Jour de passage
Cette semaine, un nouveau mois du calendrier juif commence, celui de Chevat. Et, comme souvent, dès son premier jour il délivre un message précieux. Le 1er Chevat, est-il rapporté, Moïse entreprit de traduire le texte de la Torah dans les «soixante-dix langues» parlées par les divers peuples de la terre. Cela résonne comme une sorte de conclusion et d’avancée définitives. Moïse, ayant reçu la révélation Divine, fait ce qui s’apparente à une démarche littéralement révolutionnaire. La Torah traduite par lui, et donc clairement sur ordre de D.ieu, c’est une ouverture déterminante. Pourtant, force est de s’interroger : à quoi sert, à ce moment et en ce lieu, un tel effort ? Seuls les Hébreux sont rassemblés là et personne d’autre n’attend cette traduction, quelle est donc sa nécessité ?
C’est que la Torah doit pénétrer le monde pour le transformer, le faire passer de l’état d’obscurité spirituelle où il se trouve à une situation d’éveil. Or, l’hébreu est langue sainte, au sens le plus fort du terme : il est le vecteur unique de la sainteté, ne va que dans les degrés qui s’y rattachent. Et cela ne suffit pas. Ce sont tous les composants du monde qui doivent être atteints – y compris ceux de cette matérialité sourde à tout ce qui la dépasse. Dire la Torah dans toutes les langues des hommes, c’est lancer une passerelle, faire que ces mots entrent au cœur des choses et que, en ce temps-là, le spirituel modifie profondément les données de toute existence.
C’est un message précieux, a-t-on dit. De fait, alors que nous vivons dans une société où la quête matérielle remplace bien souvent la recherche spirituelle, que nous pourrions croire qu’il y a ici comme un incontournable et immuable état des choses, la date du 1er Chevat nous fait passer sur un autre plan de la conscience : le monde est profondément imprégné d’une autre réalité et cela lui donne la force de l’élévation. Quant à nous, hommes parmi les hommes, nous recevons ainsi une mission : faire que ce potentiel de sublime s’exprime dans le quotidien. Belle et grande ambition, a-t-elle bien sa place dans le réel ? Souvenons-nous donc : celui-ci n’est d’abord constitué que du tissu de nos rêves. A nous de leur donner la solidité et la chaleur de la vie.
La lumière dans leurs résidences
Le texte de la Torah précise que, lorsque l’obscurité descendit sur l’Egypte pendant trois jours sur l’ordre de D.ieu, les Juifs eurent «de la lumière dans leurs résidences» (Ex. 12:35). De fait, la lumière en question accompagnait chaque Juif où qu’il soit, même dans les endroits où la plaie de l’obscurité régnait.
Cela correspond à la situation de notre temps. Cet exil est également bien obscur, au sens spirituel. Et cette obscurité ne fait que croître. Mais, dès à présent, alors que nous nous y trouvons encore, chaque Juif jouit d’une lumière de sainteté de sorte que l’exil ne porte atteinte à personne.
(Extrait d’une Si’ha de Chabbat Parachat Vayélè’h 5746)
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Résumé :
Les trois dernières plaies accablent l’Egypte : une armée de sauterelles dévorent les cultures et la végétation ; une obscurité épaisse, palpable enveloppe le pays et tous les premiers-nés de l’Egypte sont tués aux coups de minuit, le 15 du mois de Nissan.
D.ieu ordonne la première mitsva au Peuple d’Israël : celle d’établir un calendrier basé sur le renouvellement de la lune. Les Hébreux sont également enjoints d’apporter une «offrande pascale» à D.ieu : un agneau ou un chevreau doit être abattu et son sang aspergé sur les jambages ou les linteaux de chaque demeure des Hébreux pour que D.ieu «passe par-dessus» ces foyers quand Il viendra tuer les premiers-nés égyptiens. La viande rôtie de l’offrande sera consommée en cette nuit avec la matsa (pain non levé) et les herbes amères.
La mort des premiers-nés finit par briser la résistance du Pharaon et il renvoie littéralement les Enfants d’Israël de sa terre. Ils doivent s’en aller dans une telle hâte que leur pâte n’a pas le temps de lever et les seules provisions qu’ils emportent sont ce pain non levé. Avant de partir, ils demandent à leurs voisins égyptiens de leur remettre de l’or, de l’argent et des vêtements, réalisant ainsi la promesse faite à Avraham que ses descendants quitteraient l’Egypte avec de grandes richesses.
Les Enfants d’Israël reçoivent le commandement de consacrer tous les premiers-nés et de célébrer chaque année l’anniversaire de la sortie d’Egypte, en se débarrassant de tout levain en leur possession pendant sept jours et de raconter leur libération à leurs enfants. Ils sont également enjoints de mettre les tefilines sur le bras et la tête en souvenir de cette délivrance et de leur engagement envers D.ieu.
Dans le texte Léka’h Tov et dans d’autres sources, il existe un Midrach étonnant concernant le sacrifice pascal. Il est généralement expliqué que juste avant leur départ d’Egypte, les Juifs s’empressèrent de se circoncire et d’offrir ce sacrifice. Le Midrach offre une approche différente. Il explique que lorsque Moché dit au peuple de prendre un agneau et de se préparer à le sacrifier, personne ne l’écouta.
Le peuple n’était tout simplement pas intéressé. Ils étaient reconnaissants d’être libérés de l’esclavage mais quitter l’Egypte et voyager dans le désert ne leur disait rien qui vaille.
Le quatorzième jour du mois de Nissan, Moché fut le seul à apporter un sacrifice pascal.
Pourquoi donc les Juifs furent-ils libérés ? Le Léka’h Tov poursuit en expliquant qu’un arôme savoureux, émanant du sacrifice de Moché, se répandit dans toute la terre de Gochen où habitaient les Juifs. Et lentement, quelque peu gêné, chacun apparut à son tour à la porte de Moché s’exclamant : «Ton rôti sent si bon ! Puis-je en avoir un morceau ?»
Moché leur dit alors de se circoncire. Ils avaient tellement envie de goûter à la viande qu’ils s’exécutèrent. Il leur expliqua alors qu’il ne s’agissait pas simplement d’un morceau de viande rôtie mais que c’était un sacrifice pour D.ieu. Ils acquiescèrent, récitèrent la bénédiction et prirent part, avec appétit, au sacrifice.
Quand nous rencontrons une divergence d’opinion chez nos Rabbis, nos Sages disent : «Celles-là et celles-là sont les paroles du D.ieu vivant». Cela signifie que les deux opinions ont des leçons importantes à nous enseigner, concernant notre service divin.
Du Léka’h Tov, nous pouvons apprendre que c’est Moché, et seulement Moché, qui était intéressé par la délivrance. Le peuple, dans son entité, avait d’autres préoccupations ! Et qu’est-ce qui les motiva à rechercher la rédemption ? L’influence de Moché.
Expliquons. Bien évidemment, le peuple ne se plaisait pas à rester esclaves. Personne n’aime être obligé d’accomplir des travaux forcés sous l’ordre d’un tyran. Mais l’exil avait commencé bien longtemps avant qu’ils ne fussent esclaves. Quand ils vivaient en hommes libres, en Egypte, ils n’en étaient pas dérangés. Après tout, l’Egypte était un beau pays, avec une économie florissante. En quoi le fait que cette situation continuât indéfiniment était-il si détestable ?
Mais Moché ne partageait pas cet avis. Lui-même n’avait jamais été asservi. Cependant, s’il voulait sortir son peuple d’Egypte c’est que le concept même de l’exil lui était étranger.
Quelle est la différence entre l’Egypte et Erets Israël ? En Egypte (exil), la réserve d’eau vient du Nil alors qu’en Erets Israël, elle vient de la pluie. En Egypte, vous pensez qu’il existe une source naturelle, fiable, pour maintenir votre existence et en Israël, vous devez regarder vers le ciel.
Moché désirait que le peuple regarde au-delà du Nil et réalise que ce fleuve ainsi que les autres «sources naturelles et fiables» d’influence viennent également de D.ieu. Ainsi Moché dit : «Réveillez-vous et vivez avec la vérité. Ne laissez pas l’Egypte et ses normes contrôler votre manière de penser». Mais le peuple n’écouta pas Moché parce qu’il ne comprenait pas. Après tout, les Juifs avaient été conduits en Egypte et cette installation avait façonné leur mentalité. Moché parlait de cadres référentiels totalement différents. Mais il voulait, et finalement réussit, à leur faire accepter son niveau de compréhension. Et quand cela se produisit, ils furent sauvés.
Perspectives
Le prophète nous dit : «Tout comme aux jours de votre exil d’Egypte, Je montrerai (au peuple) des merveilles», établissant ainsi une corrélation entre la sortie d’Egypte et la Rédemption Future. L’équivalence a de multiples facettes et l’histoire de l’esclavage et de la rédemption de notre peuple d’Egypte fournit de nombreuses perspectives sur la Rédemption Future.
La Torah nous dit que lorsque Moché apporta le message de la libération, le peuple n’ «écouta pas Moché à cause de l’oppression intellectuelle et du labeur difficile». Ce n’est pas qu’ils ne croyaient pas Moché. Mais ils ne l’entendaient pas. Ils étaient trop occupés. Ils avaient leur quota de briques à fabriquer et c’était la seule chose qui les concernait. Ils n’étaient pas capables de prendre le temps de considérer toute autre perspective et certainement pas de penser à la rédemption.
Combien notre situation est-elle proche de la leur ! A chaque instant, notre monde se propulse vers l’Ere Messianique, avec les avancées des sciences, de la technologie, de la communication, qui réalisent les merveilleuses prophéties bibliques, devant nos propres yeux. Un déversement de connaissances, la conquête virtuelle de la famine etc. ne sont plus des rêves d’avenir mais des réalités qui deviennent chaque jour plus tangibles.
Les «Moché» de notre peuple sont conscients de ces signaux et nous invitent à les rejoindre. Ils veulent que le peuple vive à une fréquence supérieure, qu’il comprenne le monde et la vérité de sa relation avec D.ieu. Et par des moyens divers et variés, ils entreprennent de motiver le peuple à venir partager leur sacrifice pascal, c’est-à-dire à reconnaître et à accepter cette plus profonde connaissance de la réalité.
Comment se comporte-t-on la semaine précédant le mariage ?
- Les fiancés augmenteront leurs dons à la Tsedaka la semaine précédant le mariage.
- Ils éviteront de se rencontrer et même de se parler au téléphone. Ils s’efforceront de ne pas sortir sans être accompagnés – aussi bien pour leur sécurité qu’en signe d’honneur.
- Ils réviseront attentivement les lois de Pureté Familale ; d’autre part, le fiancé étudiera en profondeur le livre Réchit ‘Ho’hma.
- Le Chabbat avant le mariage, le fiancé est appelé à la Torah : les mariés maintiennent le monde en existence puisqu’ils mettront au monde des enfants qui étudieront la Torah. Les Dix Paroles par lesquelles D.ieu a créé le monde se maintiennent et continuent de maintenir le monde en existence grâce à l’étude de la Torah. De plus, le Chabbat bénit les jours qui suivent et ainsi, on espère que le nouveau foyer sera un Binyane Adé Ad, une construction éternelle fondée sur les valeurs de la Torah.
- On étudiera davantage la Torah les jours précédant et suivant le mariage et on laissera les parents, le traiteur etc. s’occuper des préparatifs matériels.
(d’après Rav C.B. Wineberg – Eternal Joy – d’après les enseignements du Rabbi)
Téfilines ? Ok !
Même si la campagne des Téfilines est digne de louanges, il se trouve encore des détracteurs. Il arrive encore que des gens nous demandent : «A quoi cela sert-il de mettre les Téfilines à un Juif juste une fois ?». Nous leur répondons : «Ok ! Alors mettez les Téfilines à beaucoup de gens de nombreuses fois !».
Cependant, ces détracteurs devraient avoir à l’esprit que la tradition juive considère très sévèrement un homme qui n’aurait pas mis les Téfilines au moins une fois dans sa vie. Le fait d’avoir mis, ne serait-ce qu’une fois les Téfilines, permet à cette personne de sortir de cette catégorie peu enviable.
De plus, la Michna affirme qu’une Mitsva mène à une autre. Le Rambam déclarait qu’on doit considérer le bien et le mal dans ce monde comme en équilibre sur une balance : une seule bonne action - peut-être quelqu’un qui met les Téfilines une seule fois - fait automatiquement pencher le plateau de la balance vers le bien et apporte la délivrance immédiate au monde entier !
De toute manière, on a bien remarqué, depuis juin 1967 (quand cette campagne internationale de mise des Téfilines a été lancée par le Rabbi) combien son impact a été immense. Toute personne qui y a pris part d’une manière ou d’une autre a des centaines d’anecdotes à raconter…
Rav Mendel Futerfass visita une fois une base secrète de l’armée israélienne. Un général l’arrêta et lui demanda ce qu’il venait faire et de quel droit il circulait sans escorte militaire.
Avec son accent russe à couper au couteau, Rav Mendel caressa sa longue barbe et expliqua qu’il venait aider les soldats à mettre les Téfilines.
« Bienvenue dans notre base alors ! » s’exclama le général. « Je serai le premier ! » continua-t-il en relevant sa manche pour que Rav Mendel lui mette les Téfilines !
Un habitant de New York m’a raconté qu’il avait vu un stand de Téfilines à Londres, tenu par des Loubavitch dans le célèbre Hyde Park, là où on rencontre les gens les plus farfelus. Il fut si enthousiasmé qu’il s’y précipita pour mettre les Téfilines, comme il le faisait à New York.
Un homme, sa femme et leurs deux enfants passèrent devant le Tank de Mitsvot sur la 5ème Avenue à Manhattan. Quand on invita «Papa» à entrer, il refusa tout net. Ses enfants refusèrent alors de continuer leur promenade avec lui et sa femme annonça qu’elle avait honte de lui : le pauvre homme n’eut d’autre choix que de monter dans le tank et de mettre les Téfilines !
Je décidai un dimanche matin – malgré mon jeune âge – de participer à un «raid». C’était un grand camion – appelé « Tank de Mitsvot » – bien équipé en brochures, livres, bougies à distribuer aux femmes juives pour le vendredi soir et plusieurs jeunes gens armés des meilleures intentions. Nous avons arrêté le « Tank » à un carrefour animé d’East Side. Nous nous sommes dispersés pour arrêter les passants juifs et leur proposer de monter dans le camion pour quelques minutes pour «Exercice Téfilines» ! A recommencer chaque jour !
Je voudrais remarquer tout d’abord que ces garçons se dévouaient totalement pour la cause. Le jeune Pin’has Lew (âgé seulement de sept ans et demi) tenait une pile de brochures et demandait aux passants et passantes : «Excuse-me, are you jewish ?». S’ils ne l’étaient pas, il leur souhaitait une bonne journée. J’ai été surpris que jamais Pin’has ne reçut une gifle comme réponse à sa question. Son cousin, Mena’hem Feller (neuf ans) n’eut pas cette chance. Ou peut-être si ! Le passant à qui il avait posé cette question le gifla. A l’évidence, c’était un Juif mais pas un gentleman… Mena’hem Feller fut très fier de cette gifle.
Bref, je pensais que c’était facile : j’ai saisi le bras de quelqu’un en lui demandant de me consacrer juste trente secondes. Il refusa et tenta de s’enfuir mais il ne le pouvait pas : je tenais son bras. Il me jeta un regard féroce et se débattit mais je tins bon. Il devint rouge de rage, puis violet et enfin pâle de colère. Je tentai de sourire mais il n’était pas d’humeur à plaisanter. Il regardait autour de lui pour chercher un policier mais, au bout de trente secondes, après lui avoir mis les Téfilines, je le laissai partir non sans lui avoir souhaité une bonne journée.
Un autre homme, accompagné de sa femme et son fils, refusa au début de participer à la campagne – comme ils sont nombreux à le faire instinctivement. Mais nous avons bavardé, ils avaient visité Londres donc nous avions un point commun puisque je suis de Manchester. Je continuai avec toutes les bonnes choses qu’apporte la mise de Téfilines et j’ai dû être convaincant (puisque convaincu). Au point que sa femme le gronda presque : «Vas-y ! Je voudrais bien les mettre moi aussi !». Reconnaissant de son aide, je lui offris deux bougies pour qu’elle les allume le vendredi soir suivant…
En prenant congé de mon nouvel ami, je lui confiai que, s’il était à moitié autant content que moi, il devait se sentir très heureux ! Et si j’avais eu un appareil photo, j’aurais eu un souvenir éternel de ces «premier succès» !
Reb Zalman Yaffe (1913 - 2000) – The Avner Institute
Traduit par Feiga Lubecki