Une année, nous avons décidé de procéder à un allumage public de la Menorah dans la ville de White Plains. Je soumis une requête en ce sens aux autorités et le maire, M. Delfino nous accorda bien volontiers sa permission. Nous avons érigé la Menorah dans le centre-ville, à côté de Main Street, la rue principale. J’invitai le maire (qui n’est pas juif) à allumer le Chamach, la lumière qui sert à allumer les autres.

Le maire arriva pour la cérémonie avec toute une délégation : le député, les officiers de police et d’autres notables. Très content de leur présence, je les accueillis avec empressement et leur expliquai le programme de la soirée. Il me demanda combien de Menorah je comptais allumer sur la voie publique dans la région et je répondis qu’il y en avait dix-huit, disséminées un peu partout. Il s’étonna : comment parvenais-je à procéder à 18 allumages en une seule soirée ? J’admis que c’était difficile et que cela me prenait deux heures chaque soir : « Je m’y rends en voiture : je sors de la voiture, mets la prise électrique qui allume le chandelier, retourne dans la voiture et me rends à l’endroit suivant. Dans certains quartiers, j’ai des amis qui allument la Menorah pour nous mais c’est moi qui procède à la plupart des allumages ».

Le maire se tourna alors vers M. Arne Abramowitz, député chargé des parcs et jardins et lui proposa de m’aider. Curieux, Arne demanda en quoi il pouvait m’être utile. M. Delfino expliqua qu’il devrait chaque soir venir mettre la prise de la Menorah, ce qui me ferait gagner vingt-cinq minutes. Il accepta et je le remerciai, ainsi que le maire.

Le dernier jour de ‘Hanouccah, je réfléchis : « Aujourd’hui, c’est le dernier jour de la fête. Je voudrais tellement trouver comment le célébrer dans l’apothéose pour causer du plaisir au Rabbi ! Par exemple en procédant à un allumage là où il n’y en a jamais eu ! Oui, c’est cela, il faudrait trouver un endroit très fréquenté mais aussi obtenir l’autorisation… ». En l’espace d’un seul jour, cela semblait vraiment irréaliste quand on connait les lenteurs de l’administration !

Je téléphonais au bureau du maire, parlais avec le secrétaire et lui demandais de me passer immédiatement le maire pour un sujet très important. Quand M. Delfino prit la communication, j’expliquais que j’avais besoin d’une faveur très spéciale de sa part.

- Bien sûr, Monsieur le Rabbin ! De quoi s’agit-il ?

- Voilà ! Je voudrais procéder à un allumage devant la mairie. J’apporterai la Menorah, vous nous adresserez un discours et ainsi, nous célébrerons ‘Hanouccah avec le personnel de la mairie !

L’idée lui plut et il promit d’inviter tous les employés de la mairie à assister à l’allumage durant la pause du goûter.

Effectivement, ce fut une bonne centaine de personnes qui se pressèrent devant la mairie pour cet événement : le maire alluma le Chamach, j’allumai les huit lumières et M. Delfino s’adressa à la foule, plus particulièrement à son adjoint :

- Arne, je vais parler et il est important que vous m’écoutiez !

Étonné, je regardai Arne qui avait l’air très embarrassé. Très sérieux, le maire continua :

- Samedi soir, j’ai regardé par ma fenêtre qui donne sur la Menorah de Main Street. J’ai remarqué que la lumière de ce soir n’avait pas été allumée. J’ai compté et recompté les lumières : il en manquait bien une ! C’était une nuit froide, il neigeait. J’ai réveillé ma femme et l’ai prévenue : « Je descends dehors quelques minutes et je reviens bien vite, ne t’inquiète pas ! ».

Il était tard et le maire était déjà en pyjama. Il mit un manteau chaud sur son pyjama et descendit, en pantoufles, pour traverser la rue en direction de la Menorah. Il commença à fouiller parmi les fils électriques enchevêtrés pour trouver celui qui était destiné à allumer la lumière de ce soir particulier. Soudain il entendit une voix aboyer derrière lui :

- Ne bougez pas ! Les mains en l’air !

C’était deux policiers. Ils l’interrogèrent rudement et voulaient savoir pourquoi il tentait de saboter l’installation électrique de la Menorah. Il expliqua qu’il était le maire mais ils ne le crurent évidemment pas : un homme en pyjama et en pantoufles alors qu’il gelait à l’extérieur… Il ne ressemblait pas au maire mais à un malfaiteur ! Au bout de quelques minutes, ils réalisèrent leur erreur et se confondirent en excuses. Mais ils ne comprenaient toujours pas ce qu’il avait eu l’intention de faire dehors en pyjama à cette heure tardive… Il expliqua :

- J’ai promis au rabbin que, chaque nuit, nous allions allumer la Menorah. Quand on promet, on doit tenir sa parole ! Et c’est pourquoi je suis sorti quand j’ai réalisé que nous avions failli à notre engagement !

J’ai entendu cette histoire de la bouche du maire et j’ai pensé : Il n’est pas juif mais il a parfaitement compris l’importance du message. Si, grâce à la demande du Rabbi, il y a une Menorah à White Plains, alors, même s’il fait froid dehors, qu’il est une heure du matin et que vous êtes en pyjama et en pantoufles, peu importe ! Vous êtes un soldat ! Sortez allumer la Menorah !

 Rav Velvl Butman – Westchester County, New York

Traduit par Feiga Lubecki

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