Semaine 13

  • Tsav
Editorial
Face aux barbares

Dans cette période du calendrier rituel, le sujet de l’éditorial devait s’imposer de lui-même. Il fallait évidemment parler du « temps de notre liberté », se préparer aux grands événements spirituels si proches à présent, au rendez-vous de la fête de Pessa’h. Et puis, voici que l’horreur et la barbarie sont venues bousculer ce rassurant programme. Voici qu’en France, à notre époque, la violence a pris pour cible des enfants juifs qui allaient à l’école. Voici qu’une famille juive est brutalement plongée dans le deuil. Bien sûr, cette idée n’est pas supportable et, comme toujours, les condamnations, venues de toutes parts, se sont succédées. Mais une phrase du texte de la Haggada fait immanquablement son chemin dans nos consciences. Elle murmure : «C’est dans chaque génération qu’ils se dressent pour nous exterminer et D.ieu nous sauve de leurs mains.» Ces mots éternels nous touchent au cœur. Est-ce bien là le destin du peuple juif ? Comme tous les peuples du monde, ne pouvons-nous pas faire le choix de l’oubli et de la tranquillité ? Faut-il vraiment ne vivre que par une sorte de miracle sans cesse renouvelé ? Nous avons ainsi traversé les siècles, mais jusqu’à quand ?
Au fond de nous-mêmes, les réponses nous sont connues. Peut-être faut-il seulement les redécouvrir. La société dans son ensemble, en particulier aujourd’hui, produit une violence qu’il est chaque jour plus difficile de contenir. Les mots, les attitudes, les combats – même légitimes – traduisent une brutalité nouvelle. Les rapports sociaux ont pris ainsi un tour parfois inquiétant. Nous le savons, le temps annoncé par nos prophètes où «les hommes forgeront leurs armes en socs de charrue» et où «le loup habitera avec l’agneau» est celui du Messie qui apportera au monde son accomplissement ultime et établira la paix pour toujours. Avec la plus grande intensité, avec une sincérité sans faille, chacun demande à D.ieu de concrétiser enfin cette promesse, dès à présent. Mais il nous appartient d’agir.
Il faut d’abord envoyer au meurtrier – et, par lui, à tous les barbares en tous lieux – un message clair : la vie est toujours plus forte que la mort et la construction, plus puissante que la destruction. Par nos actes de tous les jours, par notre façon de nous conduire dans la cité, avec cœur, courage et amour, nous disons haut et fort que l’horreur a échoué. Par notre attachement à la Torah et à ses commandements, à tout ce qui fait la vie juive, nous proclamons que nous sommes du camp de l’espoir. Et que la Délivrance en sera, très bientôt, à la fois la conséquence et la manifestation.
Etincelles de Machiah
Une prière spontanée
Deux vieux ‘hassidim racontaient, un jour, ce qu’ils avaient eu l’occasion de voir chez les Rabbis qu’ils avaient connus. Un groupe s’était formé autour d’eux, buvant littéralement leurs paroles. Une longue discussion s’engagea alors et déboucha sur une question : comment serait le monde quand Machia’h viendrait ?
Un des vieux ‘hassidim entreprit d’y répondre : «Quand Machia’h viendra, un Juif se lèvera le matin pour se préparer à prier – et sa prière coulera spontanément. De même, pendant toute la journée, chaque instant sera utilisé pour l’étude de la Torah et le service de D.ieu. Et tout viendra naturellement, sans effort».
(d’après la tradition orale) H.N.
Vivre avec la Paracha
Tsav : Eteindre le «non»

Bien souvent, une infime transposition grammaticale peut nous enseigner une leçon extrêmement importante.
Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi transmit l’une de ces leçons, qu’il avait apprise auprès de son Maître, le saint Maggid de Mézéritch, basée sur un verset de notre Paracha: «un feu constant sera maintenu, brûlant sur l’autel ; il ne sera pas éteint.»
Apporter une offrande sur l’autel est insuffisant, enseigne le Maggid. Il nous faut allumer un feu sous cette offrande. Et ce feu éteindra le négatif. Lo Ti’hbé que l’on traduit littéralement par «il ne sera pas éteint» se lit, selon le Maggid : «éteindra (Ti’hbé) le «non (lo)», le négatif.
La Kabbale explique que chaque individu possède un autel microcosmique, à sa mesure, sur lequel il offre des sacrifices à D.ieu. Mais encore une fois, le sacrifice est insuffisant s’il ne s’accompagne pas d’un feu. La discipline et l’engagement à s’améliorer s’ils ne sont pas accompagnés d’amour, restent inertes. Ainsi la Torah nous conseille-t-elle de maintenir un feu constant, brûlant sous l’autel.
Ce feu est si puissant qu’il arrive à éradiquer tous les obstacles qui risquent de se mettre en travers. La passion connaît le moyen de dissoudre les problèmes. Si nous concentrons nos efforts sur l’amour que l’on porte à D.ieu, notre préoccupation exclusive sur les défauts de notre caractère et sur nos imperfections peut être moindre.
L’on raconte qu’un jour le vent et le soleil entrèrent en compétition pour savoir lequel réussirait à faire enlever sa veste à l’homme solitaire. Le vent souffla avec force mais l’homme agrippa sa veste avec encore plus de force. Le soleil commença alors à envoyer sa chaleur et tout naturellement, l’homme quitta sa veste.
Gardons un feu constant sous notre autel et Lo Ti’hbé, le négatif sera éteint. Cette lecture grammaticale essentielle fut rendue populaire par les Maîtres ‘hassidiques.
Il existe deux approches pour affronter nos démons intérieurs et nos dysfonctionnements. La première, et la plus naturelle, veut que l’on se batte, en pratiquant une autocritique sur nos insuffisances et nos erreurs et en les empêchant de réapparaître, par la peur. Mais parfois, cette attitude frontale peut agir à notre désavantage et la frustration que nous ressentons, parce que nous avons pratiqué cette démarche, risque d’aggraver nos déficiences.
La seconde approche consiste à susciter, d’abord et avant tout, une passion pour D.ieu et pour un développement spirituel. Quand une énergie pleine de passion jaillit, elle laisse moins de place à nos tendances dysfonctionnelles et l’on a moins besoin de s’en préoccuper.
Quand nous aimons la vie, nous avons moins de risques d’être affaiblis ou accablés par nos insuffisances. Quand nous aimons notre époux(se), nous avons plus d’indulgence pour ses défauts. Parfois, des mots d’affection peuvent être plus puissants, pour produire des changements, que le fait de passer au crible tous les problèmes d’une relation. Un adolescent dont l’impétuosité est dirigée vers de nobles poursuites sera moins enclin à briser les règles.

Lo Tichbé, le négatif s’éteint
La Maggid enseigna également à Rabbi Chnéor Zalman la réaction de D.ieu lorsque nous allumons nous-mêmes ce feu intérieur.
«L’action de l’homme est ‘un réveil d’en-bas’ qui engendre ‘un réveil d’En-Haut’. Notre feu et notre passion attirent le feu de D.ieu car la nature de l’esprit est que «l’esprit appelle l’esprit…’.»
Moché et Aharon connaissaient également ce secret. Ils avaient compris que, pour que D.ieu réside dans le Tabernacle, le peuple devait se purifier de l’impureté qui subsistait de la faute du veau d’or. Cependant, au lieu d’exiger plus de repentance et d’examen critique, Moché enseigna aux Juifs, pendant sept jours, comment intensifier leur dévotion passionnée à l’égard de D.ieu. Pendant sept jours, Moché érigea le Tabernacle et mit tout en place. Mais le feu de D.ieu, la manifestation de Sa Che’hinah (Sa présence) restait absente. Chaque jour, Moché allumait un feu sous l’autel, bâtissant l’intensité de l’amour collectif du peuple, pour qu’il puisse enfin accomplir ses merveilles et brûler tous les résidus de la faute, «éteindre le non». Et finalement, au huitième jour, leur amour était si profond que leur environnement fut complètement assaini et purifié. Un feu du ciel descendit alors sur l’autel : la présence de D.ieu reposait finalement en eux. Désormais, le Tabernacle serait éternellement saint.
Dans notre Tabernacle personnel, les choses se passent de la même façon. Nous pouvons ériger des murs et préparer des réceptacles. Mais nos défauts personnels peuvent sembler bloquer notre perception de la Présence Divine dans notre vie. La solution apportée par Moché consiste à intensifier le feu sous l’autel, le ranimer et renforcer notre amour pour D.ieu. La chaleur est l’agent purificateur le plus efficace et dissout naturellement toute l’énergie négative de notre environnement. Et D.ieu est intensément attiré par notre amour et l’accompagnera toujours de Son propre feu.
Ainsi, parfois, il s’agit de travailler plus intelligemment et non plus difficilement. Allumez votre feu, dit le Maggid et vos démons intérieurs pourront se consumer.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le compte du Omer ?

C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (samedi soir 7 avril 2012) jusqu’à la veille de Chavouot (samedi soir 26 mai 2012 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de «travaux» (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfarades respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (vendredi 11 mai 2012) ; les Achkenazes depuis le 1er Iyar (lundi 23 avril 2012) jusqu’au 3 Sivan au matin (jeudi 24 mai 2012) à part la journée de Lag Baomer (jeudi 10 mai 2012).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année vendredi matin 25 mai 2012).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa premier coupe de cheveux à Lag Baomer (jeudi 10 mai 2012) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (vendredi 25 mai 2012).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.

F. L.
De Recit de la Semaine
Savoir poser la question

En 1989, le monde juif orthodoxe était agité par de nombreuses controverses pour ne pas dire des disputes assez violentes qui s’exprimaient parfois par des paroles peu amènes. J’habitais alors à Re’hovot où je supervisais l’ensemble des Mikvaot (bains rituels) de la ville. Mes enfants fréquentaient l’école juive orthodoxe et étaient souvent la cible des remarques désagréables de leurs camarades qui se mêlaient de politique et se permettaient d’évoquer des sujets qu’ils ne maîtrisaient pas. La situation devenait intenable, de nombreux enfants quittèrent cette école qui n’avait pas su rester à l’abri des disputes et une école ‘hassidique fut créée par la suite.
En attendant, mon fils aîné Mena’hem rentra un jour à la maison en déclarant : «Si les enfants Loubavitch ne peuvent pas continuer à étudier dans mon école, c’est qu’elle ne me convient pas non plus !» Il exigea de changer d’école et, après mûre réflexion, nous avons décidé de l’inscrire à l’école des ‘Hassidim de Gour à Bné Brak. Notre Mena’hem s’avéra doté d’une volonté de fer : chaque jour, il se levait très tôt pour se rendre en bus jusqu’à Bné Brak et il en revenait particulièrement tard. Mais il était enfin heureux de pouvoir étudier dans une ambiance ‘hassidique.
Quelques mois plus tard, après les vacances, sa nouvelle classe changea d’horaire et notre arrangement devint impossible. Sa journée de classe commençait encore plus tôt et se terminait encore plus tard : nous avons sérieusement envisagé de déménager à Bné Brak. Le problème évidemment était que je travaillais à Re’hovot et que ma présence y était indispensable, du moins j’en étais persuadé.
Après de nombreuses discussions, nous avons décidé, mon épouse et moi-même, de poser la question à mon Rabbi, le «Lev Sim’ha», le regretté Rabbi de Gour : nous nous inclinerions devant sa décision. Mais, à cette époque, le Rabbi de Gour ne se portait pas très bien et ne recevait pas ses ‘Hassidim. Cependant, notre problème s’intensifiait et je décidai de tenter ma chance quoi qu’il arrive. Je me rendis à Jérusalem, dans la vieille synagogue qui lui servait de maison d’étude.
Quand j’y arrivai, il ne se trouvait dans le hall qu’une seule personne : un jeune fiancé qui tenait une bouteille de vin : selon la tradition dans les communautés de Gour, il espérait l’échanger contre une bouteille de vin que lui donnerait le Rabbi pour participer à la joie du mariage.
Soudain, le secrétaire du Rabbi, le regretté Rav ‘Hanania Schiff entra dans le hall et demanda si quelqu’un désirait être reçu par le Rabbi. Bien entendu, tous les deux nous avons profité de cette opportunité. Dès que j’arrivai en présence du Rabbi de Gour, je décrivis mon problème en hébreu, sachant que le secrétaire traduirait mes paroles en yiddish. Mais le Rabbi n’attendit pas la traduction et déclara d’une voix décidée : «Vous devez déménager ; vous devez déménager !» J’aurais voulu demander des détails quant à mon travail mais il me coupa : «Tout s’arrangera !» Et il fit signe à son secrétaire de me donner une poignée d’amandes et encore une autre.
Je rentrais chez moi, heureux. Après tout, il n’y a pas de joie plus grande que d’être délivré des doutes. J’annonçai à mon épouse la nouvelle : «Nous déménageons !» mais sa réaction me stupéfia : «Pas si vite ! Moi aussi, j’ai un Rabbi et je veux lui demander son avis !» Mon épouse – que son mérite nous protège – était devenue pratiquante grâce à Rav Tuvia Bolton et son épouse Ra’hel, de Kfar ‘Habad et elle avait gardé un lien très étroit avec le mouvement Loubavitch et le Rabbi. J’avais toujours respecté ses convictions et, chaque année, je la laissais partir passer Souccot à New York tandis que je restais pour garder les enfants… Mais cette fois-ci, je n’étais pas d’accord ! Nous avions convenu de demander l’avis du Rabbi de Gour ; de plus, il est connu qu’on ne demande pas l’avis de deux Rabbis ! Troisièmement, si le Rabbi de Loubavitch donnait un autre avis, que ferions-nous ? Pourquoi entrer dans des complications impossibles ? Nous avions déjà une réponse claire ! Mais j’acceptai… Elle s’assit pour écrire sa lettre sans évoquer le fait que nous avions déjà demandé l’opinion du Rabbi de Gour. Je trouvai le moyen d’envoyer la lettre par fax à New York et nous avons attendu, nerveusement.
Le téléphone sonna : c’était Rav ‘Haïm Chalom Segal, d’Afula. Il se présenta : il était le délégué chargé de transmettre les réponses du Rabbi de Loubavitch en Israël et voici la réponse à la lettre de mon épouse : «La question a été posée. Plein succès ! Je le mentionnerai sur le tombeau de mon beau père, le Rabbi précédent» !
- Je ne comprends pas ! Que veut dire : «La question a été posée ?» Que signifie cette réponse ? demandai-je à Rav Segal.
- Moi aussi j’ai demandé l’explication de cette réponse à Rav Groner, le secrétaire du Rabbi, précisa Rav Segal. Lui aussi n’a pas compris et il s’est engagé à reposer la question au Rabbi tout à l’heure.
Effectivement, Rav Groner avait reposé la question au Rabbi qui avait précisé alors : «Cette question a déjà été posée à un Tsadik !» et, puisque la question avait déjà été posée devant un autre Rabbi, le Rabbi de Loubavitch n’avait pas voulu se mêler mais avait néanmoins envoyé sa bénédiction pour que tout se passe le mieux possible !

Rav Uri Wolf – Kfar Chabad n°1453
traduit par Feiga Lubecki
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