Semaine 37

  • Choftim
Editorial
Le mois d’une vie nouvelle


Lorsque, au fil de l’année, reviennent des temps si précieux
qu’ils ne laissent place à aucune autre préoccupation
que celle de leur survenance, personne
n’échappe à un sentiment étrange et bouleversant. Voici
que ce temps est déjà venu tant de fois, annonciateur de
tant de merveilles spirituelles et, pourtant, rien de fondamental
ne semble avoir changé ; faut-il donc encore y revenir,
vouloir le revivre ? Cependant, c’est du mois d’Elloul qu’il
s’agit et cette seule mention suffit à dire toute la grandeur
de la période qui commence à se dérouler devant nous.
Tout ou presque a été dit à ce sujet. Le mois d’Elloul, dernier
de l’année juive, est celui, essentiel, du retour à D.ieu. Il est
celui où le lien avec Lui est, comme par nature, plus fort,
vibrant au-delà de toutes contraintes et de toutes limites, y
compris celles de la création. Ce mois privilégié brille,
chaque année, jusqu’au coeur de l’exil. Il éclaire la nuit
comme le refuge attendu quand la tempête se déchaîne.
Ces mots sont loin d’être vides de sens. Au contraire, leur
présence est sensible en chacun de nous. Ils expliquent que
ce mois soit celui où la venue de l’année nouvelle est d’ores
et déjà une réalité concrète, à telle enseigne que s’y préparer
est une nécessité que nul ne peut ni ne veut contester.
C’est justement là que la plus urgente prise de conscience
s’impose. Emportés par le quotidien, par le simple souci des
jours qui passent, il serait facile de perdre de vue l’essentiel.
Mais, avec le mois d’Elloul, c’est une chance unique qui
nous est donnée. Nous pouvons, dès aujourd’hui, non seulement
changer l’avenir, toujours entre nos mains, mais
aussi réparer le passé, en faire ce temps de merveille et
d’accomplissement que nous avons toujours voulu vivre.
Elloul est une manière de «refuge» a-t-on dit, comme ces
villes où, dans l’Israël biblique, le coupable d’un homicide
involontaire était exilé afin de réparer spirituellement l’acte
terrible qu’il avait commis. En ce lieu nouveau, sa vie devenait
nouvelle, il pouvait tout recommencer. Pour nous, décidément,
le mois d’Elloul est bien un refuge; il suffit d’une
décision simple : s’y installer comme en une vie nouvelle.
H. Nisenbaum
Etincelles de Machiah
Quand la chiar verra

Isaïe, décrivant l’époque messianique, annonce (66:23) : « …toute chair viendra et se
prosternera devant Lui ». L’emploi du mot « chair » est ici étonnant. En effet, s’agissant de
l’homme, on aurait pu avoir recours à un terme plus noble.
C’est pourtant dans ce choix surprenant que se cache un enseignement essentiel. La nature
humaine connaît différents degrés.Parmi eux, il en est un d’une bassesse telle qu’il n’est
pas possible de le définir autrement que par le terme « chair ». Eloigné de toute idée spirituelle,
seulement soucieux de sa petite existence au sens le plus restreint, ce degré ne
semble pas être capable de la moindre connaissance. Cependant, affirme le prophète,
lorsque le Machia’h viendra, ce degré même s’élèvera jusqu’à « se prosterner » et prendre
conscience de l’existence de D.ieu.
(D’après Torah Or,Vaéra 5d)
Vivre avec la Paracha
La fonction d’un monarque

Dans la Parchat Choftim, la
Torah décrit ainsi la Mitsva
d'oindre un roi: “Quand vous
arriverez au pays que l'Eternel
votre D.ieu vous donne, vous
direz ‘nous voudrions oindre
un roi...’” “Vous devrez désigner
un roi parmi vos frères...”
(Devarim 17: 14-15).
Quand le Peuple Juif demanda
au prophète Chmouel de désigner
un roi, leur requête lui
déplut (Chmouel I 8:5). Et
D.ieu dit également: “Ils M'ont
rejeté...” (ibid: 6). Nos Sages
s'interrogent: “Pourquoi D.ieu
et Chmouel furent-ils déçus
par leur requête, qui non seulement
était légitime, mais
même qui leur était commandée
dans la Torah? Et plus
encore, si leur requête était
inappropriée, pourquoi D.ieu
ordonna-t-Il à Chmouel d'y
accéder et de désigner un roi?
La 'Hassidout explique que
deux raisons peuvent être à
l'origine de l'onction d'un roi.
La raison la plus simple donne
au roi pour rôle de montrer à
ses sujets la manière de se
conduire. Car même lorsque
quelqu'un sait, par sa propre
logique comment agir, cela
n'est point suffisant car “les
yeux contemplent et le coeur
désire” (Rachi - Chla'h 15:39).
La crainte d'un roi garantit que
le peuple se conduit bien. Et
comme l'affirment nos Sages
“Priez pour le bien-être du roi,
car sans la crainte qu'ils ressentent
à son égard, les
hommes s'avaleraient vivants
les uns les autres” (Avot 3: 2).
Quand, toutefois, les gens sont
au niveau de pouvoir totalement
maîtriser leurs émotions
et de s'auto-policer, un roi n'a
alors, à cet égard, plus aucun
rôle. Mais le peuple manque
néanmoins de discernement
dans certains domaines. Seul
un roi possédant “la tête et les
épaules au-dessus du peuple” peut appréhender ces concepts. C'est
pourquoi il édite divers décrets auxquels
ses sujets loyaux s'empressent de se
plier. A un niveau plus spirituel: oindre un
roi pour les Juifs dont le véritable Roi est
D.ieu, vise à ce que le roi “corporel” agisse
de manière à révéler la royauté de D.ieu
au sein du Peuple Juif.
Les Juifs croient profondément, comprennent
et ressentent qu'ils tirent leur force
vitale de la royauté de D.ieu. Cela devrait
naturellement aboutir à leur totale annulation
devant Lui. Toutefois, quand ils ne
parviennent pas à cette attitude, ils leur
devient nécessaire d'avoir un roi de chair
et d'os. Son respect et sa crainte les
conduiront à la crainte et l'abnégation
totale devant le Roi des Rois, D.ieu.
Cependant quand les Juifs possèdent par
eux-mêmes, comme ils le doivent, cette
source d'annulation devant D.ieu, oindre
un roi physique remplit alors un rôle bien
plus élevé: cela les conduit à des niveaux
de sainteté qu'ils ne pourraient atteindre
seuls, des niveaux transcendant leur compréhension.
Dans un tel cas, le roi fait descendre
et confère au peuple Juif une
mesure de son propre niveau. Ils sont
alors aptes à atteindre un niveau de crainte
et d'annulation devant D.ieu, plus élevé
et plus profond.
Le prophète Chmouel aspirait à ce que le
niveau spirituel des Juifs soit tel qu'ils
atteignent par eux-mêmes cet état d'annulation
totale devant D.ieu, sans avoir à
utiliser les services d'un roi. Celui-ci leur
aurait alors permis d'atteindre un niveau
plus élevé de crainte de D.ieu. Mais les
Juifs demandèrent “un roi qui nous régirait,
comme toutes les autres nations”
(Chmouel I 8: 5), un roi qui les empêcherait
de “s'avaler vivants les uns les
autres”.
Cela indiquait qu'ils ne craignaient pas
D.ieu comme ils auraient dû le faire par
eux-mêmes. C'est pourquoi D.ieu dit: “Ils
M'ont rejeté”, ils manquent de crainte de
D.ieu.
Malgré tout, D.ieu accéda à leur requête et
ordonna de désigner un roi. Car lorsque les
Juifs ont une telle lacune, il est impératif
qu'un roi soit immédiatement nommé
pour les aider à parvenir à ce niveau de
crainte de D.ieu qu'un roi peut aussi faire
naître en eux.
Bien qu'en état d'exil, le Peuple Juif
manque d'un monarque, nos Sages disent
pourtant: “Qui sont les rois? Ce sont les
Sages” (Traité Guitin). Tout comme antérieurement
dans l'histoire, les Juifs
avaient l'ordre de se soumettre à un roi,
aujourd'hui il nous est commandé d'accepter
sur nous “la royauté” de nos Sages
et de nos Maîtres, ainsi qu’il est dit:
“Prends pour toi un Maître” (Avot 1: 6-
1:16). Il existe toujours des Juifs qui
éprouvent plus d'amour et de crainte de
D.ieu que toi-même. Ce sont de parfaits
candidats pour devenir tes Maîtres.
Le Coin de la Halacha
Tu ne voleras pas

La Torah interdit de voler, ouvertement ou en cachette, quoi que ce soit, quel que soit le
propriétaire (juif ou non, enfant ou adulte), sauf s’il s’agit d’un objet insignifiant comme
une pique en bois pour se curer les dents ou des objets qui vont être jetés (comme les
fleurs et la nourriture après une réception).
Il est interdit de voler même si on a l’intention, par la suite, de payer l’objet dérobé,
même si on a l’intention de le rendre et qu’on ne l’a subtilisé que pour inquiéter le propriétaire,
même si on a juste l’intention de plaisanter.
Celui qui a pris par inadvertance un objet appartenant à un autre, en croyant avoir pris
le sien (par exemple à la suite d’une réunion, quand chacun reprend son manteau) ne doit
pas l’utiliser et devra le rendre à son propriétaire, même si son bien propre a été perdu.
Le voleur a l’obligation de rendre l’objet volé et, s’il n’est plus disponible, d’en rembourser
la valeur originale. S’il a honte de reconnaître qu’il a volé, il peut inclure le prix de
l’objet volé dans une transaction commerciale qu’il mène lui-même (ou une tierce personne)
avec le propriétaire qu’il avait lésé.
Ceux qui profitent de leur situation (douaniers, fonctionnaires etc…) pour favoriser
leurs proches et taxer indûment les autres sont appelés «voleurs du grand nombre». Il leur
est plus difficile d’amender leur situation car ils ne savent plus à qui et combien ils doivent
rembourser.
Voler le gouvernement ou une administration – juive ou non – est interdit.
On n’achète rien à un voleur : c’est du recel et cela l’incite à voler davantage. On ne profitera
pas des biens appartenant à des gens qui sont probablement des voleurs puisqu’ils
mènent la grande vie alors qu’ils ne travaillent pas. Les collecteurs de Tsédaka (charité)
n’accepteront pas leurs contributions.
Celui qui a emprunté un objet ou de l’argent s’efforcera de le rendre au plus tôt et ne
renverra pas le prêteur avec des arguments fallacieux.
Celui qui convoite les possessions d’autrui et insiste pour le persuader de le lui vendre
est coupable de : «Tu ne convoiteras pas». Ceci, à partir du moment où il échafaude dans
son esprit un plan pour obtenir ces objets, contre la volonté de leur propriétaire : «Le désir
mène à la convoitise, la convoitise au vol et le vol au meurtre !»
(Choul’han Arou’h Admour Hazaken)
F.L.
De Recit de la Semaine
Relier les générations

Chaque matin, Reb Gil arrive le premier
devant le Kotel (Mur Occidental), pour les
prières d’avant l’aube. Le premier, car il désire
arranger les chaises pour les fidèles qui
tiennent à prier tôt, pour réveiller le matin
plutôt que de se laisser réveiller par lui...
Dernièrement, un nouveau venu tint à se
joindre au groupe : c’était un visiteur américain
qui s’intégra rapidement à ce
«Minyane» spécial.
Appelé Leibel, il aidait Reb Gil à arranger les
chaises. Tout en rangeant, il lui demanda :
«Quel est exactement votre job ici ?» En
souriant, Reb Gil répondit : «J’aide les gens à
mettre les Téfilines ici, devant le Kotel, l’endroit
le plus saint du judaïsme !». Leibel
ouvrit grand les yeux et, lentement, déclara :
«Moi, j’ai aidé les gens à mettre les Téfilines
dans les camps de la mort !»
Stupéfait, Reb Gil le regarda, atterré, puis lui
demanda de s’asseoir et de lui raconter son
histoire.
Alors que Leibel venait de célébrer sa Bar
Mitsva, les Nazis l’avaient raflé, lui et sa
famille durant l’une de leurs «actions».
Juste avant de quitter la maison, le père de
Leibel lui avait recommandé de prendre de
grandes bottes pour garder ses pieds au
chaud. Leibel se précipita dans sa chambre,
saisit ses Téfilines et son Sidour (livre de
prières) qu’il venait d’acquérir et les fourra
dans ces bottes trop grandes pour lui. La
famille tout entière dut alors quitter la maison
pour toujours.
Le voyage en wagon à bestiaux fut
effroyable et Leibel fut séparé dès l’arrivée
de sa famille. A cause de sa petite taille, on lui
intima l’ordre de rejoindre les autres enfants
– à gauche c’est-à-dire la file qui était dirigée
immédiatement vers la chambre à gaz.
Les Juifs savaient déjà ce à quoi servaient
ces énormes usines. Rassemblés dans l’immense
salle, les enfants reçurent l’ordre
d’enlever leurs vêtements pour «la douche».
Tandis qu’ils se tenaient tous là en état de
choc, Leibel déclara que telle n’était pas la
façon correcte pour des Juifs d’entrer au ciel.
Il leur dit de se mettre en rangs par 5 et de
marcher ensemble : ils entreraient dans la
chambre à gaz en chantant «Ani Maamine»
(«Je crois d’une foi parfaite dans la venue du
Machia’h»).
Les gardiens nazis ne pouvaient en croire
leurs yeux : les enfants juifs se mettaient en
rangs par 5 et se mettaient à chanter aussi
fort qu’ils le pouvaient, leurs visages transfigurés
par la confiance et la dignité, tout en
marchant en direction des portes. Un des
officiers hurla : «Silence !». De façon tout à
fait incompréhensible, il aboya vers eux
l’ordre de se rendre dans une autre direction,
un endroit où ils durent ramasser des vêtements
de prisonniers.
C’est ainsi que tout le groupe échappa à la
mort programmée. Tandis que les enfants se
tenaient en rang pour recevoir leurs pyjamas
rayés, Leibel aperçut les bottes de son père
qui avaient été jetées au bord de la pile avec
leurs anciens vêtements. Leibel se tourna
vers les enfants et leur demanda de l’aider :
ils devaient se disputer entre eux et créer un
grand désordre. Les enfants ne pouvaient
pas refuser cela à celui dont l’inspiration
venait de leur sauver la vie. C’est ainsi que
Leibel put se glisser jusqu’aux bottes et
récupérer ainsi - sans que les Nazis ne s’en
aperçoivent – ses précieux Téfilines et son
Sidour.
Durant les longs mois qu’il passa dans différents
camps, Leibel réussit à cacher son
trésor. C’est ainsi que non seulement lui mais
aussi d’autres Juifs purent mettre les
Téfilines à chaque fois que c’était possible.
Dans les flammes de l’enfer, de jeunes
Juifs continuaient à accomplir la volonté de
D.ieu et à mettre les Téfilines au péril de leur
vie.
* * *
Reb Gil et Leibel continuèrent de parler
ensemble jusqu’à l’heure de la prière du
matin, quand le soleil chasse l’obscurité et
les souvenirs de la nuit.
Après la prière, Reb Gil prit sa place habituelle
au stand des Téfilines devant le Kotel
et s’adressa à un soldat qui s’y rendait avec
son régiment pour lui proposer de mettre les
Téfilines. Le soldat le regarda avec dédain,
avec pitié même puis siffla entre ses dents :
«Ce truc ridicule n’est pas pour moi !». Reb
Gil se mit alors à lui raconter l’histoire qu’il
venait d’entendre le matin même.
Accablé, le soldat regarda le sol, puis le ciel.
Les yeux remplis de larmes, il remonta sa
manche gauche, accepta que Reb Gil l’aide à
mettre les Téfilines sur le bras et la tête et
récita sobrement la bénédiction et la phrase
ancestrale du Chema Israël.
Le lendemain, Reb Gil raconta l’épisode à
Leibel. Celui-ci sourit et dit : «J’aide donc
encore des Juifs à mettre les Téfilines,
soixante ans après !»
Chaya Sara Silberberg – West Bloomfield, Michigan
traduite par Feiga Lubecki
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