Un peuple solitaire
L’histoire du peuple juif, si brillante et parfois si tragique, paraît suivre une structure qui permet de la comprendre et peut-être de la mieux vivre. Le texte de la Torah en livre le secret en quelques mots : le peuple juif, dit-il, est « un peuple qui réside solitaire et ne se confond pas avec les autres nations. » De fait, au cours des âges, les Juifs ont connu des temps de paix et d’autres d’adversité ; ils ont connu des périodes où les hommes vivaient en amitié et d’autres où on les rejetait sans pitié de la société avant de les persécuter sans remords. Au travers de tous ces tours et détours, cette situation de «solitude» est restée cependant comme en filigrane de l’existence, comme si c’était là la seule possibilité. C’est ainsi que les Juifs ont pu avoir, sur le long chemin de l’exil, quelques compagnons de route voire des amis sincères mais ce sentiment-là ne s’est jamais totalement estompé. Les événements que nous vivons aujourd’hui ne font que le confirmer.
Il est permis de s’interroger : est-ce là véritablement le sort des Juifs, individuellement et collectivement ? Et, si c’est le cas, est-on certain d’avoir la force qui permettra de vivre cette solitude jour après jour ? Sachons-le d’abord : l’unité du genre humain est sans doute un projet qui se réalisera avec l’avènement des temps messianiques ; dans cette attente, le peuple juif a la fonction éminente d’être le promoteur de cette nouvelle époque. Quant à la capacité nécessaire, si elle semble bien exigeante, notre ancêtre Abraham nous en trace le chemin. Il fut celui qui, dans un monde idolâtre, entreprit de tracer une nouvelle voie. Il fut l’homme qu’on désigna comme l’Hébreu – «Ivri», étymologiquement «du côté» – pour indiquer que «le monde entier se tenait d’un côté et lui de l’autre.»
Abraham était seul. Homme unique parmi les hommes, il donna à l’humanité une nouvelle vision. Peut-être est-ce aussi le sens de toute notre histoire et l’enseignement qu’elle contient. Nous pouvons apporter au monde ce que nos ancêtres ont reçu de D.ieu : une morale, des valeurs, une âme, en un mot ce qui fait l’humanité. Notre solitude n’est pas une fin en soi, elle est de celles qui annoncent des lendemains de bonheur. Chacun a décidément un étonnant pouvoir : créer un monde de Bien.
Une contradiction absolue !
Quand un Juif se trouve en exil, même quand il accomplit le service de D.ieu qui lui incombe de « faire pour D.ieu une demeure ici-bas », il ne peut pas être satisfait car il est en exil !
«Juif» et «exil» sont deux notions radicalement contradictoires ! Il s’ensuit que, quand un Juif est en exil, il est dans un état où «il languit après la maison de son père».
D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parchat Vayétsé 5746
Vayéra : Leçons de la Akédah
Nos Sages relatent qu’Avraham fut éprouvé à dix reprises (Avot 5 : 3). L’ultime et la plus difficile épreuve fut la Akédah, le fait présenter sur l’autel Its’hak son fils ligoté, ce que l’on appelle communément «le sacrifice d’Its’hak». Ce récit est relaté dans la Sidra Vayéra qui rapporte la manière dont D.ieu dit à Avraham : «Je t’en prie, prends ton fils, ton fils unique, que tu aimes, Its’hak… et offre-le en holocauste…» (Beréchit 22 : 2)
Le Rambam explique (Guide des égarés III, ch. 24) que le but de cette épreuve avait deux dimensions : «nous informer des limites de l’amour et de la crainte de D.ieu et nous montrer jusqu’où ils peuvent aller», mais aussi de «nous montrer à quel point les prophètes croyaient foncièrement dans ce qui leur était révélé par D.ieu au cours de leur prophétie… Car tout ce que perçoit un prophète dans sa vision prophétique est authentique et vrai pour le prophète, qui ne met aucun détail en doute».
Le Rambam poursuit : «La preuve réside dans le fait qu’Avraham accepta d’offrir son fils unique, qu’il aimait, lorsque cela lui fut commandé, en dépit du fait que ce commandement lui apparut dans un rêve ou dans une vision… Il ne l’aurait pas fait s’il avait eu le moindre doute (dans son esprit, sur la véracité de la prophétie)».
Le mont Moriah, la montagne sur laquelle se tint la Akédah, fut si sanctifié qu’il allait devenir le site du Beth Hamikdach, le Temple de Jérusalem, lieu où le Peuple Juif aurait, par la suite, le privilège d’être le témoin de la manifestation divine et d’apporter des offrandes.
Il existe une relation intrinsèque entre les deux éléments révélés au monde par le biais de la Akédah et les deux fonctions centrales du Beth Hamikdach.
L’amour et la crainte de D.ieu révélés par la Akédah signifient que l’aspect le plus important du service spirituel, celui des offrandes, doit se tenir dans ce lieu. Car la démonstration d’amour et de crainte illimités que furent ceux d’Avraham prépara l’endroit pour ce même service divin constant.
De plus, la vérité absolue de la prophétie qui se manifesta durant la Akédah incita Avraham à prier pour que ce lieu soit un site pour la Révélation de la Présence Divine. Nous observons ainsi qu’Avraham appela le lieu : «le Seigneur verra», comme il est toujours dénommé à ce jour : «sur le mont où le Seigneur Se révélera» (Beréchit 22 :14).
C’est peut-être ce à quoi le Rambam fait allusion, quand il écrit à propos du Beth Hamikdach : «Une résidence pour D.ieu, préparée pour apporter les offrandes ; un lieu pour venir célébrer, trois fois par an».
«Apporter les offrandes» se réfère au service des sacrifices.
«Une résidence pour D.ieu pour célébrer trois fois par an» évoque : «tout comme ils apparaissent devant D.ieu («Trois fois par an… apparais devant D.ieu»), ainsi D.ieu leur apparaissait-Il» (‘Haguiga 2a).
Plus précisément, les deux éléments établis par le biais de la Akédah, le service spirituel et l’installation de la Présence Divine, sont généralement liés à la différence essentielle entre Avraham et son fils Its’hak, par rapport à la Akédah.
Le sacrifice de soi de cet événement repose essentiellement sur Avraham qui se devait de supprimer en lui toute la compassion, pour son fils unique, et le donner en offrande. Car même lorsqu’Its’hak prit conscience que c’était lui qui devait mourir, son sacrifice ne pouvait être comparé à celui de son père qui devait renoncer à son enfant né dans sa vieillesse.
En fait, parce que la Akédah était beaucoup plus difficile pour Avraham que pour Its’hak, la Torah la décrit comme sa dixième et ultime épreuve et non comme l’épreuve d’Its’hak. Car il est plus facile d’offrir sa propre vie que la vie de son enfant. Tel était donc le service de la Akédah.
La part d’Its’hak dans ces faits est principalement liée à ses conséquences. La Akédah lui conféra la sainteté d’une offrande de Olah («Holocauste», sacrifice entièrement brûlé). Bien évidemment, devenir sanctifié est lié à l’imprégnation de la Présence Divine.
Les actes de nos Pères, Avraham et Its’hak, permettent également à leurs enfants, le Peuple Juif, d’atteindre ces deux aspects de la spiritualité. Nous avons la possibilité de parvenir aux plus hauts niveaux du service spirituel et également d’installer et de révéler la Présence Divine dans ce monde.
Basé sur Likouté Si’hot, Vol. XXX, p. 73-75
Les bénédictions forcées
La Guemara (Sotah 10a, fin), citant le verset (Beréchit : 21 :33) : «Il appela là au nom du Seigneur, Maître de l’univers», énonce :
«Ne lis pas Vayikra, ‘ il appela’ mais vayakri, ‘il fit appeler par les autres’».
Cela nous enseigne qu’Avraham fit en sorte que le Nom de D.ieu soit invoqué par tous les voyageurs. Comment ? Une fois qu’ils avaient mangé et bu, ils se levaient pour le bénir. Il leur disait alors : «Avez-vous mangé quoi que ce soit qui m’appartienne ? Vous avez mangé ce qui appartient au D.ieu de l’Univers. Priez, louez et bénissez Celui Qui a parlé et (ainsi) a créé le monde».
Le Midrach (Beréchit Rabbah 49 :4) ajoute : ceux qui ne voulaient pas bénir D.ieu après le repas devait s’acquitter d’une énorme somme pour la nourriture. Quand ils entendaient le montant qui leur était demandé, ils s’inclinaient devant les exigences d’Avraham et disaient : «Béni soit le Maître de l’univers dont nous avons partagé la nourriture».
Il est évident que les dissidents ne bénissaient pas D.ieu, mus par un véritable désir de le faire, mais parce qu’ils n’avaient pas d’autre option.
Quel bénéfice était donc tiré de leur bénédiction, dans la mesure où ils ne faisaient que prononcer des mots auxquels ils ne croyaient pas ?
La question va encore plus loin : comment cela peut-il être considéré comme disséminer le Nom de D.ieu puisque ces individus n’avaient aucune reconnaissance réelle de leur Créateur ?
S’ils avaient été Juifs, une loi du Rambam les aurait concernés car il enseigne que même lorsqu’un Juif est forcé d’accomplir une mitsva, il est considéré comme l’ayant fait de son plein gré.
La raison en est, comme le statue le Rambam, qu’ «il désire agir comme un Juif, aspirant à accomplir toutes les mitsvot et à prendre de la distance par rapport à ses iniquités. C’est simplement que son penchant vers le mal l’a forcé (à agir de façon contraire). Une fois qu’il est contraint au point que sa mauvaise inclination est affaiblie et qu’il proclame : «je désire (donner un acte de divorce, par exemple), il le fait de son propre libre-arbitre».
En d’autres termes, chaque Juif possède un désir profond d’accomplir les mitsvot. Chaque expression contraire est simplement extérieure à son essence profonde. Aussi, être obligé d’accomplir correctement un acte sert-il à entraver l’opposition de son inclination au mal. Ainsi, quand il dit : «Je le veux», il le fait parce que son véritable désir a été révélé.
Si tout cela est vrai pour tous les Juifs, il n’en va pas de même dans le cas d’Avraham. Comment le fait qu’il force les étrangers à reconnaître D.ieu pouvait-il résulter en une véritable reconnaissance ?
Dans l’exemple du Rambam que l’on vient de citer, il est fait référence à un individu qui, parce qu’il y est contraint, révèlera la véritable nature de son âme, la partie qui a toujours désiré accomplir la volonté de D.ieu.
Cependant, certains sont à un niveau encore inférieur. Leur grossièreté et leur matérialité sont telles que cette dimension intérieure de leur âme est complètement obstruée et ne se révélera pas quand bien même ils seraient forcés. Cependant, même de tels individus peuvent voir leur matérialité «brisée», en les brisant dans leur trivialité, même verbalement, en les confrontant à leur véritable bassesse. Cela au moins les rend aptes à recevoir la sainteté.
Cette forme de «cassure» où le but n’est pas de révéler la lumière de l’âme de la personne mais plutôt d’écraser sa grossièreté, s’étend également aux non-Juifs. Elle enlève les obstacles qui les empêchent d’atteindre les degrés de spiritualité dont ils sont capables.
Cela explique pourquoi Avraham exerça tant de pression sur les voyageurs qui mangeaient à sa table. Les non-Juifs peuvent aussi comprendre que l’univers possède un Créateur et c’est pourquoi Avraham s’attachait à faire connaître à tous le Nom de D.ieu, en leur donnant différentes explications et preuves de Son existence.
Quand certains d’entre eux, empêchés par leur grossièreté et leur corporalité, étaient incapables d’accepter ces concepts, il les plaçait dans une situation très inconfortable en les «blessant» verbalement. Cela enlevait une certaine part de leur grossièreté et ils pouvaient dès lors accepter les explications d’Avraham Ils disaient alors, de plein gré : «Béni soit le Maître de l’univers dont nous avons partagé la nourriture».
Basé sur Likouté Si’hot, Vol. XV, p 122-127
Quels sont les revenus soumis à l’obligation du Maassère (la dîme donnée aux œuvres de charité) ?
Tous les revenus sont soumis à l’obligation du Maassère.
Cependant, les montants remis aux impôts sur le revenu ainsi que les cotisations sociales sont exemptés de cette obligation.
Les cotisations pour les mutuelles ou retraites complémentaires ne sont pas exemptées.
Toute dépense nécessaire pour gagner sa vie peut être exemptée du Maassère. Par exemple,
- une femme qui engage une aide pour garder ses enfants et s’occuper de son ménage afin d’aller travailler peut déduire de ses revenus le salaire de cette personne
- on peut déduire de ses revenus les frais de loyer, l’achat de matériel ainsi que les factures d’électricité, d’impôts locaux, de livres de travail et de téléphone de son bureau ou magasin.
Celui qui reçoit un salaire mensuel prélèvera le Maassère chaque mois. Un patron d’entreprise calculera ses bénéfices chaque année et donnera alors le Maassère de ses bénéfices. Le propriétaire d’actions ou obligations prélèvera chaque fois qu’il reçoit des bénéfices et quand il récupère le Keren, les fonds avancés. Il est possible d’avancer le Maassère et de le déduire par la suite des bénéfices effectivement engrangés.
Le Rabbi de Loubavitch demanda que, même quand la situation est difficile et que des dépenses imprévues ont pesé lourd dans le budget, il convient de donner le Maassère (ou, au moins, la moitié ce mois-ci puis l’autre moitié le mois suivant) : ainsi, en cette période où la personne a le plus besoin de la pitié divine, elle s’acquiert un mérite considérable qui sera certainement récompensé.
(d’après Pinat Hahala’ha - Rav Yossef S. Ginsburgh)
Une longue vie…
(Le 20 Hechvan est la date de naissance de Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn de Loubavitch – 1860 – 1920).
A l’âge de huit ans, Reb Mendel Futerfass mérita d’entrer en Ye’hidout (entrevue privée) auprès de Rabbi Chalom Dov Ber. Ce fut l’épouse du Rabbi, la Rabbanite Shterna Sarah, qui l’introduisit :
- C’est le petit-fils de Ra’hel Léa ! Il porte le prénom de son père ! (Reb Mendel était né après la mort de son père et portait donc son prénom : Mena’hem Mendel fils de Mena’hem Mendel… Sa grand-mère était une amie de la Rabbanite).
Rabbi Chalom Dov Ber le regarda de la tête aux pieds et le bénit :
- Sois un Juif craignant D.ieu et tu mériteras une longue vie !
Effectivement, par la suite, Reb Mendel vécut à la hauteur de cette bénédiction. Condamné à être déporté dans les camps de travail en Sibérie pour 25 ans, il souffrit de la faim à tel point que tout son corps était enflé par la faim. On rassembla tous ces malades en phase terminale pour lesquels on ne prévoyait pas qu’ils survivraient. Lui aussi fut emmené, on lui enleva même ses vêtements et c’est ainsi qu’il gisait recouvert d’un drap avec d’autres malades dont on attendait la mort imminente. Une pensée fulgurante lui traversa alors l’esprit :
- Est-ce cela une longue vie ?
Et il survécut...
- Dans ces montagnes d’obscurité, raconta-t-il plus tard, j’avais deux problèmes : la cacherout et le Chabbat. De fait, la cacherout ne posait pas vraiment de problème puisqu’il n’y avait rien à manger. Quant au Chabbat, dès le début j’annonçais que, quoi qu’il arrive, je ne travaillerai pas Chabbat et, effectivement, je n’ai jamais travaillé ce jour !
Un jour, alors que la faim était effroyable dans tout le camp, il y eut soudain un arrivage de nourriture : des poissons. Et c’était des poissons cachères ! (Avec écailles et nageoires !). Cependant, Reb Mendel remarqua que les tonneaux étaient huilés et il était possible que l’huile ne soit pas cachère.
Reb Mendel se mit alors à réfléchir et à élaborer intérieurement un discours talmudique savant : «Voyons… L’huile qui enduit les tonneaux peut être considérée comme Batel Bechichim (annulée par un soixantième par rapport à l’aliment cachère). De plus, nous sommes dans une période de famine et c’est une question de vie ou de son contraire… ce qui repousse pratiquement toutes les interdictions de la Torah. Mais, par ailleurs, l’huile peut être considérée comme Davar Hamaamid, l’élément qui permet à l’aliment de rester mangeable et, dans ce cas, la loi est que Davar Hamaamid n’est pas annulé, même si la quantité est infime…».
Mais s’il ne mangeait pas, il mourrait, D.ieu préserve ! Or, celui qui met sciemment fin à sa vie n’a pas de part dans le Monde Futur !
C’est alors que Reb Mendel se souvint de l’histoire connue à propos de Rabbi Chnéour Zalman : quand celui-ci avait été emprisonné, on voulut lui faire avaler de force des aliments interdits. Il s’y opposa. Le gardien lui fit remarquer que, s’il ne mangeait pas, il mettrait de lui-même fin à sa vie et n’aurait pas de part dans le Monde Futur ! Rabbi Chnéour Zalman avait alors répondu : «Je préfère ne pas manger Taref et ne pas avoir de part dans le Monde Futur !».
Reb Mendel décida de ne pas manger les poissons !
Puis il réfléchit encore : «Je ne suis pas au degré de Rabbi Chnéour Zalman !» et hésita à nouveau…
- Je ne suis qu’un ‘Hitsoni, quelqu’un qui s’imagine être un ‘Hassid mais, après tout, j’ai reçu une bénédiction de mon Rabbi, Rabbi Chalom Dov Ber que je vivrai longtemps…
Et cet argument l’emporta sur tous les autres !
Reb Mendel concluait : «Je n’ai pas mangé les poissons et j’ai survécu !»
Et il mérita effectivement de survivre et de vivre encore de longues années… Il fut gracié et libéré au bout de huit ans grâce à la mort de Staline. Mais il lui fallut encore plus de dix ans avant qu’il puisse quitter l’Union Soviétique et rejoindre sa femme et ses enfants. Il put alors donner la pleine mesure de ses extraordinaires qualités d’éducateur et influencer des milliers d’élèves de Yechiva.
Reb Chalom Feldman – Kfar Chabad N° 1622
Traduit par Feiga Lubecki