Nous avons commencé notre Chli’hout au Nigeria en Elloul 5771 (2011) à Lagos, suite à la suggestion de Rav Chlomo Bentolila, responsable du mouvement Loubavitch en Afrique subsaharienne. La population juive y était plus réduite que dans la ville d’Abuja mais, par chance, un philanthrope suisse, M. Nissim Gaon nous avait prêté sa villa qui était spacieuse, magnifiquement meublée et surtout sécurisée : nous pouvions envisager toutes sortes d’activités communautaires dans ce lieu. Cependant, quatre mois plus tard, notre bienfaiteur tomba malade et nous ne pouvions plus rester dans sa villa. Nous sommes retournés en France, en nous demandant si vraiment le Nigeria était une option pour nous.

Nous avons décidé d’essayer de nous installer à Abuja où la population juive est plus nombreuse et plus jeune. En Tichri, une société israélienne nous avait accueillis chaleureusement et nous avait prêté un appartement sur son terrain. Nous avons immédiatement donné des cours de Torah, organisé un Talmud Torah pour les enfants et institué des offices religieux avec la dizaine de familles habitant sur place ; de nombreux Juifs de la ville se joignirent à nos activités.

Bien vite, l’espace vint à manquer et il fallait absolument trouver un endroit digne d’abriter un Beth ‘Habad débordant d’initiatives en tous genres. En Afrique, il n’est pas facile d’obtenir un endroit vaste, conforme à nos critères occidentaux en matière d’électricité, d’eau potable, de sécurité…

Mais le plus difficile était que, même si nous dénichions la perle rare, il faudrait signer un contrat de deux ans et payer à l’avance deux ans de loyer ! Une somme énorme que nous n’avions aucun moyen de trouver. Nous avons continué nos démarches mais nous étions déçus, au point de nous demander si vraiment nous avions bien fait de nous engager au Nigeria : oui, c’était une réussite communautaire en qualité et en quantité mais nous ne pouvions plus assumer les dépenses impliquées. Peut-être un autre couple Loubavitch pourrait mieux se débrouiller que nous…

Incertains quant à l’avenir, nous avons décidé de voyager à New York pour demander une bénédiction auprès du Ohel (tombeau) du Rabbi et même un signe clair que nous devions continuer et ne pas baisser les bras.

Nous sommes arrivés le 22 Chevat 5776 (2016) et avons écrit une lettre racontant tous les détails de notre séjour au Nigeria : la belle maison à Lagos puis le minuscule appartement à Abuja et l’impression que la situation était bloquée. Devions-nous rester à Abuja ou exercer nos « talents communautaires » ailleurs ? C’est alors que j’entendis parler d’un riche homme d’affaires de Toronto qui avait investi au Nigeria. Je lui téléphonai, me présentai et signalai que, puisque j’étais « dans les parages », j’aurais aimé le rencontrer. Il me fixa un rendez-vous à son bureau pour 18 heures. Je me précipitais à l’aéroport JFK, trouvai un vol partant à 15 heures et arrivant à Toronto à 16 heures. Ainsi je serais à son bureau à 18 heures puis je retournerais à New York avec le vol de 20 heures. Quand j’arrivais devant son bureau, son secrétaire s’excusa mais son patron était si occupé qu’il préférait me donner rendez-vous le lendemain à 8 heures.

- Mais je ne passe pas la nuit à Toronto ! protestai-je, paniqué. Je suis venu de New York pour le rencontrer maintenant et je repars ce soir même !

Interloqué, le secrétaire transmit le message et M. Khazanski sortit de son bureau en s’excusant :

- Vous m’aviez signalé que vous étiez « dans les parages »…

- Je viens du Nigeria ! Pour moi New York est « dans les parages » de Toronto…

Amusé et conquis, il me fit entrer dans son bureau et je lui décrivis avec animation toutes nos activités à Abuja ; j’expliquai que nous étions maintenant à la veille de prendre une décision cruciale et que nous apprécierions son aide s’il acceptait d’investir pour assurer le succès de notre Chli’hout. Il m’écouta attentivement, se montra très enthousiaste mais… Actuellement, s’excusa-t-il, il était impliqué dans de trop nombreux projets et ne pouvait pas envisager de nous donner une somme aussi importante tant que ses investissements au Nigeria justement n’auraient pas donné leurs fruits. Puisque je retournais à New York, il me demanda de prier au Ohel pour la réussite de ses affaires là-bas : « Quand cela ira mieux pour moi au Nigeria, vous entendrez de nouveau certainement parler de moi ! ».

Cette nuit-là, mon épouse et moi-même avons prié au Ohel : nous avons écrit cette fois une longue lettre détaillée sur nos activités à Abuja et avons annoncé que nous retournerions au Nigeria jusqu’à Lag Baomer : si d’ici là, la situation ne s’était pas améliorée, nous estimerions que nous ferions mieux de rentrer en France. Et nous avons demandé une bénédiction pour M. David ben Dana Khazanski.

En sortant du cimetière, ma femme entra dans le Beth ‘Habad adjacent et regarda la vidéo qui passait en boucle : on y voyait le Rabbi pendant le Farbrenguen du 10 Chevat 5735 (1975). A un moment donné, Rav Avraham Parshan présentait au Rabbi un philanthrope de Toronto, M. Tanenbaum en précisant qu’il promettait au Rabbi de « donner un demi-million de dollars pour la construction du village Kfar ‘Habad en Israël » :

- Je voulais dire un quart de million de dollars… » s’excusa M. Tanenbaum.

Le Rabbi sourit :

- Pourquoi avez-vous peur de promettre un demi-million si D.ieu vous rend plus riche ? Un Juif (Rav Parshan) a dit que vous donneriez un demi-million…

- J’ai dit un quart et lui a dit un demi…

- Et si vous êtes capable de donner un demi-million, c’est encore mieux ! Actuellement, vous calculez que votre capital vous permet de donner un quart de million. M. Parshan arrive et annonce que vous donnerez le double. Donc cela signifie que vous pourrez tout aussi bien disposer d’un double capital !

- Ah si seulement… soupira M. Tanenbaum.

- Que D.ieu vous aide ! le bénit le Rabbi. « Celui qui cherche trouve… ». Dites Le’haïm ! Puis, après que M. Tanenbaum et sa famille aient souhaité Le’haïm, le Rabbi ajouta : Et si M. Parshan revient dans quelques semaines en annonçant que vous pouvez donner un million, ne paniquez pas… et prenez soin à ce que lui aussi puisse donner un million !

Inutile de préciser que mon épouse était stupéfaite : un philanthrope de Toronto justement… C’était une vidéo de JEM intitulée : « Qui vient en premier : l’argent ou la promesse ? ». J’envoyai immédiatement le lien (www.chabad.org/779170) à M. Khazanski en commentant : « Le Rabbi a déjà répondu à votre demande de bénédiction ! Certainement si vous vous engagez à ouvrir un Beth ‘Habad au Nigeria avant même que vos affaires ne réussissent, ce sera le tuyau par lequel passera la bénédiction pour vos affaires ! ».

Il répondit aussitôt que nous devions avancer les recherches pour le Beth Habad… Avant Lag Baomer, il se rendit au Nigeria et conclut l’affaire qu’il négociait depuis des mois et, de plus, s’intéressa à un autre contrat tout-à-fait différent qui lui rapporta des bénéfices juteux ! C’est pendant ce séjour fructueux que nous avons signé le bail et pu ouvrir un somptueux Beth ‘Habad ! Mais surtout nous avons reçu un signe des plus clairs que notre place était bien au service des Juifs du Nigeria pour les y préparer à la venue du Machia’h !

Rav Israël Uzan – A Chassidisher Derher

Traduit par Feiga Lubecki