Semaine 11

  • Vayakhel - Pekoudeï
Editorial

La liberté nous appelle !

Que reste-t-il à espérer quand on vient de vivre une libération prodigieuse ? Il y a là comme un sentiment étrange. Pourim est passé et, spirituellement, nous avons, collectivement et individuellement, atteint des sommets. C’est avec une sensation de victoire essentielle que nous nous sommes éloignés de la fête. L’ennui est que, après une telle élévation, il est difficile d’échapper à une inquiétude confuse. Si nous avons déjà tout conquis, repoussé toutes les limites, brisé toutes les barrières, que pouvons-nous encore attendre ? Quel nouvel objectif pouvons-nous fixer ? Et s’il n’y en a pas, quel sens peut bien encore avoir une vie sans volonté de progrès, seulement satisfaite de ses acquis ? En une phrase qui a marqué les siècles, nos Sages ont répondu à cette interrogation : «On rapproche une libération d’une autre», enseignent-ils, «de la libération de Pourim à la libération de Pessa’h.»
Et voici que s’ouvre ainsi une perspective nouvelle. Pourim a été un temps merveilleux. Nous en emportons avec nous une puissance inégalée. Mais la route continue. Elle est belle, large et ouverte. Elle conduit à la fête de Pessa’h et à la fin d’exil que celle-ci incarne. De fait, bien que Pourim soit un anniversaire de délivrance, après sa conclusion, dit le Talmud, «nous sommes encore les serviteurs d’Assuérus.» Nous continuons d’être soumis au bon vouloir d’un monarque capricieux ; la situation d’exil n’a pas cessé. Pessa’h va incarner un autre élan, celui de l’acquisition d’une liberté réelle et absolue, que plus rien, jamais, ne viendra contrarier. C’est à elle qu’il faut maintenant se préparer. Car, comme pour toute chose précieuse, il faut la mériter. Il faut se mettre en position de la recevoir. C’est uniquement ainsi qu’on peut en ressentir toute la valeur et la vivre avec toute l’intensité requise.
C’est ainsi : la liberté, cela s’apprend. C’est donc le projet des semaines à venir. Apprendre à être libre... Quelle ambition ! Comme toujours, le texte de la Torah vient ici à notre aide. «Il n’est d’homme libre», disent nos Sages, «que celui qui se consacre à la Torah.» Loin des contraintes du monde, loin des entraves posées par les conventions, le lien avec la Torah est l’arme éternelle de notre libération – celle, majeure, du temps messianique.

Etincelles de Machiah

L’amour du prochain : une atmosphère nouvelle
«Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Lev. 19 : 18). C’est là un commandement qui incombe, depuis toujours, au peuple juif. Les Pirkei Avot nous l’enseignent également sous cette forme : «Sois des disciples d’Aharon : aime la paix, poursuis la paix, aime les créatures et approche-les de la Torah».
Cette idée est particulièrement essentielle en notre temps alors qu’approche la Délivrance qui nous fera sortir de cet exil, conséquence d’une haine fratricide. Il nous appartient aujourd’hui de passer à l’étape suivante, de sentir, dès à présent, l’atmosphère nouvelle d’amour du prochain qui apparaîtra avec la venue de Machia’h. En la vivant maintenant, alors que nous sommes encore en exil, nous hâterons l’avènement du nouveau temps.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
Chabbat Parachat Matot Massei 5751) H.N.

Vivre avec la Paracha

Vayakhel : La princesse et la servante

Parmi tous les candidats, deux maîtres artisans avaient été sélectionnés pour diriger la tâche gigantesque de la construction du Tabernacle.
Moché dit aux Enfants d’Israël : «Voyez, D.ieu a désigné par leurs noms, Betsalel fils d’Ouri, fils de ‘Hour, de la tribu de Yehouda… et Aholiav fils d’A’hissama’h, de la tribu de Dan. Il les a imprégnés de la sagesse du cœur pour accomplir tout le travail d’artisan, d’artiste et de brodeur […] pour accomplir toute la tâche pour l’exécution du Sanctuaire.» (Chemot 35 : 30-35)
Construire le Tabernacle, la résidence terrestre de D.ieu, devait être un privilège très recherché. L’on peut aisément imaginer que ceux qui furent élus pour l’accomplir étaient des individus qui devaient posséder, outre leurs talents spécifiques, un mérite considérable.
Qu’avaient de particulier Betsalel et Aholiav pour avoir eu le privilège d’être sélectionnés ? Et puisque le travail était si important, pourquoi D.ieu choisit-Il de préférence à une responsabilité unique, un partage entre deux individus, situation qui pourrait susciter des divergences et des difficultés ?
Rachi, le commentateur magistral de la Bible, apporte un éclairage à cette problématique. Intrigué par le fait que la Torah inclut le grand-père de Betsalel dans le rappel de sa lignée (d’ordinaire la Torah se contente de mentionner le père de l’individu, comme elle le fait en ce qui concerne Aholiav), Rachi remarque que «’Hour était le fils de Myriam». Il s’agit donc ici d’observer, dans la lignée de Betsalel, la mention de son illustre grand-père.
Mais pourquoi Rachi considère-t-il que la grandeur de ‘Hour venait du fait qu’il était le fils de Myriam ? ‘Hour avait lui-même des mérites personnels sur lesquels s’appuyer !
Le texte donne deux références sur le fait que ‘Hour ait été distingué parmi tout Israël. Dans un cas, il s’était tenu aux côtés de Moché (lorsque les Hébreux étaient en guerre contre les Amalécites, Moché Aharon et ‘Hour étaient montés sur la montagne et Aharon et ‘Hour avaient tenu les mains de Moché pendant qu’il priait pour une victoire miraculeuse). Dans l’autre cas, il avait épaulé Aharon (Chemot 24 : 14).
Plus encore, la dévotion à D.ieu de ‘Hour dépassait même celle de son oncle Aharon. Quand les Juifs avaient cherché à construire le Veau d’Or, ‘Hour avait tenté de les en empêcher et avait été tué alors qu’Aharon avait réagi plus timidement et, bien qu’animé de bonnes intentions, avait même participé à sa fabrication.
Pourquoi donc ne pas attribuer le choix de Betsalel, pour surveiller la construction du Tabernacle, au fait qu’il était le petit-fils de ‘Hour qui avait vécu et était mort en sanctifiant le Nom de D.ieu ? Pourquoi mentionner également le fait qu’il était l’arrière petit-fils de Miryam ?

Une opportunité égale
Evoquons un instant le partenaire de Betsalel, Aholiav.
Alors que le verset développe largement la lignée de Betsalel, l’évocation de celle d’Aholiav est réduite au minimum. Parce qu’en réalité, il n’y a que peu de choses à dire sur ses racines familiales. «Aholiav appartenait à la tribu de Dan, la plus modeste des tribus, constituée tout entière de fils de servantes [la mère de Dan était Bilha]».
Mais si Aholiav venait d’une extraction modeste, pourquoi fut-il choisi pour être le partenaire de Betsalel dont l’arbre généalogique ne pouvait être comparable ?
Tout l’intérêt est ici : «L’Omniprésent le mit au niveau de Betsalel, issu de la plus importante des tribus, en ce qui concerne le travail du Tabernacle, pour accomplir ce qui est dit : «et le noble n’est pas reconnu comme surpassant le pauvre».
Dans cette approche empreinte de sensibilité, D.ieu créa un précédent pour donner des chances égales. Son message était clair : «Ma maison sera construite par les représentants de tous Mes enfants sans distinction. Le privilégiés et les non privilégiés, les sophistiqués et les simples, les illustres et les obscurs, les riches et les pauvres, tous sont les bienvenus pour prendre place dans cette campagne de construction.»
Les rois de chair et de sang montrent du favoritisme. Il n’en pas va de même pour le Roi de tous les rois.

La servante et la princesse
Pour souligner la qualité unique du partenariat entre Betsalel et Aholiav, Rachi mentionne la mère de ‘Hour, Miryam, la matriarche de la lignée royale de David et de dirigeants du Peuple Juif.
Le tableau est désormais achevé. Le descendant d’une princesse se lie avec le descendant d’une servante.
Attribuer la grandeur de Betsalel au fait qu’il était le petit-fils de ‘Hour ne fait que souligner la grandeur de son ancêtre. Mentionner qu’il était l’arrière-petit-fils de Myriam met en valeur une lignée constituée de prêtres et de dirigeants.
Plutôt que simplement promouvoir une égalité théorique, D.ieu prend cette opportunité pour faire une déclaration importante. En tant que notre Créateur, Il nous considère comme issus d’une lignée exemplaire. En tant que Ses enfants, nous venons tous d’une souche extraordinaire.
Un homme d’affaires important et ami de longue date de ‘Habad organisa, dans sa synagogue, un office pour débutants. Il rapporta fièrement son initiative au Rabbi. Mais quand il dit au Rabbi qu’il avait organisé un office pour 130 Juifs «sans racines juives», celui-ci répondit vivement : «Quoi ? Pas de racines juives ? Retournez leur dire qu’ils ont des racines. Ce sont les Enfants d’Avraham, Its’hak, Yaakov, Sarah, Rivkah, Ra’hel et Léah.»

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que Chabbat «Para» ?

La Parachat Para (Nombres 19 : 1 à 22) évoque la nécessité de se purifier du contact avec un mort avant de pouvoir procéder au sacrifice de Pessa’h. Selon certains décisionnaires, cette lecture le Chabbat précédant le Chabbat Ha’hodèch est une obligation de la Torah.
Le sacrifice de la «vache rousse» (qui était ensuite brûlée et dont les cendres, mélangées à de l’eau lustrale, servaient à purifier) était très particulier puisqu’il était effectué en dehors du Temple et que celui qui aspergeait ces eaux sur l’homme impur devenait lui-même impur jusqu’au soir. C’est l’exemple de la loi incompréhensible pour l’intellect humain. D’ailleurs, comme le précise le Rambam (Hil’hot Mikvaot), toutes les lois de pureté et d’impureté sont incompréhensibles. Selon le Midrach, le sacrifice de la vache rousse vient réparer la faute du veau d’or. Selon la ‘Hassidout, celui qui a fauté doit «brûler» les pensées, paroles et actions «étrangères» et ne garder que la volonté de penser, parler et agir pour le bien.
«Neuf vaches rousses ont été sacrifiées jusqu’à la destruction du Second Temple. La première le fut par Moché Rabbénou (Moïse notre maître), la seconde par Ezra ; la dixième le sera par le Machia’h, qu’il se dévoile rapidement, amen, qu’il en soit ainsi !» (Rambam – Hil’hot Para Adouma).

F. L. (d’après Hil’hot Ha’hag Be’hag)

De Recit de la Semaine

La Mezouza

Quand Elsie emménagea dans son nouvel appartement, elle enleva la Mezouza de la porte d’entrée. L’ancien étui s’était cassé tandis qu’elle avait ôté les clous ; le parchemin contenant les paragraphes du Chema avait jauni et s’émietta dans sa main. Elle l’emballa dans un petit sac plastique et le fourra dans sa boîte à couture. Puis elle se mit à nettoyer sa nouvelle cuisine.
Shel son mari apprécia l’initiative. Il avait eu une dure journée et attendait avec impatience sa tasse de thé : «Enfin tu l’as fait ! Très bien !» approuva-t-il tout en remuant le sucre dans la tasse et en tournant les pages du journal du soir.
- J’avais dit que je le ferai ! remarqua-t-elle calmement.
- Mais que va dire ta mère ?
- C’est ma maison, elle ne dira rien !
Elsie avait raison. Quand Madame Klein rendit visite à sa fille dans son nouvel appartement, elle avait les bras chargés de jouets pour sa petite-fille de quatre ans. Elle remarqua immédiatement la place toute en longueur laissée vide sur le linteau de la porte. Elle se pinça les lèvres pour ne rien dire qui puisse choquer sa fille et son gendre et appela la petite Myriam pour lui remettre son cadeau de ‘Hanouccah, une adorable poupée aux cheveux roux.
Deux ans plus tôt, Elsie et son mari avaient adhéré au Parti. Madame Klein s’était alors aussi pincé les lèvres ; elle savait ce que cela signifierait pour sa fille : plus de bougies de Chabbat et de ‘Hanouccah, plus de Matsot à Pessa’h, plus de livres de prières en hébreu dans la maison… Madame Klein avait élevé sa fille dans une atmosphère pratiquante mais tout ce qu’elle avait voulu lui transmettre serait perdu pour la génération suivante.
Elsie avait remarqué la peine sur le visage de sa mère et elle avait déclaré : «Nous sommes contre la religion ! C’est l’opium du peuple ! Nous sommes athées et nous ne croyons ni dans les mythes ni dans les miracles. Tu dois comprendre cela toi aussi !»
Bien sûr, Madame Klein avait compris. Elle se tenait au courant de l’actualité puisqu’elle lisait religieusement chaque jour Der Tog ainsi que le English Star.
- Tes camarades du Parti ont aussi renoncé à leur religion ? demanda-t-elle en yiddish.
- Bien sûr ! Aucun d’entre eux ne va à l’église !
- Mais vous avez une fête le 25 décembre, j’ai vu la notice accrochée sur ton réfrigérateur !
- Ah mais cela, c’est une fête nationale, ce n’est plus une fête religieuse !
Madame Klein ne voyait pas la logique de cet argument mais, bien qu’elle fût profondément blessée, elle garda le silence. Elle avait vécu la faim et la guerre, la perte de sa famille et de ses amis, l’épidémie de typhus en Roumanie mais elle ne s’était jamais plainte, comme toutes les mamans juives.
- Écoute Maman, je sais que tu ne comprends pas les principes du Parti. Mais ce que nous souhaitons, c’est l’égalité, quelle que soit la race, la couleur ou la nationalité. La justice pour tous. Un jour, nous aurons un très beau monde, sans frontières, sans racisme. La religion et le nationalisme séparent les gens.
- Les Hindous feront partie de ce nouveau monde ?
- Bien sûr ! Pourquoi eux ?
- Mais que feront-ils de tous leurs temples ? (Madame Klein avait risqué une plaisanterie mais Elsie ne l’avait pas comprise).
- Maman ! Tu es vraiment trop démodée…
- Oui, je sais mais je t’aime, j’aime notre Myriam et jamais je ne te dirai comment agir. Dans notre Torah, la chose la plus importante, c’est le Chalom Bayit, la paix dans les foyers. Quant à la justice, c’est aussi dans le programme de notre Torah, tu l’avais appris à l’école juive…
Elsie hocha la tête avec impatience, sa mère ne comprenait rien…
- Au moins, ils viennent chez moi pour Chabbat et les fêtes et ils me laissent garder la petite quand ils ont leurs réunions du parti, même s’ils me supplient de ne pas lui raconter «mes histoires ridicules»… se consolait madame Klein. Et je continuerai de lui raconter la sortie d’Égypte et la mer qui s’est ouverte devant les Enfants d’Israël…
Les années passèrent et madame Klein succomba à la maladie. Elsie était restée à son chevet à l’hôpital et, par respect pour les autres membres de sa famille, avait observé les lois du deuil pendant les sept jours avec ses frères, sœur et tantes.
Le lendemain des Chiva, après que tous les visiteurs soient partis, Elsie s’était rendue au magasin de Judaïca et avait acheté une belle Mezouza dans un étui élégant fabriqué en Israël. Elle avait cloué la Mezouza en haut et en bas selon les instructions, avec la lettre Chine dorée à l’extérieur du parchemin. Elsie était contente de son œuvre.
- Mais qu’est-ce qui t’a pris ? demanda Shel, étonné.
- J’ai cloué une Mezouza. A l’intérieur le texte hébraïque est écrit sur du parchemin, c’est le Chema qui rappelle que D.ieu est Un.
- Mais pourquoi ?
- C’est pourtant simple, déclara tranquillement Elsie d’un ton ferme : quand l’âme de Maman viendra nous rendre visite depuis le Ciel pour nous bénir, il y aura une Mezouza à la porte et elle se sentira chez elle…

Aviva Ravel – www.chabad.org
traduite par Feiga Lubecki