(Le 22 Chevat – 4 février 2021 – les ‘Hassidim commémorent la Hiloula de la Rabbanit ‘Haya Mouchka, la défunte épouse du Rabbi de Loubavitch).
Un jour, la Rabbanit tomba et se brisa une côte. Elle aurait dû être opérée immédiatement mais cela n’était pas possible, à cause d’un autre problème de santé. Hospitalisée, elle souffrait énormément et était très pâle. J’organisais pour elle un roulement de trois infirmières privées qui s’occupaient uniquement d’elle, huit heures par jour.
A la fin du jeûne du 9 Av, nous avons appris que le Rabbi allait se rendre à l’hôpital. Je dois préciser que, durant toutes ses hospitalisations, je n’ai jamais pénétré dans la chambre de la Rabbanit afin de respecter son besoin d’intimité. Je restais dans le couloir afin d’être disponible pour les infirmières.
Après avoir entendu que le Rabbi allait arriver, je vis l’infirmière sortir bouleversée de la chambre. Des larmes coulaient même sur ses joues tandis qu’elle m’expliqua : «Jamais je n’ai vu une femme aussi extraordinaire. Quand elle a appris que son mari – le Rabbi – allait arriver, elle m’a demandé de l’aider à mieux s’habiller et à se maquiller afin de masquer sa pâleur et ne pas lui causer de peine !»
* * *
Même après qu’elle eut quitté l’hôpital, nous avons continué avec des infirmières privées qui se succédaient à son chevet toutes les huit heures. Ceci dura environ un an. C’est moi qui m’occupais de tout et je demandai à la présidente de cet organisme privé de ne proposer que des infirmières particulièrement courtoises et discrètes.
Je dois préciser que jamais la Rabbanit ne m’avait demandé quoi que ce soit. Elle ne supportait pas d’importuner les autres bien que tous se seraient fait une joie et un honneur de lui rendre service.
Cependant un dimanche particulièrement froid et pluvieux, elle me téléphona : «J’ai un très grand service à te demander, s’excusa-t-elle, mais il m’est pénible de te déranger !»
- Rabbanit, m’empressais-je d’affirmer, c’est avec joie que je ferai pour vous tout mon possible ! C’est un grand privilège !
- Voilà ! Je me sens beaucoup mieux mais il est déjà huit heures vingt et l’infirmière suivante n’est pas encore arrivée. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas mais mon mari refuse de quitter la maison pour se rendre au 770 Eastern Parkway, tant que je serai seule. Pourrais-tu téléphoner au bureau des infirmières pour t’informer de la raison de ce retard ?
Tout en l’écoutant, je me disais qu’à l’étage, le Rabbi disposait d’une pièce dans laquelle il pouvait travailler, avec des dizaines, des centaines de livres à sa disposition. Mais la Rabbanit savait que du travail important l’attendait au 770, qu’il avait peut-être besoin de ses secrétaires, que des gens cherchaient probablement à lui parler… Pour éviter de faire perdre son temps au Rabbi, la Rabbanit avait fait une entorse à ses principes et, contrairement à son habitude, elle m’avait demandé un service…
Bien sûr, j’ai immédiatement téléphoné à la compagnie afin d’obtenir qu’une infirmière se déplace dans les plus brefs délais : nous lui avons payé le taxi et l’avons généreusement rémunérée afin de rassurer le Rabbi et la Rabbanit.
* * *
Un jour, un docteur arriva de Floride et se permit de sonner à la porte de la maison du Rabbi. Il apportait une corbeille de fruits et de fleurs pour le Rabbi, de son propre jardin.
Une femme lui ouvrit. Il lui tendit le panier en précisant : «C’est un panier pour le Rabbi en l’honneur de la fête de Pourim de la part de Docteur P.». La femme le remercia et, pensant que c’était un livreur, partit chercher un billet de cinq dollars pour lui donner un pourboire.
- Non ! Je suis moi-même le Docteur P. et je n’ai pas besoin de pourboire ! s’écria-t-il.
- Alors venez ! Entrez !
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il, curieux.
- Je suis la personne qui s’occupe de la maison, répondit-elle ; par ailleurs, je suis aussi la cousine du Rabbi.
Le Docteur se dit que c’était vraiment une très bonne idée que le Rabbi et la Rabbanit disposent d’une aide aussi agréable et d’aussi noble caractère, sans doute une femme d’origine russe à en juger par son accent…
Il lui raconta qu’il possédait un très beau jardin derrière sa maison et qu’il aurait tant voulu inviter le Rabbi et la Rabbanit chez lui. Ils jouiraient de tout le confort et d’une discrétion parfaite puisque le jardin était entouré d’arbres très serrés. De plus, en Floride, il fait chaud même en hiver etc… «Pourriez-vous transmettre cette proposition au Rabbi et à la Rabbanit ?»
Elle répondit avec beaucoup de naturel : «Je transmettrai vos paroles exactement !»
Ce docteur sortit, émerveillé : «Quelle femme remarquable ! Quelle bénédiction que le Rabbi et la Rabbanit aient à leur disposition une femme aussi distinguée !»
Il en parla à ses amis, les ‘Hassidim. Ceux-ci, suspicieux, l’écoutèrent et lui demandèrent plus de détails. Finalement l’un d’eux remarqua : «Ce devait être la Rabbanit elle-même !»
- Pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ? protesta le Docteur P. Puis il réfléchit : «Elle m’a dit qu’elle s’occupe de la maison, et c’est vrai ; qu’elle était la cousine du Rabbi et c’est vrai aussi !»
Esther Sternberg
Michpa’ha ‘hassidit n°1223
traduite par Feiga Lubecki
- Détails
- Publication : 30 janvier 2021