Concernant la Mitsva du compte de l’Omer, la Torah souligne que ce compte doit être entier, ainsi qu’il est dit : « Vous compterez pour vous... ce sera sept semaines entières »(1). Quand ces semaines sont-elles entières ? La Guemara(2) explique que c’est le cas lorsque le premier jour de Pessa’h est un Chabbat. En pareil cas, le premier jour de chaque semaine de l’Omer est un dimanche(3), de sorte que les jours de l’Omer correspondent à ceux de la semaine.

Le Midrash(4) donne une autre définition de cette intégrité : « Rabbi ‘Hya enseigne : ce sera sept semaines entières, quand sont-elles entières ? Lorsque les enfants d’Israël accomplissent la Volonté de D.ieu ».

Il faut donc comprendre quelle relation on peut établir entre l’accomplissement de la Volonté du Saint béni soit-Il et la notion d’intégrité. De même, quel rapport y a-t-il entre les deux explications mentionnées ci-dessus(5) ?

Il faut d’abord comprendre le sens de l’expression : « accomplir la Volonté de D.ieu ». La Guemara(6) fait état de deux assurances de la Torah sur la bénédiction qui est accordée au peuple d’Israël, quand il suit la voie de la Torah. Or, ces deux assurances, en apparence, se contredisent.

En effet, un premier verset dit : « Des étrangers viendront et ils feront paître vos troupeaux »(7), ce qui veut dire que les enfants d’Israël n’auront plus besoin de travailler pour assurer leur subsistance(8).

En revanche, un second verset dit : « Tu engrangeras ton blé »(9), ce qui signifie que, même lorsque les bénédictions matérielles seront clairement révélées, il sera encore nécessaire de travailler le champ.

La Guemara explique cette contradiction apparente de la façon suivante : « L’un s’applique quand les enfants d’Israël accomplissent la Volonté de D.ieu et l’autre, quand ils n’accomplissent pas la Volonté de D.ieu ». Cela veut dire que, quand les Juifs mettent en pratique la Torah et les Mitsvot, les nations du monde prennent en charge tous leurs besoins matériels. En revanche, quand ils ne les mettent pas en pratique, ils doivent alors eux-mêmes appliquer les termes du verset : « Tu engrangeras ton blé ».

La ‘Hassidout constate(10) que ce verset, « Tu engrangeras ton blé », figure dans le second paragraphe du Chema Israël, après qu’il y soit dit : « pour Le servir de tout votre cœur et de toute votre âme », mais qu’en revanche, il n’est pas dit : « de tout votre pouvoir », comme c’est le cas dans le premier paragraphe(11). Il s’agit, certes, d’une forme très haute du service de D.ieu, « de tout votre cœur et de toute votre âme ». Néanmoins, celle-ci n’atteint pas : « de tout votre pouvoir » et l’on peut donc encore dire, à ce propos, que : « ils n’accomplissent pas la Volonté de D.ieu ». L’amour de D.ieu, au niveau de : « de tout ton pouvoir », transcende toutes les limites. L’homme qui sert D.ieu de cette façon n’est plus limité(12) et il obtient ainsi que la bénédiction de D.ieu le soit également.

C’est de cette façon que la bénédiction infinie du Saint béni soit-Il s’introduit dans les dimensions limitées du monde. Quand les Juifs atteignent ce niveau, ils la reçoivent au-delà de toute limite, au point que : « des étrangers viendront et ils feront paître vos troupeaux »(13). C’est le sens de : « ils accomplissent la Volonté de D.ieu ». On introduit ainsi Sa Volonté, qui n’a pas de limite dans la dimension limitée de l’espace. De cette façon, la Lumière de D.ieu dépassant les limites s’unifie au monde limité.

Telle est donc la dimension morale du service de D.ieu du compte de l’Omer. C’est la raison pour laquelle ce compte est parfait lorsque les semaines sont entières, c’est-à-dire conforme à : « ils accomplissent la Volonté de D.ieu ».

L’Omer est une mesure d’orge(14), un aliment pour les animaux(15). Ceci indique, d’une manière allusive, qu’il convient d’affiner et de transformer « l’animal », l’âme animale. Ainsi, la force de changer et d’affiner l’âme animale émane d’une source particulièrement haute, de cette Lumière de D.ieu qui transcende les limites de la création. On retrouve, là encore, une jonction entre la limite et l’infini.

Quand un Juif assume, de la manière qui convient, le service de D.ieu du compte de l’Omer, quand il affine et transforme les traits de caractère de son âme animale, il réunit l’Infini divin et la limite. Lorsqu’en outre, cette forme du service de D.ieu est « intègre », on peut alors dire que : « il accomplit la Volonté de D.ieu »(16). Cette jonction est liée à celle qui est faite entre les jours de l’Omer et ceux de la semaine. Ces derniers correspondent aux jours de la création, qui furent également un moyen de réunir l’infini et la limite(17). Quand Pessa’h est un Chabbat, il y a effectivement correspondance entre les jours du compte de l’Omer et ceux de la semaine(18). Dès lors, on a effectivement ces : « sept semaines entières ».

(Discours du Rabbi, Likouteï Si’hot, tome 12, page 96)

(1) Vaykra 23, 15. Soit au total quarante-neuf jours. Il est dit, par ailleurs, « vous compterez cinquante jours ». La ‘Hassidout explique que le cinquantième jour est offert à ceux qui ont compté les quarante-neuf premiers.
(2) Dans le traité Mena’hot 65b. On verra aussi, à ce propos, le Midrash Kohélet Rabba, chapitre 1, au paragraphe 3 et le Matanot Kehouna, à cette référence.
(3) En effet, on commence à compter l’Omer au lendemain du premier jour de Pessa’h.
(4) Midrash Vaykra Rabba, chapitre 28, au paragraphe 3. L’intégrité de la période est donc liée au service de D.ieu des enfants d’Israël.
(5) On sait, en effet, qu’il existe nécessairement un rapport entre deux explications différentes énoncées à propos du même sujet.
(6) Dans le traité Bera’hot 35b, qui citent ces deux avis contradictoires, puis se demande comment les concilier.
(7) Ichaya 61, 5. Il en sera ainsi pour tous, dans le monde futur et d’ores et déjà dans ce monde, pour ceux qui accomplissent la Volonté de D.ieu.
(8) Ils pourront ainsi se consacrer à l’étude de la Torah.
(9) Devarim 11, 14. Ceci fait allusion à tous les travaux agricoles et même à tous les travaux matériels, en général.
(10) Dans le Likouteï Torah, Parchat Chela’h, à la page 42c. On retrouve la même explication dans les ‘Hidoucheï Aggadot Maharcha sur le traité Bera’hot 35b.
(11) En effet, le premier paragraphe du Chema Israël est rédigé au singulier et le second, au pluriel. Ainsi, on peut demander un service de D.ieu : « de tout ton pouvoir : même s’Il te reprend la vie» à une personne, à titre individuel, mais non à l’ensemble de la communauté.
(12) C’est la raison pour laquelle il est prêt à donner sa vie pour D.ieu, bien que l’instinct de conser-vation soit le plus profondément implanté en l’homme, ainsi qu’il est dit: « Un homme peut donner tout ce qu’il a pour sauver son âme ».
(13) C’est alors qu’ils échappent totalement aux contingences du monde.
(14) Selon les traités Mena’hot 68b, 84a et Sotta 14a, dans la Michna.
(15) Comme le disent les traités Pessa’him 3b et Sotta 14a. De fait, cette période permet de nourrir l’âme animale pour l’élever vers le service de D.ieu.
(16) Ce qui le place au-dessus des limites du monde.
(17) Puisque la Lumière infinie de D.ieu créa un monde fini.
(18) Soit la façon la plus parfaite.

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