Dans l’abri de paix
Pour toute vie, la notion d’abri est essentielle. On s’abrite contre le danger, pour se protéger ou simplement pour être chez soi. Bien sûr, il faut que l’abri soit fiable, apte à garantir le bien-être de celui qui s’y réfugie. Et, parmi ces qualités, il y a celle de ne pas couper du dehors ni des autres, d’être un lieu d’avenir et pas d’enfermement. N’est-ce pas ainsi qu’apparaît la Soucca ? Alors que les grands moments d’intensité spirituelle se succèdent et que chacun s’efforce d’être à la hauteur de enjeux et des défis de la période, voici qu’elle se dresse comme le lieu ultime de la sérénité. L’idée peut surprendre : un édifice si humble paré de tant de force ? C’est qu’au-delà de ses constituants matériels, il est fait d’un élément d’une solidité singulière : la confiance en D.ieu. Nos sages l’ont exprimé en d’autres termes : alors que la saison conduirait plutôt à chercher refuge dans de solides maisons de pierre, disent-ils, c’est cette fragile demeure qu’est la Soucca qui joue ce rôle.
La confiance absolue manifestée ici par chacun est la réponse aux dons que D.ieu a faits à Ses créatures. Ne nous dit-on pas que, spirituellement parlant, le toit de feuillage de la Soucca est constitué de la fumée des encens avec laquelle le Cohen Gadol, le grand-prêtre dans le Temple, entrait dans le Saint des saints le jour de Yom Kippour ? Quand le lien établi est si puissant, seule la joie la plus pure peut avoir une place. Elle explose alors dans le cœur de tous autant que dans l’espace public. Et rien ne peut venir l’entraver. Indépassable, elle est elle-même un des aspects de cet abri qu’incarne la Soucca.
De fait, nous vivons aujourd’hui dans un monde instable. Aussi il est bon de retrouver ici ce qui fonde une certaine forme d’espoir dans l’avenir. Le mois de Tichri, premier mois de l’année juive, nous apporte ainsi ce qu’il possède par nature. Entre le Créateur et les créatures, le lien est encore renforcé. Par ce lien, c’est toute la vie qui est comme transfigurée. Alors, il est temps que l’allégresse règne et nous rassemble. Nous savons à présent que l’année 5783 sera merveilleuse, collectivement et individuellement. A l’abri dans notre Soucca, souhaitons du fond du cœur qu’elle soit celle de la venue de Machia’h !
Attendre sa venue consciemment
Maïmonide enseigne qu’il est nécessaire, pour chacun, de « croire en Machia’h » et « d’attendre sa venue » (Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap.11, Hala’ha 1). Le fait que soit ici soulignée la nécessité de ces deux attitudes indique qu’elles apportent chacune un élément particulier.
En effet, la foi peut rester cantonnée au spirituel, sans avoir de conséquence concrète. Ainsi, nos Sages (traité de Talmud Bera’hot 63a) remarquent qu’un « voleur, à la sortie du souterrain, invoque D.ieu » pour réussir dans son entreprise criminelle.
C’est pourquoi, outre la foi indispensable, chaque Juif doit aussi « attendre » la venue immédiate de Machia’h de telle manière que cette idée apparaisse dans sa pensée consciente.
(d’après Séfer Hasi’hot 5749, vol.1, p.351)
Souccot : La Mitsva facile
Comment [accomplir] la Mitsva de résider dans la Souccah ? On doit manger, boire et habiter dans la Souccah, jour et nuit, comme l’on vit dans sa maison les autres jours de l’année : pendant sept jours, on doit faire de sa maison sa résidence temporaire et de sa Souccah sa résidence permanente. (Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm 639 :1)
D.ieu dit… « J’ai une Mitsva facile, et Souccah est son nom » (Talmud, Avodah Zarah 3a)
« Dans des Souccot, vous devez résider sept jours », ordonne la Torah, « …pour que vos générations sachent que J’ai fait résider les Enfants d’Israël dans des Souccot quand Je les ai sortis de la terre d’Egypte. »
Nos Sages, relevant l’emploi que fait la Torah du verbe « résider », dans les versets cités plus haut, définissent la Mitsva de la Souccah comme un commandement qui implique que, tout au long de la fête de Souccoth (du 15 au 21 Tichri), la Souccah devienne notre résidence principale. Tout ce que l’on fait d’habitude à la maison doit être accompli dans la Souccah.
Ainsi, à chaque automne, alors que les conditions atmosphériques deviennent inclémentes, nous nous installons à l’extérieur. Pendant toute une semaine, nous échangeons notre maison habituelle pour une autre qui nous laisse à la merci des éléments, démontrant ainsi notre confiance en la providence et la protection divines, tout comme le firent nos ancêtres lorsque « ils Me suivirent dans le désert, dans une terre inculte. »
Résider sept jours dans la Souccah est une belle expérience, source d’inspiration. Cependant, on peut difficilement la décrire comme « facile ». Et pourtant, c’est cet adjectif qu’utilise le Talmud pour qualifier cette Mitsva !
Le lien par la Mitsva
« Mitsva », terme qu’utilise la Torah pour indiquer les préceptes divins qui guident et gouvernent chaque aspect de notre vie, depuis le moment de notre naissance jusqu’à notre dernier souffle, possède deux significations : ce mot signifie à la fois « commandement » et « lien ».
En nous enjoignant les Mitsvot, D.ieu créa le moyen par lequel nous pouvons établir une connexion avec Lui. La main qui distribue la charité, l’esprit qui réfléchit sur la sagesse de la Torah, le cœur qui s’épanche dans la prière, la gorge qui avale la Matsa consommée à Pessa’h, tous deviennent les instruments de la Volonté divine. Chaque membre, chaque organe, chaque faculté de l’homme possède des Mitsvot qui lui sont propres de sorte qu’aucune partie de notre être ne reste sans implication dans notre relation avec le Créateur.
C’est là que réside la particularité de la Mitsva de la Souccah. Alors que chacune des autres Mitsvot concerne un aspect précis de notre être, la Mitsva de la Souccah donne le moyen qui permet à la totalité de la personne de s’engager dans l’accomplissement de la Volonté divine. L’être humain tout entier entre et vit dans la Souccah : « la Souccah est la seule Mitsva dans laquelle l’homme s’engage avec ses bottes pleines de boue » s’exclame l’adage ‘hassidique... Pendant les sept jours de Souccot, la Souccah est notre foyer, l’environnement de chacune de nos entreprises, de chacune de nos activités.
L’homme et son terrain
L’aspect unique de la Souccah, en tant que moyen de connexion avec D.ieu qui englobe l’être tout entier, peut être mieux compris à la lumière de la signification de ce qu’est un « foyer » pour l’être humain.
Nos Sages soulignent combien est profondément enraciné en l’homme le désir d’un foyer. C’est bien plus que le simple besoin d’un toit pour s’abriter et être en sécurité. En effet, satisfaire seulement ces besoins, ceux d’un toit et d’un abri sans un lopin de terre (ou une maison) vraiment à soi, ne comble pas l’aspiration à avoir son foyer. Le Talmud va même jusqu’à déclarer : « celui qui ne possède pas de foyer n’est pas un homme ». Le besoin d’une maison est intrinsèque à l’âme et l’une des définitions de ce qu’est un homme.
C’est la raison pour laquelle l’identification d’un homme avec sa maison ne se confine pas aux heures qu’il passe à l’intérieur de ses murs. Quand il travaille, qu’il rend visite à des amis ou qu’il se promène dans un jardin, c’est en tant qu’habitant de sa demeure propre qu’il travaille, rend des visites ou se promène. Puisque son humanité même est incomplète sans ce lieu qui est le sien, ce dernier fait partie de tout ce qu’il fait.
Pendant les sept jours, où nous faisons de la Souccah notre demeure, elle forme une partie intégrante de notre identité. Tout ce que nous accomplissons, y compris ce que nous faisons à l’extérieur de la Souccah, est inclus dans ce « lien » avec D.ieu, noué grâce à cette Mitsva.
Facile comme la vie
Nous pouvons désormais comprendre pourquoi la Mitsva de la Souccah est la Mitsva « facile » de D.ieu. Dans son approche de l’accomplissement des commandements de D.ieu, l’homme peut adopter l’une des deux attitudes suivantes :
Il s’y engage par devoir. Il entrevoit alors le but de sa vie comme la réalisation de ses propres ambitions personnelles. Et en même temps, il reconnaît que D.ieu est le Maître de l’univers, Celui Qui l’a créé, lui a donné la vie et Qui continue à le soutenir à chaque moment de son existence. Ainsi se sent-il obligé, par devoir, d’obéir aux commandements de D.ieu.
Ou bien alors, l’individu considère son engagement dans l’accomplissement des Mitsvot comme le but de son existence. Il comprend que « Je n’ai été créé que pour servir Mon Créateur ». Il reconnaît comme vérité que c’est là son véritable « moi » et l’accomplissement et la réalisation ultimes de ce qu’il est.
Si nous observons la première approche, celle qui considère l’observance d’une Mitsva comme celle d’un devoir, nous considérerons certaines Mitsvot « faciles » et d’autres « difficiles ». Il se peut que nous les accomplissions toutes, peut-être même avec bonne volonté et même avec joie, mais nous en trouvons certaines agréables et pleines d’inspiration et d’autres plus difficiles voire lassantes. Les dépenses de temps, d’efforts et d’argent que nécessite une Mitsva peuvent également affecter le degré de difficulté que nous ressentons dans son accomplissement.
Mais lorsque nous considérons l’accomplissement de la Volonté de D.ieu comme le terreau même de notre vie, le concept de « Mitsva difficile » n’existe pas. Toutes les Mitsvot sont « faciles » car elles ne nous sont pas imposées dans notre vie, elles sont notre vie. En fait, il n’y a pas de clivage entre les domaines de notre vie appartenant aux Mitsvot et ceux sans Misvot. Quand nous vivons pour implanter dans la création le but Divin, notre vie toute entière devient une quête unique pour nous lier à notre Créateur et servir Sa volonté.
Si l’observance de toutes les Mitsvot peut se faire de l’une ou l’autre manière, il en est une dont les modalités d’observance ne demandent rien moins que la seconde approche. La Mitsva de la Souccah ne nous dit pas de faire quelque chose, elle nous dit d’être quelqu’un : celui qui réside dans la Souccah. La façon d’observer ce commandement est de faire de la Souccah notre foyer, notre environnement, nos racines, notre identité même, pendant sept jours, chaque année de notre vie.
Et quand nous appliquons le modèle de la Mitsva de la Souccah à tous les commandements de D.ieu, ils prennent alors tous la qualité de la Souccah qui englobe tout. Ils deviennent alors aussi « faciles » que la vie.
Que fait-on à Souccot ?
« Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours… afin que vos générations sachent que c’est dans des Souccot que J’ai fait habiter les enfants d’Israël lorsque Je les ai fait sortir du pays d’Egypte ».
Chaque Juif prend ses repas dans une Souccah, une cabane recouverte de branchages depuis dimanche soir 9 octobre 2022 jusqu’à Chemini Atséret inclus, c’est-à-dire lundi après-midi 17 octobre. On essaiera d’habituer les petits garçons à prendre aussi leur repas dans la Souccah. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d’avoir des invités dans la Souccah.
Avant d’y manger du pain ou du gâteau, ou d’y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Léchève Bassouccah » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de résider dans la Souccah ».
Dimanche soir 9 octobre, après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité) et allumé une bougie de 48 heures, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avant 18h 55 (en Ile-de-France) en récitant les bénédictions suivantes :
1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chel Yom Tov » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière du jour de fête ».
2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cet instant ».
Lundi soir 10 octobre après 19h 55 (en Ile-de-France) elles allument les bougies à partir de la bougie de 48 heures allumée avant la fête en récitant les mêmes bénédictions que la veille.
Mardi soir 11 octobre, la fête se termine à 19h 57 et on récite la Havdala dans la Souccah (sans bougie et sans épices odorantes).
A partir de lundi matin 10 octobre et jusqu’au dimanche 16 octobre inclus (sauf Chabbat 15 octobre), on récite chaque jour la bénédiction sur les « quatre espèces » (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) :
1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al Nétilat Loulav » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de prendre le Loulav ».
La première fois, on ajoute : 2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé ».
Samedi soir 15 octobre, c’est Hochaana Rabba - les hommes restent réveillés toute la nuit, lisent le livre de Devarim (Deutéronome) puis le livre de Tehilim (Psaumes). Dans certaines communautés, on mange dans la Souccah des pommes rouges trempées dans le miel.
Dimanche matin 16 octobre, Hochaana Rabba, la prière est particulièrement longue.
On tourne sept fois autour de la « Bimah » au centre de la synagogue puis on frappe cinq fois le bouquet de 5 « Hochanot » (branches de saule) par terre comme l’ont enseigné les Prophètes.
Dimanche soir 16 octobre, Chemini Atséret. Après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité) et allumé une bougie de 48 heures, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avant 18h 41 (en Ile-de-France)en récitant les bénédictions suivantes :
1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chel Yom Tov » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière du jour de fête ».
2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, exister et parvenir à cet instant ».
On mange dans la Souccah, mais sans la bénédiction de la Souccah.
Lundi matin 17 octobre, on récite la prière de Yizkor à la mémoire des parents disparus ainsi que la prière de Guéchem (pour la pluie).
On mange dans la Souccah sans bénédiction.
Lundi soir 17 octobre, c’est Sim’hat Torah. Après 19h 42 (en Ile-de-France), les femmes mariées allument à partir de la bougie de 48h au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) en récitant les bénédictions suivantes :
1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chel Yom Tov » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête ».
2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, exister et parvenir à cet instant ».
On danse joyeusement avec la Torah autour de la Bimah dans la synagogue. On ne mange plus dans la Souccah.
Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible même dans la rue, une fête joyeuse, Sim’hat Beth Hachoéva.
Mardi soir 18 octobre, après 19h 43, la fête se termine et on récite la Havdala sans la bougie tressée et sans épices odorantes.
Une si petite Souccah
En 1936, le NKVD, la police secrète soviétique avait malheureusement réussi à éradiquer en grande partie le judaïsme en Russie. Même les quelques ‘Hassidim qui restaient fidèles aux lois de la Torah se cachaient et vivaient dans une terreur perpétuelle : être découvert ou dénoncé, puis arrêté, torturé et envoyé en exil en Sibérie pour y mourir de faim et de froid. Certains trouvaient le moyen d’enseigner secrètement la Torah à leurs enfants, de cuire des Matsot pour Pessa’h ou de prier avec un Minyane (quorum de dix hommes). Mais la fête de Souccot n’était vraiment pas simple à respecter : comment peut-on construire une cabane à ciel ouvert, au plafond recouvert de branchages sans éveiller les soupçons du KGB ?
Mais Rav Its’hak Elchanan Shagalov était résolu à accomplir cette Mitsva sans compromis, comme d’ailleurs toutes les autres Mitsvot : « La Torah est plus précieuse que la vie elle-même » répétait-il à ses enfants ; ou encore : « Une vie sans Torah n’a aucun sens ! Les Soviétiques ne pourront jamais réduire nos âmes en esclavage ! »
A l’arrière de la synagogue des ouvriers, dans la cour, se dressait une petite cabane en ruines. Elle était remplie d’un incroyable fourbis : des planches usées, des vieux journaux, des outils rouillés, des chiffons déchirés, des piles d’objets hétéroclites. Rav Its’hak Elchanan Shagalov décida d’utiliser cette cabane. Quelques jours avant la fête, il enleva exactement deux planches du plafond et les remplaça par du feuillage.
La première nuit de Souccot, il réveilla ses six enfants – le plus petit n’avait que quelques mois – qui étaient blottis dans la synagogue, là où la famille avait dû trouver refuge après avoir été expulsée de sa maison. Il serra les enfants les uns contre les autres pour qu’ils se trouvent exactement sous le feuillage : ainsi chacun d’entre eux accomplissait la Mitsva.
Durant le « repas » – qui consistait en quelques croûtons de pain – Rav Its’hak Elchanan enseigna à ses enfants la célèbre chanson yiddish : « A Soukelé A Kleine » (« Une si petite Souccah »). Ce chant évoque des vents violents qui menacent d’abattre la frêle Souccah ; une petite fille angoissée s’écrie que la Souccah va s’effondrer et que les bougies vont s’éteindre ! Mais son père la console : cela fait des milliers d’années que la Souccah résiste et aucun vent ne peut la déraciner ! De fait, telle était l’éducation ‘hassidique qu’il désirait inculquer à ses enfants : « Les vents violents, ce sont les Soviétiques et leur police secrète. Ils tentent de toutes leurs forces de détruire notre Souccah. Les bougies, ce sont les enfants juifs que les communistes souhaitent assimiler à leur culture. C’est pourquoi ils interdisent toute pratique religieuse. Mais nos enfants resteront fidèles à l’enseignement de la Torah et le judaïsme ne s’éteindra jamais !»
Puis Rav Its’hak Elchanan changea légèrement les mots : au lieu de chanter : « Les bougies vont s’éteindre », il affirma de sa voix mélodieuse : « Regardez ce miracle ! Nos bougies ne s’éteignent pas ! » Il répéta le chant encore et encore, jusqu’à ce que les enfants le connaissent par cœur et s’imprègnent profondément de son message.
Actuellement, les enfants de Rav Its’hak Elchanan et Maryasha Shagalov sont eux-mêmes arrières-grands-parents d’environ cinq cents descendants qui sont tous responsables communautaires, émissaires du Rabbi, Rabbanim, enseignants et abatteurs rituels dispersés sur les cinq continents, assumant fièrement la continuité de l’éducation juive : les vents violents n’ont pas réussi à déraciner la fragile Souccah du Peuple juif. Les bougies allumées par ces ‘Hassidim dans une cabane abandonnée au fond d’une cour éclairent encore le monde d’une lumière pure et éternelle.
E. Lesches
traduite par Feiga Lubecki