Un jour, d’éminents érudits de Mézibotz rendirent visite au Baal Chem Tov, dans sa Souccah.
Après avoir examiné scrupuleusement la structure de la Souccah, ils la déclarèrent invalide.
Le Baal Chem Tov leur apporta des preuves diverses émanant de sources traditionnelles pour démontrer que sa Souccah remplissait les conditions requises par la Torah. Les débats durèrent longtemps, le Baal Chem Tov prouvait maintenant la validité de sa Souccah, les érudits, quant à eux, restant sur leur position.
Finalement, le Baal Chem Tov ouvrit sa main. Il y tenait un petit morceau de parchemin. Les érudits prirent le parchemin et découvrirent qu’il s’agissait d’un petit mot venant du ciel. «La Souccah de Reb Israël [Baal Chem Tov] est cachère», purent-ils lire. La note était signée par l’Archange Mattatron, gardien des «sphères intérieures».
En 1967, à Souccot, le Rabbi raconta ce récit extraordinaire et posa une question évidente : il est vrai que l’histoire démontre la force spirituelle unique du Baal Chem Tov, c'est-à-dire son aptitude à tirer des ficelles célestes pour prouver qu’il avait raison, mais nous nous demandons comment ce dirigeant juif si saint a pu construire une Souccah qui puisse susciter des interrogations.
Le Rabbi expliqua alors que ce qui avait motivé le Baal Chem Tov pour ériger sa Souccah d’une telle façon, répondant aux critères minimum des exigences de la Torah, était le désir de trouver du mérite au plus grand nombre. Conscient que de très nombreux Juifs ignoraient comment construire correctement leur Souccah, il avait construit la sienne selon les exigences les plus souples pour rendre adéquate toute Souccah qui présenterait le même genre de problème et pouvoir ainsi déclarer que la pratique de Juifs plus ignorants restait dans le cadre de l’observance juive.
La morale de cette histoire concerne moins le statut d’une Souccah que le rôle d’un dirigeant juif. Le Baal Chem Tov essayait d’enseigner aux érudits de Mézibotz qu’un véritable dirigeant juif a le devoir d’être prêt à faire non seulement des sacrifices matériels mais aussi des sacrifices spirituels pour son peuple. Il doit être prêt à faire des compromis par rapport à ses critères spirituels pour relever ceux dont il a la charge. C’est cette qualité de sacrifice de soi qui a toujours défini les dirigeants juifs, tout au long de notre histoire.

Zimri
C’est l’un des épisodes de notre histoire les plus horribles.
Israël s’installa à Chittim et le peuple commença à se prostituer avec les filles des Moabites. Elles invitèrent le peuple aux sacrifices pour leurs dieux et le peuple mangea et se prosterna devant leurs dieux. Israël s’attacha à Baal Péor, et la colère de l’Eternel s’embrasa contre Israël.
L’Eternel dit à Moché : «Prends tous les dirigeants du peuple et amène-les devant l’Eternel, face au soleil et alors la colère enflammée de l’Eternel partira d’Israël». Moché dit aux Juges d’Israël : «Chacun de vous devra tuer les hommes qui se sont attachés à Baal Péor».
« Et un homme israélite vint et amena la femme midianite à ses frères, devant les yeux de Moché et devant les yeux de l’entière congrégation des Enfants d’Israël, alors qu’ils pleuraient devant l’entrée de la tente d’Assignation. »
« Pin’has, le fils d’Elazar, fils d’Aharon le Cohen, vit cela, se leva de la congrégation et prit un glaive entre ses mains. Il suivit l’homme israélite dans la chambre et il le planta [à travers] tous les deux (l’homme israélite et la femme), à travers son estomac, et la plaie cessa de s’abattre sur les enfants d’Israël. Ceux qui étaient morts dans la plaie furent au nombre de vint-quatre mille. »
Pour comprendre le fond de cette sombre histoire, quelques observations sont nécessaires.
Tout d’abord, un verset ultérieur met un nom et un visage à cet anonyme «homme israélite» qui afficha sa compagne midianite «devant les yeux de Moché et devant les yeux de l’entière congrégation». Son nom était Zimri fils de Salou et il n’était pas un vulgaire pécheur mais un prince d’Israël, le dirigeant de la tribu de Chimone.
Il est aussi intéressant de relever le récit de la confrontation publique entre Zimri et Moché, telle qu’elle est rappelée dans le Talmud.
Zimri attrapa Kozbi [la Midianite] par ses cheveux nattés et l’amena à Moché : «Fils d’Amram, cette femme m’est-elle interdite ou permise ? Et si tu dis qu’elle est interdite, qui t’a permis, à toi, la fille de Yitro [qui est également une femme midianite] ? A ce moment-là, la loi qui préconise que celui qui a du zèle peut tuer celui qui cohabite avec une idolâtre échappa à Moché, et tout le peuple pleura bruyamment ; et c’est là le sens de ce qui est écrit : «Et ils pleuraient à l’entrée de la Tente d’Assignation».
Il n’y a rien de terriblement inhabituel dans la première partie de cette malheureuse histoire de promiscuité, d’idolâtrie, de colère Divine et de punition. Nous avons déjà rencontré ces thèmes, dans la Bible, à une ou deux occasions. Ce n’est qu’au milieu du récit que les faits prennent une nouvelle tournure.
Le comportement de Zimri est sans précédent. Jamais un prince d’Israël ne s’est comporté de façon pécheresse, défendant publiquement le mariage mixte et par extension la destruction de la cellule familiale juive !
Cette profanation spectaculaire du Nom de D.ieu et de Sa loi, et l’attaque personnelle contre l’intégrité religieuse de Moché, tout particulièrement perpétuée par un serviteur public et un modèle, est choquante et demande à être expliquée. Le moment d’amnésie peu habituel de Moché ne fait qu’intensifier le sens mystérieux qui domine ce drame.

Un pécheur bien intentionné
La clé pour comprendre les actions de Zimri réside dans le récit talmudique des événements qui ont conduit à la confrontation entre Moché et Zimri.
Quand des membres de la tribu de Chimone virent que la punition capitale s’abattait sur ceux de leur tribu qui s’étaient adonnés au culte idolâtre de Baal Péor, ils se rendirent chez Zimri, fils de Salou: «Ils prononcent la peine capitale contre des membres de notre tribu et toi, notre chef, tu restes assis et silencieux !» Que fit alors Zimri ? Il se leva, rassembla vingt-quatre mille Israélites et ils se rendirent chez Kozbi, une femme midianite. Il lui dit : «Cohabite avec moi…»
Le comportement odieux et sacrilège de Zimri n’était pas motivé par le goût du lucre ou de la rébellion mais par son profond engagement à l’égard du peuple qu’il représentait. Il décida de démontrer que même un homme honorable comme lui, choisi par D.ieu pour être un prince d’Israël, n’était pas insensible au plaisir charnel et à la séduction. S’il pouvait succomber à la tentation, les membres de sa tribu, plus matérialistes, ne devraient-ils pas être traités moins sévèrement et ne pas subir la peine capitale ? Bien plus encore, le serviteur privilégié de D.ieu, Moché lui-même, n’avait-il pas épousé l’une de ces femmes «interdites» ?
Cette lecture du Talmud, plus bienveillante à l’égard de Zimri, n’est pas une tentative pour le blanchir mais émerge du récit de la Torah elle-même. Un regard plus attentif au moment de l’escapade de Zimri révèle qu’il fut lent à imiter les siens. Ce n’est qu’après que D.ieu les eut condamnés qu’il s’approcha de Kozbi. Il n’était pas possible que sa passion l’ait dévoré après qu’il fut au courant de la sentence de peine de mort encourue ?
C’est par cette confrontation publique déshonorante et infamante avec Moché que Zimri vint représenter l’idéal du dirigeant juif qui veut sacrifier son bien-être personnel et son statut spirituel jusqu’à commettre ici une faute, pour protéger son peuple.
Ce sont les profondeurs de cette image et de cet héritage dépravés qui mettent en lumière la force de son engagement à l’égard du peuple qu’il aime.

En quoi cela me concerne-t-il ?
Nous vivons une période d’ignorance et d’indifférence croissantes de la jeunesse à l’égard de son héritage. Il est facile de considérer comme acquis nos connaissances et notre héritage et d’ignorer l’éloignement et le désintéressement qui gagnent la communauté.
De Zimri, nous devons apprendre à sacrifier quelques-uns de nos luxes spirituels, l’attention portée exclusivement à notre propre développement spirituel et nous tourner vers ceux, dans notre peuple, qui ont besoin de notre aide.
Même si nous ne sommes pas très savants, nous connaissons tous au moins une personne qui l’est encore moins.

Et encore plus, pour moi
Le grand érudit, Rabbi Akiva Eiger, invita chez lui, un vendredi soir, un homme pauvre. Au repas, une belle nappe blanche couvrait la table du Chabbat. Quand le pauvre leva son verre de vin, il le laissa échapper et le liquide rouge se répandit sur la nappe blanche lumineuse, laissant une laide tache. A la vue de la gêne de l’homme, Rabbi Eiger leva immédiatement son propre verre et en répandit également et «accidentellement» son contenu sur la nappe. Quand le pauvre homme contempla la scène, avec soulagement, Rabbi Eiger remarqua : «On dirait que la table ou le sol tremble, non ?»
Le véritable sacrifice implique que l’on soit prêt à renoncer à ce qui nous est le plus précieux et pour beaucoup d’entre nous, c’est notre image et notre réputation qui comptent le plus.
Il est naturel de faire en sorte que les gens se sentent à l’aise et de les aider à se sortir de situations humiliantes ou désagréables. Il est moins naturel de le faire aux dépens de notre apparence. Nous aimons nous sentir magnanimes et agir de la sorte et être généreux avec ceux qui ont moins de chance que nous. Mais nous n’aimons pas le faire si nous pouvons paraître être l’un d’entre eux.
De Zimri, nous pouvons apprendre à ne pas craindre de paraître être un perdant car c’est cela qui fait un véritable gagnant.

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