A l’époque où j’étudiais à la Yechiva Oholei Torah de Brooklyn (New York), j’eus l’occasion de me rendre fréquemment le vendredi après-midi chez Rav Shmuel Zohar à Staten Island : dans sa maison, je donnais des cours de Torah à plusieurs jeunes gens que nous avions rapprochés du judaïsme grâce à la Mitsva des Téfilines. Au bout d’un certain temps, nous leur avons proposé de se rendre en groupe le dimanche matin auprès du Rabbi pour recevoir de sa main un dollar à remettre à la Tsedaka.

Cette idée les enchanta. Comme la plupart d’entre eux ne travaillaient pas le dimanche, nous avons prévu de venir les récupérer devant leur maison pour les amener tous ensemble. Quand nous sommes arrivés devant l’une des maisons, nous avons assisté à une petite dispute : les propriétaires de la maison hébergeaient un jeune Israélien à qui ils avaient proposé de se joindre à eux pour voir le Rabbi. Le jeune homme avait refusé avec dédain et son manque de respect pour le Rabbi avait rendu ses hôtes furieux : ils menaçaient de le jeter en dehors de chez eux s’il continuait à parler de façon aussi insolente. Une telle sanction ne le laissa pas indifférent et, prudent, il accepta de se joindre à eux dans le mini van que nous avions loué. Mais, au début, il ne desserra pas les lèvres, il était visiblement ennuyé de la tournure des événements.
J’étais assis à côté de lui et entrepris de lui parler. Au bout de quelques minutes de conversation, il se calma et se mit à me demander avec curiosité de quoi il s’agissait. J’expliquai que nous allions passer devant le Rabbi, qu’il nous confierait un billet d’un dollar à remettre à la Tsedaka et qu’il nous bénirait.
Quand il entendit que le Rabbi accordait des bénédictions – et après que je lui ai raconté plusieurs histoires de bénédictions qui s’étaient miraculeusement réalisées – il demanda timidement s’il pouvait lui aussi formuler une telle demande. Je l’assurai que oui : cependant, il devait s’efforcer de condenser sa requête en quelques mots car nombreux étaient encore ceux qui devaient passer après lui et le temps du Rabbi était précieux.
Durant le reste du trajet, il n’ouvrit plus la bouche : il était évident qu’il cherchait comment comprimer au maximum ce qu’il avait à demander.
Je me tins derrière lui dans la longue queue. Quand arriva son tour, je remarquai combien il était tendu et ému. Au point qu’il ne parvenait plus à parler. Le Rabbi lui tendit le dollar avec les paroles habituelles : «Bénédiction et réussite». L’Israélien se dirigea vers la sortie mais le Rabbi le rappela, lui tendit encore des billets sans les compter en précisant : «Paix dans la famille ! De bonnes nouvelles !».
Moi-même, je reçus un billet d’un dollar avec la bénédiction habituelle et je le rejoignis à l’extérieur de la synagogue : l’homme était pâle et tremblant : «Comment a-t-il su ?» répéta-t-il plusieurs fois. «Comment le Rabbi a-t-il su alors même que je n’ai pas réussi à ouvrir la bouche ?»
Il s’avéra que, plusieurs mois auparavant, il avait subitement perdu son père : celui-ci avait laissé un bel héritage à Tel-Aviv, ce qui avait causé plusieurs points de conflit entre les frères, au point que l’atmosphère familiale était devenue détestable.
«Cette situation me causait beaucoup de soucis et, quand j’ai entendu qu’on pouvait demander toutes sortes de bénédictions, j’ai décidé d’en parler au Rabbi. Mais, comme vous l’avez remarqué, j’ai été incapable de prononcer un mot. Cependant, le Rabbi a lu mes pensées et m’a béni pour la paix dans la famille ! »
- Combien de frères êtes-vous ? demandai-je avec curiosité.
Il regarda les dollars qu’il tenait dans la main, les compta et réalisa soudain : «Nous sommes quatre frères ! Le Rabbi m’a donné encore quatre dollars ! C’est incroyable !»
A la suite de cela, le jeune homme changea complètement d’attitude, se rapprocha de la pratique du judaïsme et nous annonça peu après que toute la question de l’héritage s’était réglée à l’amiable.

Mikael Reinitz
Traduit par Feiga Lubecki

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