Rav Shaul Wilhelm s’est installé à Oslo avec son épouse et ses enfants afin d’y apporter un souffle nouveau de judaïsme. Petit à petit, il parvient à nouer un contact avec les étudiants, les familles, les touristes, les hommes d’affaires… Le froid s’est installé dans ce pays non seulement dans les conditions météo mais aussi dans les relations humaines et il y est parfois bien difficile de persuader les Juifs de se rapprocher de leur héritage religieux. Avec tact et patience, Rav Wilhelm raconte, explique, propose et aide, dans tous les domaines : il représente vraiment l’adresse pour tout ce qui a trait au judaïsme dans ce pays nordique.
La Norvège a cette particularité d’être assez proche du Pôle nord. En été, le soleil ne se couche presque pas !
Un jour, un non-Juif demanda à Rav Wilhelm de l’accompagner pour procéder à la visite d’une usine de traitement des poissons afin d’en certifier la cacherout : cette usine était située au nord du pays.
«J’ai pris mon Talit et mes Téfilines et me suis dirigé vers l’aéroport. Un autre Juif nous accompagnait et, tout naturellement, je lui ai proposé de mettre les Téfilines. Il a refusé très fermement. Le non-Juif qui avait écouté notre conversation tenta de s’interposer et demanda de quoi il s’agissait. Je lui ai expliqué que c’était un commandement écrit dans la Torah. Alors il se tourna vers le Juif et déclara : «Je ne comprends pas ! S’il est écrit dans votre Torah que vous devez mettre les Téfilines, pourquoi ne le faites-vous pas ?» Mais le Juif était têtu et pria sèchement le non-Juif de ne pas se mêler de ce qui ne le regardait pas.
Une fois que nous sommes arrivés à destination, nous avons inspecté l’usine, nous avons apporté les modifications nécessaires pour apposer notre tampon de cacherout puis nous sommes sortis pour admirer le paysage. Il était 22 heures. Dans cette petite ville, de nombreux touristes venaient admirer le coucher du soleil interminable puis son lever quelques dizaines de minutes plus tard. Au centre de la ville, se trouvait un pont qui enjambait un fjord absolument magnifique. Ce n’est qu’à une heure du matin que le soleil «s’enfonçait dans l’eau» pour en «ressortir triomphalement» exactement soixante secondes plus tard et reprendre sa course vers l’ouest. C’est un spectacle à vous couper le souffle.
Alors que nous nous promenions, une voiture s’arrêta à côté de nous avec un crissement de freins impressionnant.
- Que faites-vous ici ? demanda l’un des passagers.
- Et vous, que faites-vous ici ? demandai-je, puisqu’il convient de répondre à une question par une autre question.
- Je possède un restaurant réputé dans cette ville, je vous invite à venir y boire un verre ! Il s’y trouve d’autres Juifs, venez !
Je suggérai à l’Israélien qui m’accompagnait de s’y rendre ; quant à moi, je remontai à toute vitesse dans ma chambre d’hôtel pour y prendre mes Téfilines. Vous me direz qu’il était déjà 22h 30 mais on pouvait encore mettre les Téfilines puisque le soleil ne se couchait que deux heures plus tard !
Quand je suis arrivé au restaurant, je proposai au propriétaire de mettre les Téfilines. Il était étonné : «Et pourquoi donc ? Je les ai déjà mis !»
- Ah bon ? Quand les avez-vous mis ?
- C’est évident, voyons : il y a 32 ans, quand j’ai fait ma Bar Mitsva ! Ah, il faut les mettre chaque jour ? Ok, d’accord, je suis juif et fier de l’être et je mettrai les Téfilines au centre de mon restaurant, devant tous les clients !
Effectivement, il se leva, me laissa lui mettre les Téfilines sur le bras puis la tête, récita la bénédiction puis le Chema Israël tout en versant des larmes comme s’il se trouvait à la synagogue pour la prière de Neïla, le moment le plus solennel de Yom Kippour…
Le Juif qui m’avait accompagné fut très impressionné et je lui proposai alors à nouveau de mettre les Téfilines. Il répondit que lui aussi était un Juif fier et il promit que le soir même, à une heure du matin, quand tous les touristes viendraient admirer les merveilles de la nature du haut du pont qui enjambant le fjord, il mettrait les Téfilines aux yeux de tous ! C’est ce qu’il fit.
Un quart d’heure après s’être couché, le soleil réapparut, timide d’abord puis dans toute sa splendeur.
Je proposai alors à mon invité de mettre à nouveau les Téfilines !
- Monsieur le rabbin ! On voit que vous êtes vraiment fatigué ! Je les ai mis il y a à peine un quart d’heure !
- Non, je ne suis pas fou ! Mais nous avons commencé une nouvelle journée, donc la Mitsva se présente à nouveau !
- Je comprends ! D’accord, je les remets à l’instant même !
C’est ainsi qu’un Juif qui n’avait plus mis les Téfilines depuis des dizaines d’années eut le mérite de les remettre deux fois en l’espace d’un quart d’heure !
Ce genre d’histoires ne peut arriver qu’en Norvège !
Pour conclure, Rav Wilhelm raconte qu’un Juif dit une fois au Rabbi de Loubavitch que son Rabbi avait dernièrement étudié la conclusion du traité ‘Haguiga et s’était demandé comment un Juif qui est considéré comme un méchant peut-il être «rempli de Mitsvot comme la grenade est remplie de grains».
Le Rabbi de Loubavitch avait souri et remarqué : «Moi aussi j’ai conclu dernièrement l’étude du traité ‘Haguiga et je me suis demandé : «Comment un juif qui est rempli de Mitsvot comme la grenade est remplie de graines peut-il être considéré comme un méchant !»
Tel est le message du Rabbi ! Les Juifs sont remplis de Mitsvot comme une grenade et ne peuvent être considérés comme des pêcheurs. Il suffit de gratter un peu l’écorce de la grenade et on verra alors les nombreux grains qu’il contient.
C’est pour cela que Rav Wilhelm est arrivé dans ce pays nordique, c’est pour cela qu’il y reste, c’est certainement pour cela, estime-t-il, qu’il s’est remis d’une grave maladie, c’est pour cela qu’il restera jusqu’à ce que la nuit soit aussi claire que le jour – et pas seulement en été dans les pays nordiques mais quand «la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme l’eau recouvre la mer !»
En attendant, bienvenue au Beth ‘Habad d’Oslo !

Mena’hem ben Ychaïe
« Hamodia » 14 Nissan 5769
traduit par Feiga Lubecki

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