Le temps du nouveau voyage
Deuxième versant du mois d’août. Un parfum de fin de vacances flotte déjà dans l’air même si elles ne sont pas encore terminées pour tous. Autour de nous, l’activité sociale reprend peu à peu avec une assurance croissante. Dans la terminologie de notre temps, on appelle cela « la rentrée ». Au-delà des impressions diverses contenues dans ce concept, il y a ici comme un nouveau départ. Toutes forces renouvelées, chacun se prépare à reprendre le rythme laborieux de sa quotidienneté apparemment immuable. Est-ce à dire que rien n’a changé et que ce départ-ci n’a pas plus de sens qu’une stricte reproduction des événements similaires vécus l’an passé ? Il ne peut en être ainsi ou, à tout le moins, il nous appartient de faire en sorte que cela ne le soit pas. Car l’homme est un être de progrès. Il ne se satisfait pas d’une vie figée. Il la veut ardente, emportée dans un élan positif, comme un fleuve puissant et non comme une eau stagnante. Pour cela, le nouveau temps qui s’ouvre est bien un départ. Comme en un nouveau combat, nous quittons les positions occupées jusqu’ici pour en conquérir de nouvelles, plus grandes, plus belles, meilleures.
S’il fallait souligner encore l’idée, cette rentrée intervient, selon le calendrier juif, au début du mois d’Elloul. Un mois où, justement, tout commence. Dès à présent, les fêtes de Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot sont en perspective, bien plus qu’à la lisière de notre conscience. Cela veut dire que c’est dès à présent qu’il convient de s’y préparer. Car comment vivre pleinement un temps si rare et si précieux sans s’en être préalablement pénétré ? Comment en tirer tout ce qu’il nous donne en abondance sans avoir d’abord mis en place les réceptacles nécessaires ? C’est encore une affaire de nouveau départ – mais cette fois sur des bases différentes : celles du mois d’Elloul, ce mois où le lien avec D.ieu est plus facile et plus fort.
Et si ce départ dépendait d’abord du retour ? Retour à soi, retour à D.ieu. Comme une redécouverte ou une renaissance. Ce retour ne conduit pas vers un passé mythifié, il entraîne vers une reconstruction personnelle pour un avenir plus beau que l’espoir. Il est ainsi temps d’entreprendre le voyage – à la fois de retour et de départ. Il est temps de se mettre en marche, de tout son cœur et de toute son âme. Pour le meilleur.
L’éternité de nos actes
Parmi les descriptions et les promesses qui sont faites au sujet de la venue de Machia’h, nous trouvons (Isaïe 66 :22) : « Car, comme les cieux nouveaux et la terre nouvelle que Je ferai, dit D.ieu, resteront devant Moi, ainsi ta descendance et ton nom resteront ». S’il semble que l’assurance d’une certaine forme d’éternité soit ainsi donnée, il convient d’en comprendre profondément les termes.
En premier lieu, il faut préciser que « les cieux nouveaux et la terre nouvelle » ne font pas référence à une disparition et une apparition éventuelles d’un nouveau monde matériel. Les deux termes désignent ici deux degrés différents de la Lumière Divine qui se manifeste alors de façon dévoilée. Plus spécifiquement, « les cieux nouveaux » désignent une « Lumière infinie », transcendant la création tandis que « la terre nouvelle » symbolise une « Lumière » immanente, qui pénètre le monde et reste à sa mesure.
Ainsi, précise le texte, malgré l’ampleur de cette révélation, « ta descendance et ton nom resteront », c’est-à-dire que l’œuvre accomplie pendant le temps de l’exil, qui aura conduit à la venue de Machia’h, gardera toute sa valeur.
(D’après Likouteï Torah sur Chir Hachirim)
Reéh
Moché prévient les Enfants d’Israël de la bénédiction qu’ils recevront s’ils vont dans le chemin de D.ieu et de la malédiction, dans le cas inverse.
Puis il leur adresse le commandement d’ériger le Temple et d’y offrir des sacrifices.
Il indique les punitions qu’encourront les faux prophètes et les pratiques idolâtres.
Les signes pour identifier les animaux et les poissons Cachers sont rappelés ainsi que la liste des oiseaux non Cachers.
Suivent la Mitsva du prélèvement de la dîme et du premier-né animal, celle de la charité, de l’année chabbatique.
La Paracha s’achève sur l’évocation des pèlerinages à Jérusalem qui doivent avoir lieu à Pessa’h, Chavouot et Souccot.
La viande
Quand l’Eternel ton D.ieu aura étendu tes frontières, comme Il te l’a promis et que tu diras : « Je mangerai de la viande », car ton âme désire consommer de la viande, tu pourras manger de la viande selon le désir de ton âme. (Devarim 12 :20-23)
« En dernier et en premier Tu m’as créé » (Psaumes 139 :5) Si un homme est méritant, il lui est dit : « Tu es le premier parmi les œuvres de la création ». S’il n’est pas méritant, il lui est dit : « La mouche t’a précédé, le ver de terre t’a précédé. » (Midrach Rabbah, Vayikra 14 :1)
Certains prétendent que consommer de la viande n’est pas moral. Qu’est-ce qui donne à l’homme le droit de manger la chair d’une autre créature ? Mais on peut dire la même chose sur le fait de consommer des végétaux, de l’eau, de l’oxygène. Qu’est-ce qui donne à l’homme le droit de consommer quelque création divine que ce soit, tout simplement pour maintenir sa propre existence ?
En fait, un tel droit naturel n’existe pas. Quand l’homme ne vit que pour soutenir et améliorer son propre bien-être, rien ne justifie qu’il utilise une autre forme de vie pour ce faire. Comme l’exprime un grand maître ‘hassidique : « quand une personne avance, en ne pensant pas à D.ieu (et à ses commandements), le sol sous ses pieds lui-même s’écrie : ‘Malotru ! En quoi es-tu meilleur que moi ? De quel droit marches-tu sur moi ?’ ».
Le fait qu’un homme représente une forme de vie supérieure ne justifie guère la destruction de créatures inertes ou inanimées. Plus encore, selon les enseignements de la Cabbale, les âmes des animaux, des plantes et des objets inanimés sont en réalité plus élevées que celles des êtres humains. Car, lors du grand effondrement du premier des mondes créés par D.ieu, « Tohou », les éléments les plus élevés tombèrent le plus bas (tout comme lors de l’éboulement d’un mur, les pierres les plus hautes tombent le plus loin), de sorte que les étincelles divines les plus étincelantes s’incorporèrent dans les parties du monde matériel prétendues « inférieures ».
Si l’homme a le droit de consommer d’autres créatures, ce n’est que parce qu’il sert d’intermédiaire pour les élever.
L’essence spirituelle d’une pierre, d’une plante ou d’un animal peut être supérieure à celle d’un être humain mais c’est une étincelle statique, dépourvue de la capacité de combler la quête de toute création à s’unir avec le Créateur. La cruauté d’un chat ou l'ingéniosité d’une fourmi ne sont pas des failles morales ou des accomplissements, pas plus que la dureté d’un roc ou la douceur d’une pomme. Le minéral, le végétal et l’animal ne peuvent faire le bien ou le mal, ils ne peuvent que suivre les préceptes de leur nature innée. Seul l’homme a été doté de la liberté de choix, de la possibilité d’améliorer (ou d’empirer, à D.ieu ne plaise) son état naturel. Quand un individu boit un verre d’eau, mange une pomme ou abat un bœuf et consomme sa chair, ces éléments sont intégrés dans le mécanisme du corps humain et l’énergie qui le dirige. Quand cette personne accomplit un acte divin, un acte qui transcende sa propre nature et la rapproche de D.ieu, elle élève ainsi les éléments qu’elle a absorbés, réunissant les étincelles de Divinité qu’ils incorporent à leur source. (Sont également élevées les créations qui ont permis l’acte divin : le sol qui a nourri la pomme, l’herbe qu’a mangé le bœuf, le cheval qui a apporté l’eau à la ville, etc.).
C’est ici que réside le sens profond du verset cité plus haut : « …tu diras : ‘Je mangerai de la viande’, car ton âme désire consommer de la viande… ». Il se peut que vous exprimiez un désir pour de la viande et que vous ne soyez conscient que de l’envie de votre corps pour la satisfaction qu’un tel aliment vous apporte. Mais en réalité, il s’agit ici de l’expression du désir de votre âme de consommer de la viande, de la quête de votre âme pour les étincelles de Divinité envoyées sur terre pour être libérées.
Le désir
Cependant, il existe une importante différence entre la consommation de la viande et celle des autres aliments.
L’être humain ne peut vivre sans les composants végétaux et minéraux de son alimentation. C’est la raison pour laquelle il est obligé de les consommer, mû par l’aspect le plus élémentaire de ses besoins physiques : la préservation de son existence. La viande, quant à elle, ne constitue pas une nécessité mais un luxe. Le désir de viande n’est pas motivé par un besoin mais c’est un désir, au sens absolu du terme, le désir de ressentir un plaisir.
En d’autres termes, les animaux sont élevés, leur chair intégrée au corps humain, leur âme devient partenaire d’un acte Divin, seulement parce que D.ieu a instillé dans la nature humaine le désir du plaisir.
Cela signifie que l’élévation de la viande requiert de la part de son consommateur une plus grande sensibilité spirituelle que pour tous les autres aliments. Quand un individu mange un morceau de pain et puis, étudie la Torah, prie ou donne la charité, le pain a directement contribué à ces actes. Pour pouvoir les accomplir, l’âme de l’homme doit s’unir à un corps physique et le morceau de pain a joué un rôle primordial dans cette fusion. L’homme mange du pain pour vivre et s’il vit pour accomplir la volonté de son Créateur, la fusion est alors complète. Mais il ne mange pas de la viande pour vivre mais pour en savourer le goût. Aussi n’est-il pas suffisant, pour élever la viande qu’il mange, que l’homme vive pour servir son Créateur. Il doit plutôt être une personne pour laquelle le fait même d’éprouver un plaisir physique est une entreprise divine, quelque chose qui n’est destiné qu’à une fin divine. Il doit être une personne pour laquelle la satisfaction physique générée par une viande se traduit en une compréhension plus approfondie de la Torah, une plus grande dévotion dans la prière, un plus gentil sourire pour accompagner la pièce glissée dans la main du pauvre.
C’est ainsi que la Torah déclare : « Quand l’Eternel ton D.ieu aura étendu tes frontières, comme Il te l’a promis…, tu pourras manger de la viande selon le désir de ton âme. »
Le Talmud déduit de ce verset que « à l’origine, ils n’avaient pas le droit de manger ‘la viande du désir’ (Bassar Taava) ». Ce n’est qu’après qu’ils furent entrés en Terre d’Israël qu’ils eurent la permission de manger ‘la viande du désir’. Pour la première génération d’Israël en tant que peuple, depuis le moment où ils reçurent la Torah et érigèrent le Sanctuaire dans le désert du Sinaï jusqu’à ce qu’ils s’installèrent en Terre Sainte, la seule viande permise à la consommation était celle des Korbanot, les sacrifices animaux offerts à D.ieu dans le Sanctuaire. La consommation de cette viande était une Mitsva, un commandement divin qui avait donc pour effet direct son élévation. Cependant, il leur était impossible d’élever la viande dont le seul effet était de procurer du plaisir à son consommateur si bien qu’elle était donc interdite. Les Enfants d’Israël furent même réprimandés et punis pour avoir exprimé un désir de viande, ce qui est relaté dans le onzième chapitre de Bamidbar.
Ce n’est qu’après que D.ieu eut élargi les frontières, leur donnant donc la mission de faire « sainte » la « terre », qu’ils purent sanctifier le recoin le plus matériel de la vie humaine.
Nos Sages nous enseignent qu’« un rustre n’a pas le droit de consommer de la viande » (Pessa’him 49b). La permission accordée à l’homme de consommer les créatures et les créations du monde et de les soumettre à son service n’est pas inconditionnelle. Elle dépend de sa sensibilité à l’essence spirituelle des créations de D.ieu et de son engagement à les servir en les faisant participer à la sanctification de sa vie.
Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?
A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année samedi 27 août 2022) on ajoute après la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année dimanche 16 octobre 2022) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de rajouter (en plus des psaumes quotidiens) chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du dimanche 28 août 2022 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année dimanche 28 août 2022), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, « le Roi est dans les champs », c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.
On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.
Consolez, consolez mon peuple…
J’avais passé une semaine épuisante à donner des conférences à New York, Miami, Santiago du Chili pour finalement arriver à Buenos Aires, en Argentine. D’ailleurs je n’aime pas voyager, surtout en avion…
A l’aéroport, le Chalia’h (émissaire du Rabbi) local m’emmena en voiture et je n’avais qu’une envie : me reposer à l’hôtel. Mais en chemin, il m’informa qu’il m’emmenait d’abord rendre visite à une dame qui souffrait d’une terrible dépression à la suite d’un événement tragique et qui refusait depuis six mois de sortir de chez elle : « Il n’y a que vous qui parviendrez à la raisonner ! » conclut mon jeune chauffeur.
A vrai dire, cela ne m’enchantait vraiment pas. D’abord, en quoi étais-je qualifié pour la guérir, je n’avais aucun diplôme pour cela ! Et puis, cela ne pouvait donc pas attendre au moins une bonne nuit de sommeil ? Et surtout : de quel droit ce charmant Chalia’h m’emmenait-il ainsi sans même me demander mon avis ? De fait, il avait déjà prévenu cette dame de mon arrivée !
Effectivement, cette dame était presque une morte vivante, sans une étincelle de vie, complètement rongée par son chagrin, incapable de se prendre en mains… Son fils de 19 ans, un garçon extraordinaire, avait perdu la vie dans un accident de voiture. Elle ne cessa de décrire sa gentillesse, son intelligence, sa joie de vivre, son sens des responsabilités etc. Je ne savais vraiment pas comment la consoler et je me hasardais :
- C’était vraiment un enfant merveilleux… Et vous l’avez eu à vos côtés pendant dix-neuf ans…
Elle n’apprécia pas ma réaction. J’essayai encore :
- Le fait que cela soit arrivé si soudainement a sans doute aggravé votre peine… Mais imaginez que D.ieu vous ait demandé auparavant : « Il y a une âme absolument unique au ciel qui doit descendre sur terre pendant dix-neuf ans et Je cherche quelle femme pourrait être sa mère : acceptes-tu de devenir cette mère ? ». Qu’auriez-vous répondu ?
(J’étais persuadé qu’elle répondrait : oui !). Mais elle secoua la tête énergiquement ! « Non ! ».
J’étais stupéfait de sa réaction. Et je bredouillai :
- Alors D.ieu a bien fait de ne pas vous demander votre avis auparavant !
Elle resta silencieuse un instant. Et soudain, un déluge de larmes coula de ses yeux, toutes ces larmes qu’elle n’avait pas versées depuis six mois et qu’il était impossible de stopper, pendant plus de vingt minutes.
Et finalement, elle reprit un visage normal, elle revint à la vie : j’ai observé de mes yeux ce que signifie la résurrection des morts !
Ce fut l’expérience la plus bouleversante qui me soit arrivée ces 50 dernières années.
Nous avons repris la route vers l’hôtel et, soudain, je réalisai que, si on m’avait demandé à la sortie de l’aéroport si j’acceptai d’aller voir cette dame, j’aurais refusé énergiquement. Alors heureusement qu’on ne m’avait pas demandé mon avis !
Depuis, j’ai compris la leçon et, chaque fois qu’on me propose d’agir de façon productive, je m’efforce de répondre positivement.
Quinze ans plus tard, on me demanda de donner une conférence à Mexico-City. La sortie de l’aéroport était terriblement embouteillée et le jeune homme qui m’accompagnait en voiture précisa avec un sourire :
- Ici, on n’est pas en Argentine, je vous emmène directement à l’hôtel !
J’étais étonné :
- Bravo ! Je vois que tu t’es renseigné à mon sujet et que tu connais toute mon histoire ! Vraiment merci !
- Oui, continua-t-il toujours en souriant. Nous n’allons pas nous arrêter en route mais un couple vous attend à l’hôtel… Un couple qui a vécu une véritable tragédie, qui refuse de parler avec qui que ce soit, qui est en colère contre tout le monde et contre D.ieu en particulier… D’ailleurs, ils ont décidé de quitter la communauté et n’ont accepté de parler qu’avec vous. Vous devrez donc leur parler dans le hall de l’hôtel…
- Euh… Cela peut attendre une heure, le temps que je pose mes affaires et que je reprenne mes esprits ?
- Pas du tout ! Ils veulent quitter la ville. C’est donc maintenant ou jamais !
Bref… Nous arrivons à l’hôtel et je fais connaissance de ce couple remarquable. Ils me racontent leur histoire : leur fille de six ans était décédée subitement en tombant du balcon. Ils n’étaient pas à la maison à ce moment-là et s’en voulaient terriblement. C’était un couple modèle, le mari fréquentait la synagogue et tout le monde l’aimait. Voici ce qu’il m’expliqua :
- Savez-vous pourquoi j’en veux tellement à D.ieu ? En fait, je L’aime mais Il m’a planté un poignard dans le dos ! Je ne veux plus entendre des consolations et des explications ! Je quitte la ville et c’est fini !
Je suis assis à côté de lui et il faut que je trouve quelque chose qu’il n’a encore jamais entendu. Je lui demandai :
- Votre fille est-elle venue vous rendre visite depuis ?
- Oui, deux fois, dans mes rêves ! lâche-t-il.
- Et qu’est-ce qu’elle vous a demandé ?
- Elle n’a rien dit, elle souriait simplement comme pour signifier qu’en ce qui la concernait, tout allait bien.
- Et pourquoi, à votre avis, est-elle venue deux fois ?
Il ne savait pas quoi répondre. Je pris mon courage à deux mains :
- Elle tente de vous expliquer quelque chose, qu’elle va bien et qu’elle veut reposer en paix. Mais vous ne la laissez pas reposer en paix. Au ciel, on ne vieillit pas, elle a encore six ans, elle a besoin de son père pour qu’il l’aide là-bas… Mais tout ce qu’elle constate, c’est que vous êtes en colère, que vous ne mettez plus les Téfilines, que vous ne respectez plus le Chabbat et qu’en plus, vous la tenez pour responsable ! Elle en est malheureuse ! C’est ainsi que vous vous occupez de votre fille ? Pourquoi cessez-vous d’être son père quand elle a tellement besoin de vous ?
- C’est vrai ! s’écria-t-il après un moment de sidération. Je dois mettre les Téfilines, maintenant, ici ou dois-je attendre de revenir à la maison ?
J’avoue que, moi-même, j’étais stupéfait de sa réaction.
C’est alors que j’ai mieux compris la première histoire : quand j’avais remarqué devant la première dame qu’heureusement qu’on ne lui avait pas demandé a priori, elle avait en fait compris que cela signifiait qu’elle refusait d’être la mère de cet enfant : quel genre de mère suis-je pour refuser un fils aussi merveilleux ? Et enfin la porte des larmes s’était ouverte…
Ce qui était arrivé dans les deux cas, c’est qu’ils avaient outrepassé leur échelle de valeurs, ils étaient devenus endeuillés au lieu de rester des parents. Une fois qu’ils ont retrouvé une façon de voir saine, le processus de guérison a pu s’enclencher.
Rav Manis Friedman - Minnesota
Traduit par Feiga Lubecki