Samedi, 23 mars 2024

  • Vayikra
Editorial

 Et tout fut transformé !

Alors ue s’ouvre la semaine qui nous conduit à la fête de Pourim, nul ne peut oublier tout ce que la fête contient. En effet, bien qu’elle nous parle d’événements qui se déroulèrent il y a environ 2500 ans, elle a des accents étonnement contemporains. A cette époque, les Juifs se trouvent en exil après la destruction du premier Temple. Soumis au puissant empire perse, petite minorité au milieu d’une multitude de peuples et de cultures, ils se sont peu à peu imprégnés des visions de la société au sein de laquelle ils vivent, parfois au point d’oublier la grandeur et l’ancienneté de leur propre patrimoine spirituel, intellectuel et moral. C’est dans ce contexte que la pire menace qu’ils aient jamais affrontée dans leur exil apparaît : Haman, parvenu au sommet du pouvoir, trame un complot pour les exterminer. L’histoire est connue : le drame qui se noue, le filet qui semble se resserrer autour des Juifs, la ténacité de Morde’haï, le courage d’Esther, le don de soi assumé de tous les Juifs qui décident de ne plus rien céder à leurs ennemis, puis le triomphe final. Les ennemis du peuple juif sont balayés et ce qui devait devenir jour de tragédie devient jour éternel d’allégresse.

L’histoire est très belle et elle porte son message au travers des siècles. Mais un simple membre de phrase, au cœur du livre d’Esther, nous en révèle toute la puissance : « Et ce fut transformé ! » Le terme hébraïque résonne avec encore plus de force : tout passa dans le sens contraire veut-il nous dire. Cette inversion des événements est véritablement prodigieuse. Certes, l’histoire de Pourim se déroule sur plusieurs années, même si elle est résumée en un livre bref. Mais ce bouleversement que nul n’osait espérer interpelle. Quelle a pu en être la cause ? Comment comprendre ? C’est justement dans l’attitude héroïque de tous que l’on peut découvrir la réponse. Après des temps d’oubli est alors venu le temps de la conscience et celle-ci entraîne chacun, et tout le peuple assemblé, vers un destin historique nouveau, comme une renaissance.

En un temps d’incertitudes, ce récit parle à notre cœur autant qu’à notre raison. C’est dans notre élan, notre enthousiasme et notre confiance que nous trouverons les ressources infinies qui conduiront à la victoire. En cette période de Pourim, sachons nous en souvenir. La joie du triomphe ne dépend finalement que de la ferveur de tous ceux qui mènent cet éternel combat entre le Bien et le Mal. Jusqu’à la victoire ultime, celle de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 La Techouva par choix

Maïmonide enseigne : « La Torah a promis que finalement le peuple juif fera Techouva à la fin de son exil et il sera immédiatement libéré. » (Michné Torah, Hile’hot Techouva 7:5).

A la lecture de cet enseignement, il apparaît que le peuple juif fera Techouva de sa propre initiative, sans que D.ieu l’y ait contraint. Ainsi ce sera vraiment sa Techouva qui amènera la Délivrance. Pourquoi Maïmonide choisit-il cette approche ?

Dans les deux chapitres qui précèdent dans le Michné Torah, Maïmonide a abondamment souligné l’idée du libre arbitre. Puis il commence celui où se trouve la citation ci-dessus par les mots : « Puisque tout homme en a reçu la permission… il doit entreprendre de faire Techouva… » Il veut dire ainsi que l’homme doit s’efforcer à une Techouva sincère, qui procède de sa libre volonté et non d’une quelconque forme de coercition. Après avoir posé ce principe, Maïmonide poursuit : « finalement le peuple juif fera Techouva » : son retour à D.ieu sera décidément le résultat d’un libre choix.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. XXVII, p. 215)

Vivre avec la Paracha

 VAYIKRA

D.ieu appelle Moché depuis la Tente d’Assignation et lui communique les lois des Korbanot, offrandes animales et alimentaires apportées dans le Sanctuaire.

Elles incluent :

. « L’holocauste » (Olah), entièrement consacré à D.ieu, par un feu, en haut de l’autel.

. Cinq variétés d’ « offrandes alimentaires » (Min’ha), préparées avec de la farine fine, de l’huile d’olive et des encens.

. « L’offrande de paix » (Chelamim) dont la viande est consommée par celui qui apporte l’offrande, une fois que certaines parties en ont été brûlées sur l’autel et d’autres données aux Cohanim (Prêtres).

. Les différents types de « sacrifices expiatoires », apportés pour expier les transgressions commises de façon accidentelle par le Grand-Prêtre, toute la communauté, le roi ou un Juif ordinaire.

. « L’offrande de culpabilité » (Acham) apportée par celui qui s’est approprié, de façon indue, d’un bien du Sanctuaire, qui a un doute d’avoir transgressé une interdiction divine ou qui a commis une « trahison contre D.ieu » par un faux serment pour escroquer un autre homme.

Pas de sacrifices

Le Livre de Vayikra (Le Lévitique) consacre une grande partie de son contenu aux lois concernant les Korbanot, terme usuellement traduit par « sacrifices ». Cependant, une traduction plus exacte devrait plutôt proposer : « offrandes » ou « agents de proximité ».

Il existe une différence fondamentale entre ces deux traductions.

Un sacrifice renvoie à l’idée que nous permettons à quelque chose d’être détruit et « sacrifié » pour quelque chose d’autre.

Un soldat qui meurt au champ de bataille fait un sacrifice pour son pays. Nous sommes prêts à donner une vie pour en sauver beaucoup d’autres. Nous nous livrons à des actions qui consument notre temps, notre énergie et nos ressources dans un but à atteindre. Nous le considérons comme un sacrifice nécessaire qui permettra une issue plus favorable.

Le concept du Korbane suggère un message tout à fait différent. Nous ne déclarons pas que nous pouvons nous dispenser de la vie d’un animal mais plutôt que cet animal remplit la mission ultime pour laquelle il a été créé et ainsi, il se rapproche de D.ieu, avec la personne qui l’offre et par extension tout l’univers matériel. C’est donc l’antithèse même du sacrifice où l’on refuse à la personne ou à l’objet sacrifiés les bénéfices dont jouira celui pour qui l’on accomplit ce sacrifice.

La syntaxe correcte

Grâce à ce petit exercice de traduction, nous pouvons comprendre le sens profond d’une déclaration du Talmud en relation avec la terminologie qu’on utilise pour désigner un sacrifice. Théoriquement, on peut le faire de deux manières : l’on peut dire qu’un certain animal sera consacré « à D.ieu comme Korbane » ou un « Korbane pour D.ieu ». Bien qu’il s’agisse d’une toute petite différence syntaxique, le Talmud (Nedarim 10b) y attache une grande importance. En fait, l’on ne devrait pas utiliser la première formulation : « à D.ieu comme Korbane » mais l’on devrait dire « un Korbane pour D.ieu ». La raison en est que si l’on dit d’abord le Nom de D.ieu mais que l’on néglige de finir la phrase, on a prononcé le Nom de D.ieu en vain. C’est pourquoi il faut d’abord déclarer que c’est un Korbane puis mentionner qu’il est consacré à D.ieu. Certains commentateurs expliquent que la crainte est que le donateur change d’avis et renonce à offrir son Korbane ou qu’il meure avant d’avoir pu achever la phrase.

A première vue, ce souci paraît insignifiant ou « tiré par les cheveux ». Quels sont les risques qu’une personne en bonne santé, qui désigne un animal en guise d’offrande, meure avant d’avoir achevé sa déclaration ?

L’on peut proposer trois explications pour ce qui peut apparaître comme une préoccupation exagérée.

Un monde stable

La réponse simple consiste à dire que prononcer en vain le Nom de D.ieu constitue une transgression si grave - elle fait partie des Dix Commandements - qu’il faut aller aux extrêmes pour éviter de la commettre et ainsi exclure la plus infime possibilité de le faire. Nos Sages affirment (Chavouot 39a) que quand D.ieu prononça le troisième Commandement : « Tu ne prononceras pas Mon Nom en vain », le monde entier trembla. Le Nom de D.ieu est la force vitale de la création. Quand ce Nom est utilisé à mauvais escient, le fondement même de l’existence du monde est secoué.

Cela se relie directement à l’idée du Korbane. L’on dit que le Korbane est l’agent qui nous permet de nous rapprocher de D.ieu et qui, simultanément, rapproche D.ieu de nous. Tout comme la nourriture que nous absorbons empêche notre âme de quitter notre corps, un Korbane est, pour ainsi dire, « le pain de D.ieu », la nourriture spirituelle qui maintient la force vivifiante de D.ieu à l’intérieur de la création.

Un Korbane et le respect du Nom de D.ieu ont le même objectif : garder D.ieu dans ce monde et de ce fait, maintenir un monde stable.

Ainsi, respecter le Nom de D.ieu est une façon d’apprécier le rôle de D.ieu comme notre Créateur et Sustenteur, tout comme le Korbane peut atteindre cet objectif de rapprocher D.ieu de nous.

Une offrande animale

A un niveau plus profond, nous pouvons expliquer la raison pour cet extrême scrupule à ne pas prononcer le Nom de D.ieu, avant le mot Korbane, de la façon suivante :

On a l’habitude d’apporter un Korbane pour une transgression non intentionnelle. Cela suggère que la personne manque d’une certaine mesure de sensibilité par rapport aux sujets spirituels. Une brèche dans la loi, sans intention de le faire, peut être une irruption exceptionnelle et inhabituelle de son penchant vers le mal. Une violation de la loi non intentionnelle implique que l’on gravite vers la transgression, sans même réaliser que l’on a fait quelque chose d’inadéquat. Cela pointe du doigt l’âme animale plutôt grossière et non raffinée qui recouvre la sensibilité naturelle de l’âme divine. La personne prend conscience que son âme animale a pris le dessus.

Pour rectifier cette situation, on est requis d’apporter une offrande animale. Cela indique que la cause de la transgression est la nature rustre de l’âme animale qui a pu se développer et dominer la nature spirituelle de l’âme divine.

Et même si l’on n’a pas commis de transgression et que l’on apporte un Korbane volontaire à D.ieu, le fait que ce soit un animal indique qu’avec ce Korbane, il s’agit aussi de raffiner notre nature animale, pour pouvoir se rapprocher davantage de D.ieu.

Il en découle que lorsque cet individu a besoin de ce sacrifice pour recouvrer sa sensibilité, il est crucial qu’il sorte de son habitude pour le prouver, en évitant la moindre, la plus infime, la plus involontaire possibilité de Lui montrer un manque de respect, en prononçant Son Nom en vain. L’inversion de la syntaxe est en elle-même une partie du processus de repentance qui aide la personne à resserrer ses liens avec D.ieu.

Ainsi, montrer une telle sensibilité permet au processus du Korbane d’être beaucoup plus efficace.

D.ieu n’est pas une abstraction…

L’on peut offrir une troisième explication, allégorique, pour l’approche extrême de ne pas mentionner le Nom de D.ieu de peur que la personne ne change d’avis ou meure avant d’avoir pu prononcer le mot « Korbane ».

Quand l’on prononce : « à D.ieu pour Korbane », l’on se réfère à D.ieu comme dans le lointain, comme une abstraction. Quand D.ieu est considéré comme abstrait, il y a de fortes chances pour que la personne « change d’avis » ou « meure », au sens figuré.

« Mourir », statue le Zohar, est une métaphore pour désigner celui qui descend à un niveau inférieur. Et une fois que l’on est dans cette situation, il est possible que l’on ne soit pas capable de conclure avec le mot « Korbane » (qui signifie « rapprochement »). Cela signifie qu’il sera difficile de reconnaître son potentiel pour se reconnecter à D.ieu. Comment se rapprocher d’un Être lointain ?

L’approche adéquate consiste à prononcer d’abord le mot « Korbane. » Cela signifie que, d’emblée, nous reconnaissons qu’il est possible de se rapprocher. Cela signifie que D.ieu est accessible, que Sa Torah et Ses Mitsvot sont accessibles comme le déclare la Torah : « Cette chose t’est très proche, dans ta bouche et dans ton cœur pour l’observer ». Une fois que l’on a établi ces prémisses, aucun obstacle ne peut nous empêcher de nous rapprocher de D.ieu.

Pas plus que ne le sont Machia’h et la Rédemption

L’une des distinctions essentielles entre la période de la Galout (l’exil) et celle de la Guéoula (la Rédemption) concerne la sensibilité.

Depuis la destruction du Beth Hamikdach (le Saint Temple de Jérusalem) et le début de l’exil, nous avons été désensibilisés. Nous avons perdu le contact avec notre âme intérieure et nous nous sentons éloignés de D.ieu. Notre défi consiste à trouver le chemin du retour.

Il est un fait que jusqu’à ce que le Machia’h vienne et reconstruise le Beth Hamikdach, nous nous trouvons dans l’incapacité de rectifier cette situation en apportant un Korbane, au sens propre. Mais nous avons la possibilité d’apporter ses substituts : l’étude de la Torah et la prière. Chaque fois que nous étudions les lois du Beth Hamikdach et des offrandes, c’est comme si nous les apportions concrètement.

Cependant, l’offrande virtuelle de notre étude ne suffit pas. Nous devons également éviter le danger de mentionner le Nom de D.ieu avant de mentionner le mot « Korbane ».

Comment traduire cela dans notre vie ?

Tout d’abord, nous devons étudier les parties de la Torah qui mentionnent le Nom de D.ieu, c’est-à-dire Ses attributs et ce qui Le connecte à notre monde. Cela implique les enseignements de la ‘Hassidout qui se concentrent sur la manière de mieux comprendre le Nom de D.ieu, d’où à une meilleure compréhension de D.ieu, ce qui nous permet de ne pas y être insensibles.

Ensuite, nous devons imprégner notre Korbane virtuel d’une bonne dose de sensibilité. Pour cela, l’étude de la Torah est également la réponse car elle aide à modeler notre façon de penser et aide à ouvrir notre esprit à une réalité Supérieure et à une prise de conscience de la spiritualité.

Enfin, il faut aussi appuyer notre étude de la Torah sur des prières ardentes et insistantes pour la venue du Machia’h. Nous ne pouvons nous endormir en pensant que la Guéoula est lointaine et que c’est un but qui nous échappe. C’est équivalent à mettre D.ieu sur un « piédestal » et maintenir qu’Il est hors de notre portée. Nous devons considérer le Machia’h et la Rédemption comme à notre portée, devant le seuil de notre porte.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le lundi 22 avril 2024 à 11h 26, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.

Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, que l’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard l’avant-veille de Pessa’h, cette année dimanche 21 avril 2024.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.

Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le mardi 30 avril 2024 à 22h 00 (horaires valables en Ile-de-France).

Le Recit de la Semaine

 Pourim ou le principe de Murphy ?

On était à Milan en Italie, deux jours après Pourim 2006.

Rien ne se passait comme prévu, comme d’habitude. Pourim s’était passé avec son agitation et… Oups, nous avons réalisé, nous les étudiants de la Yechiva ‘Habad de Milan que nous avions oublié de distribuer les Michloa’h Manot (cadeaux de nourriture) aux enfants qui avaient fréquenté la colonie de vacances Loubavitch l’année dernière.

Nous avons donc étudié une carte de la ville pour prévoir un itinéraire de visites ce soir. En tout et pour tout, il y avait environ 40 bâtiments sur un rayon de quelques mètres carrés. Le responsable de notre groupe, de fait le rabbin de la ville, optimiste infatigable, nous garantit qu’en une heure et demie, nous aurions tout terminé. C’était jouable.

- Oh ! Au fait, il y a une famille, les Cohen qui habitent à quinze minutes de là. Peu de chances que vous puissiez arriver mais je vous le signale néanmoins avec un point sur la carte, au cas où…

Avec mon ami Israël, je me suis porté volontaire pour cette soirée de porte-à-porte. Nous sommes partis à 20 heures, avec l’espoir de rentrer vers 21h 30.

Depuis le moment où nous avons pris la route, rien n’a fonctionné comme prévu. Première maison : personne. Deuxième : elle dormait déjà. Troisième : l’adresse n’existe pas. Plutôt désespérant. Vous connaissez le principe de Murphy ? « Si quelque chose peut mal se passer, cela se passera mal » (ou en yiddish : le principe du Chlé Mazel, celui qui accumule les ratés). Bref Murphy carburait à toute allure ce soir-là.

Il était déjà 21h 10 et nous n’avions encore rencontré aucun de nos anciens de la colonie de vacances. Nous avions mal aux mains à force de porter ces lourds sacs. Et de plus, nous avons été forcés de reconnaître que nous étions perdus !

Nous nous sommes arrêtés pour étudier la carte : où étions-nous ? Ah, nous voilà ! Résultat : nous avons une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. Mauvaise nouvelle : nous étions bien loin de notre bloc de quarante bâtiments. Bonne nouvelle : nous n’étions qu’à cinq minutes de la seule maison que nous n’avions pas prévu de visiter.

Ok, donc cap sur la maison des Cohen, en espérant voir la réalisation du proverbe talmudique : « Qui change d’endroit change de Mazal (destin) ». Fatigués et découragés, nous avons réussi (ne me demandez pas comment) à localiser la rue des Cohen. Et nous nous sommes encore perdus ! Murphy nous poursuivait apparemment… Nous ne sommes arrivés chez les Cohen que tard dans la nuit.

Nous avons sonné en bas. Et oui ! Les enfants étaient à la maison ! Et encore réveillés ! Quel soulagement ! Nous nous sommes précipités dans l’ascenseur sans même demander quel étage et nous nous sommes encore perdus. En haut, en bas, nous avons tout de même réussi à trouver l’appartement.

La mère de famille nous a reçus chaleureusement et nous a offert à boire, avec des hamantashen, les biscuits traditionnels de Pourim (« les meilleurs de la ville », nous assura-t-elle). Elle nous a demandé de raconter l’histoire de Pourim avec quelques leçons à méditer, exactement ce pour quoi nous étions venus. Mme Cohen buvait nos paroles et en demandait encore et encore. Je finis par être à court d’inspiration (quelle honte… !), alors je lui racontai tout ce qui nous était arrivé ce soir-là, comment – en fait - nous n’avions pas prévu de venir dans cette maison mais, pour des raisons connues de D.ieu seul, rien n’avait fonctionné comme prévu, nous nous étions perdus et…

Soudain, elle éclata en sanglots ; tout son corps tremblait…

J’avais donc gaffé encore une fois ce soir ? L’avais-je vexée ? Comment étais-je supposé réagir maintenant ?

Au bout de quelques longues minutes, elle se calma un peu et parvint à nous raconter son histoire tout en continuant à essuyer ses larmes :

« Dernièrement, tout a déraillé. Mon mari m’a quittée et mes enfants ont beaucoup de mal à s’ajuster à cette nouvelle situation. De plus, je n’ai aucun moyen de subsistance et personne ne se propose de m’aider financièrement. J’avais l’impression que tout s’effondrait. Alors ce matin, désespérée, je me suis tournée vers D.ieu et je Lui ai demandé de m’envoyer un signe comme quoi Il se souvient de moi et me veut du bien. Toute la journée a passé et… rien. Puis vous, les deux étudiants de Yechiva, vous êtes arrivés. C’était sympathique mais ce n’était pas encore un signe ; puis vous m’avez raconté que vous n’aviez pas l’intention de venir, que vous vous étiez perdus, que c’était la seule maison que vous étiez persuadé ne pas visiter, comment personne ne vous avait répondu, comment vous êtes finalement arrivés chez moi… Là j’ai réalisé que D.ieu avait exaucé ma prière et m’avait envoyé un signe sous la forme de deux anges… Merci mon D.ieu de m’avoir envoyé ces deux anges ! ».

Elle s’était calmée, nous lui avons adressé toutes sortes de bénédictions (c’est bien là le rôle des « anges » n’est-ce pas ?) et nous sommes rentrés très tard ce soir-là. Nous étions tout aussi émus qu’elle – comme jamais auparavant, bien davantage que si nous avions passé une soirée normale – sans Murphy.

Après tout, ce n’était pas le principe de Murphy qui se vérifiait ce soir-là, c’était les mystérieuses voies de D.ieu qui étaient à l’œuvre… Comme toujours !

Rav Lévi Avtzon

Johannesburg - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki