Samedi, 25 juin 2016

  • Behaaloté’ha
Editorial

 Le soleil, le bonheur et soi-même

C’est à présent que l’on commence à penser sérieusement à l’été. Même si le soleil et le ciel ne sont pas toujours aussi radieux qu’on l’aurait souhaité, le calendrier, avec son infini déroulement des jours, est là pour en donner l’assurance : nous entrons dans cette saison que le climat comme les habitudes sociales nous ont habitués à espérer avec constance. Ne nous souhaitons-nous pas traditionnellement un été en bonne santé ? Mais, au fait, pourquoi tant d’attention portée à ce qui n’est qu’une des saisons de l’année ? Pourquoi s’y attacher plus qu’à toute autre ?

Bien sûr, la chaleur plus agréable, la lumière du jour plus joyeuse y sont pour quelque chose. Mais c’est sans doute un autre facteur qu’il convient de relever ici comme déterminant : la proximité croissante des vacances. L’été est cette période littéralement fabuleuse où chacun s’apprête à disposer de cette denrée de plus en plus rare dans notre modernité : du temps libre. Alors, quand il revient, c’est d’abord cette perspective de liberté retrouvée que nous saluons, avec ses promesses de bonheur. Reste alors la question persistante et essentielle : que faire de cette liberté nouvelle ?

L’été est cette époque de l’année où le soleil est plus fort. De ce fait, les mois qui le constituent ont fini par être voués, par le monde tel qu’il va, à une sorte de culte spécifique fondé sur le corps et l’astre solaire accompagnés par des éléments tels que la mer ou la montagne. C’est ainsi que, au gré des conquêtes sociales, les vacances se sont étendues, dans la vacuité impliquée par leur dénomination, à l’ensemble des sociétés. Devenues temps d’oubli, elles incarnent une sorte de bonheur postmoderne.

Pourtant, ne peut-on penser qu’elles sont un privilège, même s’il est largement partagé ? Ne peut-on penser qu’elles contiennent des potentialités encore négligées ? Ne peut-on, enfin, les prendre pour ce qu’elles sont : un espace où tous les rêves peuvent s’accomplir, un espace qu’il appartient à l’homme de remplir, loin justement du vide accoutumé ? Un temps pour soi et sa famille, un temps pour prendre conscience et se ressourcer, un temps pour l’étude et la réflexion. Si précieux que les générations précédentes ne l’ont pas connu. L’été revient, sachons en faire un temps de splendeur !

Etincelles de Machiah

 Au bout d’un acte simple

Nos Sages enseignent : «La Tsedaka est grande qui rapproche la Délivrance.» C’est dire que, outre son importance en soi, ce commandement possède une propriété particulière dont on mesure toute la portée : donner la charité hâte la venue du Machia’h.

Or nous ne savons pas à quel point ce principe s’applique. Il est donc parfaitement possible que tout ce qui manque pour que Machia’h vienne soit seulement le don de quelques pièces de monnaie ! 

(D’après un commentaire du Rabbi – ‘Hanoucca 5752)

Vivre avec la Paracha

 Beaalote’ha

 Résumé

Aharon est enjoint de «faire monter» la lumière dans la lampe de la Menorah et la tribu de Lévi est initiée au service du Sanctuaire.

Un «second Pessa’h» est institué en réponse à la pétition d’un groupe de Juifs qui n’avaient pu apporter le sacrifice pascal, au moment approprié, parce qu’ils étaient rituellement impurs. Ils s’exclament : «pourquoi en serions-nous privés ?».  D.ieu indique à Moché les procédures des voyages et des campements dans le désert et le peuple part, par formations, du Mont Sinaï où ils avaient campé presqu’une année.

Le peuple est mécontent du «pain du Ciel» (la manne) et demande que Moché leur fournisse de la viande. Moché consulte les 70 Anciens, auxquels il a transmis son esprit saint, pour qu’ils l’assistent dans l’épuisante tâche de gouverner le peuple.

Miryam parle en termes critiques de son frère Moché. Elle est punie par la lèpre. Moché prie pour sa guérison et la communauté entière attend sept jours jusqu’à ce qu’elle guérisse.

 

La Paracha de cette semaine relate que D.ieu commanda à Moché de faire offrir le sacrifice pascal par le peuple juif, dans le désert. Cependant, certains membres étaient rituellement impurs et ne pouvaient donc participer à cette offrande. Ils s’adressèrent à Moché, lui demandant :

«Pourquoi serions-nous laissés de côté ? Donne-nous une chance de participer à ce service».

Moché ne répondit pas de lui-même mais rapporta leur demande à D.ieu Qui répondit par l’affirmative, leur disant qu’il leur serait donné une seconde chance pour offrir ce sacrifice, un mois plus tard.  Et bien plus que cela, cette dispense ne s’appliquerait pas à eux seuls mais deviendrait une Mitsva pour toutes les générations. Quand une personne était rituellement impure ou loin de Jérusalem, au moment de l’offrande du sacrifice pascal, elle avait une seconde occasion de le faire, un mois plus tard.

Souvent, lorsqu’ils parlent de cet épisode, les commentateurs mettent en lumière la sincérité de ceux qui firent cette requête. C’est parce qu’ils voulaient véritablement servir D.ieu que D.ieu leur donna cette opportunité. De la même façon, tout le monde devrait réaliser qu’il n’y a jamais lieu de se désespérer pour les sujets spirituels. Si le désir est sincère, il y aura toujours une seconde chance pour corriger les choses.

Ce passage présente une autre perspective qui vient du commentaire de Rachi.

Rachi enseigne que ce passage, comme toute la Torah, aurait dû nous être donné par Moché, mais étant donné que ces individus étaient méritants, c’est grâce à eux qu’il nous fut communiqué.

Le premier aspect nous enseigne que tout individu peut toujours s’élever au-dessus d’un niveau spirituel bas et aller de l’avant. C’est un enseignement extrêmement profond mais qui semble pâle lorsque nous comprenons la seconde idée : chacun d’entre nous peut devenir un intermédiaire pour révéler la Torah.

Qu’est-ce que la Torah ? La vérité Divine est absolue, immuable. Il semble donc qu’elle devrait être inaccessible à  l’homme. Mais une fois qu’elle a été enseignée, il peut la comprendre. Certes, mais être un intermédiaire pour sa révélation ! Cela paraît bien inabordable pour lui et permis à D.ieu seul. Et pourtant, nous voyons que ces hommes purent être les intermédiaires pour que soit révélé un passage de la Torah !

En réalité, cependant, c’est un schéma qui peut, et doit, être suivi par chaque individu. Nos Sages nous enseignent que le nom Israël, par lequel on connaît le Peuple juif, est l’acrostiche des mots hébreux

Yèch Shishim Ribo Otiyot LaTorah : «Il y a 600 000 lettres dans la Torah». Il y a 600 000 lettres et 600 000 âmes générales, ce qui implique qu’à chaque âme est désignée une lettre de la Torah, pour lui permettre de s’exprimer.

Cela signifie que chacun d’entre nous a pour but de révéler la vérité de D.ieu. Non seulement pouvons-nous partager la sagesse qui naît des difficultés de l’expérience humaine mais nous pouvons également nous élever au-dessus de notre humanité subjective et communiquer à autrui la sagesse de D.ieu.

Perspectives

Les textes de la Cabbale, le mysticisme juif, expliquent que ce qui précède constitue l’une des dynamiques qui gère le cycle de la réincarnation. A chaque personne est assignée une leçon (ou des leçons) de la Torah qu’elle a pour mission de transmettre à l’humanité. Son âme continuera à se réincarner jusqu’à ce qu’elle ait découvert cette leçon et l’ait partagée avec les autres.

A une plus grande échelle, ce schéma anime également l’élan vers la Rédemption, car ces mêmes textes mystiques expliquent que la Rédemption viendra en résultat de la révélation de la vérité de D.ieu dans ce monde, chacun révélant les enseignements de la Torah qui lui sont destinés. Quand le cadre sera établi, chacun révélant les enseignements de la Torah qui lui sont accessibles, Machia’h arrivera et révélera une toute nouvelle dimension de la vérité Divine.

Quand chacun de nous aspire à révéler la vérité divine qui appartient à sa destinée individuelle, non seulement il atteint un raffinement personnel mais il prépare également le monde, dans son ensemble, à sa perfection.

Le Coin de la Halacha

 Comment éduquer les enfants pendant les vacances ?

Le Rabbi indiqua une fois à des institutrices qu’elles devaient, avant la fête de fin d’année, demander à leurs élèves de donner une pièce à la Tsedaka avant la fête et une autre après la fête, en leur expliquant : «Un Juif ne veut ni ne peut être séparé de D.ieu !».

Passer l’été en paix, physiquement et mentalement, signifie déjà ne pas avancer le moment des vacances, donc fréquenter l’école même les derniers jours de classe…

Par ailleurs, il convient de se rappeler que les vacances ne sont pas une période de liberté mais de repos. C’est une période unique dans l’année où on peut mieux prier, prendre du temps pour étudier la Torah…

On encouragera les enfants à se rendre régulièrement à la synagogue pour prier avec la communauté : bien sûr, on veillera à leur apprendre à bien s’y comporter.

On révisera avec les enfants les lois concernant le respect du Chabbat, les bénédictions, le respect des parents, l’interdiction du vol et du mensonge : en effet, l’expérience prouve que ces lois sont particulièrement cruciales pendant les vacances. De plus, on encouragera les enfants à utiliser tout leur temps libre à étudier, en tout endroit et à influencer leurs camarades pour qu’ils agissent de même.

(d’après Rav Yossef Hartman – Ketsad Ne’hanè’h eth Yaldenou)

Le Recit de la Semaine

 Une éducation gravée dans le marbre

Dans l’Union Soviétique d’après-guerre, la plupart des gens ne réfléchissaient qu’à la façon dont ils pourraient mener une vie aussi normale que possible dans ces conditions. Nul n’imaginait même pas pouvoir un jour quitter ce pays et donc, chaque parent souhaitait que son enfant reçoive une éducation poussée : fréquenter l’école puis l’université et, ainsi, acquérir un métier pour la vie.

Mon père n’avait pas la tête dans le ciel. Il avait les deux pieds fermement posés sur le sol et était connu pour être pragmatique, terre à terre. Reb Mendel Futerfass l’avait une fois décrit ainsi : «Un homme intelligent n’est pas celui qui parle d’une façon intelligente, en racontant des anecdotes piquantes. Un homme intelligent est celui qui agit de façon intelligente. Et ton père était de ceux-là !».

Cependant, mon père insistait qu’à cette période, alors que des vents hérétiques soufflaient dans les rues et que le but principal du système éducatif était d’endoctriner la prochaine génération dans les idéaux du marxisme et du léninisme, il était dangereux d’envoyer un enfant à l’école. Selon lui, un enfant devait et pouvait maîtriser les connaissances de base (lecture, écriture, calcul) à la maison. Le reste de son développement intellectuel pouvait être obtenu par l’étude du Talmud et ses commentaires ainsi que de la ‘Hassidout – bien mieux qu’avec des études séculières.

«Quant à la Parnassa (le gagne-pain), il n’est pas nécessaire de s’inquiéter ! continuait-il en citant le dicton de nos Sages : «Celui qui donne la vie donne de quoi vivre !». Il n’est pas nécessaire que mon fils devienne ingénieur ou docteur. Il vaut mieux qu’il gagne sa vie de façon simple mais qu’il demeure un Juif loyal à sa foi, aux qualités de cœur et d’honnêteté traditionnelles. Il doit continuer la noble chaîne en or de notre Patriarche Avraham et la transmettre aux générations futures !»

Quand mon frère Berel grandit, mon père lui trouva un travail dans une usine, en espérant que, bientôt, il pourrait ouvrir une usine à lui. Berel apprit rapidement le métier et s’adapta à ce travail. Mon père ouvrit alors sa propre usine, ce qui nous permit de vivre jusqu’à ce que nous quittions le pays en 1971. Nombre de Juifs habitant alors comme nous à Samarkand mais aussi à Tachkent l’imitèrent et purent ainsi vivre à peu près normalement : on comptait parmi eux d’anciens diplômés d’universités en vogue…

De nos jours, il est courant de rencontrer des gens qui gagnent leur vie en exerçant un métier qui n’a rien à voir avec les diplômes qu’ils ont pu obtenir. Il est devenu habituel de changer de travail au cours de sa carrière professionnelle. Mais certains parents vivent encore avec la «maladie», l’obsession que leur enfant doit posséder des diplômes. Ce qui est important à leurs yeux, ce n’est pas dans quel domaine il est doué mais quel métier lui offrira le meilleur salaire. On peut trouver aujourd’hui des chirurgiens qui sont certifiés mais qui manquent de la précision et de l’adresse nécessaires pour une tâche aussi délicate et dangereuse. Que D.ieu nous préserve de ces professionnels bardés de diplômes !

Je connais un homme qui est responsable d’une société fournissant des programmes d’ordinateurs. Parmi ses nombreuses tâches, c’est lui qui engage des nouveaux employés. Il m’a confié un jour : «C’est incroyable ! J’ai engagé des gens qui possèdent des diplômes d’informatique d’universités prestigieuses. Mais ils ne sont pas aussi performants qu’un étudiant de Yechiva qui a passé des années à étudier le Talmud puis a suivi un cours de trois mois pour s’initier à l’informatique !».

Quand j’étais enfant, mes parents et d’autres gens comme notre professeur informel Reb Bentsion (Bentcha) Maroz tentaient de nous donner le sens des priorités à cet égard.

Un jour, un de nos camarades arriva dans notre «école» (une classe clandestine de ‘Héder située dans une cave…) et se vanta que sa mère l’avait inscrit dans une «vraie» école : ainsi il pourrait par la suite fréquenter l’université et devenir quelqu’un d’éduqué. «Et vous, demanda-t-il avec dédain, qu’allez-vous devenir ?»

Juste à ce moment, Reb Bentcha entra et entendit ce qu’il venait d’annoncer. A cette époque, nous étudions dans le livre de Devarim (Deutéronome), le verset suivant : «Marchez derrière Hachem votre D.ieu, craignez-Le… servez-Le et attachez-vous à Lui».

Reb Bentcha qui testait souvent les élèves se tourna vers le garçon en question et lui demanda d’expliquer le verset. L’enfant traduisit mot-à-mot mais Reb Bentcha fit une grimace et exigea qu’il en donne le sens véritable.

Il reprit le verset, l’expliqua aussi bien que n’importe lequel d’entre nous l’aurait fait mais Reb Bentcha n’était toujours pas satisfait et demanda qu’il s’y reprenne une troisième fois. Maintenant, nous pouvions comprendre par le ton de sa voix qu’il se retenait d’exprimer sa colère : il fit un geste menaçant, ordonnant à l’élève de bien regarder son livre. Nous, nous étions cloués de frayeur, ne comprenant pas où il voulait en venir alors que notre camarade avait, selon nous, donné la bonne traduction. Reb Bentcha s’écria alors avec son intonation et sa vigueur si typiques :

- Quel est le sens de ce verset ? Moi je vais te le donner !

Il continua avec le ton mélodieux caractéristique du ‘Hassid :

- Marchez derrière Hachem votre D.ieu signifie de marcher «seulement» derrière Hachem, votre D.ieu ! Craignez-Le : n’allez pas dans une école communiste ! Servez-Le : méprisez une école communiste ! (Et là, pour décrire ce genre d’écoles, il fit usage d’expressions que je ne peux me résoudre à retranscrire ici). Tu comprends maintenant le sens de ce verset ? Alors répète-le après moi !

Après une telle leçon, le garçon comprit qu’il n’aurait pas dû se vanter de son inscription dans cette école. Heureusement, l’atmosphère ‘hassidique dans laquelle ce garçon vivait exerça une influence positive sur lui et il devint un jeune ‘Hassid qui éleva une belle famille, avec des enfants et des petits-enfants remarquablement pratiquants.

Il m’arriva un jour une autre histoire. Durant le cours d’écriture, mon ami Morde’haï Goldschmidt avait oublié son encrier. Je n’ai pas voulu le laisser tremper sa plume dans mon encrier et lui fis remarquer qu’il aurait dû apporter le sien. Reb Bentcha remarqua la scène mais ne dit rien.

Un instant plus tard, il me demanda :

- Hilke, as-tu récité Modé Ani ce matin ? (Modé Ani est la première phrase que nous récitons en nous réveillant, pour reconnaitre et remercier D.ieu de nous avoir rendu notre âme après une nuit de sommeil).

- Oui, bien sûr !

- Alors explique-moi le sens de cette phrase.

Je le fis du mieux que je pus mais, bien sûr, Reb Bentcha m’interrompit et, avec le ton qu’il employait pour punir quelqu’un, il me gronda :

- Ce n’est pas comme cela qu’il faut l’expliquer ! Modé, c’est Bitoul, l’effacement de soi. Cela signifie que, quand ton ami te demande un peu d’encre, tu dois la lui donner !

Puis il continua à expliquer le reste de la phrase dans la même veine.

- Maintenant tu sais ce que signifie Modé Ani ?

Ces scènes étaient typiques de la méthode d’éducation ‘hassidique et sont restées gravées dans nos mémoires à vie.

Rav Hillel Zaltzman - Samarkand

Traduit par Feiga Lubecki