Samedi, 23 mars 2019

  • Tsav
Editorial

 La délivrance de Pourim, et après ?

La fête de Pourim incarne une libération essentielle. Cela a été abondamment développé : c’est en ce jour que la menace qui pesait sur le peuple juif fut anéantie. Nous fêtons donc d’année en année une authentique délivrance. Pourtant, après le miracle et la victoire, comme le soulignent nos sages, « nous sommes encore les serviteurs d’Assuérus. » De fait, lorsque se concluent glorieusement les événements qui, en Perse, donnèrent naissance à Pourim, l’exil ne se termine pas. Les Juifs restent en Babylonie et le Temple gît toujours en ruine à Jérusalem, détruit par les armées de Nabuchodonosor. Il est pourtant clair que quelque chose a changé. Si la liberté n’est pas encore acquise – elle le sera concrètement quelque temps plus tard avec le retour des exilés en Israël et la construction du second Temple – son appel résonne déjà dans l’air du temps. Dans le calendrier rituel, l’idée est soulignée par le fait que la célébration de Pessa’h, archétype de toutes nos libérations, suit de près la fête de Pourim.

Il ne s’agit pas là d’un traditionnel optimisme juif qui voudrait que, tout à la joie des fêtes successives, nous ne regardions plus le monde qu’au travers de nos désirs de paix. Le changement entrepris est véritablement profond et entre en résonnance avec ce que nous vivons jour après jour. En effet, en un temps où des vociférations d’un autre âge se font encore entendre, en une époque où assumer ce que l’on est, sans concession ni arrogance, semble poser problème à certains, entendre monter le chant de la liberté peut demander effort. La tentation du renoncement peut alors surgir sans même que l’on en ait pris conscience au préalable. C’est justement alors que Pourim donne son plein enseignement. Certes, l’exil est encore matériellement sous nos yeux. Certes, le monde paraît bien puissant devant le «peuple dispersé parmi les autres peuples». Mais Pourim nous a montré le secret de la vie et de la victoire : être soi-même, ne jamais renoncer, ne jamais troquer la vérité de toujours contre l’illusion d’un temps.

Pour ces raisons, Pourim ne peut pas s’effacer de notre mémoire. Il est, d’une certaine façon, notre aventure quotidienne. La liberté est une conquête toujours recommencée. Il nous appartient de la maintenir, l’étendre et lui donner son fondement enfin éternel. Justement, c’est à présent vers Pessa’h que nous nous dirigeons, a-t-on dit. Pessa’h, comme la fin ultime de tout exil.

Etincelles de Machiah

 Tout est entre nos mains

Le Tanya (chap. 37) enseigne : « Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière Divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil ».

La période actuelle est celle des « talons de Machia’h », au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la « résidence de D.ieu ici-bas », alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18)

Vivre avec la Paracha

 Tsav

D.ieu instruit Moché de commander à Aharon et ses fils leurs devoirs et leurs droits en tant que Cohanim (« prêtres ») qui offrent les Korbanot (sacrifices animaux et alimentaires) dans le Sanctuaire.

Le feu sur l’autel doit brûler constamment. On y incinère entièrement les différents sacrifices animaux et alimentaires.

Les Cohanim consomment la viande de certains sacrifices animaux et ce qui reste de l’offrande alimentaire. L’offrande de paix est mangée par celui qui l’a apportée, à l’exception de parties spécifiques, données au Cohen. La viande sainte des offrandes doit être consommée par des personnes en état de pureté rituelle, dans l’endroit saint qui leur a été désigné et à un moment spécifique.

Aharon et ses fils restent dans l’antre du Sanctuaire pendant sept jours, au cours desquels Moché les initie à la prêtrise.

Ce Chabbat suit la fête de Pourim. Or, il s’y trouve des aspects qui ne semblent absolument pas associés à Pourim, comme la Paracha Tsav. Pourtant, nous allons donner la préséance à la fête de Pourim et ce, pour deux raisons.

Tout d’abord, le thème de Pourim constitue une ‘Hazakah, ce Chabbat. « Une ‘Hazaka se produit lorsque quelque chose a lieu à trois reprises » (Baba Metsia 106b). Cette semaine, nous avons eu le Jeûne de Pourim, Pourim et Chouchan Pourim (Pourim de Suze, le lendemain de Pourim). Ces trois jours ont créé une ‘Hazaka de Pourim pour ce Chabbat.

Par ailleurs, « ce qui est régulier (fréquent) a la priorité sur ce qui est plus rare » (Bera’hot 51b). Le Chabbat qui suit Pourim comporte toujours certains aspects de Pourim mais ne coïncide pas toujours avec la Paracha Tsav. C’est pourquoi, aujourd’hui, le thème de Pourim est « régulier » et doit avoir la préséance.

Tous les jours de la semaine ont une connexion avec Chabbat. Nous voyons dans le « chant du jour » de notre prière quotidienne que nous comptons les jours de la semaine en relation avec le Chabbat : « aujourd’hui est le premier jour du Chabbat (semaine)… »

Le Rambam élabore cette idée dans son commentaire sur le commandement : « Rappelle-toi le jour du Chabbat ». Le rappel ne s’effectue pas le jour lui-même mais les jours qui précèdent. C’est la raison pour laquelle nous nommons les jours de la semaine dans la séquence suivante : premier, deuxième, troisième jour, etc. jusqu’à Chabbat. C’est ainsi que nous nous souvenons constamment du Chabbat.

De la même façon, de nombreux aspects du Chabbat doivent être préparés à l’avance, durant les jours de la semaine précédente : les aliments, le nettoyage des vêtements, etc. Le fait que nous le préparions soigneusement exalte le jour du Chabbat. Durant les jours de la semaine, nous nous impliquons dans des activités destinées au Chabbat : le travail est accompli durant les six jours mais nous en goûtons les fruits le septième : le Chabbat. C’est ainsi que les entreprises de la semaine atteignent leur point culminant et leur perfection le Chabbat.

Quand des jours particuliers ont lieu au cours de la semaine, eux-aussi atteignent leur point culminant lors du Chabbat.

Pourim a la qualité de « Ad Délo Yada », « au-delà du savoir », au point qu’il atteint le niveau de Yom Kippour. Quand Pourim conduit à Chabbat, il atteint un niveau encore plus haut de perfection et en même temps a pour effet de sanctifier davantage encore le Chabbat car il a été précédé de préparatifs qui incluaient les saints jours de Pourim.

Ce Chabbat nous enseigne donc une leçon importante : malgré la sainteté de Pourim qui a eu lieu la semaine qui vient de s’écouler, au-delà du savoir et de l’intellect, nous pouvons encore atteindre de nouvelles hauteurs dans la perfection du Chabbat, même au-delà de « Ad Delo Yada ».

Cette année étant bissextile, ses qualités spécifiques s’expriment avec encore plus d’emphase durant la fête de Pourim qui tombe en Adar II, le mois supplémentaire qui fait en sorte que toute l’année est « complète ».

La leçon concrète en est la suivante : Pourim rappelle que les Juifs réaffirmèrent leur foi en D.ieu et ce, dans tous les aspects de la Torah et des Mitsvot. Et c’est bien ce que nous sommes appelés à faire aujourd’hui.

« Ces jours doivent être rappelés et célébrés » (littéralement : concrétisés ») Esther 9 :28

C’est pourquoi, il nous faut progresser dans tous les domaines de la pratique juive, de la Torah et des Mitsvot, en les affirmant et les accomplissant d’une manière qui dépasse tout ce que nous avons fait précédemment. Et après Pourim, nous devons à nouveau nous hisser au niveau supérieur que nous avons atteint lors de Chabbat. Cela doit également impliquer nos prochains et tout particulièrement, dans le domaine de la préparation pour Pessa’h, par l’étude et les dons pour les Maot ‘Hitim, la charité distribuée pour pourvoir aux besoins de tous, pour la fête.

Il faut également redoubler d’efforts dans la diffusion de la Torah et de la ‘Hassidout et nous aurons alors le mérite de vivre le « grand Chabbat », celui des temps messianiques, très bientôt et de nos jours.

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à Pourim (cette année mercredi soir 20 mars et jeudi 21 mars 2019) ?

Mercredi 20 mars, c’est le jeûne d’Esther qui débute à 5h20 (horaire de Paris) et s’achève à 19h42. Dans l’après-midi, avant la prière de Min’ha, on donne le Ma’hatsit Hachékel, trois pièces de 50 centimes à la Tsedaka ; on ajoute le passage « Anénou » dans la Amida.

Mercredi soir 20 mars, on écoute attentivement la lecture de la Méguila. On n’est pas quitte avec une lecture entendue partiellement, par téléphone, Internet ou à travers un poste de radio.

Jeudi 21 mars, dans la journée, on écoute encore une fois la lecture de la Méguila. Quand le ‘Hazane (lecteur) prononce les bénédictions, on pense à se rendre quitte également des autres Mitsvot du jour.

Michloa’h Manot : on distribue à au moins une personne deux mets comestibles cachères, si possible en passant par un intermédiaire.

Matanot Laévionim : on distribue à au moins deux pauvres une pièce de monnaie ou un billet (ou plusieurs billets…).

Michté : dans l’après-midi, on prend un bon repas, le festin de Pourim.

Les enfants se déguisent dans l’esprit de la fête. Les adultes mettent les vêtements de Chabbat pour écouter la Méguila.

On ajoute le passage « Veal Hanissim » dans la Amida et le Birkat Hamazone.

  (d’après Cheva’h Hamoadim)

Le Recit de la Semaine

 Hank et la secte

Un jour, je reçus un coup de téléphone d’un M. Stern, apparemment bouleversé : son fils Hank était entré dans une secte et n’était pas revenu à la maison depuis trois jours. Je l’assurai que je m’occuperais de son cas et que je me rendrais compte moi-même du degré d’implication de son fils dans cette secte. Hank ne rentra pas chez lui ce jour-là ni le week-end suivant.

Je décidai de me procurer l’aide d’un jeune homme très sympathique, Avraham David qui était souvent invité chez nous pour les repas de Chabbat. Hank aussi avait fréquenté notre maison dans le passé et Avraham David avait passé de longues heures à discuter et chanter avec lui. J’étais certain que la présence de cet ami de longue date aurait un effet bénéfique sur Hank.

Lundi à 10 heures du matin, Avraham David et moi-même nous sommes présentés devant la porte du collège :

- Nous désirons parler à l’un de vos étudiants, un garçon nommé Hank Stern, expliquai-je à la secrétaire. Je suis son rabbin.

Elle alla informer le directeur et il fit sortir Hank de sa classe. Nous avons discuté avec lui quelques minutes, sans succès. Je me suis éloigné, laissant Avraham David avec lui pendant une heure tandis que je parlai avec le directeur.

Quand Avraham David et Hank émergèrent finalement de la pièce, tous les deux avaient les yeux rouges et il était évident qu’ils avaient pleuré. Hank était trop ému pour parler mais il m’enlaça avec émotion avant de retourner en classe.

- Que s’est-il passé ? demandai-je à Avraham David.

- Euh… je lui ai raconté toute mon histoire.

- C’est-à-dire ?

- Que je suis un converti, continua sobrement Avraham David.

- Je n’étais pas au courant…

- Ben… je n’en fais pas de la publicité. Je pensais que vous le saviez.

- Et alors ? En quoi cela a-t-il affecté Hank ?

- Je lui ai raconté que cela m’a pris plus de deux ans d’un combat constant pour devenir juif. J’ai dû argumenter avec des rabbins pour les convaincre de ma sincérité tout en faisant face à mes propres interrogations et doutes en tous genres. Mais pour moi, c’était la plus grande bénédiction sur terre. J’étais prêt à souffrir pendant la circoncision et à tout donner pour devenir juif, j’ai abandonné ma vie antérieure ; mes relations sociales ont changé, ma famille m’a rejeté mais j’ai réussi ce projet qui me tenait à cœur. Puis j’ai regardé Hank droit dans les yeux : « Et toi, tu veux abandonner ton héritage juif sans même le connaître en profondeur pour suivre un gourou de pacotille qui t’éblouit avec des formules creuses… ». Monsieur le rabbin, je lui ai vraiment parlé avec passion et… « Les paroles qui sortent du cœur entrent dans le cœur », je pense que je l’ai fait réfléchir !

Ce fut effectivement le premier pas qui assura le retour d’Hank parmi nous et dans sa famille.

Ce qui fit vraiment revenir Hank Stern, ce fut un incident étrange. C’était le Chabbat précédant Pourim. A la synagogue, avant la prière du vendredi soir, Hank s’assit pour étudier avec d’autres personnes à propos de la fête qui approchait. Le thème du cours était un discours du Rabbi de Loubavitch datant déjà de plusieurs années auparavant. Je regardai Hank du coin de l’œil pendant le cours et remarquai qu’il était particulièrement impressionné. A la fin de l’étude, il posa plusieurs questions : quand le Rabbi avait-il dit cela ? Et en quelle langue ? Je répondis que ce discours avait été prononcé quatre ans auparavant et en yiddish. Il demanda si l’intégralité du discours avait été traduite en anglais et je répondis que oui.

Nous sommes rentrés chez moi pour le repas de Chabbat mais Hank semblait distrait, regardait dans le vague puis me demanda encore au moins trois fois : « Vous êtes sûr que le Rabbi a dit cela il y a quatre ans ? ». Je répétai que oui et, finalement, après le repas, nous nous sommes assis dans le salon, je lui ai montré le fascicule en anglais et je pus lui demander ce qui l’avait tant ému.

Il se cacha le visage dans les mains et garda le silence quelques minutes, submergé par l’émotion. Puis il raconta : « Il y a deux nuits, le gourou de la secte a dirigé une réunion de prière et il a parlé de Pourim. Il nous a affirmé que la nuit précédente, D.ieu lui était apparu en rêve et lui avait révélé des enseignements fabuleux sur la fête. Ce qu’il a alors expliqué, c’était mot pour mot les enseignements que j’ai appris ce soir du discours du Rabbi de Loubavitch ! Et ce chef de secte, cet affabulateur a osé prétendre qu’il avait mérité que D.ieu lui parle et lui révèle des « scoops » alors qu’il n’a fait que répéter une Si’ha du Rabbi traduite en anglais ! ».

Il respira profondément puis se précipita vers la salle de bains pour vomir tout son dîner !

La plupart des gens pleurent quand ils découvrent combien ils ont été bernés par ces gourous. Hank Stern a vomi de dégoût. Le fait que le chef de la secte ait été démasqué comme un vulgaire faussaire était si bouleversant pour Hank qu’il ne pouvait le supporter. Mais cette fois, il avait compris, son cœur avait réalisé son erreur. Maintenant les graines que nous pouvions semer le seraient sur un champ labouré et prêt à recevoir la vérité.

Comme d’autres jeunes qui redécouvrent leurs racines juives après s’être fourvoyés dans une secte, Hank partit étudier en Israël. Il m’écrivait de longues lettres, décrivant ses expériences et ses sentiments.

Il me raconta qu’à l’âge de huit ans, il avait demandé à son père de lui acheter des Tsitsits comme on le lui avait demandé au Talmud Torah. M. Stern lui avait sèchement répondu qu’il ferait mieux d’oublier ces sottises et qu’il allait, à la place, lui acheter un grand camion téléguidé. Et Hank conclut ainsi : « Si seulement j’avais pleuré pour ces Tsitsits et exigé ce vêtement que tout garçon juif se doit de porter comme j’ai été capable de pleurer pour d’autres choses, jamais je n’aurais adhéré à cette secte ignoble ! ».

Non, le plus beau jouet ne remplace pas une éducation juive authentique !

Rav Shea Hecht – Confessions of a Jewish Cultbuster – L’Chaim N° 207

Traduit par Feiga Lubecki

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