Il y a quelques mois, j’ai été invité au mariage du fils d’un de mes amis. J’ai été très surpris en apercevant les parents de la jeune mariée qui auraient facilement pu être ses grands-parents - surtout son père qui avait largement dépassé les 97 ans… La jeune fille avait 32 ans - ce qui signifiait qu’à sa naissance, il avait 65 ans. Et voici donc l’histoire de son père, Moché (qui n’a pas accepté qu’on publie son nom de famille) :

« Je me suis marié avec Avigaïl il y a 65 ans. Elle a douze ans de moins que moi. Elle est formidable et nous avons vécu en parfaite entente. J’apprécie surtout sa joie de vivre et son entrain. Nous avons eu 5 garçons, D.ieu bénisse. Certaines personnes plaisantaient en disant qu’avec encore 2 garçons, nous étions assurés d’avoir une place au Gan Eden. Moi, personnellement, je préférais gagner cette place avec la bénédiction assurée, dit-on, à celui qui voit la 5ème génération de ses descendants. (Nous n’avons trouvé aucune référence à ces deux affirmations dans les écrits de nos Sages, rassurez-vous !). De toute manière, je préférerai n’entrer au Gan Eden que bien après 120 ans…

Pas facile d’élever 5 garçons et Avigaïl ne cachait pas qu’elle aurait bien aimé mettre au monde une fille mais nous étions heureux de ce que D.ieu nous avait donné jusque-là.

Notre fils Ben Tsion était un merveilleux garçon, blond, rieur, idéaliste… En 1984, lors de son service militaire, il s’est porté volontaire pour une mission secrète au Liban et a été tué par des terroristes.

Notre peine était immense, nous n’arrivions pas à nous en remettre, notre vie était brisée. Surtout Avigaïl. Elle qui était la joie de vivre incarnée sombra dans une tristesse infinie. D’autres parents dans la même situation réussissent à surmonter leur chagrin et même à s’engager dans de nouvelles initiatives en souvenir de leurs enfants tombés au combat mais nous n’y parvenions pas.

En 1988, alors qu’un de nos fils s’était rapproché du mouvement Loubavitch (il paraît que cela arrive dans les meilleures familles, n’est-ce pas !!!), mes affaires m’ont amené à me rendre à New York. Ma femme décida de m’accompagner et c’est ainsi que nous avons pu passer devant le Rabbi (quelques mois après le décès de son épouse, la regrettée Rabbanit ‘Haya Mouchka), dans sa maison sur President Street. Avigaïl a exposé au Rabbi combien elle était déprimée depuis ce qu’il nous était arrivé ; le Rabbi l’a bénie, lui a tendu 4 dollars pour nos quatre fils. Elle s’apprêtait à repartir quand, à la surprise générale, le Rabbi la rappela et lui tendit un 5ème dollar : « Pour la fille ! ».

Nous étions… disons… plutôt étonnés ! Nous n’avions pas de fille ! Notre dernier « bébé » avait plus de vingt ans, j’avais déjà 63 ans et mon épouse 51. Incapables de comprendre ce qui nous arrivait, nous avons demandé au secrétaire, le regretté Rav Leibl Groner ce que cela signifiait et ce qu’il convenait de faire avec ce dollar supplémentaire. Il réfléchit puis nous conseilla de le remettre à notre belle-fille puisqu’après tout, une belle-fille peut être considérée comme une fille ! Bien entendu, c’est ce que nous avons fait dès notre retour en Israël et notre belle-fille en fut ravie. (Nous avions écrit sur ce billet que ce dollar nous avait été donné par le Rabbi « pour notre fille »).

J’avoue à ma grande honte, que cette visite chez le Rabbi nous laissa un goût amer. On nous avait prévenus que le Rabbi ne se trompe jamais mais, dans notre cas, c’était peut-être l’exception qui confirmait la règle…

La situation n’avait guère changé, ma femme était toujours aussi triste et n’avait goût à rien. Comme l’affirmait déjà la Torah depuis longtemps, le corps ressent la souffrance de l’âme et mon épouse commença à en souffrir physiquement. Les médecins mirent cela sur le compte du stress, de l’âge, de la faiblesse générale. En 1989, n’en pouvant plus, elle se rendit chez un gynécologue pour ses douleurs abdominales : il ne diagnostiqua rien d’anormal - ce qui nous inquiéta encore davantage. Par acquis de conscience, il décida de procéder à un dernier examen (on ne sait jamais) et de pratiquer un test de grossesse. Elle pensait qu’il se moquait d’elle qui avait déjà 53 ans… Mais le test s’avéra positif !

Je vous épargne notre stupéfaction et je me bornerai à remarquer qu’en un instant, notre joie de vivre était revenue ! Bien sûr, la douleur n’a pas disparu et subsistera jusqu’à la venue du Machia’h et la résurrection des êtres qui nous sont chers. Mais, d’un coup, tout notre intérêt se portait sur l’enfant qui allait naître et qui serait certainement une fille - comme le Rabbi l’avait laissé entendre ! Bêtement, nous n’avions pas compris que le Rabbi nous avait, de fait, bénis bien au-delà de nos espoirs les plus fous !

La grossesse ne se passa pas facilement. L’un après l’autre, les différents médecins consultés prévoyaient qu’elle n’irait pas à son terme. Nous sommes retournés chez le Rabbi pour lui annoncer la nouvelle, le remercier et lui demander comment agir par rapport à tous ces pronostics pessimistes. Il répondit : « Il vaut mieux aller dans la galerie des femmes (à la synagogue) et réciter des Tehilim (Psaumes) plutôt que de perdre son temps chez les médecins ! ». Et il nous remit un dollar supplémentaire pour « la naissance en son temps et facilement ».

Voilà ! Nous avions été largement remboursés des frais du voyage ! A partir de ce jour, Avigaïl passa chaque instant de libre à la synagogue pour réciter des Tehilim, même à notre retour en Israël dans la petite synagogue à côté de chez nous. Elle ne consulta plus aucun médecin et la naissance se déroula parfaitement !

Quand notre belle-fille vint lui rendre visite à la maternité, Avigaïl lui demanda gentiment de remettre le fameux dollar à son véritable récipiendaire, sa petite belle-sœur âgée de seulement deux jours - ce qu’elle fit avec plaisir !

Notre joie n’avait plus de limites, nous avons acheté une nouvelle poussette et nous avons promené fièrement notre fille dans le quartier, comme n’importe quel jeune couple. Nous l’avons nommée Sim’ha (la joie) car c’est vraiment la Sim’ha qui était réapparue dans notre famille !

Et, comme écrit plus haut, Moché et Avigaïl ont eu la joie, il y a quelques mois, d’amener Sim’ha sous le dais nuptial ! La boucle est bouclée !

Arié Samit – Kfar Chabad N° 1955

Traduit par Feiga Lubecki

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