Semaine 19

  • Emor
Editorial
La plus grande lumière

Des enfants qui chantent et rient, des défilés et des parades, des chars décorés et des familles heureuses, des sorties dans les bois, des pique-niques et des jeux pour tous et, flottant au-dessus de tout cela, la grande figure de Rabbi Chimon Bar Yo’haï : c’est bien de Lag Baomer qu’il s’agit. Il tombe cette année le dimanche 9 mai.
Lag Baomer, 33è jour du Omer, jour anniversaire du départ de ce monde, ou plutôt de l’élévation, de Rabbi Chimon : c’est un jour d’une lumière particulière, celle de la sagesse et de la confiance. Rabbi Chimon est, en effet, ce Sage immense qui révéla au monde, par le Zohar, le sens profond de la Torah. Il est celui dont il est dit que “l’on peut compter sur lui en temps de difficulté”. Il est aussi celui qui enseigna que le jour de son décès devait être célébré comme un jour de fête car il fut celui de son union avec D.ieu. Il n’est guère étonnant, de ce fait, que, d’année en année, le jour de Lag Baomer soit celui de l’allégresse dans toutes les communautés juives du monde.
C’est un jour qu’il faut savoir regarder d’une manière différente, un jour qu’il faut savoir vivre de manière plus pleine et plus intense. Il est porteur d’une puissance dont chacun peut se saisir. Dans de nombreuses communautés, on allumera, en ce jour, des bougies, comme pour souligner que c’est de lumière qu’il est ici question. Et c’est bien là qu’est l’enjeu. Nous vivons en une période où l’obscurité nous semble parfois grandir, remettre en cause une sérénité ancienne. Lag Baomer rétablit la plus juste vision : faisant grandir la lumière, ce jour-là repousse les ombres. En cela, il est le prélude du temps où cette lumière éclairera l’univers entier, en chassant toutes les formes de la nuit : celui de Machia’h.
Lag Baomer nous le donne à vivre dès aujourd’hui.
Etincelles de Machiah
En son temps ou en hâte

Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : "Il est écrit (Isaïe 60 :22) 'en son temps' (Machia'h viendra au moment fixé - ndt) mais il est aussi écrit 'en hâte'. S'ils ne le méritent pas, il viendra en son temps". Il convient d'analyser ces deux possibilités.
Si du fait de leur retour à D.ieu et de leurs bonnes actions, les Juifs méritent la Délivrance, ils auront alors totalement séparé le bien du mal de l'univers entier. Pour cette raisontout aura été accompli et le Machia'h viendra avant "la fin" annoncée par l'ange au prophète Daniel (12 :9).
Si les actions faites par les Juifs ne leur donnent pas ce mérite, cela signifie qu'ils continuent de "nourrir" l'impureté dans ce monde. Ainsi, la Délivrance ne peut en être que retardée. Cependant, le Machia'h finira par arriver car le Mal doit disparaître comme il est dit (Ezechiel 36 :26) : "Je retirerai le cœur de pierre de votre chair".
(d'après Chaareï Ora, p.87)
Vivre avec la Paracha
Emor : des rendez-vous avec le temps

Voici les moments fixés (moadim) de D.ieu, des appels de sainteté que vous célébrerez en leur temps. Lévitique 23 :4

Un roi voyageait avec son fils à travers des terres désertiques. Et lorsqu’un roi voyage, toute sa cour voyage avec lui : les ministres, les gardes, les assistants et les serviteurs, tous prêts à servir leur monarque et à accomplir sa volonté.
Soudain, la procession s’arrêta. Le fils du roi demandait quelque chose. «De l’eau! s’écria le prince de la couronne, je veux de l’eau!».
Le roi s’adressa à son cabinet pour résoudre la crise. «Mon fils a soif» dit-il à ses ministres. Mais où trouver de l’eau dans le désert ?
Après de nombreuses délibérations, deux propositions furent émises devant le trône.
«Je vais envoyer mes dix cavaliers les plus valeureux sur les chevaux les plus rapides, proposa le commandant de la cavalerie royale. Ils vont galoper jusqu’à l’oasis la plus proche et vont y remplir leurs gourdes. D’ici une heure, ils pourront ramener de l’eau pour le prince».
«Je vais mettre mes hommes à la tâche, proposa le chef du corps de l’ingénierie. Ils vont ériger une tour de forage et un puits, ici même , à l’endroit même où nous nous sommes arrêtés. Et avant la fin du jour, il y aura de l’eau pour le prince ».
Le roi opta pour la deuxième proposition et aussitôt, les ingénieurs royaux se mirent à creuser un puits dans le sable et la rocaille du désert. Vers le soir, ils atteignirent une veine d’eau et la soif du prince fut étanchée.
«Pourquoi, demanda le prince à son père, une fois qu’il eut bu de tout son saoul, avez-vous obligé vos hommes à creuser un puits dans le désert? Après tout, nous avions les moyens d’obtenir de l’eau plus vite et plus facilement?»
«En effet, mon fils, répliqua le roi, telle était notre situation aujourd’hui. Mais peut-être qu’un jour, dans de nombreuses années, tu emprunteras encore ce chemin. Peut-être seras-tu seul, sans les privilèges et la puissance dont nous disposons aujourd’hui. Alors le puits que nous avons creusé aujourd’hui sera là pour apaiser ta soif ».
«Mais, Père, dit le prince, dans de nombreuses années, les sables du temps auront rempli le puits, recouvrant son eau et effaçant même la mémoire de son existence ! »
«Mon fils, dit le roi, tu as parlé avec sagesse et clairvoyance. Voici donc ce que nous allons faire. Nous allons marquer le site de ce puits sur nos cartes et préserver ces cartes des dommages du temps. Si tu connais le lieu exact où ce puits a été creusé, tu seras capable de le recreuser dans un minimum de temps et avec le moins d’efforts possible».
«C’est ce que nous allons faire à chaque campement de notre voyage , résolut le roi. Nous allons creuser des puits et marquer leur emplacement sur nos cartes. Nous allons nous rappeler des caractéristiques particulières de chaque puits et la méthode qui permettra sa réouverture. Ainsi, chaque fois que tu voyageras par cet itinéraire, et dans n’importe quelle circonstance, tu seras capable de faire rejaillir l’eau qui te soutiendra tout au long de ton voyage ».

La Torah se réfère au calendrier des fêtes juives comme « moadim », des «moments fixés» et comme « mikraé kodech », des «appels de sainteté». «Ce sont les moments désignés par D.ieu» énonce la liste que fait la Torah des fêtes dans le livre de Vayikra, «des appels de sainteté, que vous célébrerez en leur temps».

Un fête est un rendez-vous avec le passé, une rencontre avec un événement et un phénomène de notre histoire. C’est une occasion de mettre en lumière la sainteté particulière de ce jour, d’en faire jaillir ses ressources spirituelles.

Chaque fête marque un point dans notre voyage à travers le temps dans lequel notre Père Céleste, nous accompagnant dès nos premiers pas en tant que peuple, nous combla des ressources qui nourrissent notre vie spirituelle. A Pessa’h, nous fut fait le don de la liberté. A Chavouoth, D.ieu Se révéla à nous au Mont Sinaï et nous donna Sa Torah, représentant Sa Sagesse et Sa volonté et notre charte comme Son royaume de prêtres et de peuple saint. Roch Hachanah est le jour où D.ieu devint pour la première fois Roi. A Yom Kippour, D.ieu pardonna notre première et plus terrible trahison en tant que Son peuple, le faute du Veau d’or, nous faisant le don de la techouvah, la capacité de rectifier et de transformer un passé déficient. Soukkot commémore le moment où nous étions abrités et unifiés par les nuées divines de gloire dans notre voyage à travers le désert qui nous amenait vers la Terre Promise. Le miracle de ‘Hanoukah marque la délivrance de notre âme et le triomphe de la lumière et de la pureté sur l’obscurité et la corruption. Le miracle de Pourim célèbre notre salut physique. Ainsi en va-t-il de toutes les fêtes et des dates et périodes particulières de notre calendrier.
Mais ce ne sont pas des dons d’En Haut ponctuels. La liberté, la sagesse, l’implication, la joie, l’illumination, la paix sont des besoins constants de l’âme, les nourritures spirituelles qui la soutiennent dans son voyage à travers la vie. Tout comme le roi de la parabole que nous avons lue, et qui explique l’âme du calendrier juif, D.ieu a creusé des puits en des « lieux » variés de l’espace du temps pour servir de source perpétuelle à Ses bénédictions. Quand nous voyageons à travers l’année, l’année étant un microcosme de la valeur universelle du temps, nous rencontrons les fêtes, chacune marquant l’emplacement d’un puits pour apaiser la soif de nos âmes.

D.ieu nous a aussi donné la carte de ces puits, un calendrier qui situe leur emplacement dans notre voyage à travers le temps. La carte vient aussi avec des instructions sur la façon de réouvrir chaque puits et d’accéder à ses eaux : sonner le Choffar à Roch Hachanah régénère le couronnement divin qui eut lieu le premier Roch Hachanah quand Adam couronna D.ieu comme roi de l’univers ; manger la Matsah évoque la liberté de Pessa’h ; allumer les lumières de ‘Hanoukah recrée le miracle de ‘Hanoukah. Et ainsi en est-il de chacun de ces rendez-vous de notre calendrier ; chacun vient apporter ses propres mitsvot et observances, les outils qui ouvrent le puits et libèrent le flot de ses eaux.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le " rachat du premier-né " ?

C'est une Mitsva pour chaque Juif de racheter son fils, premier-né de son épouse juive (Exode 13). Cette Mitsva s'accomplit le trentième jour de la vie de l'enfant, même s'il n'a pas encore été circoncis pour raison de santé. Si cette date a été dépassée, la Mitsva peut se réaliser par la suite. Si le père n'a pas du tout accompli cette cérémonie, l'enfant devra se racheter lui-même, à l'âge adulte.
Le père déclare au Cohen qu'il désire racheter son fils et lui donne cinq " Selaïm " d'argent (soit 102 grammes d'argent pur).
Il est d'usage de célébrer cette transaction au début d'un repas de fête, après la bénédiction sur le pain. Immédiatement après le rachat, le Cohen récite la bénédiction sur une coupe de vin puis bénit l'enfant avec la bénédiction sacerdotale.
Le fait de participer à ce repas de rachat du premier-né enlève l'obligation d'observer 84 jeûnes pour d'éventuelles fautes.
On ne rachète pas l'enfant s'il est né par césarienne ou si l'un des parents est Cohen ou Lévi.

F. L.
De Recit de la Semaine
Le secret de Loubavitch

En 1953, après la mort de Staline, les lois anti-religieuses s'étaient un peu assouplies en Union Soviétique. De nombreux Juifs espérèrent pouvoir alors pratiquer leur judaïsme plus facilement.
Nous étions trois amis du même âge, élevés dans nos familles hassidiques à Samarkand : Eleazar Gorelik, Aharon Makovitchki et moi-même. Au début de notre scolarité à l'école publique, nous n'avions qu'une seule institutrice : nos familles étaient parvenues avec elle à un arrangement tacite et elle fermait les yeux sur nos absences du samedi. Vers l'âge de neuf ans, nous avions une institutrice qui, en échange d'un " cadeau " conséquent, accepta elle aussi de ne pas " remarquer " ces absences hebdomadaires. D'ailleurs elle nous protégeait : une fois, lors d'une réunion de parents d'élèves, elle reprocha à certains d'entre eux le peu d'intérêt que leurs enfants manifestaient à l'égard de leurs études. Une des mères s'était alors levée et avait protesté : " Si vous exigez plus de participation en classe, vous devriez d'abord vous en prendre à ces trois Juifs qui manquent régulièrement les cours une fois par semaine ! " Pas désarçonnée du tout, l'institutrice répliqua : " Quand je vois l'excellence de leurs résultats et leurs notes très élevées, cela ne me dérangerait pas s'ils manquaient l'école même deux jours par semaine ! "
A l'âge de dix ans, nous avons constaté que la situation se dégradait. En effet, nous avions maintenant plusieurs professeurs et il était impossible de " s'arranger " avec tout un groupe. Néanmoins, nos parents avaient décidé que, quoi qu'il arrive, il était hors de question pour nous de nous rendre à l'école Chabbat. Notre école était située au n°21 de la rue principale de Samarkand. D'ailleurs dans cette même école étudiait celui qui est devenu, depuis, le président Ouzbek : Krimov.
C'était un bâtiment de deux étages avec de larges corridors : j'avais l'impression qu'il était énorme mais quand je l'ai revu dernièrement, il m'a semblé ridiculement petit et triste…
Sur le mur bordant les escaliers, un grand portrait de Staline, portant une petite fille, nous faisait face. Ainsi nous pouvions contempler plusieurs fois par jour le visage d'un des plus grands criminels de la terre, jouant au " petit père des peuples ". A côté se trouvait une grande carte représentant toutes les républiques composant l'Union Soviétique.
Un jour, lors d'une récréation, j'aperçus mon ami Eleazar Gorelik (qui est maintenant un des émissaires du Rabbi en Australie) qui étudiait soigneusement cette carte. Je lui demandais ce qu'il cherchait et il me répondit : " C'est évident, voyons ! Je recherche la ville de Loubavitch ! " Aharon et moi-même nous avions aussi très souvent entendu nos parents évoquer cette ville ; d'ailleurs mon grand-père Reb Yerachmiel Hadach avait été l'un des élèves de la Yechiva Tom'hei Tmimim de Loubavitch. Spontanément nous sommes donc restés avec lui plantés devant la carte, nous avons scruté chaque république car, dans notre naïveté, nous pensions que Loubavitch était sans doute une ville à peine plus petite que Moscou, la capitale. Mais nous n'avons pas réussi à la localiser et nous étions très déçus.
Un jour, un professeur de géographie qui passait par là, remarqua notre intérêt prolongé pour sa matière de prédilection. Il proposa de nous aider et nous emmena à la bibliothèque où il nous expliqua comment rechercher un nom dans un Atlas. Enfin nous avons réussi à localiser le village de Loubavitch quelque part en Russie Blanche à côté de Smolensk : mais combien nous étions déçus de n'apercevoir qu'un tout petit point sur la carte ! De plus, dans la légende, il n'y avait absolument aucun commentaire sur Loubavitch : ni usine, ni matières premières, ni monument remarquable… rien !
Comprenant notre déception, le professeur expliqua que, dans certaines villes, il y avait des trésors secrets, des richesses qui ne devaient pas figurer sur les cartes. Ainsi, en tant qu'ancien combattant, il savait qu'à Nikolaïev on construisait des sous-marins mais, pour des raisons de sécurité, cela n'était mentionné nulle part. " Qui sait, dit-il, peut-être qu'à Loubavitch, il y a quelque chose de secret… "
A Samarkand se trouvaient alors deux 'Hassidim remarquables : Reb Mendel et Reb Chmouel Noudel. Ils étaient déjà âgés, l'un n'entendait plus très bien et l'autre ne voyait plus très bien. Leur aspect était si impressionnant que les femmes boukariennes s'approchaient d'eux dans la rue et leur demandaient de bénir leurs enfants !
Reb Chmouel n'avait pas eu d'enfants et il s'était chargé de nous enseigner la Torah, à nous, les enfants des 'Hassidim ; nous lui avions alors tout naturellement raconté que nous avions réussi avec peine à localiser Loubavitch et que le professeur nous avait expliqué qu'il y avait sûrement là-bas une richesse secrète : quelle était-elle donc ?
Reb Chmouel Noudel réfléchit un moment puis murmura à notre oreille, comme s'il nous révélait un grand secret : " A Loubavitch, il y avait une mine d'or ! " Et il se tut. Nous, qui étions déjà de grands " savants ", nous lui avons demandé de préciser s'il s'agissait d'une mine souterraine ou d'une mine à ciel ouvert.
Il répondit : " A ciel ouvert ".
- Etait-elle située loin de la Yechiva ?
- Non ! Elle était juste à côté !
- Alors… ! Vous auriez pu devenir très riches !
- C'est vrai ! Vous avez raison, les enfants ! " Et Reb Chmouel se mit à pleurer. " Si seulement nous avions eu assez d'intelligence pour apprécier l'or qui se trouvait à Loubavitch ! Nous serions devenus très riches ! Mais celui qui avait compris, avait compris et les autres non. Mais chut, les enfants ! Sachez garder le secret et n'en parlez à personne ! "
Nous étions soulagés. Maintenant nous connaissions le " secret militaire " de Loubavitch et dans notre imagination naïve, ce minuscule village était devenu une ville puissante qui abritait des foules de 'Hassidim.
Reb Chmouel n'avait pas passé de diplôme de pédagogie ou de psychologie mais il avait étudié la 'Hassidout à Loubavitch et savait qu'elle valait bien davantage que des milliers de pièces d'or. Il savait comment parler de Loubavitch à des enfants qui ne s'y étaient jamais rendus et qui avaient grandi sous le régime communiste.
Maintenant que nous-mêmes, nous sommes des grands-pères, combien nous voudrions savoir apprécier la valeur de cette " mine d'or " qui se trouvait, secrètement, à Loubavitch !

Rav Betsalel Schiff
(Kfar 'Habad)
Traduit par Feiga Lubecki
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