : son zèle. Pourquoi l’utilisation de ce terme ? Tout d’abord, Pin’has risqua sa vie. Bien que Zimri fût épaulé par toute sa tribu, et qu’il leur aurait été aisé de tuer Pin’has, il ne prit pas en compte le danger qu’il courait. Ce qui le préoccupait était le danger spirituel qui menaçait le Peuple juif et pour éliminer cette menace, il était prêt à donner sa propre vie.
De plus, l’engagement de Pin’has impliquait une dimension encore plus profonde. Nos Sages relatent que lorsqu’un Juif cohabite avec une non Juive, « le zélé a (le droit) de le frapper ». Cependant, « bien que ce soit une loi, aucune décision n’en est issue ». Cela signifie que si quelqu’un venait interroger un tribunal juif pour savoir s’il doit commettre un tel acte, la cour ne devrait pas lui commander de le faire.
Ainsi, non seulement Pin’has risqua-t-il sa vie, mais il le fit, quand bien même il n’en avait pas l’obligation. S’il avait laissé les choses se passer, personne ne l’aurait critiqué. Mais il agit différemment : il prit lui-même l’initiative et souleva ainsi les critiques. Nos Sages statuent qu’il agit contre le désir des sages et que si D.ieu ne l’avait pas loué, comme nous l’avons lu plus haut, il aurait été mis au ban et jeté dans l’ostracisme.
Qu’est-ce qui le motiva donc ? Il voulait « calmer la colère que D.ieu éprouvait envers les Enfants d’Israël ». Il avait compris ce qui devait être fait pour atteindre ce but et il était prêt à prendre tous les risques pour ce faire.
C’est cela le zèle : le fait de mettre de côté son bien-être spirituel et son bien-être physique, et de se lancer dans un engagement sans limite pour accomplir la volonté de D.ieu. Quand une personne prend un engagement sincère d’une telle nature, l’étincelle Divine, que chacun d’entre nous possède, peut jaillir.
Et par le même biais, une telle approche suscite une réponse sans limite de D.ieu. Car lorsqu’un homme va au-delà de ses limites, dans son service de D.ieu, D.ieu lui accorde des récompenses qui ne se confinent pas dans les lois naturelles. C’est donc pour cette raison que Pin’has reçut le statut de Cohen.
Tempérer le zèle par l’amour
Nos Sages identifient Pin’has au prophète Eliahou.
Et de fait, le service du prophète Eliahou se caractérisait également par le zèle, comme il est écrit : « J’ai été très zélé par amour pour D.ieu, le seigneur des armées ». Pourtant, quand Eliahou fit cette déclaration, il opposait sa propre conduite à celle du Peuple juif en général, auquel il reprochait d’ « avoir abandonné l’alliance (de D.ieu).
D.ieu refusa d’accepter ces paroles de critiques. Il nomma Eliahou « ange de l’alliance » et le chargea d’assister à toutes les circoncisions du Peuple juif, à tout jamais, pour qu’il puisse témoigner de leur fidèle adhésion à l’alliance de D.ieu.
D.ieu enseigna à Eliahou que son zèle devait se tempérer d’Ahavat Israêl, d’amour pour chacun des membres de notre peuple, et qu’il devait s’efforcer de rechercher ses qualités. Ces caractéristiques devinrent tellement inhérentes à la mission personnelle d’Eliahou que lorsque le prophète Mala’hi évoque le retour d’Eliahou pour annoncer la venue du Machia’h, il déclare qu’Eliahou « fera retourner le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leur père ». De même Rambam, lorsqu’il décrit la mission d’Eliahou, statue qu’ « il ne viendra que pour établir la paix ».
C’est ainsi que, dès le début, pour indiquer cette direction, D.ieu dit à Pin’has qu’en récompense de son zèle, Il lui donnait « une alliance de paix ».
Prendre l’initiative
Ces deux élans, le zèle et la paix, sont d’une actualité essentielle. Nombreux sont les membres de notre peuple qui vivent étrangers à leurs propres racines. Et pourtant, l’avenir de notre peuple dépend d’un engagement emprunt de zèle pour perpétuer notre héritage. Car c’est l’intime conviction, jaillissant de l’étincelle divine que nous possédons tous, qui pénètre l’autre. Les arguments intellectuels ne peuvent pénétrer le cœur. Un cœur s’ouvre à un cœur. C’est un engagement emprunt de zèle, tempéré par la chaleur et l’amour qui peut inciter les autres à découvrir l’étincelle divine qu’ils possèdent eux-mêmes.
On peut entrevoir encore une autre dimension au zèle de Pin’has. Il n’était pas le dirigeant du Peuple juif. Moché, Eléazar et les Anciens occupaient des postes hiérarchiques bien plus importants. Et cependant, quand le besoin s’en fit sentir, Pin’has n’attendit pas les ordres des dirigeants. Il prit lui-même l’initiative.
La même chose s’applique aujourd’hui, car chacun de nous a une contribution personnelle à apporter. Avec l’assurance qui naît de la vérité de notre conviction, nous devons prendre l’initiative de répandre le bien et la paix.
Ces efforts précipiteront la venue du temps où Eliahou, identifié comme Pin’has, reviendra. Alors « la voix du héraut annoncera de bonnes nouvelles », la venue du Machia’h et la Rédemption de notre peuple et de toute l’humanité.
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- Publication : 22 juillet 2019