Samedi, 2 septembre 2017

  • Ki Tetsé
Editorial

 Pour une bonne et douce année

En ce moment, le mot est dans toutes les bouches, la formule dans tous les esprits : « le Roi est dans les champs. » Serions-nous tous devenus des nostalgiques d’un temps où le souverain allait vers ses sujets, attendant que ceux-ci l’acclament et lui manifestent leur amour ? Ce temps-là n’est pas le nôtre et la nostalgie n’a jamais constitué un facteur d’avancée. Qui donc est ce roi dont le « R » est majuscule ?

La parabole est connue : au mois d’Elloul, tout se passe comme si le « Roi » sortait de son palais si difficilement accessible au commun des mortels et venait dans l’endroit le plus commun, ou le plus profane : le champ. Alors que, dans son palais, de nombreux prérequis sont nécessaire, ici, tout est ouvert. A chacun d’approcher et de présenter sa requête, elle sera accordée. Le mois d’Elloul, c’est celui que nous vivons et qui nous conduira à Roch Hachana et Yom Kippour : un mois de préparation indispensable tant ces rendez-vous sont grands. Quant au Roi, c’est évidemment de D.ieu qu’il s’agit. Quelle est la particularité du moment qui le rend si rare et si précieux, doté de ce pouvoir infini : amener les créatures jusqu’à leur Créateur ?

La mystique juive enseigne qu’alors éclairent les « treize attributs de la miséricorde Divine », un degré qui réapparaîtra au point culminant de Yom Kippour. Dire qu’il est déjà, d’une certaine manière, parmi nous, en nous, offre une perspective vertigineuse. C’est que le chemin qui mène à D.ieu, à l’au-delà de ses propres limites, peut paraître malaisé à découvrir. Le mois d’Elloul constitue une sorte d’appui initial qui, nous donnant la voie du progrès, nous conduit au plus haut.

En être conscient, c’est déjà changer les choses, faire une démarche d’action. Car il est clair que seul l’acte de l’homme est déterminant. D.ieu l’a doté d’une liberté absolue, que lui seul a la faculté de contraindre. Ainsi, il peut avancer là où il le désire et rien ne peut obliger ses pas. Elloul est ainsi comme une route ouverte, osons le mot, une « route royale ». Quant à notre avancée, elle ne dépend que de nous-mêmes. Pour une bonne et douce année.

Etincelles de Machiah

 Il est temps d’être joyeux!

Dans l’un des psaumes qui traitent du retour final des exilés en Israël, il est écrit (126: 2-3): « Alors ils diront parmi les nations: ‘D.ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci’. D.ieu a fait de grandes choses pour nous; nous étions joyeux ».

Un des Maîtres polonais a commenté ces mots de la façon suivante:

« Alors ils diront parmi les nations »: quand Machia’h viendra, les nations du monde diront,

« D. ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci »: D.ieu a fait des merveilles pour le peuple juif.

Nous répondrons à ces propos:

« D.ieu a certes fait de grandes choses pour nous ».

Quelle en est la raison? « Nous étions joyeux! »

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch)

Vivre avec la Paracha

 KI TETSÉ

La Paracha énonce 74 des 613 commandements de la Torah. Ils incluent les lois de la belle captive, les droits d’héritage de l’aîné, du fils entêté et rebelle, de l’enterrement et de la dignité du défunt, de la manière de rendre un objet perdu, de renvoyer l’oiselle du nid avant de prendre son petit, du devoir d’ériger des barrières de sécurité autour du toit de sa maison et les différentes formes de kilaïm (les greffes végétales et animales interdites).

Sont également développées les procédures judiciaires et les pénalités encourues en cas d’adultère, abus ou séduction d’une jeune-fille et si un mari accuse sa femme, de façon erronée, d’infidélité. Ceux qui suivent ne peuvent se marier avec quelqu’un de lignée juive : un mamzer (né d’une relation adultérine ou incestueuse), un homme descendant de Moav ou d’Amon, ou de première ou seconde génération d’Edom ou d’Egypte.

Notre Paracha comporte également les lois qui veillent à la pureté d’un camp militaire, l’interdiction de retenir un esclave fugitif, le devoir de payer un travailleur en temps dû et de permettre à celui qui travaille pour nous, homme ou animal, de «  manger grâce au travail », la façon correcte de traiter un débiteur et l’interdiction de prendre des intérêts pour un prêt, les lois du divorce (dont sont également dérivées de nombreuses lois du mariage), la pénalité pour avoir transgressé une interdiction de la Torah et la procédure  de la 'halitsa - le déchaussement - pour le beau-frère sans enfant qui ne souhaite pas épouser sa belle-sœur veuve.

Ki Tetsé se conclut avec l’obligation de se souvenir des méfaits d’Amalek.

Il a souvent été mentionné que chaque Juif, y compris le jeune enfant, est capable d’’accomplir de grandes choses. Ce concept est renforcé par le Rambam qui écrit (Hil’hot Hatechouva, ch.3, hal.4) qu’avec une Mitsva, un Juif peut « faire pencher le plateau de la balance des mérites en sa faveur et en faveur du monde entier et apporter la Délivrance ». C’est une leçon générale applicable au comportement des Juifs, en tout temps. En outre, le mois présent et le jour présent possèdent un aspect et une leçon unique. La leçon que l’on peut tirer du mois d’Elloul est liée à la préparation de la nouvelle année. C’est alors que nous corrigeons et complétons tous les actes que nous avons accomplis durant l’année. C’est la raison pour laquelle le service du mois d’Elloul est beaucoup plus important et essentiel que le service des autres mois.

Dans Likouté Torah, Rabbi Chnéor Zalman décrit le service du mois d’Elloul avec la parabole d’un roi et de ses sujets. Avant que le roi ne retourne dans sa ville, les habitants sortent l’accueillir dans les champs. A ce moment-là, tous ceux qui le veulent peuvent l’accueillir. Il les reçoit tous avec bienveillance et montre un visage souriant à chacun.

Cette parabole donne un enseignement pour ce qui concerne notre comportement dans le monde matériel et dans les situations quotidiennes.

Notre comportement dans un champ est différent de celui que nous adoptons en ville. Dans un champ, nous sommes absorbés par des tâches simples, comme celles de semer et de récolter par exemple, qui ne requièrent pas de savoir ou de sagesse particuliers. Cependant, en ville, nous nous trouvons fondus dans une masse de gens de toutes sortes. Nous nous habillons donc différemment, toutes nos actions étant très soigneusement calculées. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la capitale du pays, la ville dans laquelle réside le roi. Quand nous sommes dans les champs, il est possible d’oublier que nous appartenons au roi. (Dans la relation entre D.ieu et le Peuple juif, nous sommes en fait comme le fils du Roi. Et pourtant, dans les champs, il est possible que nous oublions également cette relation).

Pour ne pas que nous oublions que nous sommes les fils du Roi, il existe un temps, le mois d’Elloul, où le Roi sort de Son palais, quitte la capitale du pays et vient dans les champs. Il y rencontre tous Ses enfants et leur sourit. Il leur demande de Le recevoir. Il les accueille avec « bonne humeur » et accède à leurs demandes.

Telle est la leçon particulière du mois d’Elloul. Même lorsque nous sommes au beau milieu des jours de la semaine, nous ne devons pas craindre d’observer le service du mois d’Elloul. Nous sommes tous « les enfants du Roi ». Le Roi nous reçoit tous avec grâce et nous sourit, accédant à toutes nos requêtes.

Il s’agit ici de la leçon générale du mois d’Elloul.

Mais chaque jour en particulier apporte sa propre directive. On peut la déduire de la partie de la Torah liée à ce jour particulier, comme l’a commenté Rabbi Chnéor Zalman : « nous devons vivre avec le temps », avec la lecture de la Torah propre à ce moment.

Aujourd’hui, la partie de la Torah que nous lisons est liée au verset : « les commandements de ta vie, tu les garderas et les accompliras », ce qui signifie qu’il nous faut accomplir les vœux que nous prenons sur nous-mêmes.

Le matin, chaque Juif « fait un vœu ». Il récite Modé Ani dès qu’il émerge de son sommeil. Il doit respecter ce « vœu », s’en souvenir et en influencer son comportement durant tout le jour. Cela produira un effet sur ceux qui l’entourent. Ils se rappelleront qu’eux-aussi ont récité Modé Ani. Cela apportera également du succès et de la joie dans sa vie quotidienne. Par ces efforts, « tous ceux qui les verront reconnaîtront qu’ils sont la semence que D.ieu a bénie ». Par eux, D.ieu bénira leurs parents et le Peuple juif tout entier, avec de la richesse à la fois spirituelle et matérielle.

Le Coin de la Halacha

 En quoi consiste l’obligation d’éduquer son enfant ?

Le père doit éduquer son enfant à l’accomplissement des Mitsvot (commandements divins), qu’elles soient explicitement écrites dans la Torah ou déduites par les Sages. Même un enfant handicapé a droit à une éducation juive dans un milieu sain et peut apprendre à pratiquer de nombreuses Mitsvot. En pratiquant lui-même les Mitsvot devant l’enfant, le parent donne le meilleur exemple.

On doit être prêt à payer pour l’éducation de ses enfants (il est d’ailleurs conseillé aux couples qui n’ont pas encore d’enfant de s’habituer à payer pour l’éducation d’un ou de plusieurs enfants, en préparation d’une prochaine naissance…).

Le tuteur et les grands-parents sont également chargés d’assurer l’éducation juive des enfants et petits-enfants dont ils ont la charge.

On ne ment pas à un enfant (en lui promettant quelque chose qu’on n’a pas l’intention de lui donner). On veille à la propreté de son langage et à ce qu’il ne prononce ni mensonge, ni médisance. Dès que l’enfant commence à parler, on lui apprend des versets de Torah et les principales prières. On lui donnera à manger que des aliments cachères.

On encourage l’enfant à étudier en lui offrant des friandises puis, quand il grandit, des cadeaux plus importants.

L’éducation consiste essentiellement en deux points :

1) Ne pas avoir honte de sa pratique des Mitsvot

2) Obéir aux parents et professeurs

Les parents prient constamment pour la bonne éducation de leurs enfants, en particulier dans la bénédiction de la Torah (« Que nous, nos enfants et leurs descendants étudions constamment Ta Torah… ») et dans la bénédiction de Ahavat Olam… Les dames ont aussi la coutume de prier pour la bonne éducation de leurs enfants quand elles allument leurs bougies de Chabbat.

(d’après Hamitsvaïm Kehil’hatam – Rav Shmuel Bistritzky)

Le Recit de la Semaine

 C’est elle qui les a convaincus !

Alors que je prenais l’avion, je remarquai un groupe de jeunes Israéliens faisant partie d’un mouvement ouvertement antireligieux.

Comme à mon habitude, je n’établis pas de distinction entre les Juifs : qu’ils soient plus ou moins pratiquants, cela ne me pose pas de problème. J’estime qu’ils ont le droit comme tout un chacun d’accomplir une Mitsva, surtout celle des Téfilines. On sait que les Téfilines ont une vertu protectrice et il est évidemment conseillé de les mettre avant ou, au moins, pendant un voyage. Je me suis donc approché de ces jeunes gens, mes Téfilines à la main, pour leur permettre d’occuper une toute petite partie de leur voyage positivement. Mais, au lieu d’être accueilli avec courtoisie, je ne récoltai que ricanements et haussements d’épaules :

- Si notre chef accepte de mettre les Téfilines, nous l’imiterons tous ! lâcha un des jeunes gens, riant bien fort de sa plaisanterie et désignant le garçon plus âgé qui dirigeait le groupe.

Nullement découragé, je me suis donc approché de lui mais, dès qu’il m’aperçut avec mon chapeau et ma barbe, il éclata de rire et se moqua haut et fort de ce geste « archaïque » que je lui proposai. J’eus beau insister gentiment, poliment, en présentant toutes sortes d’arguments, en décrivant les bienfaits de cette Mitsva qui ne dure que quelques minutes, n’est-ce pas… Il ne voulait pas en démordre, ce n’était vraiment pas pour lui, un garçon vivant au 21ème siècle, rationnel et moderne…

Il ne me restait plus qu’à retourner m’asseoir à ma place.

Derrière moi, il y avait une dame qui n’était pas Loubavitch mais qui était visiblement pratiquante et membre d’une autre communauté ‘hassidique.

- Puis-je leur parler ? me demanda-t-elle.

- Bien sûr, répliquai-je. Ce serait magnifique si vous parveniez à les convaincre de mettre les Téfilines.

- Vous allez voir ! D’ici deux minutes, tous ces garçons vont faire la queue devant vous pour mettre les Téfilines !

J’avoue que j’étais interloqué.

D’un pas décidé, elle s’approcha du groupe :

- S’il vous plaît, je voudrais vous parler ! Écoute-moi bien, juste quelques minutes. Je voudrais d’abord me présenter : je suis la fille de survivants de la Shoah. Mes deux parents ont été persécutés, battus, humiliés, affamés, envoyés dans des camps de la mort où ils ont vu l’enfer de près – juste parce qu’ils étaient juifs. Dans ces camps, ils n’avaient pas la possibilité de pratiquer les Mitsvot car les Nazis, dans leur folle cruauté, souhaitaient annihiler tout ce qui pourrait rappeler le judaïsme, physiquement ou spirituellement. Cependant, malgré tous leurs efforts et malgré les énormes moyens dont ils disposaient, les Nazis n’ont pas réussi à tuer les corps de mes parents et n’ont pas réussi à briser leurs âmes juives. Dès que mes parents ont été libérés des griffes de ces monstres, ils ont rebâti leurs vies, se sont mariés et ont construit un foyer juif exemplaire, basé sur l’étude de la Torah et la pratique joyeuse des Mitsvot. C’est de cette histoire que je suis issue.

Je voudrais vous poser une question importante au sujet d’une photo célèbre : prise en juin 1940 à Olkusz en Pologne. Elle montre un vénérable Rabbin, Rav Moché Hagerman (que son sang soit vengé), amené sur la Place du Marché. Les pieds nus (car on lui avait même retiré ses chaussures), il tente de prier, revêtu d’un Talit et de Téfilines mais on voit bien que les Nazis se moquent de lui et se jouent de ses Téfilines qu’ils profanent.

Alors voici ma question : à qui désirez-vous vous identifier sur cette photo ? Au Juif humilié ou au Nazi ricaneur ?

Ils l’avaient écoutée poliment puis attentivement puis… La tension était maintenant palpable et leurs sourires narquois avaient fait place à une émotion qu’ils ne cherchaient plus à dissimuler. Aux rires avait succédé un lourd silence, finalement brisé par le chef du groupe qui se tourna vers moi :

- Ok, Monsieur le Rabbin, allons-y, je vais mettre les Téfilines !

Et il remonta la manche gauche de sa chemise. J’avoue que, moi aussi, j’avais été saisi par le récit sobre mais poignant de cette dame mais je savais qu’il ne fallait pas laisser passer un moment d’une telle intensité sans le traduire en un acte concret. Je mis les Téfilines au chef du groupe qui récita la bénédiction et le Chema Israël avec une grande ferveur. Tous les membres de son groupe agirent de même tandis que les autres passagers regardaient, stupéfaits, curieux de savoir comment une dame si digne et si distinguée avait réussi à émouvoir ces jeunes gens apparemment blindés contre tout ce qui avait trait au judaïsme.

Alors que tous mes arguments n’avaient eu aucun effet sur eux, les mots sortis droit du cœur de cette dame avaient atteint le point le plus sensible de l’âme de ces garçons qui, certainement, se souviendront longtemps de ce voyage.

Nachman Yossef Twersky - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki

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