Le message profond du débat de nos Sages
Le Talmud rapporte le débat suivant :
Rav ‘Hiya bar Achi statue au nom de Rav : «Un érudit en Torah devrait posséder 1/64è part d’orgueil, [de sorte que ceux qui sont frivoles ne se comportent pas mal à son égard et n’agissent pas envers lui avec arrogance et de sorte que ses enseignements soient acceptés par eux (Rachi).]
Rav Houna le fils de Rav Yehochoua dit : [Cette petite quantité d’orgueil] l’orne tout comme le poil orne l’épi de blé.»
Rava déclare : «Celui qui possède [de l’orgueil] mérite d’être placé dans un ban d’ostracisme. [Par contre] celui qui manque [de cette qualité] mérite d’être placé complètement sous une interdiction. [S’il ne possède pas d’orgueil, même en petite quantité, ses concitoyens ne le craindront pas et il n’aura pas la puissance de les admonester (Rachi).]
Rav Na’hman bar Yits’hak dit : «Ni [de l’orgueil], ni une petite part [d’orgueil].Ce qui est écrit est une bagatelle : «tous ceux qui sont orgueilleux sont une abomination pour D.ieu.»

Quelle est la raison de la présence de cette référence qu’apporte Rav Na’man bar Yits’hak ? L’orgueil vient parfois d’un jugement réaliste et n’est parfois pas issu de nos propres actes et potentiels. Quand une personne est fière de ses accomplissements, même si sa fierté est justifiée, elle nie, quelque part, la providence de D.ieu. Car en s’enorgueillissant, l’individu attribue son succès à ses propres efforts. S’il réalisait qu’en réalité tout ce qu’il réussit vient d’un don de D.ieu, il en viendrait à reconnaître avec gratitude la main de D.ieu.
Cela n’a pas pour but de minimiser l’importance des entreprises humaines. Il est écrit : «Et D.ieu te bénira dans tout ce que tu accomplis», ce qui implique que les efforts humains sont nécessaires. Sans en fournir, il ne dispose pas du moyen par lequel lui seront acheminées les bénédictions de D.ieu. Et quand le succès vient des bénédictions de D.ieu, il n’y a aucune place en l’homme pour un orgueil personnel.

Exploiter un potentiel plus profond
Néanmoins, comme l’indiquent les autres Sages que nous avons précédemment cités, avoir une petite quantité de fierté présente un avantage. Car à moins qu’une personne ne s’affirme avec assurance, ses paroles n’atteindront pas leur but. Et sans une bonne part de confiance en soi, cet homme lui-même ne sera pas capable de persévérer devant un challenge. Plus encore, ressentir de la satisfaction et de la fierté incite la joie, ce qui est une composante essentielle du service de D.ieu.
On peut toutefois récolter les avantages de la fierté sans ses aspects négatifs. Car il existe une source plus profonde de fierté que celle que l’on tire de soi-même, de ses aptitudes ou de ses accomplissements. D.ieu «nous a rendus saints par [Ses] commandements, et nous rapproche de [Son] service», nous accordant par là-même un lien avec Lui et la mission d’élever et de raffiner le monde en général. La prise de conscience de cette relation et l’identification avec cette mission génère une fierté intérieure, de la satisfaction et un sentiment d’accomplissement.

Une synthèse et non un conflit
Cette approche permet à l’humilité et à la fierté d’être considérées comme des qualités complémentaires. Développer une humilité désintéressée encourage l’homme à resserrer son lien avec D.ieu et Son service. Cela, à son tour, le nourrit de ressources plus profondes pour qu’il se sente fier et sûr de lui.
En fait, ce type d’orgueil est encore plus puissant que celui que génère l’appréciation de ses propres qualités. L’orgueil qui se concentre autour de soi est limité et peut être affecté devant un défi que l’on ne peut surmonter. Mais la force personnelle qui naît de l’engagement à accomplir la volonté divine reflète la nature infinie de son objectif. Aucun obstacle ne lui résiste.
Nos Sages font allusion à ce concept quand ils déclarent : «Le serviteur d’un roi est comme le roi lui-même.» Un serviteur n’est pas considéré comme une entité séparée de son maître. C’est comme s’il était lui-même une extension de la personne de son maître. C’est la raison pour laquelle la confiance en lui qu’exprime le serviteur n’est pas la sienne propre mais celle du maître et elle exprime la force de sa position.
Celui qui est totalement engagé dans le service divin dévoile donc des ressources bien plus puissantes de force intérieure que celles qu’il possède par lui-même. Du dynamisme et de l’énergie irradient de sa personne et il peut faire preuve du contrôle nécessaire pour transformer ses propres énergies en entreprises productives.

Des principes personnifiés
Ce type de confiance en soi est incarné par Moché notre Maître. Lui-même dit au Peuple Juif : «C’est moi qui me tiens entre D.ieu et vous», et c’est lui qui écrivit le verset : «et il ne se leva jamais en Israël un prophète comme Moché». Toutefois, il était «plus humble que tous les hommes sur la surface de la terre.»
Moché ne considérait pas la fierté et l’humilité comme des tendances contradictoires. Bien qu’il sût la grandeur de la mission qui lui avait été attribuée et qu’il réalisât qu’il avait reçu des qualités personnelles exceptionnelles pour lui permettre d’accomplir sa mission, cette conscience ne le conduisait pas à un orgueil démesuré concernant sa propre personne. Bien au contraire, il réalisait que ces potentiels lui avaient été attribués par D.ieu et qu’ils n’étaient pas le fruit de ses propres efforts. Bien plus, il considérait que si ces talents avaient été donnés à un autre, cette personne aurait accompli bien plus que lui.

La symbolique de Sinaï
Les idées que l’on vient de développer se reflètent dans le nom de la Paracha de cette semaine : Behar. Behar signifie «sur la montagne». Et plus particulièrement, comme le poursuit le verset, cela se réfère au Mont Sinaï sur lequel fut donnée la Torah.
Le Mont Sinaï représente la synthèse de ces deux potentiels que l’on vient d’évoquer. D’une part, c’est «la plus basse de toutes les montagnes», symbole d’humilité mais en même temps, c’est une montagne, ce qui représente la fierté et la puissance. C’est la fusion de ces deux contraires qui fait de Sinaï la montagne de D.ieu, l’endroit que D.ieu choisit pour manifester Sa Présence et donner Ses enseignements.
Cependant, une légère difficulté se soulève : la Paracha n’est pas appelée Behar Sinaï : «Sur le Mont Sinaï». Elle est appelée Behar : «sur la montagne». Les qualités de fierté et de courage sont accentuées mais non celle de l’humilité modératrice de Sinaï, «la plus basse de toutes les montagnes».
Pour la résoudre, l’on peut expliquer que l’expression Behar Sinaï, «sur le Mont Sinaï», évoque la personne qui se rappelle qu’elle a besoin de rabaisser son sentiment d’importance. Le fait même que ces efforts soient nécessaires indique que son humilité ne domine pas complètement son être.
Quand, par contre, l’individu a totalement assujetti son identité à la mission que D.ieu lui a confiée, nul ne lui est besoin de se rabaisser, il ne se soucie pas de lui-même. C’est là le sens du nom de la Paracha, Behar : le serviteur de D.ieu se tient fier, fermement enraciné dans la puissance que lui donne la force de son objectif.
La force de son objectif permettra à notre Peuple de surmonter tous les défis que lui lancent ces derniers moments de l’exil et d’aller à la rencontre de Machia’h. Que cela ait lieu dans le futur immédiat !

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