L’histoire commence avec un Farbrenguen – une réunion ‘hassidique en France à Paris, peu avant la Seconde Guerre Mondiale. Le gendre de Rabbi Yossef Its’hak – Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson qui allait lui succéder en 1951 – assistait à ce Farbrenguen. Il en fut d’ailleurs le principal orateur mais d’autres ‘Hassidim parlèrent.
L’un d’entre eux raconta une expérience miraculeuse qui lui était arrivée deux ans plus tôt.
Après avoir échappé à une sentence de mort en Union Soviétique, Rabbi Yossef Its’hak avait dû quitter ce pays et s’était installé en Pologne avec de nombreux ‘Hassidim. Mais par la suite, le Rabbi les encouragea à quitter la Pologne et à s’installer dans d’autres pays ; ainsi celui qui racontait maintenant son histoire faisait partie d’un groupe de cinq ‘Hassidim auxquels le Rabbi avait demandé de se rendre en France.
Mais à l’époque, ce n’était pas si simple : il fallait passer plusieurs frontières, en particulier la terrifiante frontière de l’Allemagne nazie. De plus, l’un de ces ‘Hassidim n’avait pas de passeport valide et n’avait pas le temps d’en faire établir un autre : le Rabbi leur avait demandé de partir immédiatement ! 
Dans les trains, l’homme sans passeport s’étendait sur la couchette et les quatre autres s’asseyaient sur lui, en le couvrant de leurs longs manteaux pour lui éviter les contrôles. Ils réussirent ainsi à franchir plusieurs frontières. Mais le contrôle allemand était réputé pour être impitoyable, surtout pour les Juifs ; et pour un Juif qui n’avait pas de passeport, c’était presque un suicide.
Ils établirent toutes sortes de plans mais, alors qu’ils approchaient de la frontière, ils entendirent des discussions animées et des cris de l’intérieur du poste de garnison, puis un coup de feu suivi d’un gémissement. Enfin le silence. Les voyageurs tentèrent de paraître aussi sereins que possible mais, de fait, tremblaient intérieurement. S’ils n’avaient pas eu une confiance parfaite dans les paroles de leur Rabbi, ils seraient immédiatement retournés en Pologne.
Mais à leur grande surprise, quand le premier ‘Hassid se présenta au guichet, l’officier lui prit le passeport des mains et le tamponna sans même le feuilleter. Il en fut de même pour le second. Puis il se mit à répondre au téléphone et tamponna distraitement les trois passeports sans vérifier leur validité.
Mais leurs problèmes étaient loin d’être terminés. L’endroit était truffé de chiens, de policiers et de soldats cruels, tatillons et soupçonneux, qui scrutaient tout ce qui bougeait : c’était sans doute de là que provenait le coup de feu. Etrangement, aucun policier ne fit attention aux cinq voyageurs, comme s’ils étaient devenus invisibles ! Ceux-ci se hâtèrent vers la sortie, hélèrent un taxi et quittèrent le poste de police sans s’être faits remarquer !
Une heure plus tard, ils trouvèrent un bureau de poste et envoyèrent un télégramme à leur Rabbi : ils étaient libres ! C’était un miracle incroyable !
Le gendre du Rabbi avait écouté attentivement ce récit. Puis il demanda au ‘Hassid la date et l’heure exacte de l’incident et, quand il entendit ces détails, il sourit : «Maintenant je comprends quelque chose qui représentait pour moi un mystère il y a deux ans : le Rabbi mon beau-père recevait chaque jour la visite d’une infirmière qui lui faisait une piqûre car il était sorti presque paralysé de son incarcération et des tortures subies dans les prisons soviétiques.
Un jour, l’infirmière était entrée et avait été saisie de panique : le Rabbi était assis de façon rigide, les yeux à demi ouverts ; il était complètement insensible à ce qui se passait autour de lui. Persuadée qu’il subissait une attaque cérébrale, elle appela immédiatement l’épouse du Rabbi. En entrant, celle-ci se mit à pleurer mais, avant d’appeler un médecin, elle me fit appeler. 
Quand j’entrai, je fus également angoissé à première vue mais je remarquai quelque chose qui me fit réaliser qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter : c’était presque imperceptible mais les lèvres du Rabbi bougeaient : il était en train de parler ou de prier !
Je me suis penché, je l’ai écouté puis je me suis redressé, rassuré : il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, annonçai-je. De fait le Rabbi récitait «Le Cantique de la Mer» : «Alors Moché (Moïse) chanta…», le cantique que les Juifs entonnèrent après avoir traversé la Mer des Joncs et avoir été définitivement débarrassés de leurs cruels oppresseurs égyptiens.
Au bout de dix minutes, le Rabbi ouvrit les yeux et retrouva son état normal. 
Je n’avais jamais demandé au Rabbi d’explication sur cet incident mais maintenant je l’ai obtenue. C’était exactement le moment où se passait votre miracle ! Le Rabbi était en train de vous faire passer à travers l’inspection des officiers nazis tout comme Moché avait fait passer les Juifs à travers la Mer des Joncs ! Telle est la mission d’un Rabbi : aider des Juifs à gagner leur liberté !

Le 12 Tamouz – cette année le jeudi 6 juillet – marque l’anniversaire du précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Iits’hak Schneersohn ; le 13 Tamouz marque sa sortie des prisons soviétiques en 1927.

L’Chaim n°1125
traduit par Feiga Lubecki

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