Lundi, 24 septembre 2018

  • Souccot
Editorial

 A l’abri et plus encore !

Après la nécessaire et impressionnante solennité du début des fêtes, de Roch Hachana et de Yom Kippour, c’est le temps de la joie infinie. Il est important de le dire haut et fort afin que le sentiment en pénètre toute notre existence, tout ce que nous sommes. Il est clair que les fêtes que nous vivons à présent constituent un chemin de vie, une voie brillante qui nous fait traverser les expériences diverses qui forment le tissu de nos jours. Acceptation pleine de la royauté Divine, effacement devant Lui, allégresse qui bouscule les barrières et cette confiance sereine qui fait de chaque moment un espace de paix : c’est ce que le mois de Tichri nous offre.

Voici qu’en son cœur se dresse la Soucca. Tout a été dit sur cette cabane fragile qui défie les siècles avec bien plus de succès que les orgueilleux édifices des civilisations disparues. La Soucca est un lieu étonnant. Le vent pourrait l’abattre mais elle apparaît sans faillir. C’est une demeure bien humble et pourtant, enseigne le Zohar, elle accueille, soir après soir de la semaine de Souccot, les plus prestigieux invités, depuis Abraham jusqu’au roi David en passant par Moïse. Au lieu de la fragilité et de la pauvreté attendues en pareil cas, elle incarne donc, au-delà des apparences, la solidité et la richesse. Pour ces raisons, elle est un véritable abri ouvert à tous ceux qui ne se contentent pas des luxes ou des précautions conçus et maintenus par l’artifice mais qui vont à l’essentiel.

Et cet essentiel-là, c’est une lumière qui naît dans le cœur de chacun. Il n’est guère surprenant que la plus grande joie règne alors. Comment pourrait-il ne pas en être ainsi quand une vraie différence s’installe au quotidien et que le lien avec D.ieu devient aussi tangible que le branchage qui couvre la Soucca, nouveau palais d’un rêve réalisé ? Un sentiment de victoire monte alors : victoire sur tout ce qui tente de nous écarter de notre chemin, victoire sur le superficiel, victoire aussi dans le jugement Divin de ce début d’année. C’est tout cela qui se donne libre cours lorsque l’allégresse éclate pendant les derniers jours de ce grand rendez-vous d’automne, Chemin Atsérèt et Sim’hat Torah. Vivre la joie comme on a auparavant vécu à l’abri dans la Soucca : avec certitude.

La certitude est un mot qui, pour certains, semble appartenir à une autre époque. Etre certain, et de ce fait en paix avec soi et les autres, c’est sans doute une belle et noble ambition mais qui peut dire qu’il l’a atteinte en ces temps si instables et, justement, incertains ? Mais la sérénité de Souccot et la joie de Sim’hat Torah passent par là. Décidément tout change, à nous de vivre à présent ! 

Etincelles de Machiah

 Grandeur et humilité

Le Talmud (traité Sanhédrin 98a) enseigne que Machia’h pourra venir de deux façons : « sur les nuages du ciel » ou « pauvre et montant un âne ». Ces deux opinions ne sont pas la marque d’une quelconque opposition entre les Sages. En effet, Machia’h possédera la grandeur et la force portées à leur point ultime, ce qu’évoque l’image d’une venue « sur les nuages du ciel ». Cependant, en même temps, il sera d’une humilité absolue tel « un pauvre montant un âne ».

 (d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parchat Kedochim 5744)

Vivre avec la Paracha

 L’unité de notre peuple

Quatre espèces : quatre types de personnes

Les fêtes que l’on célèbre au mois de Tichri ont toutes une signification globale et le symbolisme associé aux Mitsvot spécifiques de chacune d’elles nous offre une perspective plus large. C’est dans ce contexte que le Midrach explique que la Mitsva du Loulav et de l’Etrog symbolise l’unité intrinsèque du Peuple juif. L’accomplissement de cette Mitsva requiert que l’on tienne, en les rassemblant, les branches ou les fruits de quatre espèces d’arbres différents : le palmier (Loulav), le myrte (Hadass), le saule (Aravot) et le cédrat (Etrog).

Ces quatre espèces sont remarquablement différentes. L’Etrog possède à la fois un goût agréable et un bon parfum. Le fruit de l’arbre dont est issu le Loulav, la datte, a un goût délectable mais pas d’odeur. Le myrte sent bon mais n’a aucun goût. Enfin le saule n’a ni goût ni parfum.

Le goût symbolise l’étude de la Torah parce que comprendre la Torah donne un plaisir concret, similaire à la sensation de ressentir un bon goût. Le parfum symbolise l’accomplissement des Mitsvot parce que la qualité qui le motive généralement est le Kabalat Ol, l’acceptation inconditionnelle du Joug Divin. Puisque nous ne comprenons pas souvent les raisons des Mitsvot, il se peut que leur observance soit moins tangiblement gratifiante que l’étude de la Torah, de la même façon que l’odorat est moins concrètement saisissable que le goût.

Une perspective plus large de ce symbolisme nous permet de concevoir chacune des quatre espèces comme la représentation de quatre types d’individus. L’étrog représente une personne qui étudie la Torah et accomplit les Mitsvot. Le Loulav évoque celui qui étudie la Torah mais n’accomplit pas les Mitsvot. Le myrte figure celui qui accomplit les Mitsvot mais n’étudie pas la Torah. Enfin, le saule désigne celui qui n’étudie pas la Torah pas plus qu’il n’accomplit les Mitsvot.

L’accomplissement dépend de la relation avec son prochain

La Mitsva du Loulav et de l’Etrog démontre que personne ne peut atteindre l’accomplissement complet à moins qu’il ne se dépasse et se joigne à son prochain. Même l’Etrog, l’espèce qui symbolise à la fois les vertus de l’étude de la Torah et de l’observance des Mitsvot, ne peut servir à la Mitsva de Souccot que s’il est pris dans la main et rassemblé avec l’humble saule. Par le même biais, quelle que soit la manière dont nous nous épanouissons, en tant qu’individus, nous ne pouvons développer tout notre potentiel sans l’aide des autres. L’unité de notre peuple en tant qu’entité est un élément indispensable dans le développement et le progrès de tout un chacun.

Le concept de l’unité est si essentiel à cette Mitsva qu’il ne se reflète pas exclusivement dans la nécessité de rassembler toutes les espèces mais également dans les caractéristiques de chacun des éléments de la Mitsva. Nos Sages stipulent que le Loulav ne peut servir pour la Mitsva que si ses feuilles sont attachées ensemble. Les seules sortes de myrtes que l’on peut utiliser doivent avoir des rangées successives de trois feuilles chacune. Dans chaque rangée, les trois feuilles doivent être alignées, sans qu’une seule feuille ne soit plus haute ou plus basse que les autres. Le saule exprime également cette idée d’unité dans la mesure où il pousse sous forme de branches.

Grandir au contact des autres

Le concept de l’unité se reflète également dans l’Etrog. En fait, c’est précisément parce qu’il représente une catégorie d’hommes dont le potentiel d’accomplissement est plus grand que celui des autres que l’emphase sur l’unité est plus importante.

L’Etrog exprime l’unité par le fait qu’il pousse sur l’arbre tout au long de l’année et qu’il est exposé à toutes les variations des saisons et du climat. Non seulement doit-il résister à ces influences mais il y répond positivement, chacune contribuant à sa croissance.

Nous devons apprendre de l’Etrog non seulement à simplement tolérer les gens de toutes sortes, y compris ceux dont le caractère et la personnalité sont très différents des nôtres mais en réalité à grandir grâce au contact de leurs perspectives divergentes. Comme l’enseigne la Michna : « Qui est sage ? Celui qui apprend de chaque homme. »

Des étapes successives

Ces expressions de l’unité de Souccot sont liées au thème de l’unité des fêtes qui précède immédiatement : Roch Hachana et Yom kippour. Cependant, il y a une différence dans l’approche entre Souccot et les Jours solennels.

Durant les Jours solennels, notre conscience du sens de l’unité vient de l’expérience spirituelle particulière de ces jours durant lesquels nous dépassons tous notre individualité et établissons un contact avec l’étincelle divine fondamentale dans notre âme. Il s’agit d’un niveau de l’âme où aucune différence n’existe entre l’homme et D.ieu. A ce niveau, n’existe non plus aucune différence entre un homme et l’autre. A Roch Hachana et Yom Kippour, nous sommes véritablement capables de prier tous ensemble dans une entité collective.

Malgré l’intensité de cette expérience, elle possède un inconvénient. Puisque ce sentiment d’unité ressenti au cours de ces Fêtes vient d’un niveau de notre âme situé bien au-delà de notre ordinaire, de notre processus de pensée quotidien, une fois les fêtes passées et que nous revenons à notre quotidienneté, il se peut que nous ressentions un sentiment de séparation. Souccot nous enseigne que nous devons rester unis même au niveau où entre en jeu l’individualité, même au niveau où l’un est un Etrog et l’autre un saule. Il se peut qu’existent des différences concernant notre potentiel et notre développement, il n’en reste pas moins que nous sommes unis, attachés tous ensemble à une même collectivité.

La succession des fêtes est vitale. L’expérience intense des Jours solennels et la conscience de l’unité essentielle qu’ils évoquent nous prépare à la leçon d’unité de Souccot. Le service spirituel des Jours solennels nous propulse à l’extérieur de notre conscience de nous-mêmes et nous permet de réorienter nos valeurs de telle sorte que nous nous lions à notre prochain, comme il se doit.

Un lien d’unité joyeux

Cette progression vers l’unité profonde atteint son summum à Sim’hat Torah quand l’érudit et l’illettré, l’observant et le non observant, les Juifs issus de tous les milieux, de tous les modes de vie, s’unissent dans des danses exubérantes avec les rouleaux de la Torah. Les différences personnelles qui, en d’autres temps les auraient séparés, disparaissent.

Cette unité trouve son expression concrète dans la coutume de Sim’hat Torah de danser en cercle. Un cercle n’a ni commencement ni fin et chaque point est équidistant du centre. A Sim’hat Torah, nous oublions qui est « à la tête » et qui est « à la queue ». Un noyau commun nous unit tous et nous fusionnons dans une identité collective.

Alors que Souccot nous enseigne que même en tant qu’individus nous constituons un peuple uni, Sim’hat Torah va encore plus loin. Nous perdons alors toute conscience de notre individualité, nous nous dépassons complètement. L’expérience de Sim’hat Torah ne doit cependant pas constituer un retour au niveau des Jours solennels durant lesquels nous transcendons notre individualité par un service spirituel, nous liant aux autres à un niveau qui dépasse une expérience ordinaire. Car à Sim’hat Torah, le lien d’unicité absolu se révèle au sein d’une expérience physique quotidienne, en mangeant, en buvant et en dansant.

Ces joyeux liens d’unité annonceront l’arrivée d’une époque où « une grande congrégation reviendra ici » : Nous reviendrons en Erets Israël en tant que nation unie. Alors, comme l’ont promis les prophètes, « ils seront couronnés d’une joie éternelle ». Que cela se produise immédiatement !

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à Souccot ?

« Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours… afin que vos générations sachent que c’est dans des Souccot que J’ai fait habiter les enfants d’Israël lorsque Je les ai faits sortir du pays d’Egypte ».

Chaque Juif prend ses repas dans une Souccah, une cabane recouverte de branchages depuis dimanche soir 23 septembre 2018 jusqu’à Chemini Atséret inclus, c’est-à-dire lundi après-midi 1er octobre. On essaiera d’habituer les petits garçons à prendre aussi leur repas dans la Souccah. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d’avoir des invités dans la Souccah.

Avant d’y manger du pain ou du gâteau, ou d’y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou
Bémitsvotav Vetsivanou Léchève Bassouccah »
- « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de résider dans la Souccah ».

Dimanche soir 23 septembre, après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité), à Paris à 19h 28, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) ainsi qu’une bougie de 24 heures en récitant les bénédictions suivantes :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère
Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Tov »
- « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête ».

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam
Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé »
- « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cet instant ».

Lundi soir 24 septembre (à Paris après 20h 29) elles allument les bougies avec les mêmes bénédictions à partir de la bougie de 24 heures allumée avant la fête.

Mardi soir 25 septembre, la fête se termine à 20h 30 et on récite la Havdala dans la Souccah (sans bougie et sans épices odorantes).

A partir de lundi matin 24 septembre et jusqu’au dimanche 30 septembre inclus (excepté Chabbat), on récite chaque jour la bénédiction sur les « quatre espèces » (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Netilat Loulav » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de prendre le Loulav ».

La première fois, on ajoute : 2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-
hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé ».

Vendredi 28 septembre (à Paris avant 19h18), les femmes et filles allument les bougies de Chabbat avec la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Kodèch.  »

« Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat. »

Samedi soir 29 septembre, c’est Hochaana Rabba – les hommes lisent durant la nuit le livre de Devarim (Deutéronome) puis le livre de Tehilim (Psaumes). Dans certaines communautés, on mange dans la Souccah des pommes rouges trempées dans le miel.

Dimanche matin 30 septembre, Hochaana Rabba, la prière est particulièrement longue.

On encercle sept fois la « Bimah » au centre de la synagogue puis on frappe cinq fois le bouquet de 5 « Hochaanot » (branches de saule) par terre comme l’ont enseigné les Prophètes.

Dimanche soir 30 septembre, Chemini Atséret. Après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité), à Paris à 19h 14, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) plus une bougie de 48 heures avec les bénédictions suivantes :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Tov » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête ».

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cet instant ».

On mange dans la Souccah, mais sans bénédiction.

Lundi matin 1er octobre, on récite la prière de Yizkor à la mémoire des parents disparus.

On mange dans la Souccah sans bénédiction.

Lundi soir 1er octobre, c’est Sim’hat Torah. A Paris après 20h 14, les femmes mariées allument à partir de la bougie de 24 h au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avec les bénédictions suivantes :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère
Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Tov » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête ».

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cet instant ».

On fait les Hakafot et on danse joyeusement avec la Torah autour de la Bimah dans toutes les communautés. A partir de ce soir, on ne mange plus dans la Souccah.

Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible même dans la rue, une fête joyeuse, Sim’hat Beth Hachoéva.

Mardi soir 2 octobre, la fête se termine à 20h15 et on récite la Havdala sans bougie tressée et sans épices odorantes.

Le Recit de la Semaine

 Le sauveteur et l’aviateur

C’est un entrefilet dans le grand journal juif américain Jewish Press qui attisa la curiosité de l’enfant Touvia Wertheim. Il avait douze ans. A l’âge d’un an, il avait perdu son père ; sa mère l’avait placé dans une famille d’accueil dans un village perdu, Leeds aux États-Unis dont la majorité des habitants étaient des Chrétiens fervents.

Ce fut justement le père adoptif, pourtant chrétien dévot, qui veilla à ce que l’enfant sache qu’il était juif : il lui fit lire la Bible et même l’envoya une fois par semaine étudier au Talmud Torah. Ce n’est que des années après sa mort que Touvia découvrit que la mère de ce père adoptif était juive et que donc, lui aussi était juif.

Dans le village, il y avait quelques Juifs âgés qui invitaient Touvia à manger dans leur Souccah pendant la fête. Par la suite, Touvia se rendit chaque Chabbat à la synagogue et s’efforça de respecter les quelques Mitsvot qu’il découvrait. Il savait qu’on mangeait dans la Souccah mais ignorait ce qu’étaient ces Quatre Espèces végétales qui étaient évoquées dans cet entrefilet. Il y était annoncé que le mouvement Loubavitch s’engageait à envoyer à toute personne qui en ferait la demande un set des Quatre Espèces contre une somme symbolique. Touvia n’avait pas d’argent. Mais, le cœur battant, il expédia une carte postale à l’adresse indiquée et y colla un billet d’un dollar. Il ne s’attendait vraiment pas à une réponse quelconque.

Pourtant, quelques jours, plus tard, il reçut un petit colis contenant les Quatre Espèces avec une notice expliquant comment procéder pour la bénédiction. Cet envoi l’émut tellement et il en fut si heureux que ces Quatre Espèces ne le quittèrent pas durant toute la fête. Depuis lors, tous les ans, il reçut à son adresse dans ce village perdu les Quatre Espèces à l’approche de la fête de Souccot ainsi qu’une boîte de Matsot Chmourot avant la fête de Pessa’h.

Plus tard, Touvia grandit et fut enrôlé dans l’armée. C’était dans les années 60, l’époque de la guerre du Vietnam. Dans la base en Caroline du Nord où il devait s’entraîner, on ne voyait pas d’un bon œil son entêtement à respecter le judaïsme mais Touvia exigea de rencontrer un aumônier Loubavitch qui lui procura à chaque fois les Quatre Espèces, les Matsot, la nourriture cachère et différents objets de culte. Il reçut une permission spéciale de pouvoir porter un Talit Katane avec des Tsitsit sous son uniforme ainsi que le droit de se laisser pousser la barbe. Après une courte période d’entraînement, il fut envoyé au front et chargé de missions dangereuses comme la libération de prisonniers américains pour éviter qu’ils ne soient transférés aux mains de l’armée soviétique : « Lors de ces missions, nous étions vingt-cinq à y participer mais seuls cinq d’entre nous revenaient vivants… » rappelait-il avec amertume. Il réussit à sauver un jour un pilote, le lieutenant-colonel Kenon Bad qui avait été détenu et torturé durant trois ans dans des conditions abominables. Cet homme était si faible que Touvia avait dû le porter sur son dos pendant soixante jours, dans des chemins tortueux.

Malgré l’immensité de la tâche, Touvia veilla à ne manger pendant cette opération que des aliments cachères, à porter les Tsitsit et à mettre chaque jour les Téfilines. Finalement ils parvinrent à Bangkok en Thaïlande et là, Touvia confia le pilote à l’ambassade américaine puis continua sa vie.

Quand éclata la Guerre de Kippour en 1973, Touvia ressentit qu’il devait agir pour protéger la Terre Sainte. Durant Souccot, il attendit avec impatience la réouverture des vols vers Israël et bâtit une grande Souccah dans la cour de l’université où il étudiait. C’est là qu’il rencontra Paula qu’il épousa et, un an plus tard, ils montèrent en Israël et y fondèrent une grande famille, d’abord à Jérusalem puis à Beth Chemech pour se rapprocher de leurs enfants mariés.

Un Chabbat, il se rendit avec son fils à une grande réunion ‘hassidique dans un autre quartier de la ville. Autour de la table bien garnie, chacun fut invité à se présenter et on demanda à Touvia d’où il connaissait le mouvement ‘Habad. Il raconta alors cette toute première fois où on lui avait envoyé les Quatre Espèces puis les Matsot Chmourot et poursuivit avec ses souvenirs d’ancien combattant au Vietnam.

C’est alors que se leva un des participants et tous comprirent en le regardant qu’il était très ému.

- Votre code d’identification dans l’armée américaine était-il bien tel et tel ? demanda-t-il à Touvia.

- Oui ! s’exclama Touvia. Comment le savez-vous ?

- Le père de mon ami qui est assis à côté de moi, dit-il en désignant son voisin de table qui ne pouvait s’empêcher de pleurer, était le pilote que vous avez sauvé ! Mon ami est trop ému pour pouvoir parler car c’est absolument incroyable que nous puissions vous rencontrer après tant d’années. Nous étions voisins aux États-Unis et très souvent, son père me racontait comment un soldat juif pratiquant l’avait sauvé au péril de sa vie et dans des conditions extrêmes. Pendant deux mois, il l’avait porté sur son dos. Ce dévouement avait poussé le pilote à s’intéresser au judaïsme, au peuple juif et à ses valeurs. Finalement, mon ami et moi-même nous avons décidé de tout mettre en œuvre pour aider ce peuple si dévoué en toutes circonstances et c’est pourquoi nous sommes montés nous aussi en Israël ! Comme nous sommes heureux de vous avoir enfin retrouvé !

Touvia Wertheim – Sichat Hachavoua N° 1605

Traduit par Feiga Lubecki