Samedi, 14 février 2015

  • Michpatim
Editorial

 Histoire d’héroïnes

Cette semaine, c’est une histoire d’héroïnes qui nous est contée. Elle nous parle de femmes juives qui, par centaines, ont choisi de donner à leur vie un but et un sens plutôt que la facilité d’un certain confort matériel et moral. Elles portent un titre flamboyant : les «Chlou’hot». Ce sont les déléguées loubavitch partout dans le monde et elles se réunissent en congrès, cette semaine, à New York. C’est bien d’héroïnes qu’il s’agit et elles sont, pour toutes et tous, un exemple. Elles font plus qu’ouvrir une voie, elles l’éclairent. Imaginons-les un instant. Elles sont de dignes épouses, des mères attentives, des maîtresses de maison accomplies mais aussi des professeurs, des directrices, des animatrices, des chargées de cours pour d’autres femmes juives et peut-être surtout des inspiratrices pour celles qu’elles côtoient. Elles sont, au plein sens du terme, des Chlou’hot et, au côté de leur mari, partout où sont installées des communautés juives, elles ont entrepris de changer le monde. Dans les grandes villes de la planète comme dans les régions reculées, là où le judaïsme est présent de longue date comme dans les pays où il déclenche la curiosité des passants, leur entreprise est en marche. A ce titre seul, leur congrès est un événement.

Traditionnellement fixé par ses organisatrices à proximité du 22 Chevat, jour-anniversaire du décès de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson, la femme du Rabbi de Loubavitch, ce congrès est porteur du message lié à cette date. On sait que la Rabbanit eut à cœur de se préoccuper constamment de la vie de ces jeunes couples qui, loin de toute structure communautaire, choisissent de bâtir un nouvel avenir pour le peuple juif où qu’il se trouve : les délégués du Rabbi. La Rabbanit elle-même connut cette vie de don de soi. Elle sut être le soutien de son père, le précédent Rabbi de Loubavitch, puis de son mari. Les Chlou’hot sont les continuatrices de son œuvre.

Peut-être est-ce justement là que se trouve leur secret. Lorsqu’on s’interroge où de jeunes femmes peuvent trouver une telle force d’âme, quand on se demande comment elles peuvent concilier des nécessités aussi difficilement compatibles que le souci constant du foyer et l’action communautaire incessante, c’est le nom de la Rabbanit qui vient spontanément en tête. Décidément tout est possible à qui veut prendre sa part de la tâche éternelle du peuple juif. Tout est possible à celui qui, prenant force et appui dans les enseignements du Rabbi, choisit de leur donner expression concrète. Tout est possible ? Le congrès des Chlou’hot en est l’affirmation et la preuve.

Etincelles de Machiah

 « Splendeur et magnificence »

A propos du verset (Psaumes 21:6) «Tu lui as prodigué splendeur et magnificence», le Alchei’h explique que le monde a été créé avec «splendeur et magnificence» comme il est écrit (Psaumes 104:1) : «Tu t’es vêtu de splendeur et de magnificence.» Mais cela disparut après la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et, quand le Machia’h viendra, «la splendeur et la magnificence» reviendront.

Il faut ajouter : «la splendeur» représente l’essence de la Lumière Divine, «la magnificence» représente sa révélation.

D’après Or Hatorah Na’h II p.971

Vivre avec la Paracha

 Qu’est-ce que les «quatre Parachiot» ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une «Paracha» supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.

• La première s’appelle « Chekalim ». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 – 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat Michpatim 14 février 2015). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :

- un pour la Paracha de la Semaine : Michpatim (sept montées).

- un pour la Paracha Chekalim, un appelé qui lira aussi la Haftara tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12. 1 pour les Achkenazim à 12. 17).

• La seconde s’appelle Za’hor et rappelle la nécessité de se souvenir d’Amalek. Elle est lue le Chabbat précédant Pourim, cette année Chabbat Tetsavé, le 28 février 2015. La Haftara relate le combat du roi Chaoul contre Amalek (Samuel I – 15. 1 à 34).

• La troisième s’appelle Para et rappelle la nécessité de se purifier avant la fête de Pessa’h. Elle est lue Chabbat Vayakel-Pekoudé, 14 mars 2015. La Haftara rappelle la pureté du Temple (Ezékiel 36. 16 à 38).

• La quatrième s’appelle Ha’hodech et rappelle l’importance du mois de Nissan et le sacrifice pascal. Elle est lue le Chabbat Vayikra Roch Hodech Nissan, le 21 mars 2015. On sortira donc ce Chabbat 3 rouleaux de la Torah :

- Un pour la Paracha Vayikra 

- Un pour la Paracha de Roch Hodech (Bamidbar - Nombres 28. 9 à 15)

- Un pour la lecture Ha’hodech (Chemot - Exode 12. 1 à 20).

Le Coin de la Halacha

 Michpatim

La fin de la Paracha de cette semaine évoque l’acceptation de la Torah par les Juifs. La Paracha de la semaine dernière (Yitro) relatait également le Don de la Torah. Pourquoi donc cette répétition ?

Il existe cependant deux dimensions aux événements du Sinaï : la perspective de D.ieu et la nôtre. La Paracha Yitro raconte qu’Il donna la Torah, permettant ainsi à l’homme de se lier à Lui, selon Ses normes. Jusqu’à ce que la Torah soit donnée, un abîme infranchissable séparait l’homme de D.ieu. Car aucun canal ne permettait la relation entre un homme fini et D.ieu. Par le Don de la Torah, D.ieu entra en contact avec l’homme et lui donna l’opportunité de se lier à Lui dans Ses termes à Lui.

La Paracha Michpatim met l’accent sur la réponse de l’homme à l’initiative de D.ieu. Jusqu’à quel point désirons-nous nous engager pour Lui ?

Certains sont préparés à accomplir la volonté Divine quand cela a du sens. S’ils apprécient un certain commandement, se sentent attirés par lui, ils l’observent. Mais si, toutefois, ils ne le comprennent pas, ils passent outre.

Qu’y a-t-il de répréhensible à une telle approche ? Ces personnes ne sont pas condamnables pour ce qu’elles sont. Mais si cette décision de respecter ou de ne pas respecter un commandement s’appuie sur la logique ou sur les désirs, il ne peut, en aucun cas, s’agir d’un engagement pour D.ieu. Ici, il est essentiellement question de se servir soi-même, d’être son propre homme et non celui de D.ieu.

Cela va encore plus loin. Même si ces personnes ne commettent pas une telle erreur et sont capables d’une conduite exemplaire, quelque chose manque encore. Le mot mitsva partage la même racine sémantique que le mot tsavta qui signifie «attachement». Quand un homme accomplit une mitsva pour la seule raison qu’il est motivé par la sagesse humaine, son observance manque de cette conscience fondamentale du lien qu’établit la mitsva.

Au Sinaï, les Juifs acceptèrent la Torah en s’écriant : naassé venichma, «nous ferons et puis nous entendrons», exprimant leur engagement d’accomplir la volonté de D.ieu avant même d’entendre, et à plus forte raison de comprendre, ce qu’Il ordonnerait. En se comportant ainsi, ils adoptèrent une norme objective du bien et du mal, car ce seraient les directives de la Torah, et non leurs sentiments personnels, qui détermineraient leurs valeurs.

Mais plus que cela : donner un tel «chèque en blanc» spirituel est la réponse la plus appropriée à l’initiative de D.ieu. Cela implique que tout comme Il est sans restrictions et sans limites, nous sommes prêts à nous ouvrir à Lui de façon illimitée. La Torah peut ainsi permettre un lien total avec Lui, nous attachant non seulement dans les dimensions Divines que nous pouvons comprendre mais même dans Ses aspects infinis qui défient tout entendement humain.

Les perspectives

Quand il décrit l’Ere de la Rédemption, Maïmonide souligne qu’aux « jours (de Machia’h), tous les statuts seront rétablis comme aux époques précédentes… C’est là le point essentiel : cette Torah, avec ses statuts et ses lois, est éternelle». Maïmonide nous apporte visiblement un enseignement sur l’Ere de la Rédemption : c’est que le Don de la Torah ne sera pas réitéré. Il n’y aura pas de nouvelle alliance.

Cependant, il nous enseigne également quelque chose sur la Torah.

En soulignant que Machia’h n’introduira pas, pour les hommes, une Vérité nouvelle, il met l’accent sur notre conscience de ce qu’est la Torah. Nous n’aurons pas besoin d’une vérité plus universelle ou plus profonde, à l’Ere Messianique, car ce n’est pas une option. La Torah est la parfaite Vérité de D.ieu. Elle ne peut être ni agrandie ni améliorée.

Cette Vérité embrasera alors toute l’humanité et cela donnera l’envol à l’environnement de paix, de prospérité et de connaissance qui caractérisera cet âge.

Cela nous conduit encore plus loin. Si l’élan essentiel de l’Ere de la Rédemption est que «cette Torah, avec ses statuts et ses lois est éternelle», en faisant de la Torah la centralité de notre vie, nous pouvons précipiter et, en fait, réellement créer, l’état d’esprit qui prévaudra alors. Cela aura pour conséquence d’élargir les frontières touchées par cette approche, les étendant jusqu’à devenir le cadre de référence universel de l’homme.

Le Recit de la Semaine

 Le long voyage des plaques à imprimer

Reb Fishel Katz est un ‘Hassid très connu dans le négoce du diamant ; il a souvent profité de ses nombreux voyages autour du monde pour répandre la lumière du judaïsme et, entre autres, a fait imprimer le Tanya (l’œuvre maitresse de la ‘hassidout ‘Habad) dans divers pays comme la Chine et le Zimbabwe et d’autres endroits où ne se trouvait encore aucun autre Loubavitch à l’époque.

Un jour il me téléphona pour m’annoncer qu’il voulait faire imprimer un Tanya en Afrique. Il ajouta qu’il en avait parlé au Rabbi qui lui avait donné sa bénédiction et avait ajouté : « Il peut l’imprimer là où il va mais à la condition qu’il prenne tout d’ici ! ».

- Alors en quoi cela me concerne-t-il ? demandai-je.

- Donnez-moi s’il vous plaît les plaques et tout ce qui est nécessaire pour une édition parfaite !

Je compris exactement de quoi il s’agissait : j’avais investi considérablement de temps, d’énergie et d’argent pour produire un équipement de qualité permettant d’imprimer le Tanya de la manière la plus claire et précise possible. Cet équipement appartenait de fait à un imprimeur du New Jersey avec qui nous entretenions des relations d’affaires régulières.

- Je voudrais bien vous aider mais comprenez qu’il m’est absolument impossible de vous confier ces objets non seulement extrêmement précieux mais qui, de plus, ne m’appartiennent pas !

- C’est le Rabbi qui m’a demandé de tout prendre d’ici ! répliqua tranquillement Reb Katz, peu sensible à mes arguments.

A ceci je ne pouvais rien objecter. Je préférai néanmoins m’assurer de la vérité de son argument auprès du secrétariat du Rabbi : effectivement, je n’avais plus qu’à m’incliner. Je téléphonai à un habitant de Crown Heights qui travaillait dans le New Jersey et lui demandai de rapporter l’équipement de l’imprimerie.

Entretemps, je reçus un appel de Reb Katz qui avait changé ses plans et ne partirait plus de l’aéroport JFK (où nous avions prévu de nous retrouver) et qui, toujours aussi calmement, m’annonça qu’il ferait escale à Francfort en Allemagne : je n’avais qu’à me rendre à JFK, parler avec une hôtesse ou un pilote de la compagnie Lufthansa se rendant à Francfort : elle (ou il) prendrait l’équipement et Reb Katz le récupérerait là-bas !

- Reb Fishel ! Vous rendez-vous compte ? Il s’agit de quelque chose de volumineux, ce n’est pas un simple sac de voyage !

- Ne vous inquiétez pas, répondit-il toujours imperturbable : ils ont plein de place dans le cockpit !

- Vous êtes fou ! m’écriai-je en m’arrachant presque les cheveux.

- Pas du tout ! C’est ainsi que j’agis à chaque fois pour mes diamants…

A ma grande surprise, tout se passa comme il l’avait prévu, l’équipement se retrouva dans la cabine de pilotage d’un avion en route pour Francfort. Mon soulagement fut de courte durée car Reb Fishel me contacta pour la centième fois :

- Ne me demandez pas ce qui est arrivé mais j’ai atterri à Munich et non à Francfort !

- Mais… Tout l’équipement du Tanya est arrivé à Francfort, les femmes de ménage vont le jeter à la poubelle !

- Pas du tout ! Tout se trouve déjà dans un comptoir de l’aéroport de Francfort !

- Reb Fishel ! Savez-vous combien j’ai investi dans ces plaques ? Il n’en existe pas d’autres aussi parfaites ! Je vous en supplie ! Le Rabbi vous a dit de tout prendre d’ici mais il ne vous a pas demandé de les laisser traîner dans un aéroport allemand !

- Ne vous inquiétez pas ! Je gère ! répondit Reb Fishel de sa voix inimitable et si calme.

Il contacta les bureaux de la Lufthansa où on le connaissait bien ; il fit transiter l’équipement vers l’Afrique du sud où son beau-frère, Chalia’h (émissaire) du Rabbi devait le récupérer.

Au bout de deux jours d’angoisse (pour moi), je reçus enfin un coup de téléphone m’assurant que tout l’équipement se trouvait en sécurité dans le Beth ‘Habad de Johannesburg et l’impression du Tanya commencerait dès qu’arriverait Reb Fishel.

Mais Reb Fishel avait un emploi du temps décidément très chargé et il annula son voyage – non sans s’être assuré que les plaques étaient en sécurité.

Les mois puis les années passèrent, les plaques se couvrirent de poussière dans la cave du Beth ‘Habad de Johannesburg. Je compris que je ne les récupérerai pas rapidement et, la mort dans l’âme, je commençai à en préparer d’autres.

Une nuit, à trois heures du matin, je reçus un coup de téléphone d’un Juif de Pretoria (capitale de l’Afrique du sud). Il se présenta comme un Loubavitch parlant au nom d’une dame de sa communauté qui attendait un bébé. Les médecins avaient diagnostiqué que le fœtus n’était plus vivant et causerait un empoisonnement du sang de la mère. Ils recommandaient donc une interruption immédiate de la grossesse. La famille affolée avait téléphoné au Rabbi qui avait répondu : « Il faut immédiatement commencer l’impression du Tanya dans leur ville ! ». Comme cet homme savait que j’étais impliqué dans l’impression du Tanya, il me demandait par où commencer. La réponse du Rabbi n’était pas habituelle et soudain, je me souvins ! Je lui donnai l’adresse du Beth ‘Habad de Johannesburg : il lui suffisait de transmettre ces fameuses plaques à un imprimeur et la moitié du travail était déjà fait ! L’homme me remercia ; vu l’urgence de la situation, je ne lui avais même pas demandé son nom !

En 1996, une de mes élèves de Machon Hanna se maria. Elle était originaire d’Afrique du sud ; ses parents étaient très riches et elle insista pour que je vienne à son mariage, prépara même pour moi une série d’endroits où je donnerai des conférences. Je ne pouvais pas refuser !

Un des repas des Cheva Bra’hot eut lieu à Pretoria et je parlai le vendredi soir devant 300 personnes dans une synagogue. Après mon discours, les gens vinrent me serrer la main, me poser des questions… Une dame me présenta son fils, un solide gaillard : « Rav Jacobson ! Voici le garçon qui est né grâce à l’impression du Tanya ! ».

J’étais terrassé par l’émotion.

Elle me raconta que, conformément à la directive du Rabbi, ils avaient fait imprimer le Tanya et tout s’était déroulé de façon totalement miraculeuse. Les médecins avaient cru devenir fous ; le fœtus qu’ils croyaient mort et attaquant la santé de la mère naquit à terme et en parfaite santé !

Grâce aux plaques du Tanya ! Grâce à la bénédiction du Rabbi !

Rav Sholom Jacobson

Traduit par Feiga Lubecki