Editorial
Un sourire de lumièreLe soleil règne et le ciel est bleu ; sous ces latitudes, y a-t-il une manière plus claire de dire le bonheur de vivre ? Il existe, cependant, quelque chose de plus profond, et qui, sans doute, porte plus loin, pour l’exprimer : les centres aérés Gan Israël ont ouvert leur porte ! Et le soleil des cœurs brille peut-être encore plus fort que l’astre qui occupe l’horizon. Et sa chaleur nous est peut-être encore plus précieuse. Car un enfant qui rit, qui chante, qui vit le judaïsme et le partage, c’est comme un éclat de lumière écartant la grisaille, c’est comme une joie invincible qui repousse toutes les ombres, c’est comme le puissant chant des hommes qui étouffe les clameurs des barbares de tous ordres. Disons-le : si on a rêvé un jour de voir le bonheur, l’occasion nous est donnée ici et maintenant.
Et pourtant, nous vivons aussi une période rituellement austère du calendrier juif. Ne sommes-nous pas dans cet «entre les limites» des trois semaines ? N’entrons-nous pas dans la dernière semaine qui précède le jeûne du 9 Av, le jour de la destruction du premier et du second Temple de Jérusalem ? Les images que ces seuls mots évoquent n’éloignent-elles pas largement des notions évoquées ? C’est peut-être-là que la puissance de l’enfant apparaît dans toute sa beauté et sa grandeur. C’est qu’il y a deux manières de voir. Le Talmud rapporte une anecdote fameuse : «Un jour, Rabbi Akiba marchait, avec d’autres Sages de son temps, à l’endroit où s’était dressé le Temple… Les Sages ne purent retenir leurs larmes alors que Rabbi Akiba sourit. Les Sages l’interrogèrent : ‘Pourquoi ce sourire ?’ et Rabbi Akiba rétorqua : ‘Pourquoi ces larmes ?’ Les Sages répondirent : ‘N’est-ce pas évident ? Voici ce qui reste du Temple !’ Alors Rabbi Akiba expliqua : ‘C’est la raison pour laquelle je souris. Les prophètes ont annoncé cette destruction et elle s’est réalisée. Ils ont annoncé la reconstruction, c’est la preuve manifeste qu’elle se réalisera.’» Que dire ? Rabbi Akiba savait voir les forces de l’avenir en œuvre.
Les enfants nous donnent ce même message. Certes, les temps sont difficiles, en nous comme autour de nous, au rythme du calendrier comme à celui des événements du monde. Mais le Gan Israël a commencé. C’est un sourire qui naît et resplendit et, avec lui, plus qu’un espoir, une assurance de changement. Même au cœur de la nuit, nous savons, à présent, que le soleil se lève peu à peu. Nous voyons que ses premiers rayons nous effleurent ; ils sont sur le visage des enfants. Et ces visages expriment une certitude et nous la transmettent : le temps de la Délivrance est à notre porte.
Etincelles de Machiah
Un Machia’h dans lequel tout le monde croiraUn seigneur non-Juif interrogea, un jour, un ‘Hassid : “Que feras-tu si ton Machia’h arrive et que je ne crois pas en lui ?”
Le ‘Hassid répondit sans hésiter : “Si vous ne croyez pas en lui, je n’y croirai pas non plus !”
Dans cette anecdote, une idée essentielle apparaît : la venue de Machia’h retirera tous les doutes qui peuvent exister et tout homme aura pleine conscience du nouveau temps qui aura commencé.
(d’après la tradition ‘hassidique) H.N.
Vivre avec la Paracha
Devarim : les motsDevarim signifie «mots» et c'est le nom de la Paracha de cette semaine, la première lecture hebdomadaire du livre de Devarim, cinquième livre de la Torah. Bien sûr, la Torah tout entière, du moins comme elle nous fut communiquée, à nous êtres humains, est constituée de mots ; mais dans le livre de Devarim, la nature de ces mots prend une signification particulière.
Le livre de Devarim est un discours de Moché, long de trente-sept jours, commençant le 1er Chevat et s'achevant le 7 Adar, jour de sa disparition en l'année 2488 depuis la Création. Dans son discours, Moché récapitule les événements et les lois essentiels rappelés dans les quatre autres livres de la Torah. C'est pourquoi le livre de Devarim est également appelé Michné Torah, «la répétition de la Torah» (le nom d'origine latine Deutéronome signifie ainsi «seconde loi»).
Techniquement, Moché écrivit les cinq livres. Mais comme l'expliquent nos Sages, dans les quatre premiers livres, Moché transcrivit tout ce qu'il recevait de D.ieu alors que dans Devarim, il le dit avec «ses propres mots». La distinction apparaît clairement dans le fait que les quatre premiers livres sont écrits à la troisième personne («Et D.ieu parla à Moché en ces termes») alors que dans Devarim, nous entendons la voix de Moché à la première personne («à ce moment, D.ieu me dit» etc.).
Néanmoins, Devarim appartient à ce que nous appelons la «Torah écrite», ce qui signifie que non seulement son contenu mais également ses mots et ses lettres sont considérés d'origine divine. Nos Sages expliquent que Moché avait totalement fait abnégation de son ego devant la Volonté Divine, que «la Présence Divine parlait à travers sa gorge», les mots de Moché étant ainsi les propres mots de D.ieu.
En tant que tel, le livre de Devarim agit comme un pont entre la «Torah écrite» et la «Torah orale». Cette dernière inclut le Talmud et les Midrachim, les commentaires et les lois, le Zohar et la Cabbale, et «tout ce qu'un étudiant érudit expliquera devant son maître», tout ce qui a été produit par trente-trois siècles d'érudits étudiant et interprétant la Torah selon la tradition sinaïtique. Dans la Torah Orale produite par des esprits et des bouches moins libérés de leur ego que ne l'était Moché, le contenu est divin mais les mots et les lettres sont humains.
En d'autres termes, il existe deux dimensions à la Torah: une dimension dans laquelle le contenu et son expression sont accordés d'En Haut et une dimension dans laquelle la Sagesse et la Volonté Divines sont «habillées» dans nos propres mots. Et puis, nous avons le livre de Devarim dans lequel les deux convergent: un être humain, Moché, atteint un niveau d'identification avec la Sagesse et la Volonté Divines.
L'homme qui parle
Il en va de même, à un certain niveau, chaque fois que nous ouvrons la bouche.
Les anciens philosophes se réfèrent à l'être humain comme à celui qui est doté de la parole, et personne n'a encore trouvé une meilleure définition de notre race «parlante». Nous aimons parler. Observez les explications sur nous-mêmes dans lesquelles nous nous engageons interminablement, les conversations perpétuelles que nous nous sentons obligés de tenir, les millions de mots déversés chaque jour dans chaque media imaginable. Pourquoi ce désir insatiable de tout mettre dans des mots, comme si rien n'existait véritablement avant d'être exprimé et développé dans une longue série de sons humains ?
Parce que, nous disent les maîtres 'hassidiques, il n'y a rien que l'homme aime plus que de jouer à D.ieu.
D.ieu le fit : Il créa par la parole. Il dit: «que la lumière soit!» et la lumière fut. Il dit «que les eaux se rassemblent et que la terre se révèle!» et les océans et les continents furent créés. Mais l'homme contemple la création de D.ieu et la voit comme quelque chose qui doit encore être formé, qui manque encore de définition. Alors il parle et parle sans cesse, catégorisant, quantifiant et qualifiant le monde de D.ieu dans un effort pour lui donner un sens et un but.
Bien sûr, des différences existent. D.ieu est infini et omnipotent ; nous sommes finis et faillibles. D.ieu créa la lumière par la parole, nous avons la possibilité de la définir en termes de luminosité ou d'obscurité. Nous pouvons par les mots transformer les continents en pays et provinces d'une communauté mondiale productive ou nous pouvons en faire des frontières d'animosité et de luttes.
Mais c'est là «le partenaire dans la création» que D.ieu désire: un partenaire qui est capable de détruire comme de construire. Un partenaire indépendant, libre, dont les choix lui appartiennent et donc entièrement sous sa responsabilité et son accomplissement, parce que D.ieu voulut de véritables partenaires dans Son entreprise.
Passer au niveau supérieur
Mais D.ieu fit encore plus. Non seulement Il soumit Sa création à la verbalisation humaine mais Il mit également Sa Torah, Ses propres pensées et désirs, dans des mots humains et compréhensibles et puis Il nous invita dans le processus de verbalisation de Sa Torah.
Parce que si nous sommes Ses partenaires, il nous faut l'être pour tout. Un véritable partenaire ne fait pas remplir son rôle dans le déroulement et le développement de l'entreprise mais il participe également à son projet, à son mode opératoire, à ses lois et ses principes.
Ainsi D.ieu accorda-t-Il à l'être humain l'esprit et la parole, un moyen non seulement de former Son monde mais également de participer à la formulation de la Torah, lois et plan de la création.
Ainsi naquit Devarim, le livre des mots.
Le premier à recevoir cette mission fut Moché qui l'accomplit si parfaitement que sa «contribution» devint l'un des cinq livres qui forment le cœur de la Torah. Et l'accomplissement de Moché contient les semences qui donnent à tous les partenaires humains suivants la possibilité d'articuler la Sagesse Divine.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le 9 Av ?Le 9 Av commémore de tristes dates de l’histoire juive, comme l’épisode des explorateurs, l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, de nombreux pogromes, et en particulier la destruction du Temple de Jérusalem par les Babyloniens puis par les Romains.
Les garçons à partir de treize ans et les filles à partir de douze ans doivent jeûner depuis la veille (cette année lundi 19 juillet 2010 à partir de 21h 40, horaires de Paris) jusqu’au soir (cette année mardi soir 20 juillet 2010 à 22h 25). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne. On ne se lave pas, sauf les mains le matin, ou pour des raisons d’hygiène. On ne récite pas la bénédiction : «Chéassa Li Kol Tsorki» («Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures. On évite de travailler. On n’étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un «Siyoum», à la conclusion du traité Talmudique Moèd Katane (qu’on peut aussi écouter sur Radio J à 14h 30).
Jusqu’au milieu de la journée de mardi (environ 13h 30, 14h) on ne s’assoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour, sauf aux personnes qui ont oublié qu’on ne se salue pas le 9 Av.
Lundi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E’ha). Mardi matin, on fait la prière sans Talit ni Téfiline. On ne récite pas le Ta’hanoune (supplications). On lit les «Kinot» lamentations rédigées au cours des siècles à propos des diverses souffrances du peuple juif en exil. Mardi après-midi, on met Talit et Téfiline pour la prière de Min’ha et on rajoute le passage «Na’hem» («Console les endeuillés de Sion») ainsi que le passage «Anénou» («Répond-nous»). Après le jeûne, on se lave les mains rituellement et on se rince la bouche avant de manger.
On ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin jusqu’au milieu de la journée du mercredi 21 juillet. On fera lessive, couture et repassage et on pourra se couper les cheveux à partir du mercredi après-midi 21 juillet à 14h 00.
(Pendant les 9 jours, écoutez l’étude d’une conclusion d’un traité du Talmud sur radio J à 14h 30)
F. L.
De Recit de la Semaine
Les deux frèresBien sûr, tous les enfants connaissent l’histoire : il était une fois deux frères qui s’aimaient et qui partageaient un terrain. L’un était célibataire, l’autre était marié et avait plusieurs enfants : « Mon frère n’a pas d’enfants, qui s’occupera de lui quand il sera vieux ? Je vais lui donner une partie de ma récolte, sans qu’il s’en aperçoive », se dit l’un. L’autre réfléchissait de son côté : « Mon frère a une famille nombreuse à nourrir. Il a plus de besoins que moi. Je vais lui donner une partie de ma récolte sans qu’il s’en aperçoive ! »
Chaque nuit, chacun des deux frères déposait une partie de sa récolte dans la grange de l’autre. Et aucun des deux ne comprenait pourquoi il lui restait autant de blé que la veille. Jusqu’à ce qu’une nuit, ce qui devait arriver arriva : les deux frères se rencontrèrent, comprirent ce qui s’était passé et s’embrassèrent. C’est à cet endroit que fut construit le « Beth Hamikdach », le Temple de Jérusalem qui sera reconstruit grâce à l’amour gratuit entre tous les Juifs…
En été 1943, nous habitions dans une seule pièce à Denau, dans le Tadjikistan, avec notre fillette de sept mois, Blimka. Nous nous considérions comme privilégiés de n’être pas obligés de partager cette pièce avec une ou même deux autres familles comme cela arrivait souvent en Union soviétique. L’entreprise dans laquelle travaillait mon mari possédait sa propre boulangerie et nous recevions donc assez régulièrement notre ration quotidienne de 400 gr de pain de bonne qualité. Nous possédions même un petit lopin de terre derrière la maison : il fallait l’arroser, enlever les mauvaises herbes, semer mais finalement nous pouvions récolter quelques légumes.
J’avais rencontré Yohanan Chaoul en 1941 dans un camp de réfugiés et nous nous étions mariés peu après. Tous les deux, nous avions pratiquement perdu tous les membres de nos familles. Cependant, mon mari était persuadé que son frère Mucek avait réussi à survivre. Mais où ? C’est alors, en 1943, que nous avons reçu une lettre de Mucek : il était professeur de mathématiques et sa femme Elza enseignait l’histoire. Ils vinrent s’installer près de chez nous et la réunion entre les deux frères fut un moment d’intense émotion.
Nous espérions qu’ils s’installeraient dans notre village mais peu après, Mucek reçut une proposition de travail dans un village situé à environ trois heures de Denau ; nous continuions cependant à nous voir très souvent.
En novembre 1943, grâce à un don inespéré (toute une histoire en soi), nous avons acheté une chèvre noire avec des taches blanches : nous l’avons appelée «Charnula», ce qui signifie «la Noirotte». Cette chèvre nous donnait du bon lait, utile pour l’alimentation de notre fille. Et le surplus nous permettait d’acheter d’autres aliments.
Mucek et Elza avaient compris l’importance et l’utilité de cette acquisition : Elza vendit alors une de ses magnifiques robes qu’elle avait elle-même tricotée de ses doigts de fée et confia l’argent à mon mari pour qu’il lui achète une chèvre à la foire.
A la fin janvier 1944, mon mari rapporta à la maison une chèvre blanche avec des taches noires : je l’attachai avec une corde à un arbre dans la cour, rentrai quelques minutes à la maison pour m’occuper de ma fille et, quand je retournai à la cour, la chèvre avait disparu. Atterrée, je regardai à droite, à gauche puis aperçus au loin un homme qui s’éloignait à toute vitesse avec une chèvre, sans doute la chèvre que nous venions d’acquérir pour Mucek. Il m’était impossible de le rattraper !
Quand j’en informai mon mari, il réfléchit et dit : «Nous avions la chance de posséder une chèvre. Nous allons devoir apprendre à nous en passer!»
- Mais c’est la chèvre de Mucek qui a été volée !
- Je sais ! Mais nous devons ressentir cela comme si c’était la nôtre !
- Bien sûr ! Je suis terriblement désolée pour eux ! Mais au moins grâce à notre chèvre, nous avons du lait pour Blimka : sinon je serai obligée de me rendre à pied avec tes chaussures qui sont trop grandes pour moi (puisque je n’avais même plus de chaussures à ma taille depuis qu’une tempête avait fait s’envoler l’une d’elles) – à la cuisine de l’école pour obtenir le lait auquel ma fille a droit !
- Il est vrai que la chèvre volée était celle de Mucek. Mais il nous avait confié son argent ! Nous en sommes responsables !
Je sentais qu’il avait raison même si mes pieds pleuraient déjà devant l’épreuve qui les attendait.
« De plus », continua mon mari (qui était un descendant de Rabbi Meïr de Premichlane), « nous leur dirons que c’est notre chèvre qui a été volée afin qu’ils acceptent plus facilement ! »
« Pourquoi mentir ? » me demandai-je. « Et je n’aurais même pas la satisfaction de leur reconnaissance ? Mon mari ne pensait donc qu’à son frère, pas à moi ? » De fait je me rendais bien compte que si Mucek avait su la vérité, il n’aurait pas accepté la chèvre et c’était ce que j’espérais secrètement.
Je savais que mon mari avait raison. Mais il avait encore une autre idée…
«Nous n’allons rien dire du tout à Mucek. Nous lui donnerons la chèvre, le féliciterons pour sa nouvelle acquisition : ainsi il l’appréciera pleinement, sans se faire du souci pour nous !»
Une logique irréfutable, j’en convenais. Mais…
« Ne crois-tu pas que tu m’en demandes un peu trop ? » dis-je d’une voix étouffée. « Je ne suis qu’un être humain ! »
« Exactement ! C’est bien pour cela que je te demande cette faveur ! Parce que tu es un être humain ! Etre humain, c’est agir avec courage, compassion et force ! Avec responsabilité, avec un amour inconditionnel des autres, en mettant tout en œuvre pour procurer du bonheur aux autres ! »
Qu’auriez-vous dit à ma place ?
Je me résignai…
Mais au lieu de me sentir misérable, je me sentis heureuse, soulagée pour tout dire. Et tout s’arrangea relativement bien. Ma fille n’avait plus son verre de lait régulièrement mais elle grandit sans problème, bien qu’elle ait perdu son «jouet». Elevée par des parents satisfaits de leur bon choix et se contentant de ce qu’ils avaient, elle appréciait tout ce que la vie lui offrait.
Ce n’est qu’en 1992, cinquante ans plus tard – dix sept ans après la mort de mon mari – que j’eus l’occasion et le courage d’en reparler avec mon beau-frère.
«Quel homme extraordinaire était mon frère ! » s’exclama-t-il. « Quel dommage que je ne puisse plus le remercier!»
Je réfléchis puis lui dis : «De fait, c’est encore possible. Même après sa mort, vous pouvez montrer votre appréciation de ses qualités merveilleuses. Racontez cette histoire autour de vous !»
«C’est vrai!» reconnut-il.
Et c’est exactement ce que moi je fais avec vous, chers lecteurs, aujourd’hui.
Batya Horn
N’shei Chabad Newsletter
traduite par Feiga Lubecki