Juste au moment où je sortais de la synagogue pour une pause dans mon étude de la Guemara (le Talmud), le Rabbi sortait de son bureau et se dirigeait vers sa voiture. Mais sur son chemin, se tenait un jeune homme, dont l’apparence extérieure était bien différente de celle des ‘Hassidim. Il devait avoir vingt-cinq ans. De grande taille, il portait une minuscule Kippa au sommet de ses boucles blondes qui descendaient jusque sur ses épaules.
Au début, il avait hésité, mais il s’était approché et avait parlé au Rabbi. Je n’ai entendu ni la question ni la réponse, mais j’ai vu le Rabbi pointer le doigt vers le ciel et faire un rond dans l’air avec son doigt. Le jeune homme semblait ne pas apprécier la réponse et dit encore quelques mots. Là, le Rabbi sourit et indiqua du doigt le cœur du jeune homme pendant sa réponse. La conversation s’arrêta là et le jeune homme, comme paralysé, regarda le Rabbi entrer dans sa voiture qui disparut rapidement.
Puis il reprit ses esprits et entra dans la synagogue. Je le suivis. Il s’assit sur un des bancs, mis sa tête entre ses mains et pleura pendant environ dix minutes. Puis il se reprit, lut quelques Psaumes dans un livre de prières, embrassa le rideau de l’Arche sainte et sortit. Je le suivis dans le métro et m’assis en face de lui. Au bout de quelques stations, je pris mon courage à deux mains: “Qu’est-ce que le Rabbi vous a dit?”
- J’ai demandé au Rabbi où était D.ieu. Il a répondu: partout. J’ai insisté: “Je suis sérieux!”
- Vous avez dit cela?
- Enfin, je ne l’ai pas vraiment dit. Cela m’a échappé, si vous voulez. J’ai donc été surpris que le Rabbi me sourit. C’est alors qu’il a dit: “D.ieu est en vous, exactement là”. Et il a montré du doigt mon cœur.
J’ai alors réalisé que nous ne nous étions pas présentés l’un à l’autre. Il me tendit justement la main et me dit: “Je suis Dany, Dany Cohen”.
- Moi c’est Israël, Israël Lipkind. Donc vous êtes un Cohen.
- Exact. Un descendant d’Aharon, le Grand-Prêtre, qui aimait la paix et la poursuivait. Je viens de Long Beach, en Californie. Et je suis fiancé!
- Mazal Tov!
- Euh… Gardez vos félicitations, s’il vous plaît. Elle n’est pas juive.
Je repris mes félicitations et mon souffle également. Dany reprit son récit: “Au début, le fait qu’elle ne soit pas juive n’avait aucune importance pour moi. Le judaïsme ne tenait pas une grande place dans ma vie. La réaction de mes parents me surprit. Ma mère pleurait jour et nuit. Mon père ne voulait plus me parler. Mais je n’en avais cure.
Il y a quelques mois, nous sommes rentrés, Lisa et moi, dans une librairie juive. Le commerçant s’est approché de moi avec des espèces de boîtes de cuir reliées à des lanières et, avec un fort accent d’Europe, m’a demandé: “Chalom! Voulez-vous mettre les Téfilines?” Je ne savais pas trop ce que cela signifiait mais comment pouvais-je refuser quoi que ce soit à ce saint homme? J’ai dit: d’accord et j’ai attendu ses instructions. Il a relevé ma manche gauche, a entouré mon bras avec ses lanières et m’a dit de répéter le Chema – ce dont je me souvenais depuis une colonie de vacances juive – et m’a dit de parler à D.ieu.
Cela m’a retourné. Bien que je fus déjà entré plusieurs fois à la synagogue, je n’avais jamais compris qu’il s’agissait de parler à D.ieu. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je ne pensais pas qu’Il m’écouterait ou même qu’Il n’existait pas du tout.
L’homme déroula les lanières de mon bras et de ma tête. Il se tourna vers Lisa: “Alors, vous allez vous marier?” J’ai dit: “Oui, bientôt”. Il a dit Mazal Tov. Je n’ai pas voulu lui faire de peine et je n’ai rien dit.
Cette nuit-là, je n’ai pas fermé l’œil. Le lendemain, je suis retourné dans la boutique. L’homme faisait réciter le Chema à un autre client. J’ai attendu mon tour puis j’ai mis à nouveau les Téfilines. Je lui ai ensuite posé des questions, il m’a répondu et nous avons commencé à étudier ensemble: j’ai plus appris avec lui en une heure que je n’avais appris de toute ma vie.
Mais ce n’était pas suffisant. Mon cerveau captait, mais je ne parvenais pas à traduire dans l’action. Quand je signalais au commerçant que j’allais me rendre à New York, il me dit que je devais aller voir le Rabbi de Loubavitch à Brooklyn. C’est ce que j’ai fait. C’était la première fois que je le voyais mais je savais que c’était lui. Je sentais que c’était le moment ou jamais de lui parler. Et je lui ai demandé où se trouvait D.ieu. Il a répondu: partout. Mais je n’étais pas satisfait, j’ai dit: je suis sérieux ! J’ai vraiment besoin de savoir. C’est personnel. Je n’en ai pas besoin pour écrire une thèse mais pour moi, c’est vital. Je suis sérieux!
Et il a souri, comme s’il connaissait par avance ma réaction et qu’il espérait que je dise cela. C’est là qu’il a montré mon cœur du doigt et a ajouté: ici, D.ieu est en vous!
Des mots simples. N’importe qui aurait pu les prononcer. Mais le Rabbi en était sincèrement persuadé. Et parce qu’il y croyait, j’y ai cru moi aussi. Je me suis dit: “C’est sans doute cela, regarder dans les yeux de Moïse et obtenir un reflet de ma véritable personnalité dans ces yeux. Je me sentais comme une petite flamme qui danse et qui rejoint un feu bien plus grand.
A ce moment, le fossé n’exista plus. Mon cerveau avait rejoint mon cœur et j’ai pris la décision qui s’imposait…”
Yossi Marcus
traduit par Feiga Lubecki
- Détails
- Publication : 28 octobre 2016