Ce chant ne comporte pas de paroles.
« Ce chant évoque le désir d’une gloire passée, et se termine par l’expression d’un intense espoir d’atteindre une situation plus élevée que la première. »
(Sefer Hanigounim, tome 3, page 61, Nigoun 302)
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Tout comme les années précédentes, après les Hakafot et le repas de fête, le Rabbi entra dans la synagogue, distribua de la vodka, et enseigna un nouveau nigoun. Avant qu’il ne commence à enseigner le chant, le visage du Rabbi devint des plus sérieux. Il déclara alors : « J’ai entendu chanter ce nigoun par des ‘Hassidim, et une histoire lui est associée ». Il raconta alors en détails la fameuse histoire de Shamil, et l’enseignement qu’elle recelait pour le service de D.ieu.
L’atmosphère était différente des années précédentes : tous les présents étaient très calmes et très sérieux. Et, de fait, le Rabbi parlait en sanglotant… Il entonna le nigoun, d’une voix basse et fine, et le chant était régulièrement entrecoupé de sanglots.
Après avoir chanté, le Rabbi appela le Rav Moché Téléshevsky, et lui demanda de répéter le nigoun. Mais Rav Moché eut du mal à le reproduire correctement. Le Rabbi chanta alors encore et encore, mais l’assemblée ne parvint pas à saisir le chant. Finalement, de la main, il fit signe d’arrêter, et retourna dans son bureau.
Cet événement durait habituellement environ quarante minutes, mais ce soir-là, il se prolongea pendant près d’une heure et demie.
Le Rav Na’houm Kaplan, qui était présent lors de cette scène, raconte :
« Le lendemain, sur le chemin pour aller prier au 770, j’ai rencontré la Rabbanite ‘Hanna (qui me connaissait). Elle se dirigea vers moi, et me demanda, avec intérêt, quel nigoun le Rabbi avait enseigné la veille. Je répondis simplement : « Shamil ». J’ajoutai que je ne connaissais pas encore le chant, mais que je savais cependant que le Rabbi avait beaucoup pleuré…
Lorsque nous arrivâmes au 770, j’ouvris la porte du Chalach (qui était auparavant une partie du 770 ndt), et elle y rechercha le Rabbi du regard. La foule était alors en train de chanter le passage de « Sissou Véssim’hou » (après la lecture de la Torah). J’ai alors donné une tape sur l’épaule de celui qui se trouvait devant la Rabbanite, il fit de même avec celui qui se trouvait devant lui, et ainsi de suite, jusqu’à ce que se forme un petit passage par lequel le Rabbi pouvait apercevoir sa mère. Son regard croisa celui de la Rabbanite, et il lui fit alors un signe de tête, puis continua à encourager le chant de l’assemblée. Elle se retira alors. »
Plusieurs heures passèrent jusqu’au farbrenguen, au cours duquel le Rabbi revint en détails sur l’histoire du nigoun, la voix toujours entrecoupée de sanglots :
« J’ai entendu ce chant, il y a un certain nombre d’années, chez des ‘Hassidim, ainsi que l’histoire qui lui est associée. Il y a 100 ou 150 ans environ, vivaient dans les montagnes de Caucase un certain nombre de peuplades. Elles étaient libres comme des oiseaux, et n’étaient pas soumises aux décrets du royaume. De fait, elles n’étaient même pas soumises à la culture de leur terre.
Mais lorsque le Tsar commença à étendre les frontières de son empire, il désira conquérir également les montagnes de Caucase. Cependant, il n’y parvint pas. Ses soldats étaient pourtant nombreux, ces peuplades étaient en infériorité numérique, et ses troupes possédaient des armes bien plus développées. Mais malgré tout, les montagnes se situant à une haute altitude, ils ne parvinrent pas à les vaincre. Le Tsar finit par avoir une idée : il demanda la paix à ces peuplades, et il fit un certain nombre de promesses à leur roi, dont le nom était « Shamil ». Par ce stratagème, ils finirent par capturer Shamil, et l’exilèrent au fin fond de la Russie.
Lorsqu’il était emprisonné, il pensait régulièrement à ses hauts monts, à l’époque où il était libre tel un aigle dans le ciel, sans les limites de la prison, ni même les limites de la culture, d’ailleurs. Et lorsqu’il éprouvait cet intense désir du plus profond de son âme, il chantait ce nigoun, commençant par un mouvement de désir, puis terminant sur une note d’espoir. »
Après avoir raconté l’histoire, le Rabbi continua :
« Il arriva qu’un Juif entendit ce chant. Il le traduit alors dans son « langage », et en fit une parabole pour illustrer la descente de l’âme dans le corps. Avant de descendre ici-bas, la Néchama se trouvait sous le Trône de Gloire. Et ceci constitue déjà une descente pour elle, puisqu’elle est issue d’un niveau encore plus élevé, dans lequel elle est parfaitement unie à D.ieu Lui-même.
Elle provient de « hautes montagnes », terme qui désigne les patriarches, qui représentent les attributs divins de ‘Hessed (la bonté), Guevoura (la sévérité), et Tiféret (l’harmonie) tels qu’ils se trouvent dans le monde d’Atsilout (le monde spirituel le plus élevé – ndt), et parfois encore plus haut que cela : de ces mêmes attributs tels qu’ils se trouvent avant le Tsimtsoum (contraction par laquelle D.ieu a créé le monde – ndt). On comprend aisément que l’âme y était parfaitement libre, sans aucune autorité extérieure. Elle fut ensuite arrachée de sa source, et envoyée ici-bas, pour s’habiller d’un corps et d’une âme animale.
C’est la raison pour laquelle, lorsque l’âme réfléchit à sa Source, elle réveille en elle une soif intense, « Tsama Le’ha Nafchi » (« Mon âme a soif de Toi »). Certes, il est vrai que cette descente a pour but de parvenir à l’élévation qui résulte de son service de D.ieu ici-bas précisément, mais il n’en reste pas moins qu’entre temps, il s’agit d’une chute vertigineuse.
Ainsi, chacun connaît son niveau spirituel, et même si quelqu’un accomplit la Torah et les Mitsvot, il est possible qu’il le fasse de manière machinale. Et même s’il le fait avec amour et crainte de D.ieu, il est possible qu’il lui manque la joie. Et même s’il possède un peu de joie, il est possible qu’il lui manque le bon cœur, c’est-à-dire la joie intense. Et même le Tsadik, le Juste parfait qui sert D.ieu avec crainte, amour et plaisir, demeure une entité à part entière, qui craint D.ieu et sert D.ieu [mais n’est pas uni parfaitement à D.ieu]. Il demeure une « existence qui aime », puisqu’il est limité par son corps, et ne peut pas déployer ses ailes comme le fait l’aigle dans le ciel.
A plus forte raison en ce qui concerne quelqu’un qui est éloigné de ce niveau ! Et même s’il accomplit la Torah et les Mitsvot, il le fait avec beaucoup de difficultés, et rencontre des obstacles et des embûches de toutes parts. On comprend ainsi la soif intense et le désir de cette âme envers sa Source. Ceci constitue le début du nigoun : la soif et le désir de la Néchama. La seconde partie, en revanche, constitue l’espoir et la certitude qu’elle parviendra finalement à sortir du puits profond que constitue le monde, et de s’élever encore plus haut que sa Source première, afin de « se fondre dans le corps du Roi », c’est-à-dire s’unir à D.ieu intégralement.
Après que l’on ait chanté le nigoun, le Rabbi ajouta :
« En vérité, même au début de ce chant, qui exprime un désir intense, l’on peut percevoir la délivrance d’un homme libre. En effet, lorsqu’un homme est profondément libre, alors même lorsqu’on l’emprisonne, ce sentiment de liberté demeure perceptible. Ceci est à l’exemple d’un fils de roi, qui, même en prison, est reconnu comme étant un fils de roi. Ainsi, en est-il de même concernant la Néchama ici-bas : même lorsqu’elle se trouve dans ce monde-ci, l’on peut percevoir sa liberté, ce niveau de largesse divine. Et c’est cela qui lui donne la force d’accomplir sa tâche dans ce monde, sans s’impressionner des différents obstacles qu’elle rencontre. Ainsi, grâce à cela, elle connaitra l’élévation suprême : s’élever et s’attacher à l’Essence de D.ieu. »
Le lendemain, lors du farbrenguen de Chabat Béréchit, le Rabbi précisa cette parabole et l’enseignement qu’elle renfermait, la voix, encore une fois, entrecoupée de sanglots. Lorsque l’on chanta le nigoun, il fit remarquer et corrigea les erreurs de l’assemblée. Il expliqua alors :
« Lorsqu’un nigoun a pour thème la force, alors le ton doit aller en augmentant. Mais lorsqu’un nigoun a pour thème un désir divin nostalgique, alors c’est le contraire : plus l’on ressent le désir et la soif de D.ieu, moins l’on ressent sa propre existence, et ainsi le chant devient de plus en plus silencieux, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus être exprimé par aucun son.
En ce qui nous concerne, ce nigoun est un chant de désir, comme nous l’avons expliqué durant Sim’hat Torah, et les ‘Hassidim l’ont comparé au languissement de l’âme du fait qu’elle se trouve enfermée dans le corps et l’âme animale. Puisqu’il en est ainsi, lorsqu’on le chante, le ressenti de son corps et de son âme animale vont en diminuant, et la soif intense de Divinité augmente. Le ton doit donc diminuer jusqu'à devenir de plus en plus silencieux.
Et même si l’on ne ressent pas ce désir, en ce qui concerne un chant, il faut, de toute façon, le chanter de la manière qui convient. A l’image de ce qui est écrit dans le Tanya : « Que le sot ne se montre pas comme tel aux yeux de tous etc. ». Il en va de même en ce qui concerne notre sujet : peu importe ce qu’il ressent durant le chant, il ne faut pas chanter ce nigoun à la manière de « Kol Nidrei » (la prière d’ouverture du jour de Yom Kippour – ndt), pour lequel on augmente le ton, bien au contraire. » Il demanda alors à ce que l’on chante de nouveau le nigoun, de la manière qui convient.
Par la suite, le Rabbi expliqua encore :
« Lors du Chabat Parachat Noa’h 5693 (1932), mon beau-père et maître, le Rabbi, récita le discours ‘hassidique intitulé : « Attache l’avertissement, et grave l’enseignement en mes disciples », dans lequel il expliqua la différence entre, d’une part, un désir divin nostalgique, qui va parfois jusqu’à une « étreinte » divine, et, d’autre part, une intense amertume. En effet, le désir divin n’est nostalgique que lorsque l’on connaît ce à quoi on aspire, tandis que l’intense amertume est également possible lorsque l’on ne connaît pas ce vers quoi on tend. C’est le sens de ce qui est dit : « D.ieu du monde, par Ta grande miséricorde, aie pitié de nous ! ».
Par ailleurs, il serait judicieux de remarquer que cela – c’est-à-dire le fait que l’on n’éprouve de désir qu’envers ce que l’on connaît – permet d’établir le devoir, pour chacun, d’étudier la profondeur de la Torah. Il est, de fait, expliqué dans les livres écrits par les philosophes Juifs, que l’on ne peut ni aimer, ni craindre ce que l’on ne connaît pas. Maïmonide explique d’ailleurs que « Le meilleur moyen d’en venir à L’aimer et à Le craindre est de méditer à la grandeur de Ses actions et de Ses créatures ». Cela signifie que l’on ne peut éprouver d’amour et de désir pour la Divinité que par le fait de méditer à Lui, par le fait de Le comprendre, ou, du moins, comprendre Ses actions, ou même simplement comprendre celles qui concernent directement l’Homme. S’il en est ainsi, nous sommes alors astreints à l’étude de la profondeur de la Torah, telle qu’elle est développée dans la ‘Hassidout, puisque ce n’est que grâce à cette étude que nous pouvons parvenir à accomplir le commandement de L’aimer et de Le craindre comme il se doit.
On peut à présent comprendre le désir intense et nostalgique de l’âme, qui aspire aux « hautes montagnes » (comme nous l’avons expliqué en relation avec le nigoun) : celle-ci désire atteindre un niveau spirituel qu’elle connaît, c’est-à-dire celui qui était le sien avant sa descente ici-bas. Mais elle ne peut absolument pas aspirer à un niveau qu’elle n’a jamais connu auparavant.
L’âme peut désirer atteindre des niveaux spirituels particulièrement élevés, y compris les niveaux qui précèdent le Tsimtsoum (la contraction de Divinité qui donna naissance à l’enchaînement des mondes – ndt), et même encore plus haut que ceux-ci. En revanche, en ce qui concerne l’Essence de D.ieu, aucun désir n’est possible puisque l’âme n’a jamais connu ce niveau.
Même s’il est vrai que chaque âme Juive prend sa source dans l’Essence-même de D.ieu, elle ne peut pas connaître ce niveau divin puisque lorsqu’elle se trouvait incluse en l’Essence de D.ieu, elle ne possédait pas d’existence propre, et ne portait même pas le nom d’ « âme ».
Néanmoins, en ce qui concerne le niveau du reflet de D.ieu, avec lequel l’âme n’a aucun rapport lorsqu’elle se trouve ici-bas, elle peut malgré tout aspirer à ce niveau, du fait qu’elle l’ait côtoyé après avoir pris le statut d’âme à proprement parler.
Ainsi, lorsque cette âme descend ici-bas, et aspire à retrouver sa source, c’est-à-dire la lumière divine qui précède le Tsimtsoum, on lui explique que cette chute a pour but une élévation si grande, que c’est uniquement en passant par celle-ci que l’on peut atteindre l’Essence de D.ieu.
C’est ceci qui est porté en allusion dans la dernière partie de ce nigoun, c’est-à-dire l’espoir de parvenir à un niveau encore plus élevé que celui qui précéda la chute. Cependant, on parle bien, ici, de l’Essence de D.ieu, que l’âme ne connaît pas, et qu’elle ne peut donc pas désirer, comme nous l’avons expliqué. Le fait de savoir qu’elle atteindra finalement l’Essence de D.ieu ne peut donc pas assouvir son aspiration ! En effet, une chose pour laquelle on ne peut pas éprouver de désir n’assouvira pas le désir que l’on éprouve effectivement ! Malgré tout, cela permet au Juif de ne pas se départir de son existence physique du fait de son intense désir divin.
Effectivement, du fait de son intense soif en D.ieu, l’on pourrait se départir de sa propre existence, et oublier sa mission ici-bas, dans le corps. Mais lorsque l’on a connaissance du fait que la chute a pour unique but de s’élever encore plus haut, et que c’est uniquement par le travail dans ce monde que l’on peut atteindre l’Essence de D.ieu, alors cela a pour effet (malgré le fait que cela n’assouvit pas son désir, puisqu’il n’a aucune compréhension de ce que cela implique) de permettre de garder son enveloppe matérielle afin d’accomplir le service de D.ieu ici-bas, et de faire de ce monde une demeure pour Lui.
Cette idée est particulièrement liée à la conclusion du mois de Tichri : en effet, lorsque l’on quitte ce mois, et que « Yaakov retourne sur son chemin », c’est-à-dire que l’on retourne à ses occupations profanes, alors il faut se rappeler que ce sont bien ces dernières qui constituent notre mission, même si, pour cela, on doit quitter tous les dévoilements divins inhérents au mois de Tichri. »
Lors du farbrenguen du jour de Pourim 5719 (1959), le Rabbi entonna, seul, le nigoun, avec un ton très haut, et une ferveur accrue. Il réitéra trois fois de suite, les ‘Hassidim chantant, passage après passage, après le Rabbi. Même à cette occasion, près de six mois après qu’il ait enseigné ce chant, le Rabbi corrigea à nouveau les erreurs commises lorsque les présents chantaient le nigoun. Par la suite, tout au long des années, les ‘Hassidim le chantèrent régulièrement, lorsque le Rabbi leur en faisait le signe.
En 5726 (1966), sortit le cinquième disque « Ni’hoa’h », dans lequel figurait le nigoun Shamil, chanté par le Rav Moché Téléshevsky. Lors du farbrenguen du Chabat Parachat Balak de cette même année, le Rabbi se tourna vers Rav Moché, et lui demanda de le chanter. Ceci se reproduisit à plusieurs occasions, et le jour de Pourim 5727 (1967), le Rabbi chanta même avec lui.
Avant que le disque ne sorte, le Rabbi avait demandé d’enregistrer le nigoun, accompagné de violon. Dans le disque « Nigounei ‘Habad » n°11, le chant figurait également avec un accompagnement au violon.
Lors de l’année 5720 (1960), le jour du 20 Mena’hem Av tomba Chabat. Le Rabbi prit bien entendu le rôle d’officiant (en effet, cette date marque l’anniversaire du décès de son père, date à laquelle l’on se doit de prendre le rôle d’officiant, durant les prières publiques). Lors du chant « Kel Adon », de la prière du matin, lorsqu’il arriva au passage « Péer Ve’havod », le Rabbi chanta avec une voix profonde et fervente les paroles sur l’air du nigoun Shamil.
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Récemment a été découvert un objet historique éclairant davantage l’histoire de Shamil. Un livre relatant la vie des habitants des monts de Caucase dévoile les choses suivantes :
Dans les montagnes de Caucase vivaient un certain nombre de peuplades, pour la plupart religieuses, appartenant à plusieurs religions, qui préféraient se séparer du monde et vivre leur foi avec sérénité. Dans ces montagnes se trouvait une ville du nom de Guymeri (située actuellement en Arménie).
Shamil, né en 1797 selon eux, était un brigand et un guerrier. Il se fit connaître très jeune en tant que tel, et sa renommée se répandit parmi tous les habitants de la région. Avec le temps, il fut choisi en tant que guide spirituel et politique : « le Chef de Caucase et de Tchétchénie ».
Le Tsar de Russie, Nicolas Ier, désira étendre son empire aux territoires avoisinants, et leur fit donc la guerre. Les peuplades qui habitaient le Caucase s’unirent alors entre elles sous la direction de Shamil, et combattirent l’armée russe. Ils parvinrent à repousser les Russes de ville en ville, et résistèrent à cette terrible armée pendant 15 années de rudes batailles.
Les tribus, ainsi unies, avaient réussi, au fil des années, à capturer des membres de la famille de l’empereur. L’armée Russe parvint finalement à conquérir un certain nombre de territoires étendus, et pour cela tuèrent beaucoup d’hommes parmi les peuplades. Après ces combats éprouvants et tout ce bain de sang, Shamil décida qu’il était temps d’arrêter la guerre. Il se rendit, à cheval, vers le camp des soldats russes, et leur transmit ses armes, puis leur demanda à parler personnellement au Tsar, accompagné d’une garde lourdement armée. Les soldats le conduisirent vers le souverain, et, tout au long de la route, tous les paysans observaient avec stupeur le terrible guerrier qui leur avait résisté jusque-là.
L’empereur le reçut comme il convient, lui offrit une maison et une bibliothèque. Cependant, Shamil était prisonnier : il ne pouvait pas en sortir. Il était, en vérité, captif entre les mains du Tsar. La guerre prit fin à l’avantage des Russes, tandis que Shamil désirait ardemment son ancienne vie de liberté dans la montagne.
Il exprima ses sentiments dans un chant qu’il composa lors de sa captivité, du fait de sa souffrance. Les dix dernières années de sa vie, son visage, qui avait toujours paru jeune, se transforma très vite en un visage de vieillard : il était méconnaissable. Le chant qui porte son nom était connu parmi les gens de Kiev, et il est très probable que les ‘Hassidim de cette ville soient les premiers à l’avoir entendu.
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Le 6 Tévet 5719 (1958), le Rav Reouven Dounin entra en yé’hidout (audience privée – ndt) chez le Rabbi, et lui demanda : « Le Rabbi a comparé l’histoire de Shamil à la descente de l’âme. Si l’on a finalement réussi à tromper Shamil, alors est-ce à dire qu’il existe une descente complète pour l’âme ? »
Le Rabbi lui répondit : « L’âme divine retourne toujours vers sa Source. Et lors de ses élévations, elle redescend une seconde et une troisième fois, pour combler des manques spirituels. Toute l’histoire de Shamil n’eût lieu que pour cette parabole. Shamil fut créé afin que nous vienne ce chant et l’enseignement qu’il renferme pour le service de D.ieu. Nous devons œuvrer à la manière dont le nigoun se termine : avec l’espoir de revenir.
Ainsi, l’âme s’élève sans cesse, et même lorsque, D.ieu nous en préserve, elle trébuche et faute, à D.ieu ne plaise, il faut continuer à être joyeux, car telle est la Volonté de D.ieu, Béni Soit-Il. »
(Mikdach Méle’h, Volume 2, page 418)