Il y a quelques mois, alors que j’arrivais au Ohel pour prier auprès de la tombe du Rabbi, je rencontrai un homme qui me demanda s’il pouvait retourner avec moi à Crown Heights, le quartier ‘hassidique de Brooklyn : il faisait trop froid, il n’avait pas la force d’attendre un bus à l’extérieur.
Dans la voiture, nous avons fait connaissance : en 1976, à l’âge de six ans, il avait contracté une maladie grave qui ne pouvait pas être traitée en Russie (où il habitait) mais seulement à Boston, aux États-Unis et à un coût astronomique. Quelqu’un contacta le Rabbi à New York qui, grâce à l’aide de diverses organisations philanthropiques, put récolter de l’argent. Mais le plus difficile était d’obtenir une autorisation de sortie d’Union Soviétique ; les autorités locales refusèrent mais la mère connaissait quelqu’un qui était devenu officier du gouvernement et qui, miraculeusement, accepta de délivrer les autorisations nécessaires. C’est ainsi que le père, la mère et l’enfant purent se rendre à Boston où l’enfant séjourna deux mois à l’hôpital.
Avant de retourner en Russie, ils se rendirent à New York pour remercier le Rabbi qui s’était tellement dévoué pour eux. C’était la semaine de la Paracha Kora’h et le Rabbi – qui, bien entendu, parlait couramment le russe puisqu’il était originaire d’Ukraine – mentionna qu’à la suite de sa rébellion, Kora’h avait été englouti dans la terre. Le petit garçon, A.B., demanda innocemment : «Dans le métro ?», ce qui fit bien rire ses parents.
Le Rabbi répondit : «Ne riez pas ! Nous apprenons souvent des leçons importantes des questions posées par les enfants !»
Autant que A.B. puisse s’en souvenir, le Rabbi avait alors expliqué : le système du métro souterrain ne fonctionne que dans les grandes villes connaissant une intense circulation en surface. Le métro permet de mieux circuler d’un point de la ville à l’autre. C’est aussi particulièrement les grandes villes (comme New York – A.B. se souvenait que le Rabbi avait mentionné cette ville) qui offrent malheureusement de nombreuses destinations peu recommandables moralement. Kora’h aurait utilisé le métro pour parvenir à ces endroits mais nous ne devons l’utiliser que pour les bonnes destinations. Le Rabbi avait alors donné deux billets d’un dollar à l’enfant (au lieu de l’habituel billet unique) en lui demandant d’en remettre un à la Tsedaka et l’autre au Kotel, le Mur Occidental à Jérusalem.
Les parents s’écrièrent alors : «Rabbi ! C’est absolument impossible !». Il faut se souvenir qu’à l’époque, il était pratiquement impossible de sortir d’Union Soviétique. Mais le Rabbi répliqua : «Vous verrez !».
Les années passèrent, la famille était retournée en Russie. Puis, en 1989, le régime soviétique s’écroula, les frontières s’ouvrirent. A.B. put se rendre en Israël et donna le dollar qu’il avait reçu du Rabbi dans une boîte devant le Kotel. Il profita de son séjour pour épouser une jeune fille juive qu’il connaissait, avec une ‘Houppa, un rabbin et tous les documents légaux.
Par la suite, il devint citoyen américain, s’installa à Brooklyn tandis qu’elle retourna en Russie. Le fait est qu’ils n’étaient pas mariés civilement (ce qui n’est pas nécessaire en Israël) et ils devaient donc se contenter de se voir occasionnellement, en tant que visiteurs et non citoyens du pays du conjoint. Quand leur fille eut six ans, ils se rendirent avec elle à ‘Haïfa. Comme par hasard, c’était la Paracha Kora’h… Ils entendirent un certain rabbin mentionner que Kora’h avait été englouti par la terre et la fillette demanda innocemment : «Dans le Carmélit (le métro de ‘Haïfa) ?». Cette question rappela à A.B. que lui-même avait posé la même question des années auparavant devant le Rabbi et il répéta à sa fille ce que le Rabbi lui avait répondu.
Songeur, je demandai à A.B. s’il était pratiquant : il ouvrit sa mallette et me montra les Téfiline qu’il mettait tous les jours : «Et je peux vous assurer que cela me pose bien des soucis quand je me rends à St Pétersbourg pour rejoindre ma femme : les douaniers russes soupçonnent à chaque fois qu’il s’agit d’une nouvelle sorte de bombe !»
- Et quelles bénédictions avez-vous demandé auprès du tombeau du Rabbi aujourd’hui ? demandai-je.
- Ma mère a «la maladie» et mon père un glaucome : j’ai donc demandé une bénédiction pour leur santé ; j’ai aussi demandé que ma femme obtienne enfin les papiers nécessaires pour venir s’installer avec moi à Brooklyn.
- Je peux vous aider ! Je connais un très bon avocat !
Immédiatement, encore dans la voiture, je téléphonai à mon avocat, un expert dans ces questions. Contrairement à son habitude, il répondit au lieu de me laisser déposer un message sur son répondeur qui était souvent trop plein pour qu’on puisse y rajouter un mot… Il accepta de discuter pendant dix minutes avec A.B. pour bien définir la situation et lui fixa un rendez-vous le jour-même !
Leur conversation se termina juste au moment où je garai ma voiture sur Kingston Avenue…
Un des problèmes de A.B. était déjà résolu !
Rav Yeheskel Lebovic – Collive.com
Traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 22 juin 2017