Samedi, 1er juin 2024

  • Be’houkotaï
Editorial

 Pour le temps qui vient

Une semaine dont le premier jour, immédiatement après le Chabbat, est Lag Baomer ne peut pas être comme toutes les autres. C’est dire que, aussi régulier et attendu soit le déroulement du temps, nous sommes entrés à présent dans un moment nouveau et sa portée dépasse largement notre capacité d’imagination.

En effet, cela a été abondamment dit : le jour même de Lag Baomer est porteur d’une puissance inégalée. La lumière de Rabbi Chimon Bar Yo’haï a embrasé l’horizon de notre conscience et cela ne laisse personne inchangé. Il est loin d’être anodin que, dans le monde entier, ce jour soit célébré par une parade de chars décorés qui, autour de leur message d’éducation juive et de fidélité à notre héritage ancestral, mobilise les enfants. Il n’y a sans doute rien de plus enthousiasmant qu’un tel défilé, en particulier en des temps de doute comme ceux que nous traversons. Car la tentation existe de choisir le repli sur soi, de préférer une sorte d’invisibilité sociale perçue comme plus facile à vivre. Le défilé des enfants nous montre qu’un autre regard est possible, que l’inconfort n’existe que lorsque, le ressentant, on le laisse s’installer et qu’on lui donne une place.

Le message inspiré de Rabbi Chimon, que les chars et les enfants délivrent, est finalement celui d’une prise de conscience : la liberté et la paix sont entre les mains de chacun. L’éducation juive, c’est un grand mot pour dire une grande chose : demain sera meilleur qu’aujourd’hui car aujourd’hui nous semons les graines de l’unité consciente et de la paix assumée. Etre pleinement soi, avec tout le bonheur que cela implique, donne à la vie ses plus belles couleurs : aimer l’autre et ses différences, c’est aussi construire un édifice durable.

Aussi, les feux de joie traditionnels de la fête ne doivent pas s’éteindre. Ils doivent continuer d’éclairer notre chemin, en particulier quand il nous paraît bien obscur et sinueux. Car c’est à nous de le poursuivre, avec ce même entêtement qui nous a fait traverser les siècles sans faiblir, portant dans notre esprit et notre cœur la certitude qu’il nous conduit au but ultime, à ce temps de toutes les bénédictions où, selon le mot du prophète Isaïe, « le loup habitera avec l’agneau… et un jeune enfant les conduira », le temps de la venue du Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Ceux qui sont perdus

Le prophète Jérémie (27:13) décrit la venue de Machia’h en ces termes : « Il arrivera en ce jour qu’il sera sonné du grand Choffar. Et ceux qui sont perdus en terre d’Assyrie viendront ainsi que ceux qui sont repoussés en terre d’Egypte et ils se prosterneront devant D.ieu sur la montagne sainte à Jérusalem ».

Chacun des termes employés ici correspond à une situation précise. « Ceux qui sont perdus en terre d’Assyrie » fait référence aux hommes qui sont plongés dans les plaisirs et le luxe matériel car le mot « Assyrie » en hébreu – « Achour » – renvoie étymologiquement à la notion de plaisir qui apparaît, par exemple, dans le mot « Achrei ». « Ceux qui sont repoussés en terre d’Egypte » désigne les hommes dont ni le cœur ni l’esprit ne sont ouverts à la connaissance de D.ieu du fait des difficultés de l’exil, comme ce fut le cas en Egypte pour nos ancêtres.

Lorsque Machia’h viendra, tous sortiront de ces situations et viendront se prosterner devant D.ieu.

(d’après Likoutei Torah, Roch Hachana, p.60a)

Vivre avec la Paracha

 Be’houkotaï

D.ieu promet que si le Peuple d’Israël observe Ses commandements, il jouira de prospérité matérielle et résidera en paix dans sa patrie. Mais Il donne également un avertissement sévère et le menace de l’exil, de la persécution et d’autres maux qui s’abattront sur lui s’il abandonne son alliance avec Lui.

Toutefois, « même quand ils seront sur la terre de leurs ennemis, Je ne les rejetterai pas, pas plus que Je ne les haïrai, ne les détruirai ou ne briserai Mon alliance avec eux. Car Je suis l’Éternel, leur D.ieu ».

La Paracha se conclut avec les lois concernant la manière de calculer la valeur des différents types d’engagements pris pour D.ieu et la Mitsva de prélever un dixième des produits agricoles et du bétail.

Transformer le mal en bien

La bénédiction du mois de Sivan, au cours duquel les Juifs ont reçu la Torah, émane de ce Chabbat, « Chabbat Mevare’him Sivan » (« le Chabbat qui bénit Sivan »). Cette bénédiction souhaite que le mois soit plein de réussite : « Que le Saint Béni Soit-Il le renouvelle dans la joie, la délivrance et la consolation. » Nous concluons la bénédiction par les mots : « et que nous disions ‘Amen’ », indiquant ainsi que ces bénédictions se réalisent concrètement.

Le Chabbat Mevare’him Sivan est différent de tous les autres Chabbat Mevare’him dans la mesure où la prière « Av Hara’hamim » (que l’on prononce avant la prière de Moussaf), omise tous les autres Chabbat Mevare’him, est prononcée ce Chabbat particulier. La raison en est « les décrets [contre les Juifs] qui se produisirent en ces jours. » (Choul’han Arou’h de Rabbi Chnéor Zalman).

Cependant, ces décrets avaient été promulgués bien longtemps avant, puis abolis et de telles tragédies ne s’étaient plus reproduites (conversions forcées etc.). C’est pourquoi Rabbi Chnéor Zalman écrit que lorsque nous prononçons « Av Hara’hamim », ce Chabbat, ces décrets des temps reculés ne s’appliquent plus.

En général, on peut observer qu’en certaines périodes des coutumes et des actions particulières furent enjointes. Quand la situation changeait, tout était aboli. Puisque ce n’est pas ce qui s’est produit dans notre cas, nous devons en conclure qu’une raison positive justifie que nous prononcions toujours ces paroles.

En fait, nous transformons ainsi les tragédies et les décrets en bien, tout comme dans l’Ère Future, à propos de laquelle il est dit (Yéchayahou 12 :1) : « Je Te remercierai, Ô D.ieu, d’avoir été en colère contre moi. » La colère de D.ieu se réfère à l’obscurité des temps de l’exil et aux obstacles dans l’accomplissement de la Torah et des Mitsvot. Nous remercierons D.ieu de l’opportunité qui nous a été donnée de révéler la Divinité, tout particulièrement dans de telles conditions, car la Divinité suscitée est infiniment plus élevée que s’il n’y avait pas d’obscurité en premier lieu. Transformer quelque chose de mal en bien apporte à D.ieu une plus grande satisfaction que lorsque le bien a toujours prévalu.

Il en est de même dans notre cas. En récitant « Av Hara’hamim », « nous transformons les événements tragiques de cette époque en bien. « Av Hara’hamim » signifie : « Père de la Miséricorde » et représente un niveau supérieur à « Av Hara’haman » : « Père Bienveillant » car il signifie que D.ieu est la source de toutes les miséricordes et transcende toutes les limites. »

Bien que l’idée « je Te remercierai, Ô D.ieu, d’avoir été est en colère contre moi » ne s’applique pas dans l’exil, car la véritable transformation de l’obscurité en lumière se révélera à l’Ère messianique, quelque chose de similaire se produit véritablement en exil, dans des moments particuliers, lorsque nous récitons « Av Hara’hamim », lors du Chabbat Mevar’him Sivan.

Le chiffre 3

Le mois de Sivan est le troisième mois de l’année, le mois qui constitue « la période du Don de notre Torah. » Nos Sages relient le Don de la Torah au chiffre 3 : « D.ieu donna une lumière triple à un peuple triple à travers le troisième [des enfants d’Amram] …au troisième mois. »

Le lien avec le chiffre 3 est encore davantage souligné par le fait qu’en général, le Chabbat qui bénit le mois de Sivan est celui où se termine la lecture du Livre de Vayikra (le Lévitique), troisième livre de la Torah. En outre, au moment de l’achèvement de la lecture, nous nous écrions « ‘Hazak, ‘Hazak véNit’hazèk » (« Sois fort, sois fort et que nous soyons renforcés »), une déclaration triple, renforçant notre engagement à la Torah.

Expliquons ce concept. La Torah a été donnée au Mont Sinaï pour montrer comment servir D.ieu dans le contexte de ce monde matériel et comment se conduire en accord avec la Volonté de D.ieu. C’est ainsi que l’être entier de l’individu, corps et âme, s’imprègne de sainteté et que, par ses activités, il est capable de raffiner le monde qui l’entoure.

Pour que cela soit possible, D.ieu a donné la Torah d’une manière qui soit appropriée à l’être humain et au monde matériel, pour qu’elle puisse complètement imprégner et embrasser l’homme et le monde. Par le même biais, puisque l’homme et le monde en général se divisent en 3, la Torah est également associée à ce chiffre.

Expliquons : le comportement d’une personne en bonne santé s’équilibre entre la pensée, la parole et l’action. Généralement, une personne pense avant de se livrer à une certaine activité. Ensuite, elle prend conseil chez un ami sûr (parole) et agit en conséquence. Cela implique deux aspects : tout d’abord les trois phases sont nécessaires. Un concept ne peut rester au niveau de la pensée ou de la parole : il doit être transformé en véritable acte. En revanche, et tout particulièrement dans le contexte de notre monde, « l’action est essentielle ». La transformation d’une idée en acte ajoute une dimension de complétude aux niveaux de la pensée et de la parole.

De plus, pour que l’action soit complète, elle doit être précédée de la pensée et de la parole, sinon elle sera vague et hasardeuse. Quand un acte est pensé et discuté avec des proches, on l’accomplit avec la confiance appropriée et donc de la manière qui conduit au succès.

Nous pouvons ainsi comprendre l’expression selon laquelle la Torah, le service (la prière) et les actions de bienveillance sont les trois piliers qui soutiennent le monde. L’étude de la Torah est essentiellement liée à la parole, la prière à la pensée et les actes de bonté à l’action. De même, chaque Mitsva possède trois dimensions : l’intention (la pensée), la bénédiction récitée au préalable (la parole) et son accomplissement effectif (l’action).

De ces trois dimensions, c’est « l’action qui est essentielle ». Prenons l’exemple de la récitation du « Chéma ». Une personne qui médite, avec une profonde concentration, sur le « Chéma » mais n’en récite pas effectivement les mots, n’a pas accompli son obligation. Ce qui est le plus important est la récitation effective des mots.

A l’inverse, l’accomplissement d’une Mitsva n’est total que lorsqu’il est associé avec l’intention d’accomplir la Mitsva. Sinon il est considéré comme un corps sans âme.

Dès lors, nous pouvons comprendre le lien entre le Don de la Torah et le chiffre 3. Comme nous l’avons vu, le Don de la Torah avait pour but d’élever et de raffiner le monde selon la Volonté de D.ieu. Puisque l’homme et le monde en général possèdent trois dimensions, c’est un service en trois aspects, englobant la pensée, la parole et l’action qui raffinent et élèvent la personne et le monde dans son entièreté. De même, la Torah est descendue pour rendre possible un tel service et s’exprime dans ces trois niveaux de la pensée, la parole et l’action. Pour renforcer ce concept, la Torah se structure en une lumière triple, ses récipiendaires sont un peuple triple (Cohen, Lévi, Israël) et le moment du Don de la Torah est associé au chiffre 3 : le troisième mois.

Tout cela est associé avec la conclusion du troisième Livre de la Torah. Vayikra contient de nombreuses lois de la Torah (par opposition aux quatre autres Livres qui comportent également des parties narratives). La plupart des lois concernent les sacrifices dans le Beth Hamikdach. Ce service implique trois dimensions : l’intention du sacrifice, le chant chanté par les Lévites et le sacrifice lui-même. Aujourd’hui, ces trois divisions se retrouvent dans nos prières qui remplacent les sacrifices (la pensée), l’étude des lois des sacrifices (la parole) et le sacrifice lui-même (l’action).

La Paracha elle-même partage un lien avec ce que l’on vient de développer : elle commence par des déclarations concernant toute la Torah : « si tu marches dans la voie de Mes statuts, gardes Mes Mitsvot et les observe » et se conclut par : « Voici les Mitsvot que l’Éternel a commandées à Moché pour les Enfants d’Israël au Mont Sinaï ».

Le Coin de la Halacha

 Peut-on se faire opérer tous les jours de la semaine ?

De nombreuses opérations chirurgicales, nécessaires et bienvenues, ne représentent cependant pas un caractère d’urgence. Dans ce cas, il est préférable de ne pas les prévoir dans les trois jours qui précèdent Chabbat. On les programmera donc si possible le dimanche, lundi ou mardi.

On peut déduire cela du fait qu’idéalement, selon la Hala’ha, on ne devrait pas embarquer pour un voyage en bateau dans les trois jours qui précèdent Chabbat – de façon à avoir eu le temps de s’adapter aux conditions du voyage et à pouvoir apprécier l’ambiance sereine de Chabbat. De même, se faire hospitaliser exige aussi un changement d’habitudes et donc un certain temps d’adaptation.

Une opération pratiquée le vendredi perturbe le Chabbat : on peut être amené à signer des papiers, à subir des prises de sang et autres examens inconfortables. De plus, il est possible que ce soit un docteur juif ou une infirmière juive qui les pratiquent et qu’on les aurait donc involontairement amenés à transgresser Chabbat pour des soins non-essentiels.

Par ailleurs, il arrive souvent que le samedi et dimanche, le personnel de l’hôpital ne compte pas les intervenants les plus expérimentés. En effet, de nombreux médecins sont en congé – ce qui ne présage guère des meilleurs soins et cela cause donc un inconfort le Chabbat pour le malade et ses proches.

(Il va de soi que pour sauver une  vie, on procédera à toutes les opérations et à tous les soins nécessaires d’urgence).

(d’après Si’hot Kodech 5738, volume 2 p. 468 ; Igrot Kodech 32 p. 203 lettre 12 116 – A Chassidisher Derher N° 125)

Le Recit de la Semaine

 Blessure miraculeuse

Il dirige l’antenne du mouvement Loubavitch consacrée aux victimes des guerres et attentats en Israël. Rav Mena’hem Kutner ne cesse depuis des années - et surtout depuis le 7 octobre - de rendre visite aux familles endeuillées et aux blessés pour les réconforter et leur apporter toute l’aide nécessaire : financière, administrative, médicale, religieuse…

L’hôpital Hadassah Mont Scopus de Jérusalem a dû ouvrir un nouveau département d’urgence pour soigner les blessés de guerre. C’est là que Rav Kutner a rencontré Oz, marié et père de famille, réserviste blessé par une grenade à la tête. Loin d’être amer et de se plaindre, Oz était heureux et remerciait D.ieu ! De fait, quand il avait été transporté d’urgence en salle d’opération, les chirurgiens avaient découvert, outre la blessure évidente à la tête, une tumeur cancéreuse dans sa gorge. Une tumeur dont il n’avait jamais souffert et qui aurait pu, D.ieu préserve, se développer de façon menaçante et irréversible ! Oz fut donc opéré deux fois avec succès et débarrassé non seulement des éclats dans la tête mais aussi de la tumeur. Sans la blessure à Gaza, qui sait combien de temps il aurait souffert de la gorge et quelle aurait été l’issue fatale à plus ou moins long terme !

Les parents d’Oz étaient assis à son chevet et racontèrent fièrement à Rav Kutner qu’en fait, Oz était né grâce à la bénédiction du Rabbi de Loubavitch ! Voici leur histoire :

Au bout de sept ans de mariage, ils n’avaient toujours pas d’enfant. On était à la fin des années 80. Le père d’Oz se débrouilla pour obtenir le numéro de téléphone du secrétariat du Rabbi à New York mais la ligne était constamment occupée. Ce n’est qu’au bout de plusieurs heures qu’un secrétaire répondit enfin et nota sans un mot les noms de son interlocuteur et de son épouse qui demandaient la bénédiction du Rabbi pour un traitement qu’ils venaient d’entamer.

Quelques temps plus tard, le docteur qui suivait ce couple annonça qu’il ne pouvait plus rien entreprendre dans leur cas mais qu’il conseillait de contacter un autre médecin qui développait une autre technique, peut-être plus efficace.

Le problème était que cela coûtait très cher. Le mari se tourna vers le père de son épouse qui accepta de financer le traitement - à condition qu’ils obtiennent la bénédiction du Rabbi.

Cette fois-ci, le (futur) père d’Oz demanda à un ami Loubavitch de l’aider à contacter le secrétariat du Rabbi. L’ami prit tous les détails et envoya un fax à New York. Moins d’une demi-heure plus tard, à sa très grande surprise (car, à sa connaissance, jamais on ne pouvait espérer une réponse aussi rapide !), le secrétaire avait transmis la réponse positive du Rabbi : le couple devait entreprendre le traitement et le Rabbi promettait de prier pour sa réussite auprès du tombeau du Rabbi précédent !

Peu de temps après, la femme tomba enceinte puis mit au monde une fille. Naturellement, les nouveaux parents, fous de joie, informèrent le Rabbi de la naissance et le remercièrent. Mais le Rabbi ne répondit pas. Neuf mois plus tard, le bébé fut diagnostiqué avec un défaut à la jambe et dût être opéré. Inquiets, les parents remarquèrent que les médecins entraient et sortaient, sans répondre à leurs demandes de renseignements. Le père retourna à la maison chercher quelques affaires et découvrit dans la boîte aux lettres une lettre du Rabbi avec une bénédiction à l’occasion de la naissance de leur fille - au moment où justement celle-ci était opérée ! A partir de cet instant, tout se déroula évidemment pour le mieux et l’opération réussit.

Par la suite, ils eurent des jumeaux : ils nommèrent le garçon Oz (force) et la fille Hadar (beauté) – en référence au verset des Proverbes : « (la femme vertueuse) est habillée de force et de beauté ».

C’est ainsi que naquit notre Oz dont la blessure à Gaza avait sauvé la vie ! Oz, un soldat absolument dévoué à sa mission de défendre le peuple juif, Oz qui s’est promis que, dès qu’il serait rétabli, il retournerait se battre « pour finir le travail une fois pour toutes » avec un dévouement total et sans compromis.

Rav Yossef Yits’hak Jacobson - shluchimsermons.org

Traduit par Feiga Lubecki