סטאוו יא פיטו אוּוו פיאטניצו (סובאטו), אוּוו פיאטניצו (סובאטו). פראפאוו יא, יא פראפאוו סוואיו טעליצו (ראבאטו).

טרעבא טרעבא זנאטי יאק גוליאטי, טרעבא טרעבא זנאטי יאק ברעכאטי.

אוי חשבון צדק אטדאוואטי, פערעד פאנאם כאזיאינאם אטוועטשאטי. א מי פיעם, דא פיעם דא מי גולאיעם.

און מיר טרינקען יין אזוי ווי מים,

און מיר זאגען אלע צוזמען לחיים,

ואתה תשמע מן השמים. 

*****

« Je suis allé boire le vendredi, (le samedi).

J'ai bu, oui, j’ai bu… et par la boisson j’ai perdu ma génisse, j’ai perdu mon travail.

Il faut savoir comment se divertir, il faut savoir comment communiquer.

Oh ! Nous devons établir un juste bilan, et devant le châtelain se justifier.

Venons, buvons donc… buvons et réjouissons-nous.

Nous buvons du vin comme de l'eau, et nous disons tous ensemble « Lé'haïm ».

Et Toi, écoute depuis les Cieux … »

*****

« Stav Ya Pitou, Ou Pianitsou, Ou Pianitsou (Ou Soubatou).

Prapov Ya, Ya Prapov ! Svayou Télitsou (Robatou).

Tréba Tréba Znati Yak Gouliati, Tréba Tréba Znati Yak Bré'hati.

Oy ‘Hechbon Tsédek Otdavati ! Fred Fanom ‘hazianom Atvétchati.

A Mi Pyem, Da Pyem, Da Mi Goulyaem.

Oun Mir Trinken Yoïn Azoy Vi Moyïm.

Oun Mir Zoguen Alè Tsouzamen Lé'haïm.

Véata Tichma Min Hachamayim »

stavyapitou

« Ce nigoun est composé de mots appartenant à différentes langues, pour la plupart en Ukrainien, et certains passages en Hébreu, en Yiddish, et en Russe. »

(Sefer Hanigounim, tome 3, page 58, Nigoun 260)

*****

La description précise de la source de ce nigoun se trouve dans un journal peu connu, qui fut écrit à l’époque, par l’un des élèves de la Yéchiva (l’école talmudique – ndt) du 770 :

« Après les Hakafot, au moment où le Rabbi distribuait de la vodka à ceux qui avaient décidé d’ajouter un temps pour l’étude de la ‘Hassidout, il enseigna le nigoun « Stav Ya Pitou ». Il le chanta avec un ton particulier, et différent des autres nigounim. Certains se souviennent que le Rabbi avait son pied sur une chaise, et que sa main droite tenait son gartel (ceinture de prière portée par les ‘Hassidim – ndt). Il chanta avec les yeux fermés et une ferveur indescriptible. Le chant était en Russe, et les ‘Hassidim ne le retinrent pas. Le Rabbi le chanta à de nombreuses reprises, jusqu’à ce que le Rav Yoël Kahn l’eut retenu. Cet événement était extraordinaire. Le Rabbi expliqua alors :

« Ce nigoun fut entendu par des ‘Hassidim, en Ukraine, et il était chanté par des hommes simples, qui l’avaient utilisé dans leur service de D.ieu, en conformité avec l’enseignement du Baal Chem Tov que nous avons évoqué auparavant [selon lequel un Juif doit savoir que chaque chose qu’il voit ou entend constitue un enseignement lié à son service de D.ieu – ndt].

Ce nigoun était chanté au cours des moments de joie, et durant Sim’hat Torah. Le sens du chant est le suivant : lorsqu’arrive Sim’hat Torah, après tout le travail du mois d’Eloul, Roch Hachana etc., il apparaît qu’un manque existe dans un certain nombre de choses, y compris dans des choses essentielles. En conséquence, on a besoin du « vin qui enivre ».

En effet, le « vin qui réjouit » correspond à la méditation à la grandeur de D.ieu, mais lorsque l’on s’aperçoit que cela n’a pas eu d’impact, alors l’on doit parvenir au « vin qui enivre », afin d’enivrer le corps et l’âme animale, et de sortir de ses limites. Cela ne provient pas de la méditation à la grandeur de D.ieu, mais de la prise de conscience de l’étroitesse de sa propre situation, l’étroitesse liée aux fautes.

Celui qui [n’a pas fauté, mais] ne se trouve pas dans la largesse qui convient, c’est-à-dire la largesse de l’Essence de D.ieu, de laquelle provient son âme, peut parvenir également à la Techouva correspondant au « vin qui enivre », dépassant toute limite et toute mesure.

C’est là le sens des paroles du nigoun : « Treba Znati », et « Yak Gouliati » : il faut savoir comment gérer ce vin enivrant, et comment le faire parvenir à l’action concrète. C’est le sens des mots « Yak Bre’hati », c’est-à-dire « comment parler » : il faut savoir de quelle manière concrétiser les lettres [de la parole – ndt].

Tout ceci est le point essentiel du chant. Nous en parlerons plus en détails demain. »

Le lendemain, lors du farbrenguen de Sim’hat Torah, le Rabbi s’étendit longuement sur l’explication du chant, et y consacra plusieurs causeries. Entre les discours, il demanda à plusieurs reprises de le chanter.

Après la troisième si’ha, le Rabbi demanda que l’on chante « Stav Ya Pitou », et expliqua :

« Nous avons évoqué, hier, le fait que ce nigoun était chanté par les ‘Hassidim en Ukraine, durant les moments de joie, tels que Chemini Atséret et Sim’hat Torah. Ils l’avaient entendu chanté par de simples fermiers russes, qui le chantaient dans leur langue, et évoquaient le fait de boire du vin.

Il faut tout d’abord repousser l’erreur que tout le monde commet : la véritable joie n’a rien à voir avec la joie des non-Juifs, D.ieu nous en garde. Ils se rassemblent pour boire, et terminent un verre après l’autre, jusqu’à parvenir à une joie de débauche. La véritable joie permet de progresser dans la mission que le Saint Béni Soit-Il nous a confié en ce monde, car c’est bien là la raison pour laquelle la Néchama est descendue ici-bas […]

De la même manière, lorsque l’on se trouve déjà après le mois d’Eloul, Roch Hachana, les 10 jours de Techouva, Yom Kippour, les quatre jours entre Yom Kippour et Souccot, Souccot, Sim’hat Beth Hachoeva, et Chemini Atséret, on « atterrit » déjà à Sim’hat Torah. C’est pourquoi on s’y accroche…

[Le Rabbi s’arrêta un instant, puis déclara :] Puisque nous nous trouvons durant Sim’hat Torah, nous pouvons parler de cette manière, à l’image de ce que dit le dicton : « A Sim’hat Torah, ça ne fait pas de mal » … [Le Rabbi reprit immédiatement :]

Il y a un certain nombre de choses desquelles l’on ne s’est pas occupé, y compris en ce qui concerne la Techouva liée aux fautes et aux défauts, dont il fallait s’occuper depuis le mois d’Eloul, ou, du moins, durant Roch Hachana, les 10 jours de Techouva, ou Yom Kippour. Ou même durant la fête de Souccot, durant laquelle s’applique également la Techouva. Et tous ces moments sont maintenant passés. Mais puisque l’on sait qu’il reste encore 48 heures durant lesquelles on peut agir et compléter, par la joie, tout ce qui aurait dû l’être par l’amertume, alors l’on chérit chaque instant, et on l’utilise pour réparer et compléter, grâce à la joie, et en particulier durant Sim’hat Torah, tout ce que l’on aurait dû traiter auparavant.

Et puisque nous avons passé les 10 jours de Techouva et la fête de Souccot, l’on se prépare au travail de « Et Yaakov retourna sur son chemin », c’est-à-dire l’occupation concernant les sujets matériels. C’est à ce moment que parvient une explication à cela, dans laquelle sont mélangés des mots des 70 langues des nations du monde, ainsi que des mots en langue sainte (l’Hébreu – ndt), et en Yiddish.

En effet, cette dernière langue est un intermédiaire entre la langue sainte et les 70 langues (à l’image de la langue du « Targoum » (ouvrage traduisant l’ensemble du texte biblique en Araméen, écrit par Ounkelos – ndt), que l’on retrouve dans la Torah Ecrite, et à plus forte raison dans les Prophètes et la Torah Orale). Par son intermédiaire, l’on peut élever et raffiner les 70 langues. C’est la raison pour laquelle le Baal Chem Tov délivrait ses enseignements, devant la sainte assemblée, en Yiddish, malgré le fait qu’ils comprenaient tous la langue sainte. De plus, il aurait été plus adapté de les délivrer en langue sainte, mais, il voulait, en vérité, élever les 70 langues, afin de faire de ce monde-ci une demeure pour D.ieu. »

Durant la suite du farbrenguen, le Rabbi s’attarda sur les paroles du chant et en expliqua le contenu (ces explications seront rapportées ci-après).

Au cours de la si’ha, le Rabbi demanda à nouveau de chanter ce nigoun, et chanta également avec les présents. Arrivé aux mots « ‘Hechbon Tsédek » (un bilan de conscience correct – ndt), le Rabbi s’exclama : « Oy ! Guevald (expression en Yiddish exprimant la consternation - ndt) ! ‘Hechbon Tsédek Otdavati ! ». Il s’arrêta alors de chanter, et se tourna vers ceux qui se trouvaient autour de lui :

« Pourquoi me regardez-vous donc ? Cela me concerne moi (le Rabbi dirigea sa sainte main vers lui), mais aussi toi ! (Il désigna de son doigt le Rav Yoël Kahn, puis chercha dans l’assemblée le Rav Avraham Yits’hak Chem Tov, et le désigna également) et toi ! »

(Certains déclarent se souvenir que le Rabbi désigna encore une personne parmi la foule). Le Rabbi ajouta que ceci n’était pas des paroles à prendre à la légère, et déclara : « Si cela avait été une plaisanterie, elle aurait été bien bonne… »

Lorsque le farbrenguen prit fin, le Rabbi demanda à nouveau de chanter ce nigoun. Un sentiment divin régna lors de cette réunion, et l’ensemble des participants chantèrent la nouvelle mélodie avec une ferveur exceptionnelle.

Lors de la réunion ‘hassidique du soir de Sim’hat Torah 5726 (1965), le Rabbi se tourna vers le Rav Yits’hak Doubov, de Londres, et lui demanda de chanter. Ce dernier entonna un chant en russe, dont le contenu était le suivant : « Vous avez de l’argent, buvez. Moi, je n’ai pas d’argent, et je ne boirai pas ». Le Rabbi lui répondit : « Nous avons, et nous allons boire. Ne lui obéis pas ! Nous devons boire… » Il demanda, par la suite, à ce que l’on chante « Stav Ya Pitou », et déclara ensuite : « Lorsqu’un homme, seul, est confronté à plusieurs personnes, la loi est tranchée comme ceux qui sont nombreux. Une parole n’en annule pas une autre ; seule une action peut annuler une parole », et demanda de prendre de l’eau de vie.

Au cours du mois de Chevat 5723 (1963), lorsque le Rav Chmouël Zalmanov entra en yé’hidout chez le Rabbi, avec le nouveau disque de « Ni’hoa’h » (le numéro 5) en mains, dans lequel figurait le nigoun chanté par le Rav Chimchon ‘Haritanov, le Rabbi exprima sa satisfaction quant à la manière dont la mélodie était chantée : « Il chante exactement de la manière dont j’ai entendu ce nigoun ! »

*****

Voici les explications, en détails, que donna le Rabbi pour chaque partie du chant :

Stav Ya Pitou / Je suis allé boire

« La joie est liée avec le fait de boire du vin, comme le disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction : « Il n’y a de joie qu’avec du vin ». Et, selon les paroles de l’Admour Hazaken dans son Choul’han Arou’h, c’est une Mitsva de la Torah, même de nos jours, et à plus forte raison durant la fête de Souccot, pour laquelle il est mentionné trois fois le mot « joie ». Et encore à plus forte raison durant la fête de Sim’hat Torah, comme le veut la coutume juive de se réjouir d’une joie intense durant ce jour. 

Cependant, le fait de boire du vin et de se réjouir ne signifie pas que l’on se libère du joug divin, et que l’on s’exempte d’un bilan de conscience sérieux (et celui qui se réjouit explique bien cela à ceux qui se tiennent autour de lui).  Bien au contraire, c’est grâce à cette joie que l’on parvient à réparer et à combler tous les manques et tous les défauts de son service de D.ieu.

Le « vin de réjouissance » représente, dans le service de D.ieu, la réflexion. De fait, le vin représente la compréhension, et de lui sort le « secret » (en effet, les Sages indiquent que « lorsque le vin entre, le secret sort », Sanhédrin p.38a - ndt). Ici, le « secret » dont il est question est l’amour de D.ieu dissimulé au plus profond de chaque Juif, qui « sort », qui se dévoile. Grâce à cela, son comportement sera fidèle à la Torah et aux Mitsvot, ainsi que l’explique le Tanya : « Cet amour contient en lui l’amour et la crainte relatifs à l’accomplissement de la Torah et des Mitsvot ».

Cependant, il est ici question de celui qui s’est conduit dans le droit chemin toute sa vie, ce qui correspond au service de D.ieu des Tsadikim, les Justes, et dont la période associée est le mois de Nissan. Il n’en est pas ainsi, en revanche, en ce qui concerne le mois de Tichri, qui fait suite au mois d’Eloul, le mois de la Techouva. Et la Techouva qui concerne le mois d’Eloul englobe celui qui est plongé dans les désirs matériels, à proprement parler, au même titre que celui dont la Techouva est très fine, à l’image de ce qui est dit : « Et l’esprit retournera au D.ieu qui l’a donné ». En effet, ce dernier ne se trouve pas encore dans une situation de « largesse divine », et le service qui lui est approprié n’est pas le « vin de réjouissance », mais bien « le vin qui enivre ».

Le « vin qui enivre » a pour effet de troubler l’esprit de l’Homme. Dans le service de D.ieu, cela représente celui dont l’esprit est dispersé et troublé par une multitude de pensées relevant des choses matérielles dont il s’occupe, et dans lesquelles il est plongé. Cela va même jusqu’à le déranger durant sa prière, pendant laquelle il pensera à ses occupations, et à plus forte raison après la prière, lorsqu’il s’occupera et se replongera dans ses besoins matériels.

Pour qu’un tel homme puisse s’affranchir de ces pensées qui assaillent son esprit, il doit méditer à ce qu’il est dit : « Ton délaissement de D.ieu est mauvais et amer » (et il ne doit donc pas réfléchir à ce qui est dit : « La proximité de D.ieu m’est agréable », méditation par laquelle se dévoile le « secret », c’est-à-dire l’amour et la crainte de D.ieu, car ceci relève du « vin de réjouissance »). Et ce, en particulier s’il a véritablement fauté, et s’est éloigné du droit chemin, au sens propre du terme. Cette réflexion le mènera à un état d’amertume intense, au point qu’il prendra la ferme décision, à partir de maintenant, de ne plus avoir aucun contact avec ces choses-là…

L’on comprend aisément que cette méditation ne peut avoir lieu après avoir mangé, bu, et lu le journal… Mais c’est en s’apercevant qu’il est alors temps de faire un bilan de conscience que l’on pourra espérer quelque chose de cette réflexion…

Cette dernière doit relever du « vin qui enivre », c’est-à-dire que l’amertume concernant sa situation morale doit le faire complètement sortir de sa personne, au point que lorsqu’on le regardera, on le prendra pour quelqu’un d’ivre.

Ce n’est qu’à ce moment que le « vin qui enivre » aura le même bénéfice escompté que le « vin de réjouissance » chez quelqu’un d’autre. Ainsi, même lui pourra alors bénéficier du « vin de réjouissance », c’est-à-dire du dévoilement de l’amour de D.ieu, et ceci même avec encore plus de force et plus de puissance. Ainsi, lui qui se trouvait dans « une terre aride », dans l’étroitesse des trois forces impures, ce qui constitue le point le plus bas, pourra parvenir au sommet le plus haut : la « largesse de D.ieu ».

Ou Piatnitsou, Ou Soubatou / Le vendredi, le jour du Chabat

Le service de D.ieu de l’Homme ne concerne pas seulement les jours profanes, mais également les jours de Chabat et de Yom Tov, qui sont appelés, eux aussi, « Son Chabat ». Le service de D.ieu comporte, de manière générale, deux parties :

  • Le service des jours de semaine, qui sont tous regroupés sous l’appellation « veille de Chabat », et qui concerne les sujets profanes.
  • Le service de Chabat et de Yom Tov, qui concerne les sujets sacrés.

Ainsi, il est important de souligner que, même dans le domaine de la sainteté, de la Torah et des Mitsvot, le travail est nécessaire. En effet, l’ensemble du service de D.ieu d’un Juif doit être à l’image du travail d’un serviteur pour son maître. C’est la raison pour laquelle les Juifs sont appelés « Mes serviteurs », et ce, aussi bien les jours profanes que les jours de Chabat et Yom Tov.

De manière plus particulière, l’ensemble de l’accomplissement des Mitsvot doit relever de la soumission au joug divin, comme le disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction : « Acceptez Ma Royauté, ce après quoi J’établirai pour vous des décrets ». Ainsi, le fondement de l’accomplissement des Mitsvot est bien la soumission au joug divin, les Mitsvot constituant bel et bien les décrets du Roi. On comprendra donc que, concernant les Mitsvot liées au Chabat, duquel il est dit : « Tu appelleras le Chabat ‘délice’ », l’on ne doit pas les accomplir pour le plaisir qu’elles procurent, mais uniquement du fait qu’elles constituent l’ordre du Saint Béni Soit-Il, à la manière d’un serviteur…

Certes, le service de D.ieu inhérent au jour du Chabat est très élevé, du fait que ce jour-là s’accomplit une élévation au-delà des limites du monde. C’est d’ailleurs le sens du verset : « Les cieux et la terre furent terminés » (que l’on récite le vendredi soir – ndt). On comprend ainsi que, lors de cette élévation qui a lieu le jour de Chabat, même l’âme animale devient alors, de par elle-même, sans faire d’efforts, plus élevée que durant la semaine. Le service exigé le jour de Chabat est donc tout à fait différent, sans aucune commune mesure avec le service des jours de semaine. Cependant, même à ce moment-là, il s’agit tout de même d’un « travail », c’est-à-dire qu’il doit y avoir un effort, à l’image d’un serviteur avec son maître.

En ce qui concerne le « vin qui enivre » et le service évoqué plus haut, on comprendra alors qu’il existe une distinction entre les jours profanes et le Chabat. De la même manière que le service de D.ieu du Chabat n’a rien à voir avec le service des jours de semaine, « la veille de Chabat », de même le « vin qui enivre » du jour de Chabat ne ressemble pas à celui des jours profanes.

Et ceci est souligné dans ce nigoun : la première fois que l’on chante la première phrase, on évoque le fait de boire le vendredi (« Piatnitsou »), veille de Chabat, qui inclut en lui tous les jours de la semaine. La seconde fois que l’on chante cette phrase, en revanche, on évoque la boisson du jour de Chabat (« Soubatou »). Ce sont deux choses différentes l’une de l’autre.

C’est également la raison pour laquelle, lorsque l’on chante cette phrase pour la seconde fois, en rapport avec le jour du Chabat, on évoque le travail, « Robatou », de manière simple (et non comme la première fois, lorsque l’on chante en rapport avec la boisson du vendredi, et pour laquelle on évoque un animal, « Telitsou »). On peut voir, à travers cela, une allusion au service de D.ieu du Chabat, qui est plus élevé que les jours de semaine, et qui permet un raffinement de l’âme animale, du corps, et de la part du monde qu’il nous appartient d’élever. »

Ya Prapov Svayou Telitsou, Robatou / Par la boisson j’ai perdu ma génisse, j’ai perdu mon travail

« Le chant est globalement constitué de deux parties : une partie qui traite du travail concernant son corps et son âme animale, et une partie qui traite du travail concernant la part du monde que l’on se doit de raffiner.

La première fois que l’on chante, l’on évoque « Telitsou », un veau, c’est-à-dire un animal, faisant ainsi allusion à l’âme animale et au corps.

Le seconde fois, en revanche, on mentionne « Robatou », c’est-à-dire un travail, faisant allusion à l’ensemble de l’œuvre consistant à raffiner la part du monde qui revient à chacun. Ceci s’accomplit à travers les 39 travaux profanes, sur lesquels s’appliquent le verset : « Et l’Eternel ton D.ieu te bénira dans tout ce que tu feras », c’est-à-dire en faisant pénétrer le nom Divin « Havayé » (le Tétragramme – ndt) dans toutes les activités de ce monde, à travers le nom Divin « Elo-him ». Tout cela permettra alors de créer, à partir des objets matériels, une demeure pour D.ieu dans les mondes inférieurs. Afin de parvenir à cette fin, il fera en sorte de sortir dès à présent de toutes les limites, et d’« abreuver », d’« enivrer » sa vitalité et sa part dans le monde, par les sujets ayant trait à la Torah et aux Mitsvot. »

Treba Znati Yak Gouliati, Yak Bre’hati / Il faut savoir comment se divertir, comment communiquer

« Ces paroles du nigoun signifient qu’il faut savoir de quelle manière se réjouir et boire, et qu’il faut savoir de quelle manière parler.

Se réjouir et boire désigne le fait que le « vin qui enivre » doive apporter le bénéfice escompté, c’est-à-dire le dévoilement de l’amour caché.

Savoir comment parler désigne le fait que cet amour qui se dévoile grâce aux mots de la prière – c’est-à-dire la parole – doive permettre l’étude des « mots de la Torah », ainsi que la pratique des Mitsvot. Tout ceci en ayant l’intention de procurer encore plus de plaisir à D.ieu… »

Oy, ‘Hechbon Tsédek Otdavati, Fred Fanom ‘Hazianam Atvetchati / Oh! Nous devons établir un juste bilan, et devant le châtelain se justifier

« Le chant exprime le déversement de l’âme, du fait que l’on ait négligé toutes les opportunités qui se sont présentées jusqu’à présent, au point qu’il ne reste que quelques instants de libre. Ainsi, l’on réfléchit afin de trouver la meilleure manière de « boire », afin de pouvoir accomplir ce qui ne l’a pas été. L’essentiel, ici, est le fait que l’on crie d’une voix forte : « Oy ! ‘Hechbon Tsédek ! ». »

Ah, Mi Piem Da Piem Da Mi Gouliaem / Venons, buvons… Buvons et réjouissons-nous

« Nous avons évoqué, tout à l’heure, le nigoun que les ‘Hassidim chantaient en Ukraine, et dont le contenu essentiel concerne la manière de boire de l’alcool (c’est-à-dire à Sim’hat Torah bien sûr, puisque, dès le lendemain de la fête, le fait même de boire de l’alcool est exclu. En effet, le fait de boire de l’alcool est réservé à certains jours particuliers, et ce, avec mesure et limite, uniquement afin d’apporter les bénéfices nécessaires au service de D.ieu).

Il faut donc expliquer à présent le sens d’un passage de ce chant : « Nous buvons du vin comme de l’eau » :

Il y a lieu d’expliquer cela en s’appuyant sur ce qui est décrit dans le discours de l’Admour Hazaken qui évoque les différences qui existent entre le vin et l’eau durant la fête de Souccot. En effet, durant les sept jours de fête, l’on effectuait des libations d’eau en plus des libations de vin qui avaient lieu durant le reste de l’année.

Les deux sujets sont liés l’un à l’autre, puisque les libations d’eau figurent en allusion dans la même section de la Torah que les libations de vin, et de plus, elles sont réalisées au même moment. L’enseignement que l’on peut en tirer est le suivant :

Le vin représente les éléments du service de D.ieu qui sont accomplis avec « goût », que l’intellect comprend, et qui lui procurent ainsi du plaisir. Ces libations de vin devaient être offertes à D.ieu chaque jour, tout comme les sacrifices communautaires, pour lesquels tous les enfants d’Israël s’associaient. Cela signifie que l’on doit reconnaître et ressentir que l’intellect (c’est-à-dire le vin, le goût) doit être offert à D.ieu, qui « restitue son âme ». La raison à cela est la suivante : ce n’est que lorsqu’un Juif se rappelle qu’il est lié à D.ieu, à l’autel, et au Temple, par le fait d’accomplir des libations sur l’autel, qu’il peut résister aux attaques du mauvais penchant lors de son service de D.ieu, tout au long de la journée.

L’eau, en revanche, représente les éléments du service de D.ieu qui n’ont pas de « goût », pour lesquels on n’éprouve pas de plaisir, c’est-à-dire les décrets. Ces libations devaient être effectuées sur l’autel, mais pas chaque jour, uniquement de temps en temps. De fait, lorsque l’on accomplit une chose sans plaisir, puis qu’on la reproduit encore et encore, on peut en arriver à l’accomplir de manière machinale, automatique, ce qui n’est pas la manière d’accomplir une Mitsva de D.ieu.

C’est la raison pour laquelle les libations d’eau doivent avoir lieu de temps à autre : afin de rappeler au Juif que même les choses que l’on accomplit sans éprouver de plaisir constituent des Mitsvot par lesquelles on se lie à D.ieu. On doit ainsi les accomplir avec enthousiasme, peu importe si l’intellect les comprend ou non. Ce n’est, par ailleurs, pas étonnant de ne pas comprendre ces choses-là, étant donné que l’Intellect de D.ieu est sans aucune commune mesure avec l’intellect de l’Homme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’on agit avec un don de soi absolu lorsque cela s’avère nécessaire.

De plus, les libations d’eau sont effectuées en même temps que les libations de vin. Il faut voir ici une allusion au fait que les choses qui relèvent du vin (le goût, le plaisir) doivent être accomplies au même titre que les choses qui relèvent de l’eau. C’est là le sens des paroles : « Et nous buvons du vin comme de l’eau » : même les éléments du service de D.ieu qui sont accomplis avec « goût » et plaisir (comme le vin) ne doivent pas être réalisés par l’intellect, mais à la manière des décrets qui n’ont pas de « goût », ni de plaisir (comme l’eau).

Lorsque le service de D.ieu est réalisé de cette manière, de sorte que le vin soit comme l’eau, le but de la mission de l’âme est atteint, et l’on parvient alors à une joie grandiose. C’est là tout le sens de la joie de Sim’hat Beth Hachoeva, qui est précisément liée aux libations d’eau, comme il est écrit : « Vous puiserez de l’eau dans l’allégresse », et comme les Sages le mentionnent : « Celui qui n’a pas vu la joie de Sim’hat Beth Hachoeva n’a jamais vu de joie de sa vie ».

Et Toi, écoute depuis les Cieux…

« Le nigoun se termine sur la demande : « Et Toi, écoute depuis les Cieux », puisque le but final de toutes les choses ayant trait au service de D.ieu, des deux manières évoquées plus haut, est de bâtir une demeure pour D.ieu dans les mondes inférieurs, par le fait que D.ieu nous ouvre Sa réserve de Bien, et que cela s’exprime ici-bas dans ce monde matériel, le plus bas de tous.

Par cela, on cause de la joie Là-Haut, et D.ieu accomplit ainsi les désirs des enfants d’Israël pour le bien, afin qu’ils connaissent la réussite dans ce qui est lié au vin et à l’eau, ainsi que dans tous les autres domaines. Cela sera accompli à l’image du verset : « En toutes tes voies connais-Le », en sachant qu’en chaque endroit où l’on se dirige la Providence nous conduit afin d’accomplir la mission confiée par D.ieu, qui donne les forces nécessaires pour la réaliser avec joie et bon cœur. »

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