Le jour d’une vie essentielle
Yom Kippour est un mot qui dit l’essence du
monde et des hommes. C’est un mot qui retentit
dans nos consciences avec encore plus de présence
et de puissance que celles qui le distinguent sur
nos calendriers. C’est qu’il a tant de choses à nous
apprendre. Il nous réunit tous dans nos synagogues
sans que tout ce qui peut séparer les cœurs ou les
esprits ait encore la moindre importance.
Au-delà des modes de vie ou de pensées dissemblables,
en ce jour décidément différent de tous les
autres, nous sommes tous tendus dans un unique
effort, celui du lien avec D.ieu. Il est clair que nous
avons vécu avec intensité la fête de Roch Hachana, que
nous avons espéré que commence, à présent, une
année chargée de bénédictions et d’authentique bonheur.
Cependant, c’est Yom Kippour qui nous voit tous
rassemblés dans nos synagogues. Qui que l’on soit, on
est conscient d’y avoir sa place car, à ce moment, c’est
l’essence de notre âme qui s’exprime et c’est d’essence
de D.ieu qu’elle parle.
A l’époque du Temple de Jérusalem, le Cohen Gadol
entrait en ce jour dans le Saint des Saints, en ce lieu
unique où D.ieu se révélait constamment. Certes,
aujourd’hui, le Temple ne se dresse plus à son endroit,
mais le sens profond du jour est resté le même et son
intensité brille en chacun de nous. Il nous appartient
d’en prendre pleine conscience. Nous savons que c’est
notre pardon personnel qui en dépend, ainsi que celui
de tous les hommes et du monde entier. Nous savons
que, de notre effort, montera la réponse de D.ieu, que
cette année sera bien celle de la réalisation de tous nos
espoirs, de sérénité, de bonheur et de paix.
Nous savons qu’au sortir de ce jour, plus rien ne sera
pareil, que le monde sera neuf et que nous avancerons
dans le chemin enseigné par D.ieu, ce chemin du
judaïsme qui nous conduit au plus beau et au plus
grand des accomplissements: la venue de Machia’h.
Lorsque Machia’h sera venu, le mauvais penchant cessera d’exister,
comme il est écrit:“Je chasserai l’esprit d’impureté de la terre”.
La gloire de D.ieu sera donc si manifeste que même une simple
figue poussera des cris de protestation si quelqu’un tente de la cueillir
le Chabbat (Midrach Tehilim, fin du chapitre 73).
Il est donc clair qu’il sera impossible de commettre des fautes dans de
telles circonstances, même involontairement, comme un jeune enfant
s’abstient instinctivement de mettre sa main dans le feu ou un animal
d’y sauter.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXV, p.263)
Plus de fautes involontaires
Pourquoi Yom Kippour est-il le jour le plus saint de l’année ?
Quelle est la force de ce jour qui réveille la conscience de tant d’individus? La réponse réside dans la compréhension de la racine et de l’origine de Yom Kippour. Le premier Yom Kippour de l’histoire, Moché obtint de D.ieu le pardon pour le Peuple Juif qui avait pêché avec le Veau d’or. Quarante jours seulement avaient suffi pour que Moché reçoive la Torah sur le Mont Sinaï mais il lui fallut quatrevingts jours pour convaincre D.ieu de nous pardonner ! Pourquoi D.ieu n’a-t- Il pas accéder plus tôt à la supplication de Moché? Il ne fait aucun doute que D.ieu sait, sans que Moché ait besoin de le Lui rappeler, que l’homme est faillible et fait des erreurs. Et si finalement D.ieu devait agréer la demande de Moché pour le pardon, pourquoi le soumettre à quatrevingts jours de supplication? L’existence créée par D.ieu est un système de cause à effet: mettez votre main dans le feu et vous serez brûlé. Il en va de même spirituellement. Le Peuple Juif fabriqua une idole, transgressant de manière flagrante le second commandement, seulement trente-neuf jours après en avoir entendu l’interdiction par la bouche de D.ieu Lui-Même. Ne pouvait- il y avoir aucune conséquence à leurs actions ? Et pourtant Moché supplia D.ieu de pardonner à son peuple. Comment pouvait-il être sûr qu’ils pouvaient être pardonnés? La vie et le temps avancent irrémédiablement, aussi comment attendre des mortels qu’ils corrigent leurs erreurs passées? Et L’espoir et le pardon pourtant il semble que même dans les situations les plus pénibles, nous sommes toujours animés d’un espoir inné. Quelle est cette force mystérieuse en nous qui nous convainc que nous pouvons surmonter les défis les plus difficiles, que nous pouvons espérer une vie meilleure malgré les déceptions graves et les rêves brisés? Yom Kippour est la réponse à ces situations paradoxales. En ce jour, Moché révéla le secret de D.ieu : il y a toujours une ouverture. D.ieu n’est pas lié par Ses propres règles existentielles de cause à effet. Moché dévoila la force de la Techouvah, démontrant que c’est à l’homme que revient le rôle d’obtenir le pardon de D.ieu. Yom Kippour est le jour le plus saint de l’année parce que c’est l’anniversaire de l’ingrédient le plus simple et le plus important dans la vie: l’espoir. Yom Kippour une nouvelle force fut introduite dans notre existence mortelle : la capacité de transformer notre passé, de transcender le flux du temps lui-même et de corriger les erreurs. C’est cette force qu’à Yom Kippour Moché obtint de D.ieu quand il Le supplia de pardonner son peuple. Néanmoins le pardon de D.ieu n’est pas une route à double voie. Kippour apporte le pardon pour les fautes commises entre l’homme et D.ieu, mais en guise de préparation, nous avons le devoir de pardonner aux autres et de demander leur pardon. Cela peut paraître plus simple que ça ne l’est en pratique. Comme le dit le dicton: “l’erreur est humaine mais le pardon est divin”. Le mot hébreu pour “pardon” Me’hilah a la même racine que le mot Ma’houl, un “cercle”. Chacun de nous reçoit à la naissance le potentiel et les ressources pour accomplir un cercle complet, pour avancer selon un rythme équilibré qui englobe toutes nos activités dans un courant continu. Néanmoins, les déceptions de la vie, les mauvais traitements et les souffrances que nous vivons rompent notre cercle. Quand quelqu’un nous heurte ou que nous heurtons quelqu’un, le cercle de l’espoir se trouve rompu. Quand vous pardonnez, ce que vous faites en réalité est de compléter votre cercle en vous libérant de cette atteinte et d’accéder à l’espoir que D.ieu nous a donné. Tant que vous vous maintenez cet état de blessure, de ressentiment et de colère vous n’arrivez plus à aller de l’avant et à construire une vie productive. Le pardon ne signifie pas seulement pardonner la personne qui nous a blessé mais se pardonner à nous-même, pardonner D.ieu, pardonner à la vie elle-même avec ses détours mystérieux et souvent cruels. Le pardon nécessite des efforts. Mais surtout il nécessite un lien avec D.ieu. Quand vous vous souvenez que votre naissance est la façon qu’a D.ieu pour dire “tu es important pour Moi”, que vous êtes vivant et que vous comptez, que vous êtes irremplaçable et essentiel à la perfection du monde de D.ieu, alors vous pouvez vous élever au-dessus du niveau de la douleur que les autres vous ont causée et trouver l’amour et la force de pardonner à la fois à eux et à vous-même. Le pardon est divin, c’est le produit de l’espoir, qui naquit à Kippour lorsque D.ieu ouvrit pour nous une nouvelle porte et nous permit de transcender les paramètres et les limites de notre monde où tout va selon la loi de cause à effet. Quand notre espoir nous permet de pardonner, nous avons reconstruit le cercle infini qui transcende les vicissitudes transitoires d’une vie faite de hauts et de bas. Le message de Yom Kippour est que nous ne devons jamais abandonner, nous devons garder espoir, en nous-mêmes, en les autres et en D.ieu. Chaque Yom Kippour, nous avons l’occasion de rafraîchir nos vies et de tout bien recommencer.
Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux “Kapparot”: on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en disant certains versets; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable. La veille de Yom Kippour (cette année dimanche 5 octobre 2003), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année. Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on fait un repas de fête, sans poisson, ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin. Après avoir mis des pièces à la Tsédaka, les femmes mariées allument au moins deux bougies avant 19 h 03 (horaire de Paris) (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes: 1) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Hakipourime. 2) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhigianou Lizmane Hazé. Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingtcinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la “Havdala” à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus. On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le “Kittel” (vêtement rituel blanc). Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël (“Barou’h Chem…”) à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou pommades, de mettre des chaussures en cuir,d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue. Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non. A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar. Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement “Hag Saméa’h”. Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On fait la prière de la Havdala après 20 h 08 (horaire de Paris). Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on construit effectivement la Souccah tout de suite après le repas. F. L. Que fait-on à Yom Kippour?
“Notre Père, notre Roi...”
Ayal avait onze ans. Son père, un diplomate israélien, travaillait au Consulat à New York. Lors d’une réception en l’honneur du raid victorieux sur Entebbe, Ayal ressentit de violents maux de tête. Le docteur diagnostiqua un virus et recommanda le repos. Au bout de quelques semaines, les douleurs disparurent mais, un jour, Ayal se plaignit que le côté droit de sa tête le faisait terriblement souffrir. On procéda à des examens plus approfondis. Les semaines suivantes, Ayal remarqua les yeux gonflés de sa mère, l’air anxieux de son père bien qu’ils fissent tout leur possible pour lui cacher la vérité. Il insista tant et si bien qu’ils lui révélèrent qu’il avait une tumeur. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il ne lui restait que trois mois à vivre, selon les médecins. La veille de Yom Kippour de cette année 1976, un collègue du père d’Ayal lui suggéra de passer le jeûne auprès du Rabbi de Loubavitch: après tout, le Rabbi avait déjà accompli tant de miracles et donné tant de bénédictions ! Un ‘Hassid qui rendait fréquemment visite au personnel du Consulat Israélien s’arrangea pour que la famille d’Ayal puisse passer le jour de fête chez une famille de Crown Heights, le quartier du Rabbi. Le Rabbi sourit d’habitude aux enfants mais, cette année-là, la veille de Kippour il ne sourit pas à Ayal ; il souhaita cependant à Ayal et à son père une bonne et douce année avec un visage grave. Comme de coutume, Ayal et son père passèrent toute la journée à la synagogue parmi les milliers de fidèles. L’après-midi touchait à sa fin, le diplomate envoya son fils se restaurer et se reposer avant la prière de Neïla, celle qui clôture la journée sainte. Yom Kippour allait bientôt se terminer. Tous les fidèles avaient les yeux fixés sur le Rabbi. Soudain, le Rabbi souleva son Talit (châle de prière), scruta l’assemblée de son regard pénétrant puis se tourna vers son secrétaire. Celui-ci annonça que tous les enfants devaient venir entourer le Rabbi sur sa plateforme à l’avant de la synagogue. Bien entendu, tous les adultes aidèrent les enfants à se frayer un chemin dans la foule pour arriver jusqu’au Rabbi. Le Rabbi regardait toute cette agitation et attendait. “Pourquoi ai-je envoyé Ayal manger juste à ce moment-là ?“ regrettait son père. “Il aurait pu se tenir maintenant, au moment le plus saint de l’année, juste à côté du Rabbi! Il est parti depuis longtemps! Pourquoi n’est-il pas encore revenu?” Des centaines d’enfants se pressaient sur la plate-forme. Le ‘Hazane (l’officiant) attendait un signe du Rabbi pour entamer l’office le plus solennel de la journée. Mais le Rabbi attendait. Soudain un dernier enfant arriva. C’était Ayal. Les ‘Hassidim l’aidèrent, le passèrent d’un bras à l’autre par-dessus les têtes et les chapeaux et il atteignit la plateforme. Immédiatement le Rabbi se tourna vers le mur et on chanta: “Avinou Malkénou”, “Notre Père, notre Roi”. Ceux qui se tenaient près du Rabbi le virent pleurer. La prière se termina. Le Rabbi sourit aux enfants, à tous les enfants. Ayal et ses parents rentrèrent manger chez leur famille d’accueil puis retournèrent chez eux. Plus tard, cette nuit-là, Ayal annonça à ses parents: “Je n’ai plus mal à la tête. Je veux que vous m’emmeniez demain chez le docteur pour des examens de contrôle!” Le rendez-vous avait été fixé depuis longtemps pour quatre jours plus tard. Mais Ayal insista pour être examiné immédiatement, afin de prouver qu’il allait bien. Son père réussit à obtenir un rendez-vous et on procéda aux examens. Quelques jours plus tard, le père d’Ayal entra en trombe dans la maison et, pleurant et riant à la fois, réussit à annoncer les résultats des examens: “Tu avais raison! Il n’y a plus aucune trace de la tumeur!” * * * L’ambassadeur israélien aux Nations Unies, M. Haïm Herzog, dirigeait toute une délégation de diplomates qui rendaient traditionnellement visite au Rabbi à Sim’hat Torah. Ayal et son père étaient avec eux. Ils souhaitaient remercier personnellement le Rabbi qui leur accorda une attention spéciale. “Merci Rabbi, je me porte bien!” dit Ayal timidement. Le père d’Ayal, très ému, ajouta : “Le Rabbi a sauvé la vie de mon fils!” Le Rabbi sourit, fit un geste de dénégation pour ce commentaire et dit: “Remerciez D.ieu et souvenez-vous toujours qu’Il a fait ce miracle pour vous!” Traduit par Feiga Lubecki