Je m’appelle Menachem Alexenberg. Je suis né à New York, à l’hôpital juif de Brooklyn qui est devenu maintenant l’hôpital interreligieux. J’ai fêté ma Bar Mitsva dans la synagogue de mon oncle Morris qui est, depuis, devenue une mosquée ; et j’ai épousé Myriam dans la Salle Manor qui est maintenant devenue une église baptiste. Donc j’aime a résumer ainsi : je suis né dans l’hôpital interreligieux, j’ai fait ma Bar Mitsva dans une mosquée et me suis marié dans une église… Mais malgré ce mélange apparent et trêve de plaisanteries, le fait est que j’ai grandi dans une famille juive orthodoxe et sioniste, j’ai fréquenté l’école juive puis le Queens College où j’ai étudié la biologie et enfin la Yechiva University où j’ai obtenu un diplôme de pédagogie et à l’Université de New York où j’ai obtenu un doctorat en art, science et psychologie.

Ma première rencontre avec le Rabbi date de 1962. Bien que je n’aie aucun «chromosome ‘hassidique», ma belle-sœur – dont le mari étudiait à l’époque dans une Yechiva ‘Habad – arriva à me convaincre de solliciter une audience auprès du Rabbi. J’eus alors une conversation fascinante avec lui quant à la relation entre l’art, les sciences, la technologie et le judaïsme – ce qui constituait l’œuvre de ma vie. Le Rabbi s’intéressait beaucoup à ces questions puisqu’il avait lui-même suivi des études scientifiques et obtenu un diplôme d’ingénierie.

Cette première rencontre fut suivie de nombreuses autres et donna lieu à une volumineuse correspondance entre nous. Un jour, le Rabbi me fit une remarque qui devint le pivot de ma réflexion : en hébreu, insista-t-il, les mots pour «matière»(‘Homère) et «esprit» (Roua’h) sont presque identiques : il suffit d’enlever une lettre !

- Quelle est la différence entre le monde matériel et l’esprit ? demanda-t-il. Tout est une question de perspective. Vous pouvez voir le monde comme entièrement matériel. Mais si vous changez de perspective, si vous changez la qualité de votre perception et regardez d’une façon fraîche et nouvelle, le même monde devient spirituel ! Le monde matériel et le monde spirituel ne sont pas deux mondes : c’est notre relation au monde matériel qui peut le rendre spirituel !

Grâce à cette remarque, une grande partie de mon œuvre, la majorité même, commence avec des mots hébraïques et des concepts de Torah – même si elle aboutit à du high-tech.

Puis le moment vint où le conseil du Rabbi changea littéralement ma vie et celle de nombreuses personnes : j’avais enseigné à l’université de Columbia et avais décidé de faire mon Alyah. Mais je ne souhaitais pas accepter un poste à l’université de Tel-Aviv, ce qui ressemblait trop à mon travail à New York ; je souhaitais vraiment commencer une nouvelle expérience et on me conseilla Yerou’ham. C’était une ville de développement, isolée, au milieu du désert du Néguev dans laquelle vivotaient des nouveaux immigrants d’Afrique du nord. La ville connaissait d’énormes problèmes économiques, éducatifs et sociaux.

Avant de me lancer dans cette aventure, je sollicitais l’opinion du Rabbi ; il répondit : «C’est une bonne idée d’être un pionnier. Avec votre bagage universitaire, vous pouvez contribuer au développement de la ville. Vous devrez y établir une institution d’enseignement supérieur et Yerou’ham deviendra un campus universitaire ! Si vous y parvenez, les gens cesseront de quitter la ville et d’autres gens viendront même s’y établir. La présence d’étudiants transformera la constitution de la ville !» Je me souviens qu’il mentionna plusieurs villes aux États-Unis qui avaient ainsi été sauvées comme spécifiquement Gainesville en Floride.

J’arrivai avec mon épouse à Yerou’ham un jeudi dans un appartement où il n’y avait même pas d’électricité. Chabbat, je me promenai pour explorer la ville et j’aperçus un grand bâtiment, apparemment une école, inoccupée, au sud de la ville. Le lendemain, j’en parlai au maire qui m’expliqua que c’était le résultat d’une folie de la bureaucratie israélienne. Le ministère de l’éducation l’avait fait construire pour les enfants «aux besoins spécifiques» mais il n’y avait que cinq enfants dans ce cas à Yerou’ham et ils étaient emmenés chaque matin en bus dans la ville voisine de Dimona. Donc ce bâtiment ne servait à rien !

- Donnez-moi ce bâtiment, proposai-je. Le Rabbi de Loubavitch m’a conseillé d’ouvrir une université et ce bâtiment conviendrait parfaitement !

- Prenez-le ! s’écria-t-il ! De grâce, prenez-le !

Deux jours plus tard, un groupe de Juifs de Montréal arriva en ville et le maire me demanda d’assurer l’interprétariat. J’acceptai bien sûr et j’informai ce groupe de ce que le Rabbi m’avait demandé de faire. Ils répondirent avec enthousiasme que c’était une excellente idée et s’engagèrent à me procurer les fonds nécessaires !

J’avais donc le bâtiment et l’argent. J’avais encore besoin d’accréditation et de professeurs. Je téléphonai à mon ami Touvia Bar Ilan de l’Université Bar Ilan qui fut plus qu’heureux d’ouvrir une nouvelle branche de son établissement dans le Néguev : «Nous avons déjà des succursales à l’est, à l’ouest et au nord et il nous manquait justement le sud !» remarqua-t-il en souriant et en faisant allusion au célèbre verset : «Tu t’étendras à l’ouest, à l’est, au nord et au sud» ! Il promit de m’envoyer professeurs, étudiants et papiers officiels.

Normalement, il faut des années pour établir une université mais tout ceci arriva en six jours ! Quelques mois plus tard, l’université ouvrait ses portes à quatre cents étudiants !

Tout ceci ne put se produire que par la bénédiction du Rabbi et son imagination sans limite. Il était capable d’effectuer le lien entre des éléments complètement déconnectés les uns des autres. Dans mon cas, il avait lié l’éducation avec les questions économiques et sociales et résolu le problème d’une ville de développement !

Il avait eu l’idée de fonder une université dans un endroit auquel personne d’autre ne pensait mais il avait considéré tous les angles, l’image qui en ressortirait et comment cela transformerait une région entière !

Maintenant Yerou’ham est devenue une ville magnifique. Mon fils et sa famille y habitent et ils aiment cette ville qui est un vrai bijou dans le Néguev. Tout ceci grâce au Rabbi qui avait vu si loin !

Mel Alexenberg – JEM

Traduit par Feiga Lubecki

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