Samedi, 18 mai 2024

  • Emor
Editorial

 La route et l’aboutissement

Alors que la liberté chante en nous, alors que les limites de l’Egypte, dont la fête de Pessa’h nous a libérés, nous paraissent aujourd’hui bien lointaines, nous sommes en voyage. Le chemin s’étend au devant de nous et nous connaissons son but ; sans doute est-ce pour cela qu’il nous semble si facile. Depuis le début de Pessa’h, nous comptons les jours de l’Omer et chaque instant qui passe nous rapproche du mont Sinaï. Car c’est bien de cela qu’il s’agit à présent. Après la magnifique expérience de la liberté que nous venons de vivre, voici peu à peu venir le temps du grand rendez-vous, celui qui donna son sens au peuple juif et, plus largement, à l’univers : le Don de la Torah.

Mais ce n’est pas seulement d’un voyage physique qu’il est question ici. De fait, les Juifs quittèrent la rive de la mer, qu’ils venaient de traverser et qui avait vu la disparition de l’armée égyptienne, pour suivre D.ieu dans le désert jusqu’au Sinaï. Pourtant, la distance à franchir n’était pas que matérielle, elle était aussi, et sans doute d’abord, spirituelle. Les Juifs, en Egypte, étaient descendus au plus bas de l’impureté. Soumis à toutes les influences du monde égyptien, sujets à toutes ses oppressions comme à toutes ses séductions, ils avaient beaucoup perdu de ce qui fait la spécificité juive. N’étaient-ils pas en train d’oublier ? La sortie d’Egypte les avait certes tirés de leur léthargie mais allaient-ils percevoir l’enjeu essentiel de la période ? Le voyage fut la réponse. Il les entraîna de degré en degré spirituel jusqu’au plus haut, les rendant dignes de leur rencontre avec D.ieu.

Il faut le dire, et mieux, le ressentir : ce récit n’est pas que celui de la geste de notre peuple. Il est d’abord celui de notre vie. Car nous sommes conscients que les étapes spirituelles de l’année sont aussi celles de notre propre avancée. En d’autres termes, nous sommes maintenant parvenus en une période où le maître mot est « progrès ». Peut-être doutions-nous de notre capacité à relever les plus grands des défis ? Peut-être ne nous croyons-nous pas en mesure de vivre pleinement le lien avec D.ieu dans un monde qui, bien souvent, paraît ignorer tout ce qui le dépasse et qui, aujourd’hui, présente trop souvent et trop clairement un visage menaçant ? Les jours de l’Omer nous désignent à la fois le but et le chemin. Ainsi, ils nous donnent la force d’agir et de réussir, en dépit de tout. La route est là, comme balisée par nos ancêtres qui surent suivre D.ieu avec confiance. Nous y sommes engagés, il suffit de poursuivre. Déjà le soleil se lève au sommet de la montagne.

Etincelles de Machiah

 « Y croire… Attendre sa venue »

On relève que Maïmonide, dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 11), souligne la nécessité d’une double démarche en ce qui concerne notre rapport avec la venue de Machia’h : « Y croire… Attendre sa venue ». Cette juxtaposition de deux impératifs dont le contenu est pourtant si proche doit être analysée. En effet, il ne s’agit pas là d’une simple répétition qui aurait pour but, par exemple, d’insister sur l’importance de l’idée.

En fait, il y a bien ici la mise en lumière de deux nécessités parallèles. Cela signifie que, de même que l’obligation de croire dans le Machia’h est constante, ainsi celle d’attendre sa venue ne l’est pas moins.

(d’après Likoutei Si’hot vol XXVIII, p. 131)

Vivre avec la Paracha

 Emor

La Paracha Emor (« Dis ») commence avec les lois particulières relatives aux Cohanim (les prêtres), au Cohen Gadol (« Grand Prêtre ») et au service du Temple. Un Cohen n’a pas le droit de se rendre rituellement impur par le contact avec un corps mort, sauf lors de la mort d’un parent proche. Un Cohen ne peut épouser une femme divorcée ou une femme au passé léger. Un Cohen Gadol ne peut se marier qu’avec une jeune fille qui n’a jamais été mariée et ne peut pas se rendre impur même pour un proche parent.

Un veau, un chevreau ou un agneau nouveau-nés doivent être laissés auprès de leur mère pendant sept jours avant de pouvoir servir d’offrande. On n’a pas le droit d’abattre le même jour un animal et ses petits.

La seconde partie d’Emor fait la liste des célébrations de sainteté annuelles : les fêtes du calendrier juif, le Chabbat hebdomadaire, l’offrande de l’agneau pascal, le 14 Nissan, la fête des sept jours de Pessa’h commençant le 15 Nissan, l’offrande du Omer de la première récolte d’orge, à partir du deuxième jour de Pessa’h, et le commencement, en ce même jour des 49 jours du décompte du Omer, culminant avec la fête de Chavouot, le cinquantième jour ; un « rappel du son du Choffar », le premier Tichri ; un jeûne solennel, le 10 Tichri ; la fête de Souccot durant laquelle nous devons résider sept jours dans des Cabanes et prendre les « Quatre Espèces », à partir du 15 Tichri et la fête qui suit immédiatement, « le huitième jour » de Souccot (Chemini Atsérèt).

La Torah évoque ensuite l’allumage de la Menorah dans le Temple et les « pains de présentation » (Lé’hèm Hapanim), placés chaque semaine sur une table qui s’y trouvait.

Emor se conclut avec l’incident d’un homme exécuté pour blasphème et les punitions relatives au meurtre et aux blessures infligées à quelqu’un ou à la destruction de sa propriété (compensation pécuniaire).

Les obligations sacerdotales

Le livre de Vayikra (le Lévitique) concerne essentiellement la famille des Cohen, les Prêtres. Il indique les obligations des Cohanim quand ils accomplissent leur service dans le Beth Hamikdach. Il détaille donc les lois concernant les sacrifices et les autres rites accomplis par les Cohanim.

La Paracha de cette semaine discute de certaines restrictions touchant les Cohanim à propos des défunts. Un Cohen n’est pas autorisé à entrer en contact avec un mort, à l’exception des membres de sa famille les plus proches, énumérés au début de cette Paracha.

Il nous faut tenter de comprendre la raison de cette interdiction. Aider à ensevelir un disparu n’est-ce pas une très grande Mitsva ? N’est-ce pas désigné dans le Talmud comme le ‘Hessed Chèl Emèt, un acte de pur altruisme car l’on n’attend aucune reconnaissance en retour de la part d’un mort ?

Pourquoi donc le Cohen, l’homme dont on attend qu’il excelle dans l’observance des commandements et qu’il soit un modèle pour les autres, est-il privé de se consacrer à cette importante mitsvah ?

A l’encontre du rôle du Cohen dans le Temple

La réponse simple à cette question est que le fait d’entrer en contact avec un mort rend la personne rituellement impure et l’empêche de s’engager dans les services du Temple ou de consommer les aliments consacrés. Puisque tel est le rôle premier du Cohen, la Torah lui ordonne de ne pas compromettre sa pureté et de ne pas se rendre inapte à accomplir sa fonction de Cohen.

Mais à un niveau plus profond, la distance que doit prendre le Cohen par rapport au mort est basée sur le concept que la vie est une expression du Divin. Nulle part dans la nature ne trouve-t-on une expression de D.ieu plus forte que dans la vie elle-même. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la vie humaine, dans la mesure où l’homme est doté d’une âme, véritable partie de D.ieu. Quand l’âme quitte le monde, une partie de D.ieu s’en va avec elle et laisse le monde dans une sainteté moindre. Puisqu’un Cohen représente le summum de la sainteté et de la connexion avec le Divin, il est crucial que dans toutes ses interactions avec le monde rien ne vienne le distraire de son rôle d’y révéler la lumière Divine.

La dimension absolue de la mort dépassée !

L’on peut aller encore plus loin. La mort n’est pas un état naturel. Quand D.ieu créa le monde, Il avait pour intention qu’Adam et ‘Hava vivent éternellement. Le changement se produisit seulement après qu’ils eurent consommé le fruit de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. C’est ainsi que la mort fut imposée au monde et que le processus sera inversé à l’époque de la Résurrection des Morts.

Le problème tient au fait qu’une fois que la mort a été introduite dans le monde, il est difficile pour nous de concevoir la réalité d’une vie immortelle. Cela va à l’encontre de notre intuition, à nous mortels. Pour nous habituer à l’idée que la mort n’est pas absolue, D.ieu ordonna au Cohen, l’homme qui transmet la présence de D.ieu dans le monde, de, en quelque sorte, « ignorer » la mort. Cela symbolise non seulement que D.ieu transcende la mort, parce que pour D.ieu, il n’est ni commencement ni fin, mais que nous-mêmes sommes intrinsèquement au-dessus et au-delà de la mort.

La lettre du Rabbi

Le Rabbi souligna de façon poignante cette perspective dans sa lettre de condoléance au célèbre Ariel Sharon qui souffrait de la perte de son enfant dans un accident tragique.

A Monsieur Ariel Sharon

Je vous salue et vous bénis.

J’ai été profondément affecté de lire dans le journal la nouvelle de la mort tragique de votre jeune et cher fils, qu’il repose en paix. Nous ne pouvons comprendre les voies du Créateur. Durant une période de guerre et de périls, vous avez été sauvé, en fait vous faisiez partie de ceux qui assurèrent la victoire de notre nation, les Enfants d’Israël, contre nos ennemis, au cours de laquelle « les nombreux furent livrés aux mains des peu nombreux, etc. », et pourtant, dans un moment de calme et dans votre propre domicile, une telle tragédie s’est produite ! Mais il n’est pas étonnant qu’un être créé ne comprenne les voies du Créateur, Qui nous transcende de façon infinie. En fait, nous ne sommes pas surpris qu’un jeune enfant ne puisse comprendre les cheminements d’un grand et vénérable sage, bien que seul un abime fini les sépare.

Il est évident que ce qui précède n’a pas pour but de minimiser en aucune façon le chagrin et la douleur. Malgré la longue distance qui nous sépare, je désire exprimer mon empathie.

A première vue, il pourrait apparaître que nous sommes éloignés l’un de l’autre, pas seulement géographiquement mais aussi, et encore plus, du fait que nous étions des inconnus l’un pour l’autre, voire inconscients de l’existence de l’autre, jusqu’à la Guerre des Six Jours (…) où vous êtes devenu célèbre et célébré comme commandant et défenseur de notre Terre Sainte et de ses habitants, et comme une personne aux capacités extrêmement puissantes. D.ieu, qu’Il soit béni, a fait rayonner Son visage sur vous et vous a octroyé le succès dans vos activités, en fait une victoire aux proportions exceptionnelles.

Mais sur la base d’un principe fondamental, profondément enraciné dans le Judaïsme, à savoir le fait que tous les Juifs sont des âmes-sœurs, la célébrité que vous avez connue a servi à révéler quelque chose qui existait même auparavant, c’est-à-dire, l’interrelation de tous les Juifs, que ce soit en Terre Sainte ou en Diaspora. C’est cette interrelation qui m‘a incité à vous adresser, à vous et à votre famille, les mots qui précèdent.

Un autre facteur m’a motivé à vous écrire cette lettre : c’est l’extraordinaire inspiration qui s’est soulevé dans le cœur de nombreux de nos frères juifs lorsque vous avez mis les Tefilin, au Mur Occidental, acte qui a mérité une grande publicité et a eu un écho puissant et positif dans les différentes couches de notre nation, dans des lieux proches comme éloignés.

Un élément de consolation, et en fait plus qu’un élément, est exprimé dans la bénédiction rituelle, sanctifié par une multitude de générations de Torah et de tradition dans notre peuple :

« Que le Tout Puissant vous réconforte parmi les endeuillés de Tsion et de Yerouchalayim ».

A première vue, le lien entre l’endeuillé à qui s’adresse cette bénédiction et les endeuillés de Yerouchalayim apparaît assez lointain. En réalité, pourtant, ils sont connectés. Car la principale consolation exprimée dans cette phrase tient à son contenu profond : le deuil de Tsion et de Yerouchalayim, commun à tous les fils et les filles de notre peuple Israël, où qu’ils se trouvent ( bien qu’il soit plus palpable pour ceux qui résident à Yerouchalayim et voient réellement le Mur Occidental et les ruines de notre Saint Temple, que pour ceux qui en sont éloignés. Néanmoins, même ceux-là ressentent une grande peine et une souffrance pour la destruction). Il en va de même pour la douleur d’un seul individu juif ou d’une famille juive, partagée par la nation entière. Car, comme l’ont enseigné les Sages, tout le Peuple Juif constitue un seul organe.

Un autre point et principe, exprimant une double consolation, est que tout comme D.ieu reconstruira assurément les ruines de Tsion et de Yerouchalayim et rassemblera les dispersés d’Israël depuis les coins de la terre, par l’intermédiaire de notre juste Machia’h, il ne fait aucun doute qu’Il enlèvera la souffrance de l’individu, accomplissant la promesse contenue dans le verset : » Réveillez-vous et chantez, vous qui reposez dans la poussière. » (Yichayahou 26 :19). Grande sera la joie, la joie véritable, quand tous seront réunis au moment de la Résurrection des Morts.

Cependant il y a encore un troisième point : en ce qui concerne Tsion et Yerouchalayim, les Romains, et avant eux les Babyloniens, n’avaient la domination que sur le bois, et la pierre, l’argent et l’or des manifestations matérielle du Temple, mais non sur son essence spirituelle profonde, contenue dans le cœur de chaque Juif, car les nations n’ont aucun pouvoir sur elle et elle est éternelle. Il en va de même pour le deuil d’un individu : la mort ne domine que le corps et les préoccupations matérielles du défunt. En revanche, l’âme est éternelle ; elle est simplement montée dans le Monde de la Vérité. C’est pour cela que chaque bonne action (accomplie par l’endeuillé) qui va dans le sens de la volonté de Celui Qui donne la vie, D.ieu, qu’Il soit béni, ajoute au délice et au mérite de l’âme et à son bien général.

Que ce soit la volonté de D.ieu que désormais, vous et votre famille ne connaissiez ni douleur ni chagrin et que dans vos actes de défense de notre Terre Sainte, « la terre sur laquelle sont posés les yeux de D.ieu depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin (Devarim 11 :12) et dans votre observance de la Mitsva des Tefilin, et une Mitsva conduit dans son sillage à une autre, vous trouviez le réconfort.

Avec estime et bénédiction.

La mort et le Beth Hamikdach : mutuellement exclusifs

Cette lettre extrêmement profonde souligne la relation entre la mort d’un individu juif et la destruction du Temple.

Chaque fois qu’un Cohen, se tient à l’extérieur d’un cimetière, en accord avec la loi, il témoigne que la mort et le Beth Hamikdach s’excluent mutuellement. C’est un rappel constant qu’avec la révélation du Machia’h et la reconstruction du troisième Beth Hamikdach, suivies par la Résurrection des Morts, la mort sera effacée de la surface de la terre comme le déclare le Prophète Yichayahou (25 :8) « Il éliminera la mort pour toujours, et mon D.ieu, l’Éternel séchera les larmes de tous les visages. »

Le Coin de la Halacha

 Quels sont les devoirs et les privilèges des Cohanim

(descendants d’Aharon, le Grand-Prêtre) ?

- Un Cohen ne doit pas se rendre impur au contact d’un mort ou même d’une partie d’un mort ; il n’entre pas dans la maison où repose un mort ou même un agonisant, il ne participe pas aux funérailles et n’entre pas dans un cimetière, sauf pour l’enterrement de ses parents, de son épouse, de ses frères, de ses sœurs non mariées et de ses enfants - D.ieu préserve. Il ne pratique pas d’autopsie.

- Un Cohen doit enseigner à ses fils à ne pas se rendre impurs au contact des morts.

- On doit respecter les Cohanim et leur donner la première place dans tout ce qui concerne les rites saints : on les appelle en premiers pour la lecture publique de la Torah à la synagogue, pour prononcer un discours de Torah, pour réciter les bénédictions avant et après le repas. On les sert en premiers lors d’un repas.

- On évite de demander un service à un Cohen.

- Un ignorant en Torah n’épousera pas la fille d’un Cohen.

- Un Cohen n’épousera ni une divorcée, ni une femme de mauvaise vie, ni une fille issue d’un mariage interdit à un Cohen, ni une femme convertie au judaïsme.

- Le Cohen bénit – avec amour – l’assemblée lors des grands rassemblements ainsi que les mariés sous la ‘Houpa (dais nuptial).

- On s’adressera à un Cohen pour « racheter » (avec cinq pièces d’argent pur) son fils premier-né lors d’une petite cérémonie célébrée à partir du 30ème jour du bébé.

- Les restrictions ne s’appliquent pas aux filles de Cohanim.

- Quand le Temple existait, il appartenait aux Cohanim d’effectuer les sacrifices, de prendre part à leur consommation éventuelle et de percevoir les différentes dîmes – agricoles et autres (Terouma, Halla, dîme de la tonte des moutons…).

Puissions-nous très rapidement assister à la venue du Machia’h et à la reconstruction du Temple !

 (d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)

Le Recit de la Semaine

 Le Rav du Rabbi

En 1978, le Rabbi avait demandé qu’on imprime le livre du Tanya en tout endroit où vivent des Juifs, l’idée étant de conquérir le monde avec les enseignements de la ‘Hassidout. Partout, les ‘Hassidim se mirent au travail, souvent au prix de grands efforts. Rav F.S. de Safed se demanda comment il pourrait s’investir dans cette mission et décida de faire imprimer un Tanya en format de poche qu’on pourrait donc facilement emporter partout sur soi. Certainement cette initiative contribuerait à la purification de l’atmosphère ambiante quand on voyage. Il décida qu’il offrirait le premier exemplaire au Rabbi.

D’abord il écrivit au Rabbi en demandant s’il avait raison. De plus, il proposa d’indiquer sur les pages où commençait et où finissait l’étude fixée pour chaque jour de l’année (ce qui fut adopté par la suite par l’édition Heichal Menachem). Le Rabbi donna son accord pour l’édition mais non pour les ajouts à l’intérieur du texte, précisant que le moment pour cela n’était pas encore arrivé.

Le problème était de concilier deux exigences contradictoires : la taille « poche » mais une impression grande et claire. Il réussit au bout de plusieurs essais. Il envoya l’édition au Rabbi, espérant recevoir son approbation et peut-être même ses compliments mais ne reçut absolument aucune réponse. Très déçu, lui qui s’était déjà souvent imposé de lui-même des restrictions en guise de pénitence, décida de jeûner. Au début, il jeûna le lundi et le jeudi puis continua en jeûnant toute la semaine, ne mangeant qu’à la nuit tombée et le Chabbat. Ceci dura 90 jours de suite !

Cette année, Rav F.S. se rendit aux États-Unis pour voir le Rabbi à New York. Quand il arriva au 770 Eastern Parkway, il écrivit une lettre mentionnant son arrivée et le fait qu’il jeûnait puis la transmit au secrétaire, le regretté Rav Leïbel Groner. A peine deux heures plus tard, Rav Groner le chercha dans la synagogue : il avait pour lui une réponse urgente du Rabbi :

« Il est connu que l’Admour Hazakène, Rabbi Chnéour Zalman écrit dans Iguéret Hatechouva qu’il ne convient pas de jeûner – à part les jeûnes obligatoires. Et telle est la pratique adoptée par les ‘Hassidim Habad. C’est pourquoi vous devez immédiatement faire annuler cette pratique mentionnée dans votre lettre (puisque vous l’avez mise en œuvre plus de trois fois – ce qui constitue un vœu) auprès d’un Rav ‘Habad puis agir comme le font tous les ‘Hassidim ‘Habad. Puisse Hachem vous assurer le succès pour Le servir dans la joie, selon l’enseignement du Baal Chem Tov à propos du verset : « L’aider, tu l’aideras certainement » en accord avec le corps ».

Rav F.S. demanda à Rav Groner comment agir maintenant et il lui conseilla de se rendre immédiatement au domicile de Rav Zalman Chimone Dworkin qui était le Rav du quartier de Crown Heights afin qu’il annule son vœu comme l’avait enjoint le Rabbi. Rav F.S. s’exécuta, transmit le message du Rabbi que Rav Dworkin analysa en détail. Selon lui, le Rabbi ne voulait pas qu’il annule son vœu de façon rétroactive mais seulement à partir de ce jour. Les jeûnes qu’il avait observés jusque-là gardaient leur valeur. Rav Dworkin appela deux autres hommes (afin de constituer un Beth Din, tribunal rabbinique) et, en leur présence, demanda à Rav F.S. s’il aurait jeûné en sachant que cette pratique déplaisait au Rabbi ; il répondit que non et donc les trois hommes annulèrent le vœu. Immédiatement Rav Dworkin se leva, se dirigea vers la cuisine et revint avec un plateau de gâteaux et une bouteille de vin. Il insista pour que Rav F.S. mange puis trinque Le’haïm, A la vie. Ils continuèrent à bavarder et, incidemment, Rav F.S. évoqua son projet de Tanya au format poche avec sa grande déception de n’avoir jamais reçu l’approbation du Rabbi à ce sujet. En entendant cela, Rav Dworkin sourit et annonça qu’il connaissait une histoire qui, sûrement, l’intéresserait :

Un étudiant juif dans une université américaine s’était intéressé au judaïsme et était devenu pratiquant. Au bout de quatre ans d’étude intensive, il réussit tous ses examens et n’avait plus qu’un test à passer : il devrait pratiquer une autopsie. Ce jeune homme était issu d’une famille traditionnaliste et se souvint qu’il était Cohen. Il savait aussi que les Cohanim ont des lois particulières et, entre autres, n’ont pas le droit de se rendre impurs au contact d’un mort. Il ne savait donc pas comment agir. Il se renseigna et on lui apprit que le Rabbi de Loubavitch, à Brooklyn, était celui qu’il devait consulter. Il envoya une lettre au Rabbi qui répondit qu’il devait s’adresser à Rav Dworkin. Celui-ci réfléchit et trancha : « Vous n’avez pas le droit de disséquer des cadavres car vous êtes un Cohen. Vous devriez peut-être étudier la spécialité de dentisterie, ainsi vous n’aurez pas besoin de procéder à des autopsies ».

Le cœur lourd – car cela impliquait qu’il avait perdu quatre ans et devait s’engager à étudier encore deux ans – l’étudiant informa ses parents de sa décision. Ceux-ci étaient très contrariés de ce temps perdu et de cette dépense supplémentaire mais il insista et, comme ses parents étaient aisés, il s’inscrivit à l’école de dentisterie. Encore une fois, il passa brillamment tous les examens. Juste avant d’obtenir le diplôme tant attendu, son professeur l’informa qu’il devrait encore effectuer… une opération sur la mâchoire d’un cadavre ! Une fois de plus, le choix s’imposait : sa carrière ou la préservation de son statut de Cohen ! L’étudiant écrivit au Rabbi qui lui conseilla encore une fois de se tourner vers Rav Dworkin. Celui-ci réfléchit et répondit : « Vous ne pouvez pas manipuler un cadavre car la Hala’ha l’interdit. J’ai une idée : le jour de votre examen, allez chez le directeur de la faculté et, bien qu’il ne soit pas juif, expliquez-lui : Parmi les milliards d’êtres humains, il existe une nation spéciale, le peuple juif. Et dans ce peuple spécial, il existe une tribu spéciale, celle des Cohanim. Les prêtres juifs n’ont pas le droit de se rendre impurs au contact d’un mort. Je suis un membre du peuple juif et je suis aussi un membre de cette tribu spéciale : je ne peux donc pas disséquer un cadavre ! Racontez-lui que vous avez étudié la médecine pendant six ans et que vous avez fort bien réussi comme l’attestent vos notes excellentes. Tout ce qui vous manque, c’est ces dissections que vous n’avez pas le droit d’effectuer. S’il veut vous accorder néanmoins votre diplôme, sans l’opération, très bien. Sinon, tournez les talons et dirigez-vous vers la porte comme pour sortir de la pièce ».

L’étudiant agit exactement comme l’avait indiqué Rav Dworkin. Le directeur l’écouta poliment mais lui répondit qu’il ne pouvait pas lui donner le diplôme sans l’opération. Quand l’étudiant entendit cette réponse sans appel, il tourna les talons et se dirigea lentement vers la porte.

A ce moment, le directeur le rappela : « Ok, j’ai compris que vous êtes déterminé et je suis d’accord ! ». Sur le champ, il lui signa les deux diplômes, médical et dentaire ! Ainsi le jeune homme ressortit avec deux diplômes alors qu’il n’avait même pas osé rêver en obtenir un seul !

Un mois plus tard, il téléphona à Rav Dworkin : il allait se marier et voulait, en signe de reconnaissance pour ses conseils, que Rav Dworkin préside la cérémonie qui se tiendrait dans un salon huppé de Manhattan. Or, Rav Dworkin n’acceptait par principe d’officier qu’aux mariages qui se tenaient à Crown Heights. Cependant, comme il connaissait ce jeune homme et avait été très impressionné par son dévouement à la Torah, il accepta et, le jour venu, se rendit à Manhattan. Tous l’attendaient pour commencer la cérémonie. C’est alors qu’on reçut un appel du secrétariat : le Rabbi demandait qu’on attende encore un peu car il voulait donner un cadeau aux mariés, le messager était en route…

Par respect pour le Rabbi, tous les convives acceptèrent d’attendre l’émissaire qui apporta un livre de Tanya au format-poche et précisa que le marié devrait le tenir quand il serait sous la ‘Houpa, le dais nuptial. Et pour faire comprendre l’importance de ce cadeau, l’émissaire précisa que ce Tanya avait été conservé depuis plusieurs mois dans un tiroir du bureau du Rabbi : tel était le cadeau du Rabbi pour ce jeune homme qui avait été prêt à tout sacrifier pour respecter une loi du judaïsme.

Telle fut donc l’histoire que Rav Dworkin raconta à Rav F.S. : « Pourquoi croyez-vous que le Rabbi vous a adressé à moi : juste pour que je procède à l’annulation de votre vœu ? Le Rabbi a voulu que je vous raconte cette histoire car j’en ai été personnellement témoin et pour que vous sachiez combien il avait apprécié vos efforts pour publier cette édition du Tanya. Non seulement le Rabbi l’avait conservé dans un tiroir de son bureau mais ce fut le cadeau qu’il souhaita remettre aux jeunes mariés. Maintenant vous comprenez combien de satisfaction vous avez procurée au Rabbi ! ».

Rav Chalom Dov Ber Avtzon – Chabad News 2020

Traduit par Feiga Lubecki

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