Il y a quelques années, Rav Manis Friedman se trouvait dans les locaux de l’immense complexe communautaire du 770 Eastern Parkway à Brooklyn quand il remarqua quelques-uns de ses amis qui mettaient de l’ordre dans des placards et balayaient une pièce à l’abandon. De fait, ils devaient réaménager cette pièce pour en faire un bureau. Il proposa de les aider et ils acceptèrent.
Alors qu’ils manipulaient une grosse armoire, un porte document tomba d’un tiroir et s’ouvrit : il ne contenait qu’une lettre que quelqu’un avait envoyée au Rabbi quelques années plus tôt : le Rabbi avait répondu avec quelques mots écrits à la main dans les marges.
Le Rabbi recevait énormément de courrier, certains disent qu’il en recevait plus que n’importe quelle autre personnalité, même davantage que le Président des Etats-Unis. Il répondait souvent ainsi sur la lettre ; ses secrétaires se chargeaient de taper la réponse et de l’envoyer à son destinataire.
Peut-être auraient-ils dû se contenter de remettre la lettre au secrétariat mais ils ne purent s’empêcher de la lire. Apparemment, c’était un médecin qui avait écrit au Rabbi à propos d’un événement étrange et douloureux : un de ses amis avait fait écrire un Séfer Torah à la mémoire d’un être cher disparu. Quand cet ami avait appris que la coutume est d’organiser un repas avant d’inaugurer ce Séfer Torah, il avait demandé à ce médecin qui possédait une grande maison de bien vouloir abriter cette réception. Le médecin avait accepté et des dizaines de personnes avaient participé au repas. Cependant, en plein milieu de la fête, une jeune femme avait été terrassée d’une crise cardiaque. Tous les efforts pour la ranimer avaient été vains et, inutile de préciser que la fête avait été transformée en catastrophe. Le médecin précisait que lui-même, souvent confronté à la mort, avait conservé une foi complète mais son ami avait été bouleversé et lui posait des questions auxquelles il ne savait pas répondre : d’abord pourquoi une telle tragédie avait frappé une jeune femme qui participait à une bonne action et ensuite, pourquoi cela était-il arrivé chez lui.
Voici ce que répondait le Rabbi : tout d’abord il est impossible de comprendre D.ieu ou les voies de D.ieu. Deuxièmement : D.ieu souhaite que nous Le comprenions au mieux de nos capacités. Troisièmement, nous devons fournir tous les efforts pour expliquer ce qu’il est possible d’expliquer.
Premièrement, affirmait le Rabbi, chacun jouit d’un certain nombre de jours dans la vie, y compris la date exacte de la fin de cette vie. Deuxièmement : rarement une personne est si mauvaise qu’elle décède avant cette date ou si bonne qu’elle mérite de prolonger ce délai. Troisièmement, puisque cette femme était destinée à quitter ce monde ce jour-là, le meilleur endroit pour cela était dans une atmosphère sympathique, durant des festivités liées à l’accomplissement d’une Mitsva.
De plus, dans ses derniers moments, alors qu’elle avait été incapable de prononcer la traditionnelle prière «Chema Israël», elle avait certainement été aidée par le fait qu’à la porte de cette demeure se trouvait fixée une Mezouza sur laquelle est écrit le « Chema Israël » qui proclame la royauté et l’unité de D.ieu.
Finalement, si cela était arrivé dans votre maison, comme vous êtes un médecin, écrivait le Rabbi, chacun avait la certitude que tous les efforts pour soigner cette jeune femme avaient été mis en œuvre.
En lisant cette réponse, les ‘Hassidim présents ne purent s’empêcher de constater une fois de plus combien le Rabbi avait répondu en peu de mots, clairement et positivement.
Tandis qu’ils repensaient à ces conseils si clairs, le téléphona sonna ; un des ‘Hassidim prit le combiné.
A l’autre bout du fil se tenait un Chalia’h du Rabbi dans l’une des grandes villes américaines. Il était dans un tel état de choc qu’il avait du mal à s’exprimer : «Je dois parler au Rabbi ! Tout de suite ! C’est urgent ! J’ai besoin de son conseil !»
Le ‘Hassid tenta de le calmer, lui demanda des détails, le Chalia’h reprit son souffle et raconta : «Un des fidèles de ma synagogue a célébré la Bar Mitsva de son fils ici quand, soudain, son père s’est écroulé, victime d’un infarctus. Tous sont fous de douleur et me demandent des explications. Que puis-je faire?»
Bouleversé, le ‘Hassid raconta à ce Chalia’h comment avec ses camarades, il venait de découvrir une lettre du Rabbi qui répondait exactement à ses questions ! Et il entreprit de lire cette lettre mot à mot au téléphone.
Ses compagnons étaient stupéfaits d’avoir involontairement pris part à un événement aussi miraculeux. S’ils n’avaient pas décidé de nettoyer cette pièce juste à ce moment-là et si la lettre n’était pas tombée et s’ils ne l’avaient pas lue et si le téléphone n’avait pas sonné juste à ce moment…
Puis l’un d’entre eux remarqua : «Au fait, pourquoi avons-nous décidé de nettoyer cette pièce ? Qui en a besoin – au fait?»
Ils se regardèrent, haussèrent les épaules et quittèrent la pièce qui ne devint jamais un bureau…

Rav Tuvia Bolton
traduit par Feiga Lubecki

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