Ne pas perdre le temps
La fête de Pessa’h se termine à peine et déjà le temps se rappelle à notre souvenir. Il est vrai que la période le place en vedette. Depuis le second soir de Pessa’h, nous avons commencé cette occupation étonnante qui va nous tenir en haleine jusqu’à la prochaine célébration, celle du Don de la Torah avec la fête de Chavouot. Cela s’appelle le compte de l’Omer et c’est ainsi que, soir après soir, nous comptons les jours qui passent, prononçant une bénédiction avant de réaliser le déroulement régulier du temps.
C’est que le temps est véritablement une donnée à laquelle il nous appartient de réfléchir. Il est le tissu de notre vie, plus qu’un simple point de repère commode. Il constitue, avec l’espace, cette dimension de la création Divine indispensable à l’existence. Si le Peuple juif lui a toujours donné une importance considérable, avec le Chabbat qui scande les semaines, le Roch ‘Hodech qui ponctue les mois etc., c’est bien parce que de tels rythmes ne sont pas anodins.
Le compte auquel nous nous livrons en cette période de l’Omer est significatif. Le fait de prononcer une bénédiction sur un acte aussi simple va plus loin que le rite. En effet, bénir une action avant de l’accomplir, c’est sanctifier l’acte qui va suivre. Ici, l’acte en question porte sur le temps et c’est cette donnée incontournable qui s’en trouve transformée. Nous faisons donc du temps une sorte de lien avec D.ieu. Or, il est le cadre constant de notre quotidien et c’est celui-ci qui en prend un sens plus fort et plus profond. De fait, au travers de la pratique des commandements Divins, nous nous immergeons dans la sainteté. Toutefois, cette pratique est limitée à des moments particuliers. Accomplir tel ou tel acte précis ne peut durer jour et nuit. Tout se passe donc comme si l’acte de sainteté ne pouvait qu’être temporaire, presque fugitif. Arrive alors le compte de l’Omer et, ici, parce que c’est du temps et de sa sanctification qu’il s’agit, l’acte concerné ne s’arrête jamais, comme une onde puissante s’étendant à la surface de la mer.
Mesurons-le : la substance même de notre monde a changé. Le temps qui nous entoure et nous mène n’exprime plus que le Divin, par notre volonté et notre acte de chaque jour. Changer le monde ? C’est à présent une réalité.
Juste un bouton à presser
Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener « le salut et la délivrance » au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la Volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)
Chemini
Le huitième jour, suivant les sept jours de leur initiation, Aharon et ses fils commencent leur service de Cohanim (prêtres). Un feu jaillit de D.ieu pour consumer les offrandes et la Présence Divine vient résider dans le Sanctuaire.
Les fils aînés d’Aharon offrent un « feu étranger devant D.ieu, qu’Il ne leur avait pas commandé » et ils meurent devant D.ieu. Aharon reste silencieux devant sa tragédie.
Moché et Aharon sont, par la suite, en désaccord sur un point de la loi concernant les offrandes mais Moché reconnaît qu’Aharon a raison.
D.ieu ordonne les lois de la Cacherout, identifiant les espèces animales permises et celles qui sont interdites à la consommation. Les animaux mammifères ne peuvent être consommés que s’ils ont le sabot fendu et ruminent. Les poissons doivent posséder des nageoires et des écailles. Une liste d’oiseaux non Cacher est établie ainsi qu’une liste d’insectes Cacher (quatre espèces de sauterelles).
Chemini comporte également certaines lois de pureté rituelle, y compris celles qui évoquent la nature purificatrice du Mikvé (un bassin d’eau construit selon certaines règles précises) et de la source. C’est ainsi que le peuple est enjoint de « faire la distinction entre l’impur et le pur ».
Chabbat Mevare’him Iyar
Nous pouvons tirer des enseignements de trois dimensions de ce Chabbat Chemini : il s'agit de Chabbat Mevare’him (le Chabbat où l’on bénit le mois à venir) ; plus particulièrement, c’est le Chabbat Mevare’him Iyar. De surcroît, en raison du fait que tout se déroule selon la Providence divine, une leçon supplémentaire peut être tirée de la Paracha lue ce Chabbat : Chemini. Bien que le thème commun à tous les mois soit celui de la « nouveauté » - un service d’une élévation infiniment supérieure - ce service doit néanmoins être adapté à la nature individuelle de chaque mois. Ainsi, des différences sont observées dans la préparation pour chaque mois : le Chabbat Mevare’him. Dans notre contexte, le service du Chabbat Mevare’him Iyar doit être en accord avec le service particulier du mois d'Iyar.
Il demeure néanmoins difficile de comprendre comment le service d'Iyar peut se révéler infiniment supérieur à celui du mois précédent, Nissan, qui est considéré comme le « mois de la rédemption », signifiant qu'une personne est libérée des limites de la nature. Dès lors, comment pourrions-nous nous préparer, lors du Chabbat Mevare’him Iyar, à un nouveau service d’une supériorité infinie ? Nissan n'est-il pas, après tout, considéré comme « le mois de la rédemption », l'ultime ?
En hébreu, Iyar constitue un acrostiche des mots « Je suis l'Éternel ton guérisseur ». La différence entre la guérison divine et celle d'un médecin humain est simple : un médecin guérit une maladie déjà présente chez un individu. En revanche, D.ieu déclare : « Toutes les maladies que J'ai infligées en Égypte, Je ne les mettrai pas sur vous, car Je suis l'Éternel ton guérisseur ». Cela signifie que la guérison divine réside dans Sa capacité à prévenir même l’émergence des maladies. Dans le cadre du service spirituel de l'homme envers D.ieu, cela correspond à l'idée selon laquelle « aucun mal n’atteindra les justes ».
Nous pouvons dès lors comprendre les services distincts de Nissan et d'Iyar. Le service de Nissan se manifeste sous forme de rédemption - les Juifs étaient en exil et ils en ont été libérés. Même une personne ayant commis une faute (exil) a la possibilité de se racheter de cette situation indésirable. A l’inverse, le service d'Iyar s'inscrit dans une dynamique où « Je suis l'Éternel ton guérisseur » - impliquant qu’il n'est pas envisageable, d’emblée, qu'une personne commette une erreur (ce qui entraînerait un besoin de rédemption).
Ainsi, le service d'Iyar s'avère plus élevé que celui de Nissan ; c'est pourquoi même après Nissan, une personne doit aspirer à un niveau encore supérieur : le service d'Iyar.
La leçon que l’on peut donc tirer du Chabbat Mevare’him Iyar est que nous devons nous préparer pour le service d'Iyar en aspirant à atteindre un niveau où le péché ne saurait être envisagé. Ce faisant, nous accédons à une caractéristique distincte d’Iyar : c’est le seul mois durant lequel chaque jour nous avons la Mitsva de la Sefirat HaOmer.
La Sefirat HaOmer est également associée à notre explication précédente selon laquelle un « mois » incarne l'idée de nouveauté. Bien qu'il puisse sembler s'agir d'une simple répétition, cela représente en réalité un niveau infiniment supérieur. La Sefirat HaOmer présente deux dimensions distinctes : 1) Tous les jours de la Sefira sont considérés comme un ensemble ; ainsi si quelqu'un oublie de compter un jour, il ne peut continuer de compter les autres jours avec une bénédiction. 2) En parallèle, chaque jour est distinct ; par conséquent nous formulons une bénédiction chaque jour plutôt qu’une unique bénédiction pour toute la période de la Sefira.
Ainsi donc, bien qu'aujourd'hui soit par exemple le dixième jour de la Sefira et que nous ayons déjà observé la Mitsva pendant dix jours, nous formulons néanmoins une bénédiction pour la onzième fois. Chaque jour de la Sefira représente une élévation spirituelle infiniment supérieure qui mérite ainsi sa propre bénédiction.
À travers notre discussion sur la Sefirat HaOmer puisse-t-on rapidement mériter la véritable et complète rédemption grâce à notre juste Machia’h !
Pirké Avot
En ce Chabbat, il est de coutume d'initier la récitation des Pirké Avot. Chaque chapitre est précédé par la lecture de la Michna suivante :
« Tout Israël a une part dans le Monde à venir », comme il est stipulé : « Et Ton peuple est constitué de justes ; ils hériteront de la terre pour toujours. Ils sont... l'œuvre de Mes mains dont Je suis fier ».
Cela souligne l'affection unique avec laquelle D.ieu considère chaque Juif, sans distinction, car chaque Juif possède une âme qui constitue « une partie de D.ieu d'En Haut ». Pour cette raison, chaque Juif recevra « une part », c'est-à-dire non seulement un lien, mais bien une portion concrète dans le Monde à venir.
Dans ce contexte, le Monde à venir fait référence au Monde de la Résurrection. Chaque Juif recevra une part équitable de cette récompense ultime. En ce qui concerne le Gan Éden, les récompenses spirituelles de l'au-delà, varient en fonction du service spécifique de chaque âme. En effet, certains Juifs ont quitté ce monde sans se repentir et - bien que finalement, lors d'une réincarnation ultérieure, leurs âmes se repentiront également et recevront leur part dans le Gan Éden - actuellement, cependant, leur portion est attribuée à un individu méritant. Toutefois, durant l'ère de Résurrection, chacun des Juifs se verra accorder une part juste.
Le verset cité comme preuve éclaire la raison sous-jacente à cette récompense. Chaque Juif représente « l'œuvre de Mes mains », créé par D.ieu pour un but précis et « dont Il peut être fier ». D.ieu Se glorifie à travers chaque Juif.
Pourquoi lit-on un chapitre de Pirkeï Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque samedi après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?
Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirkeï Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.
Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.
Et vous, au Kotel ?
Depuis la libération de Jérusalem en juin 1967, un stand de Téfilines y a été installé et des volontaires se succèdent tout au long de la journée pour aider leurs coreligionnaires à accomplir cette importante Mitsva. Gutman Locks est l’un d’entre eux.
Appel local
« Vas-y ! Tu peux parler ! »
Il était venu au Kotel (le Mur Occidental) pour prier. En même temps, il téléphonait à un ami et approchait son appareil des pierres ancestrales si imposantes. Apparemment, quelqu’un qu’il connaissait ne pouvait pas s’y rendre en personne… et lui ou elle voulait parler à Hachem (D.ieu) d’ici, justement au Kotel. Hachem est partout mais Il semble mieux écouter quand on s’adresse à Lui depuis cet endroit sacré, encore mieux que depuis tout autre endroit.
Il a posé son téléphone portable contre les pierres du Kotel afin que son ami puisse parler directement à Hachem. Après tout, ici, c’est un appel local, n’est-ce pas ? La communication est certainement de meilleure qualité et immédiate !
Qu’a dit le Rabbi ?
J’ai aidé un visiteur américain à mettre les Téfilines. Il n’a pas caché son émotion et m’a vivement remercié. Après cette expérience qu’il réalisait peut-être pour la première fois, il m’a raconté qu’il commençait à fréquenter un centre Loubavitch et une question le taraudait : « J’aimerais savoir quel est l’enseignement le plus important que nous ait transmis le Rabbi ? ».
En somme, il voulait que je résume d’une phrase les années d’enseignements non-stop du Rabbi, toute la philosophie du mouvement ‘Habad… Mais aussi tout ce qu’ont accompli ses émissaires pour le Peuple juif, plus que tout autre mouvement dans le monde, les millions et millions de Mitsvot (commandements) qui ont été réalisées grâce au Rabbi, de Thaïlande à l’Alaska, du Congo au Danemark, de Paris à la Sibérie… Que pouvais-je répondre, comment pouvais-je trouver ce qui allait le toucher lui et tous ceux avec qui il était en contact, dans son pays, dans son travail, dans sa famille… ?
- J’ai votre réponse…
Il se pencha vers moi, approcha son oreille de ma bouche pour mieux entendre, il désirait sincèrement connaître la réponse :
- Le Rabbi a dit : il vaut mieux être bienveillant que d’avoir raison.
Il était stupéfait. Il se mit à réfléchir en balançant la tête de droite à gauche comme pour signifier : « Incroyable ! ».
Il s’éloigna lentement, encore ému par la profondeur et l’intelligence de cœur du Rabbi.
Si vous vivez selon cet enseignement, vous serez respecté et aimé par vos proches ; et celui qui est respecté et aimé par ses proches sera aussi aimé et respecté par D.ieu.
Retour au bercail
Quand je l’ai accosté pour lui proposer de mettre les Téfilines, il s’éloigna comme pour me fuir. Puis il s’arrêta, semblant réfléchir et revint sur ses pas :
- Je n’ai jamais mis les Téfilines auparavant, annonça-t-il timidement. Ai-je le droit de les mettre ?
- Votre mère est juive ? demandai-je puisqu’il est connu qu’un Juif répond à une question en posant une autre question.
- Oui !
- Alors vous pouvez certainement mettre les Téfilines !
Il venait de Roumanie et vivait en Israël depuis quatre ans. Il aurait quarante ans dans quelques jours. Je l’ai aidé à mettre les Téfilines, je lui ai fait réciter la bénédiction et le Chema Israël, je l’ai félicité de célébrer pour ainsi dire sa Bar Mitsva en cet endroit si spécial. J’ai insisté que, puisque c’était la première fois, certainement Hachem écouterait ses prières avec davantage d’attention et je lui ai recommandé de s’approcher du Kotel pour épancher son cœur.
Ce qu’il a fait pendant cinq bonnes minutes, insensible au bruit derrière lui, aux joyeux groupes qui chantaient à tue-tête, aux prières qui s’élevaient depuis les nombreux Minyanim qui se forment spontanément sur cette esplanade pour prier en communauté…
Quand il se détacha, à regret, du Kotel, il était tout-à-fait différent. Son visage resplendissait, il était serein… Je lui demandai qu’est-ce qui l’avait fait changer d’avis auparavant ? Pourquoi avait-il d’abord refusé puis accepté ma proposition ?
- Je me suis demandé si je serais accepté… Après tout, pourquoi pas, ai-je raisonné…
- Vous êtes un Juif et, bien sûr, vous êtes accepté et faites partie du « club »…
Il sourit, si heureux d’entendre cette phrase, si évidente pour moi, si étonnante pour lui. Il me serra dans ses bras et répéta : Merci, merci !
Je voyais qu’il se retenait de pleurer.
Chaque Juif est accepté. Si votre mère est juive, vous êtes juif - autant que Moïse et le roi David. Vous êtes un membre du Peuple juif et vous avez droit à une part dans le Monde Futur !
Aider
Il se dirigea droit vers moi, devant le stand des Téfilines, me serra la main et s’écria :
- Merci ! Vous m’avez tellement renforcé !
- Ah bon ?
- Il y a des années, vous m’avez mis les Téfilines et vous m’avez adressé des mots qui ont changé ma vie !
- Par exemple ?
- Oh, avec des questions du genre : Que voyez-vous dans ce mur qui vous attire tellement ?
C’est vrai, j’aime confronter les gens à la réalité, leur montrer que le monde n’est pas celui qu’ils voient ou qu’ils croient. Ce qu’on voit, ce n’est que la lumière sortie de nos yeux et se heurtant à des objets. Cela pénètre notre cerveau, transmet des informations à nos cellules nerveuses et c’est notre cerveau qui voit. Nous ne voyons rien en-dehors de nos têtes.
Il m’a annoncé que cela l’avait beaucoup impressionné, qu’il avait voulu étudier davantage et, maintenant, grâce à ce premier contact, il était devenu lui-même un Chalia’h, émissaire du Rabbi au Queen’s College.
Alors à bientôt, j’ai hâte de faire votre connaissance à vous aussi ! Et de vous faire connaître à vous-même en vous rattachant à votre histoire, à vos racines, à vos ancêtres, à votre avenir !
Gutman Locks – L’Chaim N° 1728
Traduit par Feiga Lubecki