C’était un riche homme d’affaires, un ‘Hassid du Rabbi Tséma’h Tsédek. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il recherchait le conseil et la bénédiction de son Rabbi. D’expérience, il avait appris à écouter attentivement ses directives et évita ainsi de contracter des affaires prometteuses qui se révélaient ensuite décevantes et même ruineuses.

Un jour, à la fin d’une entrevue, le Rabbi demanda : « La prochaine fois, amenez donc votre charretier ! » en citant le prénom de l’homme qu’il désirait rencontrer.

Le visiteur en fut très surpris : jusqu’à présent, son Rabbi ne s’était jamais mêlé de sujets aussi triviaux que le prénom de son charretier qui n’avait d’ailleurs rien de spécial. Mais il savait qu’on ne pose pas de question au Rabbi.

Les mois passèrent et il retourna à Loubavitch. Le Rabbi lui demanda d’amener son conducteur. L’homme se précipita vers l’auberge où son cocher se reposait et lui annonça la bonne nouvelle :

- Qui suis-je pour mériter d’entrer dans le bureau du Rabbi ? s’étonna-t-il.

- Peu importe si mérite il y a ou non ! Viens sinon je prendrai quelqu’un d’autre pour le retour !

Craignant de perdre sa place, l’homme le suivit. Le Rabbi l’accueillit chaleureusement :

- Chalom Alé’hem ! La paix soit sur vous ! sourit le Rabbi.

Le cocher était surpris ; mais il le fut encore davantage quand le respectable Rabbi l’invita à dîner chez lui le lendemain.

Quand le visiteur sortit, le Rabbi se tourna vers son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka et lui demanda de préparer pour le lendemain un repas plus élaboré que d’habitude en l’honneur de l’invité !

Entretemps, la nouvelle s’était répandue parmi les ‘Hassidim et des jeunes gens plus audacieux que d’autres entourèrent le cocher pour apprendre ce qui lui valait un tel honneur :

- Je ne sais pas ! Je ne suis ni un Rabbi ni un saint !

- Essayez néanmoins de vous rappeler un incident marquant…

- Ah oui, peut-être… Et il raconta :

« Durant mes nombreux voyages, il m’arrive de me rendre dans des villages éloignés où réside parfois une seule famille juive. Plus d’une fois, on m’a demandé si je connaissais un Mohel parce qu’un petit garçon venait de naître et personne n’était capable de circoncire l’enfant le huitième jour. J’ai donc décidé d’apprendre les lois et la pratique sous l’autorité d’un expert. Où que j’aille, j’emporte toujours avec moi mon matériel et il m’est effectivement arrivé d’effectuer un certain nombre de circoncisions.

Il y a quelques mois, je me trouvais dans une forêt et j’ai perdu mon chemin. Soudain, j’ai entendu des pleurs à fendre l’âme. Je me suis approché et suis arrivé dans une cabane appartenant à un forestier juif. Sa femme m’apprit qu’il était tombé malade et était incapable de bouger de son lit. Il avait été supposé voyager dans la ville la plus proche pour chercher un Mohel car leur fils venait d’avoir huit jours.

- Ne pleurez pas, Madame, lui dis-je : je suis Mohel !

Vous auriez dû voir comment elle parut soulagée !

Mais il fallait maintenant trouver un Sandak pour tenir le nourrisson car le père était trop faible pour tenir ce rôle. Je me rendis sur la grande route dans l’espoir fou de trouver un Juif dans cette région déserte. Et soudain, alors que le soleil allait se coucher, j’ai aperçu un Juif ! Vous n’imaginez pas combien je fus heureux et, quand il refusa d’abord de m’aider, je le suppliais : « Un enfant juif attend d’entrer dans l’alliance de notre père Avraham ! Son père a déjà un pied dans le Monde de Vérité et sa mère pleure ! Comment pouvez-vous être insensible à cette situation ? ».

J’avais trouvé l’argument et il accepta. Après la circoncision, je proposai à l’homme de participer au repas de fête traditionnel. Mais il n’y avait rien à manger dans cette maison délabrée. Je pris du pain et du fromage dans ma besace et nous avons partagé ce « festin » avec la maman. Ensuite le Sandak suggéra que j’appelle le père de l’enfant pour procéder au Zimoun qu’on récite quand trois hommes participent à un repas. Je le regardais avec incrédulité : le père était presque dans l’autre monde ! Mais l’invité se rendit au chevet du malade et, une minute plus tard, celui-ci se leva et prit part à la Mitsva ! Je n’en croyais pas mes yeux !

Quand nous avons achevé la prière après le repas, je me suis rendu dehors pour prendre quelque chose dans mon charriot et, quand je revins, le Sandak avait disparu !

C’est toute mon histoire ! soupira le cocher.

Le lendemain, il se rendit à la table du Rabbi et se régala d’un repas de fête. Un des fils du Rabbi raconta alors l’épisode extraordinaire qu’il avait entendu et le Rabbi conclut : « Moi aussi je voulais manger avec un Juif qui a mérité de manger à la même table qu’Avraham notre père… ».

Rav Zalman Ruderman (Ben Daguim Lizmirot) - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki

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